ARRET N°
N° RG 22/00212 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKAJ
AFFAIRE :
M. [C] [V]
C/
S.A.S. ETOILE DE POMPADOUR SPORTS & WELLNESS DOMAIN
JPC/MS
Demande de résiliation ou de résolution judiciaire du contat de travail formée par un salarié
Grosse délivrée à Me Franck DELEAGE, Me Albane CAILLAUD, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
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Le huit Février deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [C] [V]
né le 22 Septembre 1973 à , demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Franck DELEAGE, de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d'une décision rendue le 28 FEVRIER 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BRIVE-LA-GAILLARDE
ET :
S.A.S. ETOILE DE POMPADOUR SPORTS & WELLNESS DOMAIN, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Albane CAILLAUD, de la SEARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de BRIVE
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 Décembre 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, assisté de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 08 Février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Madame Géraldine VOISIN, Conseillers et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La SAS Etoile de Pompadour Sports& Wellness Domain (la société Etoile de Pompadour) qui a pour actionnaires la famille [Y], industriels libanais, exploite un centre équestre et un hôtel restaurant de haut standing.
Le 5 juillet 2016, elle a engagé M. [V] en qualité de Chef cuisinier, statut cadre, pour une durée indéterminée, à compter du 26 juillet suivant. Dans le cadre de sa mission, le salarié devait concevoir et cuisiner les plats et menus mais également diriger les cuisines de l'établissement. Le contrat de travail prévoit que M. [V] devra réaliser quatre heures supplémentaires par semaine.
A partir du mois d'août 2017, suite au départ de la directrice, il va s'occuper également de la gestion de l'hôtel.
Par la suite, la société Etoile de Pompadour va rencontrer des difficultés économiques qui vont être majorées avec les effets des mesures administratives prises dans le cadre de la crise sanitaire.
Par courrier du 26 mai 2020, M. [V] a sollicité le paiement de rappels de salaire d'un montant global de 274 883,69 €, correspondant, à la majoration des heures de nuit et contrepartie obligatoire des heures supplémentaires effectuées en dehors du contingent annuel.
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Par requête en date du 29 juin 2020, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Brive-La-Gaillarde aux fins d'obtenir, d'une part, la condamnation de son employeur à lui payer divers rappels de salaire et d'autre part, la résiliation de son contrat aux torts de ce dernier ainsi que la condamnation de celui-ci à l'indemniser de la rupture du contrat.
Le 8 juillet 2020, l'employeur a engagé une procédure de licenciement économique dans le cadre de laquelle M. [V] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.
Par jugement du 28 février 2022, le conseil de prud'hommes de Brive a :
- dit que les manquements reprochés à la Société Etoile de Pompadour par M. [V] ne sont pas démontrés ;
- débouté M. [V] de l'ensemble des demandes de rappels de salaires ou demandes indemnitaires y afférentes ;
- débouté M. [V] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- condamné M. [V] au paiement à la société Etoile de Pompadour d'une somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré que le licenciement économique intervenu est fondé ;
- déboute les parties des demandes plus amples ou contraires.
M. [V] a interjeté appel de la décision le 16 mars 2022. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de décision, à l'exception de celui ayant débouté la société Etoile de Pompadour de ses demandes plus amples ou contraires.
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Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2022, M. [V] demande à la cour de :
- réformer le jugement dans l'ensemble de ses chefs critiqués ;
Statuant à nouveau, sur l'exécution du contrat de travail, de :
- condamner la société Etoile de Pompadour à payer à M. [V] :
172 859,95 € à titre d'heures supplémentaires sur les années 2017 à 2020 et 17 285,99 € au titre des congés payés y afférents ;
95 220 € net à titre de rappel de contrepartie obligatoire en repos et 9 522 € net au titre des congés payés y afférents ;
15 000 € à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;
15 093,07 € pour les heures de travail effectuées pour les 60 journées de repos sur les années 2017 à 2020 ;
6 803,74 € au titre des majorations de nuit sur les années 2017 à 2020 et 680,37 € au titre des congés payés y afférents ;
- dire que la société Etoile de Pompadour ne pouvait pas :
enlever 4 jours de congés au salarié sur la période du 16 mars au 21 mars 2020 ;
imposer 26 jours de congés payés au salarié sur la période du 1er au 30 avril 2020 ;
imposer 13 jours de congés payés au salarié sur la période du 1er mai au 19 mai 2020 ;
remettre le compteur des congés payés N-1 à zéro sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2020 ;
- ordonner la rectification sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant l'arrêt à intervenir, des bulletins de salaire des mois de mars, avril, mai, juin, juillet 2020 et août 2020 en faisant figurer :
sur le bulletin de salaire de mars 2020, un compteur N-1 à 76 jours et un compteur N à 25 jours ;
sur le bulletin de salaire d'avril 2020, un compteur N-1 à 76 jours et un compteur N à 27,5 jours
sur le bulletin de salaire de mai 2020, un compteur N-1 à 76 jours et un compteur N à 30 jours ;
sur le bulletin de salaire de juin 2020, un compteur N-1 à 76 jours et un compteur N à 30 jours ;
sur le bulletin de salaire de juillet 2020, un compteur N-1 à 76 jours et un compteur N à 30 jours ;
sur le bulletin de salaire du mois de d'août 2020, une ligne indemnité compensatrice de congés payés avec une base de 106 jours, un taux de 351,82 euros, avec un brut à payer à hauteur de 37 293,16 € ;
- condamner la société Etoile de Pompadour à lui payer la somme de 33 010,31 € brut à titre de reliquat d'indemnité de congés payés ;
Sur la rupture du travail, de :
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Etoile de Pompadour en raison des manquements graves et nombreux de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail ;
- condamner la même à lui payer les sommes suivantes :
33 867,80 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
25 400,85 € d'indemnité compensatrice de préavis et 2 540,08 € de congés payés sur préavis ;
50 801,70 € d'indemnité pour travail dissimulé ;
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations prononcées, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement ;
- condamner la société Etoile de Pompadour à lui régler la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les éventuels frais,d'exécution ;
- dire et juger que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation des intérêts échus.
A l'appui de son recours, il conteste avoir la qualité de cadre dirigeant et demande en conséquence le paiement des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées en faisant valoir qu'il a cumulé les fonctions de la directrice, après son départ, avec les siennes, sans modification du contrat de travail, de ses horaires ou de sa rémunération. Par ailleurs, il fait valoir qu'il n'a pas été rempli de ses droits quant à la contrepartie obligatoire. Il demande également un rappel de salaire concernant les jours de repos acquis mais non pris ainsi que les heures de nuit.
Il sollicite la réintégration des congés payés (notamment pour les 76 jours de congés acquis sur la période N-1, purement et simplement supprimés par l'employeur).
Il soutient que l'ensemble de ces manquements caractérisent à la fois un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de résultat, un travail dissimulé et une exécution déloyale du contrat de travail le fondant à en obtenir la résiliation aux torts exclusifs de ce dernier.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, la société Etoile de Pompadour demande à la Cour de :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- juger que les demandes de rappels de salaire de M. [V] sont infondées, l'en débouter ;
- le débouter de sa demande au titre du travail dissimulé ;
- le débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- d'une manière générale le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
- juger que le licenciement pour motif économique est fondé ;
- condamner M. [V] au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour accueillerait la demande de rectification des bulletins de salaire sur la période de mars à mai 2020, débouter M. [V] de sa demande en paiement d'un rappel de congés payés puisqu'il a bien perçu une somme correspondant aux congés payés sur les bulletins de salaire d'avril et mai 2020.
Elle soutient que M. [V] a dissimulé de nombreuses absences en profitant de ses responsabilités et de son statut de cadre de direction et que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à réclamer un rappel de salaire.
Elle conteste s'être rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié
Enfin, elle conclut au rejet de la demande de résiliation judiciaire qui n'est pas fondée en l'absence de manquements qui lui soit imputable.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
SUR CE,
I. Sur la demande relative à l'exécution du contrat de travail :
1. Sur l'application du statut de cadre dirigeant :
L'article L3111-2 du code du travail prévoit :
« Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »
Il est par ailleurs constant que les trois critères cumulatifs énoncés à l'article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres qui participe à la direction de l'entreprise.
En l'espèce, M. [V] reconnaît que sa rémunération était la plus élevée de l'entreprise.
Concernant l'organisation de son emploi du temps, son contrat de travail prévoit qu'il doit effectuer son temps de travail selon l'horaire en vigueur dans l'entreprise. Par ailleurs, il est prévu que l'employeur pourra lui demander d'effectuer des heures supplémentaires au-delà des quatre heures supplémentaires inscrites dans le contrat de travail, sans qu'il puisse s'y opposer puisque son accord est prévu par anticipation dans le contrat.
Les heures supplémentaires étaient décomptées par M. [V] qui les communiquait ensuite au cabinet comptable de la société. Le courrier électronique en date du 03 avril 2020 fait apparaître que l'employeur avait conservé son pouvoir de direction puisqu'il donne pour instruction à son salarié de ne plus générer d'heures supplémentaires et ce, même s'il n'apparaît pas qu'avant le début de l'année 2020, l'employeur ait effectué un contrôle précis du fonctionnement de son établissement.
Au regard de ces éléments, il ne peut être considéré que M. [V] disposait juridiquement d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps laquelle ne peut être confondue avec la liberté dont il a bénéficié en raison d'un déficit de contrôle de l'employeur qui résidait à l'étranger.
Par ailleurs, la liste de ses attributions telle que fixée dans le contrat de travail prévoit une large autonomie mais celles-ci sont liées exclusivement à sa mission de cuisinier. Cette autonomie n'est donc pas en lien avec des attributions relevant de la direction de l'entreprise.
À la suite, du départ de Mme [S], directrice, il a exécuté un certain nombre de tâches administratives concernant notamment la gestion du personnel puisqu'il était chargé du décompte du temps de travail et de la transmission de ces informations au cabinet comptable de la société. En revanche, aucun élément ne permet de considérer que ces tâches allaient au-delà de la gestion du temps de travail, des repos et des congés. Il ne disposait à cet effet d'aucune délégation de pouvoir concernant la discipline ou le recrutement du personnel.
Enfin, les témoignages produits par l'employeur font apparaître qu'il effectuait la facturation et était en charge des relations avec les fournisseurs. Ces tâches correspondent à celles qui étaient précédemment exécutées par Mme [S]. Néanmoins, il s'agit là de tâches subalternes qui ne relèvent pas du pouvoir de direction de l'employeur.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'apparaît pas que M. [V] remplissait les conditions prévues par l'article précité et, dès lors, le statut de cadre dirigeant ne lui est pas applicable. Il s'ensuit que le salarié peut réclamer l'application des dispositions relatives au temps de travail et au repos. La décision des premiers juges sera donc réformée de ce chef.
2. Sur les heures supplémentaires :
Il résulte des dispositions des articles L. 3121-27 à L. 3121-29 du code du travail que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine, que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent et que les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [V] produit à l'appui de sa demande un décompte précisant les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies chaque semaine.
Ces documents sont suffisamment précis pour que son employeur puisse y répondre.
Dans un courrier daté du 27 mai 2020, M. [V] réclame le paiement de 172'859,95 € brut au titre des heures supplémentaires accomplies du mois de juin 2017 au mois de mars 2020. Les données figurant en annexe de ce courrier sont conformes à celles figurant dans le tableau constituant la pièce n° 6 du dossier remis à l'audience par le conseil du salarié laquelle correspond à la pièce n° 5 de son bordereau. Il convient toutefois d'observer que cette pièce n° 6 qui n'est pas nominative, constitue simplement le récapitulatif des heures supplémentaires que le salarié prétend avoir accomplies.
Les données figurant dans ce document sont en revanche en contradiction avec celles transmises par M. [V] à la société KPMG chargée de l'établissement des bulletins de salaire. En effet, les données transmises par le salarié pour les mois de décembre 2019, janvier 2020 et février 2020 font apparaître qu'il a accompli 52 heures supplémentaires au-delà des 39 heures contractuelles au cours des deux premiers mois et 44 heures au-delà de la durée contractuelle en février 2020. Ces heures supplémentaires figurent sur les bulletins de salaire et il n'est pas contesté qu'elles ont été payées.
M. [V] établissait, sous sa seule responsabilité, les données transmises au comptable lesquelles étaient très en deçà de ce que, désormais, il prétend avoir accompli. En effet, dans son courrier du 27 mai 2020, il affirme que les heures supplémentaires accomplies au cours de ces trois mois se sont élevées respectivement à 260,5 heures, 261 heures et 264 heures. Le salarié ne fournit aucune explication concernant cet écart.
Par ailleurs, il convient de relever que, dans ses conclusions, M. [V] se réfère aux pièces suivantes :
- Pièces 4 à 4-146 : relevés horaires journaliers signés
- Pièces 6 à 6-10 : mails démontrant la transmission des tableaux d'heures supplémentaires l'employeur.
Toutefois, le salarié qui n'a pas communiqué ses pièces via le RPVA, a remis un dossier dont la cotation est non conforme à celle du bordereau de pièces communiqué par le RPVA et dans lequel celles-ci ne figurent pas.
De même, il apparaît que le salarié fait référence à un courrier électronique du 12 avril 2020 au moyen duquel il a transmis un relevé d'heures supplémentaires figurant en pièce jointe mais cette pièce jointe n'est pas fournie.
M. [V] soutient que les heures supplémentaires sont la conséquence des tâches qu'il a accomplies à la suite du départ de Mme [S]. Il produit de nombreux témoignages de salariés attestant qu'il s'occupait de la facturation, des relations avec les fournisseurs, des relations avec le comptable et qu'il était présent en permanence. Ces témoignages sont néanmoins peu précis concernant les horaires de travail qu'il a réellement accomplis, étant précisé qu'il était logé sur le domaine.
De son côté, l'employeur produit de nombreux témoignages qui mettent en doute l'importance de l'activité du salarié. Ainsi, les témoins attestent qu'il n'était pas présent tous les jours de la semaine, qu'il allait faire du sport pendant ses heures de travail, qu'il s'était organisé pour faire croire à sa présence en laissant les lumières allumées dans sa maison. Il ressort également de ces témoignages que l'activité du restaurant était limitée. Le maître d'hôtel et le réceptionniste attestent qu'il a refusé des réservations ou des séminaires alors même que le restaurant n'était pas complet. D'autres évoquent des parties de pétanque en journée faute de client.
L'employeur produit également les bilans comptables qui font apparaître que son activité a toujours été déficitaire. Ainsi, du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2019, ce déficit a été respectivement de -1 895 K€, de -844 K€ et de -855 K€.
L'examen des bilans permet de constater que le chiffre d'affaires du restaurant est passé de 120 K€ à 67 K€ entre 2018 et 2019 et que le chiffre d'affaires globale de l'établissement comprenant le restaurant, l'hôtel, le centre d'équitation et les prestations annexes couvraient seulement 60 % des salaires et des charges sociales. Ces éléments viennent confirmer l'existence d'une activité limitée telle que décrite par les témoignages produits par l'employeur.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas établi que M. [V] a effectué des heures de travail supplémentaires non rémunérées.
Cette demande sera donc rejetée ainsi que, par voie de conséquence, celle concernant la contrepartie obligatoire en repos pour l'ensemble des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.
3. Sur la réintégration des congés payés :
Selon, l'article L. 3141-13 du code du travail, les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Ces dispositions sont d'ordre public.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3141-16 qu'à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclus en application de l'article L. 3141-15, l'employeur définit après avis, le cas échéant, du comité social et économique la période de prise des congés.
Par ailleurs, aux termes de l'article D. 3141-5, la période de prise des congés payés est portée par l'employeur à la connaissance des salariés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période. Ces dispositions sont également d'ordre public.
Enfin, l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 prévoit qu'afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, par dérogation aux sections 2 et 3 du chapitre I er du titre IV du livre I er de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l'entreprise, l'établissement ou la branche, un accord d'entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
En l'espèce, il résulte du courrier électronique du 17 mars 2020 que l'employeur a donné pour instruction à M. [V] de fermer l'hôtel pour une durée de trois semaines à compter du lendemain et de placer en congés payés l'équipe de l'hôtel dont lui-même à compter de cette date, soit le 17 mars au soir.
L'employeur ne justifie pas avoir respecté les conditions prévues par les dispositions du code du travail précitées. Par ailleurs, dès lors qu'il ne disposait pas d'un accord d'entreprise ou d'un accord de branche, il ne pouvait imposer des congés dans les conditions de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020.
Il s'ensuit que M. [V] est fondé à demander la réintégration des jours de congé payé imposés irrégulièrement par son employeur à savoir : 26 jours de congés payés du 1er au 30 avril 2020 et 13 jours de congés payés du 1er mai au 19 mai 2020.
En revanche, il ne peut soutenir utilement que son employeur lui a retenu à tort 4 jours de congés du 16 mars au 21 mars 2020 alors qu'il résulte du courrier électronique du 17 mars 2020 que la décision de le placer en congé a pris effet le 17 mars au soir et que les 14 jours décomptés correspondent à la période du 18 mars inclus au 31 mars 2020. En effet, il ne peut prétendre avoir travaillé jusqu'au 21 mars en contradiction avec les instructions précises de son employeur. Le solde des congés N-1 s'élevait bien à 72 jours à la fin du mois de mars 2020.
Par ailleurs, s'agissant de la mise à zéro des congés figurant en année N-1 dans le bulletin de salaire du mois de mai 2020, il apparaît que le maintien ou le report desdits congés est régi par l'article 32 de la convention collective des centres équestres. Cet article prévoit que le salarié peut demander un report des congés payés acquis jusqu'au 31 décembre de l'année N-1. Or un tel report doit faire l'objet d'une demande écrite dans les conditions prévues par ledit article.
Il convient d'observer qu'aucun jour de congés n'a été décompté sur les bulletins de salaire du salarié de sorte qu'à la lecture de ces documents, il apparaît que M. [V] n'a pris aucun jour de congé du 5 juillet 2016 jusqu'au 29 février 2020.
L'examen du décompte établi par ses soins pour justifier sa demande d'heures supplémentaires fait apparaître des jours d'absence en semaine. Ainsi, par exemple, il a été absent 4 jours du 21 au 24 août et cette absence ne figure pas sur les bulletins de salaire. Or il est constant qu'il était seul chargé de donner les informations au service comptable, y compris celles le concernant en matière de repos, de congés et d'heures supplémentaires.
Les témoignages produits par l'employeur sont concordants en ce qu'ils font clairement apparaître que, d'une part, M. [V] s'absentait régulièrement pendant plusieurs jours et que, d'autre part, celui-ci avait mis en 'uvre un stratagème pour laisser croire à sa présence sur le site.
Dans les échanges de courriers électroniques du mois de mars 2020, l'employeur ne remet pas en cause les données fournies par son salarié et ce n'est que plus tard, après avoir exercé son pouvoir de direction, qu'il a supprimé 42 jours de congés acquis au cours de la période N-1 ou N-2 comme cela figure sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2020.
Or, le salarié ne justifie pas avoir fait une demande de report conformément aux dispositions de la convention collective. Ainsi, seuls les congés irrégulières décomptés au titre des congés N-1 doivent être considérés comme ayant été expressément acceptés par l'employeur.
Il s'ensuit que le report des congés acquis au 1er juin 2019 majorés de ceux des périodes précédentes pour atteindre un total de 86, n'a été validé qu'à hauteur de 44 jours dont 14 jours pris en mars 2020, soit un solde de 30 jours.
Par ailleurs, s'agissant des congés acquis du 1er juin 2019 au 31 mai 2020 (30 jours), l'employeur ne pouvait les supprimer.
Les bulletins de salaire devront être rectifiés en ce sens.
En conséquence, il y a lieu de limiter le montant des sommes dues au titre des congés payés à 60 jours. Le calcul réalisé par le salarié pour déterminer la valeur d'une journée de congés payés n'est pas contesté (351,82 € brut). Il sera donc retenu.
La société Etoile de Pompadour sera donc condamnée à lui payer la somme de 21 109,20 € brut au titre des congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020, date de saisine du conseil de prud'hommes. La capitalisation des intérêts sera ordonnée.
4. Sur le rappel de salaire relatif au jour de repos acquis :
M. [V] demande le paiement d'un rappel de salaire équivalent à 60 jours de repos non pris.
L'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir que son salarié ne mentionnait pas ses absences auprès du cabinet comptable et a ainsi créé artificiellement un solde de jours de repos à récupérer.
M. [V] vise les pièces 6 à 6-10 qui selon ses conclusions sont censées contenir les tableaux des jours de repos non pris, transmis à l'employeur. Ces documents ne sont pas produits et le courrier électronique du 12 avril 2020 contient un document qui mentionne simplement le nombre de jours non payés.
Il a été précisé ci-dessus que M. [V] a profité du défaut de surveillance et de contrôle de son employeur pour s'absenter sans décompter ses absences et il a été retenu l'absence d'heures supplémentaires. L'ensemble des incohérences relevées affecte également son décompte des jours de repos qu'il prétend ne pas avoir pris.
Il n'est donc pas établi qu'il détient des jours de repos non pris. La demande sera rejetée.
5. Sur le paiement des heures de nuit :
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail :
« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
En l'espèce, l'employeur qui demande la confirmation du jugement et donc du rejet de cette demande, ne fait valoir aucun moyen et ne produit aucune pièce.
M. [V] prétend avoir réalisé 261 heures de travail entre 23h et 6 heures, générant un rappel de salaire de 6 803,74 € brut calculé sur la base d'un taux horaire de 26,068 € brut.
De son côté, M. [V], comme pour sa demande relative au heures supplémentaires, visent dans ses conclusions des pièces qu'il n'a pas produites. Or, les relevés horaires journaliers signés par le salarié étaient de nature à établir l'existence d'heures de nuit.
L'analyse des bulletins de salaire permet de constater qu'aucune heures de nuit ne lui a été réglées. Il est constant qu'il était chargé d'établir les décomptes en matière de temps de travail et de les communiquer au cabinet comptable. Il s'ensuit qu'il n'a jamais déclaré avoir fait des heures de nuit alors qu'il effectuait ses déclarations en toute indépendance, les dirigeants de la société étant à l'étranger et donc absents la plus part du temps.
Il ne reste donc à l'appui de sa demande que les documents qu'il a lui même établis. Il est surprenant de constater qu'il prétend avoir effectué davantage d'heures de nuit en 2019 qu'en 2017 alors même que le chiffre d'affaires du restaurant avait diminué de manière significative. Par ailleurs, les témoignages produits par l'employeur font apparaître qu'il était très souvent absent le soir et ils décrivent le stratagème mis en oeuvre pour faire croire à sa présence.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'apparaît pas que M. [V] a effectué des heures de nuit.
La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils ont débouté M. [V] de ce chef de demande.
6. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Le fait que l'employeur n'a pas établi d'avenant au contrat de travail de son salarié après que celui-ci a pris en charge un certain nombre de tâches qui incombaient à la directrice non remplacée ne peut caractériser un manquement fautif.
Par ailleurs, l'erreur commise concernant la mise en congé forcé du personnel pendant la période d'urgence sanitaire ne peut être considérée comme une exécution déloyale du contrat de travail dès lors que l'employeur confronté à une situation inédite pouvant entraîner la faillite de son commerce, a tenté de trouver une solution pour le préserver.
Enfin, les autres manquements invoqués par le salarié concernant les heures supplémentaires et les repos ayant été rejetés, il n'est pas établi que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. La demande sera rejetée.
II. Sur la demande de résiliation du contrat de travail :
Les erreurs commises par l'employeur à l'occasion de l'exécution du contrat de travail (congés imposés irrégulièrement pendant la période de la crise sanitaire, suppression de la totalité des jours de congés acquis) ne présentent pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail dès lors que l'irrégularité concernant le placement en congé du salarié pendant l'état d'urgence sanitaire est intervenu dans un contexte spécifique et que, d'autre part, la suppression de la totalité des jours de congés acquis est également intervenue dans un contexte particulier en ce sens que l'employeur a pris manifestement conscience des errements de sa gestion et des conséquences de l'absence de contrôle de l'activité de ses salariés qui a généré une accumulation de congés suite à des absences non déclarées.
Par ailleurs, si l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre la visite médicale périodique, il convient de constater que la relation de travail s'est poursuivie normalement jusqu'à la rupture du contrat et que le salarié qui avait la possibilité de solliciter un examen n'en a pas fait la demande, ce qui tend à démontrer que ce manquement n'a pas eu de conséquence grave sur l'exécution du contrat de travail.
Ces éléments pris dans leur ensemble ou isolément ne présentent pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur.
III. Sur les autres demandes :
A la suite de la présente procédure, M. [V] a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. La société Etoile de Pompadour sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Brive-La-Gaillarde en date du 28 février 2022 en ses dispositions ayant :
- débouté M. [V] de ses demandes relatives aux congés payés et la rectification des bulletins de salaires ;
- condamné M. [V] aux entiers dépens et à payer à la société Etoile de Pompadour la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Etoile de Pompadour à payer à M. [V] la somme de 21 109,20 € brut au titre des congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020 ;
ORDONNE la capitalisation produits par la condamnation ci-dessus dans les conditions l'article 1343-2 du code civil ;
ORDONNE la rectification sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant l'arrêt à intervenir, des bulletins de salaire suivants en faisant figurer les jours de congés suivants :
sur le bulletin de salaire d'avril 2020, un compteur N-1 à 30 jours et un compteur N à 27,5 jours
sur le bulletin de salaire de mai 2020, un compteur N-1 à 30 jours et un compteur N à 30 jours ;
sur le bulletin de salaire de juin 2020, un compteur N-1 à 30 jours et un compteur N à 30 jours ;
sur le bulletin de salaire de juillet 2020, un compteur N-1 à 30 jours et un compteur N à 30 jours ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE la société Etoile de Pompadour aux dépens de l'appel et à payer à M. [V] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.