AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 09/04560
[O]
C/
SAS STANDARD TEXTILE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 02 Juillet 2009
RG : F 07/01426
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 09 AVRIL 2010
APPELANT :
[K] [O]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Maître Eric DE BERAIL, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société STANDARD TEXTILE prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Christian BROCHARD, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 novembre 2009
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2010
Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Michel GAGET, Président
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Avril 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel GAGET, Président de Chambre, et par Radia GRAIRI, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
[K] [O] est entré au service de la société CONCEPTION TISSAGE DISTRIBUTION devenue SAS STANDARD TEXTILE à compter du 19 mai 1981 en qualité de magasinier.
Par la suite, il est devenu commercial puis à compter du 1er juillet 2001chef de produit ameublement catégorie cadre.
[K] [O] était membre élu du comité d'entreprise comme représentant du collège cadre.
Le 12 février 2007, à la suite de propos grossiers et injurieux envers [W] [Y], son supérieur hiérarchique, échangés entre [K] [O] et un autre salarié par voie électronique, la SAS STANDARD TEXTILE a convoqué [K] [O] à un entretien préalable à licenciement après l'avoir mis à pied à titre conservatoire.
Le 16 février 2007, le comité d'entreprise a émis un avis défavorable au licenciement.
Le 1er mars 2007, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement. La SAS STANDARD TEXTILE a formé un recours contre cette décision et a réintégré [K] [O] dans ses fonctions.
Le 13 avril 2007, [K] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 7 septembre 2007, le Ministre de l'Emploi et de la Cohésion Sociale a rejeté le recours formé contre la décision de refus d'autorisation de licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 décembre 2007, [K] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 2 juillet 2009, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission,
- condamné la SAS STANDARD TEXTILE à payer à [K] [O] les sommes de :
* 9.000 € à titre de rappel de 13ème mois pour les années 2006 et 2007,
* 900 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 3.460 € à titre de prime commerciale,
* 364 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires de [K] [O] à 5.370 €,
- débouté les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,
- condamné la SAS STANDARD TEXTILE aux entiers dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juillet 2009, [K] [O] a interjeté appel de cette décision.
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Vu les conclusions reçues au greffe le 4 mars 2010 maintenues et soutenues à l'audience de [K] [O] qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS STANDARD TEXTILE au paiement des sommes de :
* 9.000 € à titre de rappel de 13ème mois pour les années 2006 et 2007,
* 900 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 3.460 € à titre de prime commerciale,
* 364 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
- l'infirmant sur le surplus,
- dire que la rupture du contrat de travail dont il a pris acte par lettre du 3 décembre 2007 est imputable à la SAS STANDARD TEXTILE,
- en conséquence, condamner la SAS STANDARD TEXTILE à lui payer les sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis : 11.272,90 €,
* congés payés afférents : 1.127,29 €,
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 130.000€,
* article 700 du code de procédure civile : 2.500 €,
- condamner la SAS STANDARD TEXTILE aux entiers dépens ;
Vu les conclusions reçues au greffe le 1er mars 2010 maintenues et soutenues à l'audience de la SAS STANDARD TEXTILE qui demande à la cour :
- d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à payer diverses sommes de nature salariale à [K] [O],
- pour le surplus, de la confirmer et partant,
- de débouter [K] [O] de l'ensemble de ses demandes,
- de le condamner au paiement de la somme de 11.272,90 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- de le condamner au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- de confirmer à tout le moins la décision des premiers juges en déboutant [K] [O] de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail :
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.
S'il appartient eu juge de se prononcer sur la seule la prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.
La rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Les manquements de l'employeur invoqués par [K] [O] à l'appui de la demande de résiliation judiciaire étaient le non-paiement de la prime de 13ème mois au titre de l'année 2006 et de la prime sur objectif 2006.
A l'appui de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, [K] [O] a rappelé les manquements précités et a ajouté que depuis l'introduction de l'action, l'employeur avait porté atteinte à ses fonctions.
Sur la prime de 13ème mois :
[K] [O] reproche à la SAS STANDARD TEXTILE de n'avoir pas réglé cette prime, prévue par l'avenant du 31 décembre 2001, au titre de l'année 2006 malgré sa demande du 15 mars 2007.
A cette demande du 15 mars 2007, [W] [Y] qui était à ce moment là directeur commercial de la SAS STANDARD TEXTILE a immédiatement répondu :
'Nous nous sommes rencontrés le 6 décembre 2005, avec [G] [C] (en charge à cette époque de la direction commerciale) pour te faire part des changements liés aux rémunérations des cadres commerciaux de STANDARD TEXTILE.
Ces changements, en ce qui te concerne, portaient sur trois points :
- une augmentation du salaire de base de 20 %,
- une annualisation de ton salaire sur douze mois,
- une modification du système de calcul de la prime annuelle sur objectifs.
Nous avons donc, à cette réunion, convenu de :
- salaire annuel de 2006 de 54.000 € soit 4.500 € par mois (salaire annuel 2005 sur 13 mois de 45.328,56 €)
- une annualisation de salaire de base sur 12 mois,
- une prime sur objectifs de 7.000 € à 100 % de réalisation de ces objectifs payable fin mars de l'année N+1.'
[K] [O] a répliqué que l'augmentation de 20 % lui a été accordée dans le cadre de sa promotion comme responsable des représentants FANTAGRAPH, en plus de ses fonctions de chef de produits et que d'ailleurs, cette augmentation représente plus que la seule annualisation alléguée.
Toutefois, la SAS STANDARD TEXTILE allègue à la fois une augmentation de salaire, qu'elle reconnaît être liée à un accroissement des responsabilités de [K] [O], et l'intégration de la prime de 13ème mois dans le salaire versé mensuellement.
Ces explications sont corroborées par le montant des salaires versé avant et après le 1er janvier 2006.
D'autre part, leur véracité est établie par l'attestation de [G] [C] qui déclare qu'en décembre 2005, il a organisé une réunion avec [W] [Y], chef des ventes, et [K] [O], chef des produits, pour informer ce dernier que le 13ème mois allait être réparti mensuellement sur l'ensemble de l'année et donc intégré au salaire mensuel à compter du 1er janvier 2006 et qu'à cette occasion, [K] [O] a expressément accepté cette modification.
[G] [C] précise attester en toute liberté, étant à la retraite et n'ayant plus d'activité dans la société.
L'accord de [K] [O] est corroboré par le fait qu'il n'a pas réclamé le paiement de la prime, qui avait toujours été versée en décembre, entre janvier et mars 2007.
La SAS STANDARD TEXTILE produit également une attestation de [H] [D], responsable administration des ventes et télévente qui explique avoir été informée en décembre 2005 d'une modification du mode de versement de son salaire, et ce, pour harmoniser les salaires des cadres, que c'est ainsi que la prime de 13ème mois qu'elle percevait a été intégrée dans le salaire versé sur douze mois.
Cette attestation démontre que la modification des modalités de versement de la prime de 13ème mois n'a pas concerné uniquement [K] [O].
La SAS STANDARD TEXTILE établissant que la prime de 13ème mois a été versée et que la modification des modalités de versement a été acceptée par [K] [O], la demande de ce dernier n'est pas justifiée.
Il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point.
Sur la prime d'objectif :
Au titre de l'année 2006, [K] [O] était éligible à une prime sur objectifs d'un montant de 7.000 € sur la base de trois taux de réalisation et selon cinq objectifs.
[K] [O] soutient avoir réalisé les trois premiers objectifs ce qui lui donne droit à une prime égale à 85 % de 7.000 € soit la somme de 5.950 €. Seule la somme de 2.310€ lui ayant été réglée, il réclame le paiement de la différence soit 3.640 € majorés des congés payés afférents.
La SAS STANDARD TEXTILE réplique que le chiffre d'affaires du client SUNLIGHT n'entrait pas en compte dans le premier objectif à réaliser ce que [K] [O] conteste.
Sur le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation de l'année 2006, il est précisé que l'objectif de l'année écoulée concernant le chiffre d'affaires est 'hors SUNLIGHIT.'
Toutefois, c'est à juste titre que [K] [O] fait valoir que ce document, non daté mais établi début 2007, ne prouve pas que lors de la définition des objectifs un an avant, l'exclusion du chiffre d'affaires de la société SUNLIGHIT avait été convenue entre les parties.
Or, le tableau définissant les objectifs qui a été signé par les parties ne comporte pas la précision litigieuse.
Les explications de la SAS STANDARD TEXTILE pour démontrer que l'exclusion du chiffre d'affaires de la société SUNLIGHIT était logique ne peuvent, établir, quelle que soit leur pertinence, que cette exclusion a été convenue entre les parties au moment où elles ont arrêté les objectifs.
En conséquence, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé la demande de [K] [O] justifiée.
Sa décision doit être confirmée.
Par contre, la décision doit être infirmée sur la moyenne des salaires des trois derniers mois qui a été fixée en tenant compte de la prime de 13ème mois et de la prime d'objectifs de l'année 2006 payable en mars 2007 et donc étrangère aux salaires des trois derniers mois.
Exclusion faite des ces primes, la moyenne des salaires des trois derniers mois s'élève à 4.500 €.
Sur l'atteinte aux fonctions :
[K] [O] soutient que, sous prétexte d'une réorganisation du service commercial consécutive à la nomination de [W] [Y] au poste de directeur général, le périmètre de son emploi a été amputé de l'encadrement et de l'animation des commerciaux du département FANTAGRAPH qui lui étaient auparavant dévolus, que de plus, il a été placé sous la subordination de [F] [P], un des salariés qui était sous sa responsabilité.
Il fait valoir que cette inversion de la hiérarchie traduit d'évidence une intention de nuire et de ruiner sa crédibilité auprès du personnel de l'entreprise et constitue une mesure gravement vexatoire.
Il résulte des organigrammes de la SAS STANDARD TEXTILE produits par les parties :
- que la direction commerciale assurée par [W] [Y] comprenait cinq secteurs dont la direction FANTAGRAPH et le département grands comptes,
-que [K] [O] était l'un des trois responsables de la direction FANTAGRAPH et était placé sous la subordination de [W] [Y],
- que [F] [P] était un attaché commercial FANTAGRAPH placé sous la responsabilité de [K] [O],
- qu'il était également responsable grands comptes au même niveau hiérarchique que [K] [O] et sous la responsabilité directe de [W] [Y].
En novembre 2007, [W] [Y] a été nommé directeur général et [F] [P] a été nommé directeur commercial.
La promotion de [F] [P] a eu pour conséquence de placer, sous la subordination de [F] [P], [K] [O] ce que ce dernier a refusé.
[K] [O] n'établit pas que cette réorganisation s'est accompagnée d'une modification de ses fonctions et la SAS STANDARD TEXTILE démontre que tel n'était pas le cas notamment en ayant confirmé [K] [O], par écrit, dans ses prérogatives.
D'autre part, si [F] [P] était membre de l'équipe commerciale FANTAGRAPH placée sous la subordination de [K] [O], il était également responsable grands comptes au même niveau hiérarchique que [K] [O].
La nomination de [F] [P] au poste de directeur commercial n'est donc pas la nomination d'un subordonné de [K] [O] comme supérieur hiérarchique de ce dernier.
Dès lors, le choix par l'employeur du collaborateur qu'il entendait promouvoir au poste de directeur commercial, ne révèle pas une volonté de nuire à [K] [O].
La nomination de [F] [P] au poste de directeur commercial ce qui plaçait [K] [O] sous la subordination de ce dernier n'est pas fautive.
Sur les effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
Le seul manquement de l'employeur invoqué à l'appui de la prise d'acte et justifié est le non-paiement de la prime d'objectifs.
Cependant, ce manquement résulte d'un différend des parties sur l'appréciation d'un des objectifs à réaliser. Il ne revêt pas un caractère délibéré et une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a jugé que la rupture du contrat de travail par [K] [O] produisait les effets d'une démission.
La SAS STANDARD TEXTILE ayant dispensé, à sa demande, le salarié d'exécuter son préavis au-delà du 31 décembre 2007, elle n'est pas fondée à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis pour la période de préavis non exécutée.
Sur les dépens et les frais non répétibles :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant dans son appel, [K] [O] doit supporter les dépens d'appel et garder à sa charge les frais non répétibles qu'il a exposés en cause d'appel.
Des considérations d'équité conduisent à le dispenser du paiement à la SAS STANDARD TEXTILE d'une indemnité pour les frais non répétibles qu'il l'a contrainte à exposer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sur la prime de 13ème mois et sur la moyenne des salaires des trois derniers mois,
Statuant à nouveau sur ces points,
Déboute [K] [O] de sa demande de rappel d'une prime de 13ème mois et des congés payés afférents,
Fixe la moyenne des salaires des trois derniers mois à 4.500 €,
Confirme le jugement entrepris sur le surplus,
Déboute les parties de leur demandes d'indemnité procédurale pour les frais exposés en cause d'appel,
Condamne [K] [O] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Radia GRAIRI Michel GAGET