COUR D'APPEL DE LYON
Troisième Chambre Civile
SECTION B
ARRÊT DU 30 Novembre 2006
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 20 janvier 2005 -
No rôle : 2003J1051
No R.G. : 05/01441
Nature du recours : Appel
APPELANTS :
Sas TBH LOGISTIQUE
40 avenue du 24 Août 1944
69960 CORBAS
représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de Me Chantal LE BARBIER, avocat au barreau de LYON
Monsieur Alain Y..., ès qualités de liquidateur des opératioons d'assurance de la société MUTUELLE ELECTRIQUE D'ASSURANCES (MEA)
76, avenue de la Résistance
93340 LE RAINCY
représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de Me Karine Z..., avocat au barreau de LYON substituant Maître A... avocat au barreau de PARIS
Monsieur Gilles B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MUTUELLE ELECTRIQUE D'ASSURANCES (MEA)
4, Le Parvis de Saint Maur
94100 ST MAUR DES FOSSES
représenté par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de Me Karine Z..., avocat au barreau de LYON substituant Maître A... avocat au barreau de PARIS
Société COVEA FLEET venant aux droits de la Cie MUTUELLE DU MANS elle-même venant aux droits de la Cie WINTERTHUR
...
72035 LE MANS
représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de Me Karine Z..., avocat au barreau de LYON substituant Maître A... avocat au barreau de PARIS
Société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD, venant aux droits de la société CHIYODA
...
75008 PARIS
représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de Me Karine Z..., avocat au barreau de LYON substituant Maître A... avocat au barreau de PARIS
SA C... FRANCE
...
75456 PARIS CEDEX 09
représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de Me Karine Z..., avocat au barreau de LYON substituant Maître A... avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
Société VOLVO TRUCKS FRANCE, venant aux droits de la société VOLVO TRUCKS RHONE ALPES exerçant sous l'enseigne VOLVO TRUCKS LYON
55, Av des Champs Perrieux
92757 NANTERRE CEDEX
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Eric D..., avocat au barreau de LYON
SAS EBERSPACHER
...
78990 ELANCOURT
représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me Christophe E..., avocat au barreau de LYON
SARL TBH LOGISTIQUE
40, Av du 24 Aout 1944
69960 CORBAS
représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de Me Chantal LE BARBIER, avocat au barreau de LYON
Compagnie AXA FRANCE, venant aux droits de la société AXA COURTAGE
...
75001 PARIS
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de Me François F..., avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 08 Septembre 2006
Audience publique du 02 Novembre 2006
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président
Madame Christine DEVALETTE, Conseiller
Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 02 Novembre 2006
sur le rapport de Madame Laurence FLISE, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Claudiane COLOMB,
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 Novembre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président et par Madame Claudiane COLOMB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Le 17 novembre 1999 vers deux heures du matin un incendie, sur les causes duquel porte le litige actuellement soumis à la Cour, a détruit un ensemble routier ( tracteur et remorque ) contenant des palettes de bobines de fil transportées par la société TBH LOGISTIQUE .
Le 20 novembre 2001 la société MEA, la compagnie WINTERTHUR, la compagnie C... FRANCE et la société CHIYODA, assureurs de la responsabilité contractuelle de la société TBH LOGISTIQUE, ont été condamnées in solidum à payer à leur assurée une somme de 53 825 euros en réparation des dommages subis par les marchandises transportées .
Ces assureurs ont recherché devant le tribunal de commerce de Lyon la garantie du fabriquant et du vendeur du tracteur incendié ( devenus la société VOLVO TRUCKS FRANCE ) et la garantie de la société EBERSPACHER, fournisseur du mini moteur thermique du réchauffeur.
La société TBH LOGISTIQUE et son assureur automobile, la compagnie la société AXA FRANCE IARD FRANCE, ont, de leur côté, réclamé aux mêmes défendeurs le paiement, la première d'une somme de 105 328,60 euros ( correspondant, à concurrence de 4005,60 euros, à la franchise pour les dommages subis par le véhicule et, à concurrence de 101323 euros, à une perte d'exploitation ) , la seconde d'une somme de 77 815,01 euros (montant de l'indemnité versée à la société TBH LOGISTIQUE pour les dommages subis par le tracteur et la remorque), d'une somme de 8917,96 euros ( montant de l'indemnité versée au propriétaire d'un immeuble riverain endommagé par l'incendie ) et d'une somme de 1083,03 euros correspondant à des frais d'expertise .
Par jugement en date du 20 janvier 2005 le tribunal de commerce de Lyon a :
-ordonné la jonction des instances
-débouté la société MEA, la société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD ( venant aux droits de la société CHIYODA ), la Mutuelle du Mans ( venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR), la compagnie C... FRANCE, la société TBH LOGISTIQUE et la compagnie la société AXA FRANCE IARD FRANCE de l'ensemble de leurs demandes
-condamné solidairement la société MEA, la société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD , la compagnie C... FRANCE et la Mutuelle du Mans aux dépens ainsi qu'au paiement, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , d'une somme de 3000 euros à chacune des autres parties à l'instance à l'exception de la société TBH LOGISTIQUE .
Maître Y... et Maître B..., respectivement liquidateur des opérations d'assurance et liquidateur judiciaire de la société MEA, la société COVEA FLEET, venant aux droits de la Mutuelle du Mans, la société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD et la compagnie C... FRANCE ont interjeté appel de cette décision le 28 février 2005 .
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 27 juin 2005 et qui sont expressément visées par la Cour, ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent:
-que la société VOLVO TRUCKS FRANCE et la société EBERSPACHER, soient condamnées in solidum à leur payer une somme de 53 825,56 euros majorée à compter du 1et janvier 2002 d' intérêts au taux de 5 % en application de l'article 24 de la CMR
-que la capitalisation des intérêts de retard soit ordonnée à compter du 15 juillet 2003
-qu'il soit fait application en leur faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 8 août 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la société TBH LOGISTIQUE conclut également à l'infirmation du jugement entrepris et demande :
-que la société VOLVO TRUCKS FRANCE et la société EBERSPACHER soient condamnées in solidum ( ou que l'une au moins d'entre elles soit condamnée ) à lui payer une somme de 105 328,60 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation
-qu'il soit fait application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 17 mars 2006 et qui sont expressément visées par la Cour , la compagnie la société AXA FRANCE IARD FRANCE conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande :
-que la société VOLVO TRUCKS FRANCE et la société EBERSPACHER, soient condamnées in solidum à lui payer les sommes de 77 815,01 euros, 8917,96 euros et 1083,03 euros
-qu'il soit fait application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Toutes ces parties soutiennent que le sinistre, survenu alors que l'ensemble routier, qui venait d'être chargé, n'avait parcouru qu'une centaine de mètres depuis son point de chargement, trouve son origine dans le réchauffeur du tracteur qui avait fonctionné au cours des heures précédant le sinistre .
Elles se prévalent des conclusions de M. G..., expert commis par plusieurs décisions de justice, pour exclure toute autre cause possible de l'incendie .
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 13 janvier 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la société VOLVO TRUCKS FRANCE conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Elle se prévaut des conclusions de M. G... pour soutenir que se trouve exclue toute cause d'incendie qui aurait pu engager la responsabilité du constructeur .
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 7 septembre 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la société EBERSPACHER, conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame à titre subsidiaire la garantie de la société VOLVO TRUCKS FRANCE .
Elle se prévaut à titre principal des conclusions de M. G... pour soutenir que l'imputabilité du sinistre à un vice affectant le réchauffeur n'est pas établie avec certitude et estime , à titre subsidiaire, qu'elle pourrait bénéficier d'une présomption d'erreur de montage du réchauffeur .
Elle soutient que les préjudices allégués ne se trouvent établis par aucune pièce .
Elle sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2006 .
SUR CE
Attendu que l'expert judiciaire s'est livré à des investigations approfondies au terme desquelles il n'a trouvé qu'une seule cause possible de sinistre ;
Attendu que ses conclusions ne se trouvent ni contredites par l'avis d'un autre homme de l'art ni même véritablement critiquées par la société VOLVO TRUCKS FRANCE, qui, bien que spécialiste de la construction automobile, ne suggère aucune autre cause possible de sinistre ;
Attendu que la société EBERSPACHER, quant à elle, tente de tirer arguments du fait que l'expert judiciaire n'a pas exprimé " une certitude à 100 % " ainsi que du fait qu'une partie des déductions de l'expert judiciaires reposent sur les déclarations du chauffeur de l'ensemble routier et notamment sur son récit du déroulement de l'incendie ;
Que cependant, d'une part, la très légère réserve exprimée par l'expert judiciaire dans ses conclusions tient seulement au fait que le réchauffeur incriminé a fondu dans sa majeure partie au cours de l'incendie et n'a pas pu, par conséquent, être soumis pendant les opérations d'expertise à un examen qui aurait permis de procéder à la vérification matérielle de la déduction effectuée ;
Que, d'autre part, l'hypothèse du jet imprudent d'un mégot de cigarette par le chauffeur, qui aurait ensuite effectué des déclarations mensongères, est en contradiction avec la cohérence des explications fournies à plusieurs reprises par cet employé et se trouve fermement écartée tant par l'expert judiciaire que par la société VOLVO TRUCKS FRANCE qui, après avoir récapitulé dans ses écritures toutes les hypothèses examinées et notamment celle d'un jet de mégot, constate que " de façon méticuleuse l'expert a balayé les causes possibles et les a toutes écartées sur la base de constatations objectives et ne prêtant pas à discussion " ;
Attendu que de l'ensemble de ces éléments il ressort bien que l'incendie du 17 novembre 1999 trouve sa cause dans un vice caché du réchauffeur ;
Que ce vice caché engage la responsabilité de la société VOLVO TRUCKS FRANCE, vendeur du véhicule équipé de ce réchauffeur, ainsi que la responsabilité de la société EBERSPACHER, fabriquant et fournisseur du réchauffeur ;
Attendu que l'hypothèse d'une erreur de montage de ce réchauffeur n'est étayée par aucune pièce et se trouve très nettement écartée par l'expert judiciaire à la page 54 de son rapport ;
Que la demande de garantie dirigée par la société EBERSPACHER contre la société VOLVO TRUCKS FRANCE doit, par conséquent être rejetée ;
Attendu qu'à l'appui de toutes les demandes de dommages et intérêts se trouvent produites des pièces qui ne sont précisément critiquées ni par la société VOLVO TRUCKS FRANCE, qui ne conteste ni l'existence ni l'importance des préjudices allégués, ni par la société EBERSPACHER;
Attendu que le rapport établi par M. H..., expert-comptable, confirme l'évaluation faite par la société TBH LOGISTIQUE de la perte d'exploitation consécutive à la privation d'un ensemble routier pendant la période de quinze mois séparant le sinistre du versement de l'indemnité pour les dommages matériels ;
Attendu que l'évaluation des autres postes de préjudice se trouve confirmée par des rapports d'expertise technique, par des quittances ( ou un chèque assorti d'un décompte ) constatant le règlement d'indemnités ainsi que par des factures d'honoraires ;
Attendu que les demandes de dommages et intérêts doivent, dès lors être accueillies ;
Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de toutes les parties à l'exception de la société VOLVO TRUCKS FRANCE et de la société EBERSPACHER ;
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris
Statuant à nouveau
Condamne in solidum la société VOLVO TRUCKS FRANCE et la société EBERSPACHER à payer :
-à Maîtres Y... et B... és qualitès, à la société COVEA FLEET, à la société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD et à la société C... FRANCE
une somme principale de 53 825,56 euros majorée des intérêts au taux de 5% à compter du 1er janvier 2002 ainsi qu'une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
-à la société TBH LOGISTIQUE une somme principale de 105 328,60 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2003 ainsi qu'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
-à la société AXA FRANCE IARD les sommes principales de 77 815,01 euros, 8917,96 euros et 1083,03 euros ainsi qu'une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Déboute la société EBERSPACHER, de la demande de garantie dirigée contre la société VOLVO TRUCKS FRANCE
Condamne in solidum la société VOLVO TRUCKS FRANCE et la société EBERSPACHER, aus dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de Maître DE FOURCROY, de Maître MOREL et de Maître BARRIQUAND, avoués
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. I... L.FLISE