ARRÊT DU 08 Décembre 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 16 septembre 2004- No rôle : 2004f1810
No R. G. : 04 / 06529
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Monsieur Thierry X..., né 5 mars 1963 à VILLEJUIF (94) ... 94160 SAINT MANDE
représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assisté de Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON
EN PRÉSENCE DE :
MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel Palais de Justice Place Paul Duquaire 69005 LYON
Instruction clôturée le 24 Juin 2005
Audience publique du 02 Novembre 2005
LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 2 novembre 2005
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle BASTIDE, Greffier,
ARRET REPUTE CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 décembre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile
signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle BASTIDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Sur sa déclaration de cessation des paiements en date du 2 juillet 2003, la société RHÔNE GRAVURE, représentée par son président, Thierry X..., a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 juillet 2003 qui a désigné en qualité de liquidateur Me Z....
Sur saisine d'office, au vu d'un rapport du liquidateur en date du 10 février 2004, le tribunal de commerce de Lyon a, par jugement du 16 septembre 2004, prononcé à l'encontre de Thierry X... une mesure d'interdiction de gérer toute entreprise individuelle, artisanale ou commerciale et de diriger toute personne morale, pendant une durée de sept ans.
Thierry X... a relevé appel le 12 octobre 2004.
Aux termes de ses conclusions d'appel du 12 janvier 2005, il demande à la cour, à titre principal, de prononcer la nullité pour vice de forme lui causant grief du procès-verbal de signification de la citation du 3 juin 2004 et subsidiairement de prononcer la nullité pour irrégularité de fond ou, plus subsidiairement pour irrégularité de forme causant grief, de la saisine d'office par citation en chambre du conseil du 3 juin 2004 et en conséquence d'annuler le jugement du 16 septembre 2004. Il considère en premier lieu qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 654 du nouveau code de procédure civile, l'huissier n'a pas justifié des diligences précises accomplies pour signifier à personne l'acte du 3 juin 2004. Il soutient en second lieu que la citation ne comporte pas l'indication qu'il lui était possible de prendre connaissance du rapport du mandataire liquidateur, ainsi qu'il est prévu à l'article 164 du décret du 27 décembre 1985, d'où il déduit qu'il s'agit là d'une irrégularité de fonds au sens de l'article 117 du nouveau code de procédure civile ou, à défaut d'un avis de forme lui ayant causé un évident préjudice.
À titre plus subsidiaire, Thierry X... fait valoir que le tribunal a statué en son absence, sans avoir pris soin de le faire reconvoquer alors qu'il ne pouvait qu'avoir un doute sérieux sur les conditions de la citation délivrée, de sorte que le jugement encourrait l'annulation pour violation des articles 14 et 16 du nouveau code de procédure civile.
De manière infiniment subsidiaire, quant au fond, il soutient qu'il n'y a pas lieu à sanction à son égard, en application des articles L. 625-3 ou L. 625-5 du code de commerce, faute de démonstration de l'un des faits visés par ces textes. Il soutient d'abord que le report de la date de cessation des paiements au 31 mars 2002, décidé par le tribunal dans le jugement entrepris, ne correspond à aucune réalité, alors que la société RHÔNE GRAVURE, mise en sommeil courant 2002 était titulaire d'un contrat de crédit-bail immobilier pour ses locaux de Vénissieux, dont la vente avait été envisagée, et près de se conclure au cours de l'été 2002 en sorte que le crédit bailleur n'avait pas exigé le règlement des loyers ; il ajoute que l'indemnité de résiliation, s'analysant en une cause pénale, serait susceptible d'être réduite à zéro puisqu'aujourd'hui, l'immeuble a été repris par le crédit-bailleur sans subir le moindre préjudice. Il précise que les autres créances dont fait état le mandataire judiciaire n'étaient pas non plus exigées, s'agissant d'un solde débiteur de comptes bancaires correspondant à une facilité de caisse implicitement accordée ou d'avances faites par une société du même groupe, KELLER DORIAN.
Thierry X... explique par ailleurs que les prétendus détournement d'actifs mentionnés par le liquidateur ne sont nullement caractérisés, puisque relatifs seulement à deux tours sans aucune valeur économique, qui avaient été déménagés au sein d'autres sociétés du groupe pour libérer les locaux de la société RHÔNE GRAVURE à l'époque où leur vente était envisagée.
Me Z..., mandataire judiciaire, liquidateur de la société RHÔNE GRAVURE, ne comparaît pas et n'a pas été assigné.
Monsieur le procureur général conclut de son côté au rejet des moyens du nullité et, quant au fond, à la confirmation du principe d'une interdiction de gérer, sauf à en ramener à cinq années la durée en retenant le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.
SUR CE, LA COUR :
Attendu que même s'il est mentionné comme intimé dans la déclaration d'appel et de Thierry X..., Me Z..., liquidateur judiciaire de la société RHÔNE GRAVURE, qui n'était pas partie à l'instance suivie devant le tribunal de commerce et n'a pas été assigné en cause d'appel, n'est pas partie à la présente procédure, pas davantage que le président du tribunal de commerce de Lyon, contrairement à ce qu'indique l'appelant dans ses écritures ;
Attendu, sur les moyens de nullité articulés par Thierry X..., qu'en premier lieu l'assignation délivrée le 3 juin 2004 comporte l'indication des diligences accomplies par l'huissier en vue de la signification de l'acte à la personne de Thierry X... ; qu'il en ressort sans équivoque que l'intéressé n'était pas présent à son domicile au moment du passage de l'huissier, lequel n'est pas tenu de se présenter une seconde fois ans pour parvenir à une signification à personne ; que figurent dans l'acte les vérifications faites par l'huissier pour s'assurer de la validité de l'adresse du destinataire dont il a relevé que le nom figure sur la boîte à lettres numéro 12 et précisé que la confirmation de l'adresse était donnée par interphone par un voisin de Thierry X..., résidant au troisième étage ; que l'acte répond ainsi aux prévisions des articles 654 à 658 du nouveau code de procédure civile, l'huissier ayant laissé dans la boîte aux lettres de l'intéressé l'avis de passage réglementaire ; qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de l'assignation ;
Attendu en second lieu, sur l'application des articles 169 et 164 du décret du 27 décembre 1985, que le second de ces textes prévoit le dépôt d'un rapport par un juge pour l'application des articles L. 624-3 et L. 624-7 du code de commerce, c'est-à-dire en cas d'action en comblement de passif ou d'extension de la procédure collective à un dirigeant social ; que la même exigence n'existe pas lorsque le tribunal se saisit d'office en vue du prononcé d'une sanction telle que la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer ; qu'aucune irrégularité n'est donc caractérisée en l'espèce, en l'absence d'invitation faite à Thierry X... de prendre connaissance d'un rapport dont l'établissement n'était pas requis, alors, par ailleurs qu'en même temps que sa citation en chambre du conseil, lui avaient été signifiés en annexe de l'ordonnance du 3 mai 2004 le rapport du mandataire liquidateur et l'avis du juge commissaire ;
Attendu enfin que le tribunal, ayant constaté que l'appelant avait été régulièrement convoqué, dans le respect du délai de huit jours institué par l'article 164 précité, pouvait retenir l'affaire sans user de la faculté de la renvoyer pour nouvelle convocation, nonobstant l'absence de Thierry X... ; qu'il n'a pas méconnu à cet égard les dispositions des articles 14 et 16 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à annulation de l'acte introductif d'instance ni du jugement
Attendu, quant au fond, que le détournement d'actif auquel le liquidateur a fait allusion dans son rapport n'apparaît nullement caractérisé, en l'état des explications précises fournies par l'appelant quant aux circonstances du transport de deux tours de polissage appartenant à la société RHÔNE GRAVURE au sein d'autres structures du même groupe, dans la perspective de la libération des locaux qu'elle occupait, en vue de leur revente ; qu'aucune intention de détourner de tels éléments d'actif, d'une très faible valeur de réalisation, n'est démontré à la charge de l'appelant ;
Attendu quant à l'absence de déclaration de cessation de paiements dans le délai légal de quinzaine, que celle-ci apparaît certaine, dès lors que c'est seulement le 2 juillet 2003 que Thierry X... a déposé le bilan de la société RHÔNE GRAVURE alors qu'elle n'avait plus d'activité depuis le premier trimestre 2002 et se trouvait hors état de faire face à son passif, le bilan arrêté au 31 mars 2002 révélant des dettes fournisseurs, fiscales ou sociales supérieures à 200 000 € pour un actif de l'ordre de 90 000 € ; que le passif s'est également accru lorsque l'opération de crédit-bail portant sur les locaux qu'occupait la société s'est dénouée par la résiliation du contrat, générant une dette de près de 500 000 € au titre de l'indemnité de résiliation ; Attendu toutefois qu'il ressort des divers documents versés au débat qu'un accord de principe avait été obtenu du crédit bailleur pour la vente de l'immeuble objet de ce contrat de crédit-bail, courant juillet 2002, et que cette opération devait permettre à la fois de régler la totalité de la créance de l'organisme financier NATEXIS BAIL, et de dégager une soulte de de l'ordre de 135 000 € ; qu'en définitive, cette vente n'a pu être réalisée, les acquéreurs paraissant avoir été dissuadés par la nécessité d'une dépollution du site ; que ces circonstances sont de nature à atténuer la gravité de la faute commise par Thierry X... dans le retard apporté à déposer le bilan de la société ; qu'en outre il n'apparaît pas que celle-ci ait généré un nouveau passif significatif durant sa dernière année d'existence ;
Attendu que le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer, même pour la durée minimum de cinq années, constituerait donc une sanction excessive au regard des manquements commis ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Réforme le jugement du 16 septembre 2004 ;
Dit n'y avoir lieu de prononcer une sanction personnelle à l'encontre de Thierry X... en application des articles L. 625-1 et suivants du code de commerce ;
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire et dit en conséquence n'y avoir lieu à application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT, M. P. BASTIDEH. ROBERT