AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 10/04310
[J]
C/
SA ALPEX
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 06 Mai 2010
RG : F 10/00082
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 14 JANVIER 2011
APPELANT :
[E] [J]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne,
assisté de Me Stéphane DUCRET-CHIRON,
avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SA ALPEX
Parc d'activité STELYTEC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Olivier GELLER,
(Cabinet AGUERA)
avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 06 Juillet 2010
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Décembre 2010
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel GAGET, Président de Chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Janvier 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel GAGET, Président de Chambre, et par auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du 06 mai 2010 du Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE qui déboute [E] [J] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SA ALPEX, au motif que son action en requalification de ses contrats d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée, engagée l'encontre de l'entreprise utilisatrice, est prescrite en application de l'article 26 de la loi du 17 Juin 2008 et de l'article 2224 du Code Civil, pour avoir été introduite plus de cinq ans après la fin du dernier contrat qui doit être fixée le 31 Janvier 2003 ;
Vu l'appel formé par [E] [J] par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 Juin 2010 reçue au greffe de la Cour le 11 juin 2010, et vu les conclusions déposées le même jour, et celles déposées le 03 Décembre 2010 soutenues à l'audience dans lesquelles il conclut à la réformation de cette décision et sollicite ce qui suit :
- la requalification des contrats d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 Juin 2002 ;
- le paiement de la somme de 5.000,00 Euros d'indemnité de requalification ;
- la réintégration dans son poste de travail au sein de l'entreprise SA ALPEX
- le paiement de la somme de 61.942,27 Euros correspondant à un salaire mensuel de 1.692,72 Euros, outre 169,27 Euros de congés payés pour la période du 03 Juin 2006 et jusqu'au 11 mars 2009, soit à compter de date de sa réintégration jusqu'au jour de son arrêt de travail pour rechute de l'accident du travail dont il avait été victime le 27 Janvier 2003 ;
- le paiement de 5.000,00 Euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions en réponse de la SA ALPEX déposées le 30 Novembre 2010 et soutenues à l'audience qui conclut à la confirmation de la décision attaquée et au mal fondé des demandes de [E] [J] qui devrait être condamné à payer la somme de 3.000,00 Euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les parties ont donné à l'audience du 03 Décembre 2010 leurs explications, explicitant leur argumentation et ont convenu qu'elles avaient, entre elles, communiqué, en temps utile et contradictoirement, leurs pièces et conclusions
DECISION
Sur la prescription
[E] [J] soutient que son action n'est pas prescrite, notamment en invoquant l'article 2222 du Code Civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 Juin 2008 et en soutenant que l'action en requalification qu'il a engagée se prescrit par trente ans.
La SA ALPEX fait valoir, en revanche, que toutes les actions introduites après le 17 Juin 2008 doivent être jugées conformément à la loi nouvelle, et donc par référence à l'article 2224 nouveau du Code Civil, dans la mesure où la saisine du Conseil de prud'hommes a été faite le 20 janvier 2010, et où l'article 26 de la loi du 17 Juin 2008 ne peut pas s'appliquer à cette demande et à cette instance.
Vu l'article 2222 du Code Civil, selon lequel en cas de réduction de la durée de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La date de fin du dernier contrat de mission de [E] [J] au sein de la SA ALPEX est le 31 Janvier 2003.
[E] [J] avait été mis à disposition de la Société CONTRECOLLAGES TECHNIQUES aux droits et obligations de laquelle vient de la SA ALPEX, en qualité d'aide conducteur de machine, par la société de travail temporaire VEDIORBIS qui n'est pas dans la cause, à compter du 11 Février 2002 et jusqu'au 31 Janvier 2003, date de la fin de son contrat de mission.
S'il avait agi, dans le cadre de la loi antérieure applicable avant le 19 Juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 Juin 2008, il disposait d'une action en requalification qui pouvait être exercée pendant trente ans à compter de l'expiration de sa mission, soit à compter du 31 Janvier 2003 et jusqu'au 31 janvier 2033.
Cependant, il n'a pas agi avant le 19 Juin 2008, et il n'a saisi la juridiction prudhomale que le 20 janvier 2009, en soulevant l'irrégularité de ses missions et en sollicitant la requalification de la relation de travail à l'égard de l'entreprise utilisatrice.
Mais il résulte de l'article 26-II de la loi du 17 Juin 2008 que la durée réduite de la prescription s'applique en l'espèce, à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit à compter du 19 Juin 2008 pour une durée de 5 ans, soit jusqu'au 19 Juin 2013, de sorte que [E] [J] a bien agi dans un délai qui n'excéde pas la durée prévue par les anciennes dispositions, dans la mesure même où jour de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, il bénéficiait d'une prescription plus longue qui était en cours.
L'action de [E] [J] est donc recevable, le moyen tiré a contrario de l'article 26-III de la Loi du 27 Juin 2008 n'ayant aucune pertinence, cette disposition ne s'appliquant que lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi.
Sur les demandes au fond
Dans ses écritures et ses observations orales, [E] [J] réclame, à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, d'une part, un rappel de salaire parce qu'il aurait occupé un poste de conducteur et non un poste d'aide conducteur de machine, et d'autre part, la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée, de sorte qu'il revendique la qualité de salarié de l'entreprise utilisatrice, travaillant dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et embauché comme tel, alors que sa présence, dans l'entreprise utilisatrice, était le résultat de l'exécution de mission d'intérimaire, mis à disposition par la Société VEDIORBIS qui l'employait et qui le rémunérait.
La Société ALPEX soutient que l'action engagée par le salarié à l'encontre de l'entreprise utilisatrice n'est recevable que s'il y a méconnaissance des dispositions visées à l'article L. 1251-40 du Code du travail et que le salarié ne peut pas invoquer le non respect d'autres dispositions légales qui obligent l'entreprise intérimaire, employeur du salarié mis à disposition.
A juste titre et à bon droit, la Société ALPEX soutient que [E] [J] ne peut pas agir à son encontre pour revendiquer un salaire autre que celui convenu avec son employeur intérimaire.
En conséquence et par application des dispositions des articles L.1251-40, L.1251-43, L.1251-16, L.1251-36 et L.1251-18, [E] [J] n'est ni recevable ni fondé à réclamer une quelconque somme au titre d'un salaire, d'un rappel de salaire et de congés payés à l'encontre de la SA ALPEX et au titre de dommages et intérêts fondés sur un manquement ou des manquements qu'il ne peut que reprocher à la Société VEDIORBIS qui était l'employeur intérimaire et qui n'est pas dans la cause.
En tout cas la SA ALPEX n'avait aucune obligation contractuelle et légale de le rémunérer comme conducteur de machine et de lui offrir la rémunération qu'il réclame par référence à l'un de ses salariés de l'époque.
Quant à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée dirigée contre l'entreprise utilisatrice, il est certain que le moyen tiré du défaut d'un délai de carence entre les missions ne peut être opposé à l'entreprise utilisatrice, les dispositions de l'article L.1251-36 du Code du travail n'étant pas visées dans celles qui permettent la requalification.
D'autre part, pour les missions entre le 11 Juin 2002 et le 21 Juin 2002, la preuve est rapportée qu'un accroissement d'activité a eu lieu dans l'entreprise compte tenu de la commande d'un client ; que celle entre le 24 Juin 2002 et le 05 Juillet 2002, un accroissement d'activité est aussi démontré, notamment en raison d'une commande 'Thuasne' ; pour celle entre le 08 Juillet et le 12 Juillet 2008,la preuve d'une commande urgente est établie ; pour celle entre le 15 Juillet 2002 et le 26 Juillet 2002, une commande Moreau est également établie ; pour celle du 18 Juillet 2002 au 06 Décembre 2002, une commande complémentaire est prouvée ; pour celle du 07 Janvier 2003 au 24 Janvier 2003 une commande 'Iluna' existe.
Il ressort des pièces fournies par la SA ALPEX et de ses chiffres d'affaire correspondant aux différentes périodes évoquées qu'un véritable accroissement d'activité a eu lieu de nature à justifier un emploi par intérim.
Enfin pour la période du 02 Septembre 2002 au 15 Novembre 2002, [E] [J] a bien été employé pour remplacer un salarié absent qui était le salarié FREYCON, absent pour maladie et dont le poste était occupé par le salarié [D].
Il résulte de l'étude de toutes les pièces apportées au débat par l'entreprise utilisatrice que le recours au travail temporaire était justifié conformément à la loi et que [E] [J] n'établit pas une fraude à la loi de nature à prononcer la requalification de son contrat de travail.
Quant à la rupture du contrat de travail de [E] [J] dont il soutient qu'elle serait nulle de sorte que sa réintégration devrait être ordonnée, il suffit de constater que la mission a pris fin le 31 Janvier 2003 et que l'entreprise utilisatrice n'a jamais eu l'intention ou la volonté de mettre fin à un contrat de travail la liant à [E] [J], observation faite que les dispositions des articles L.1226-9, R.4624-31, L.1226-11, L.1226-13 du Code du travail ne peuvent être appliquées à l'encontre de la SA ALPEX contre laquelle l'action en requalification de contrat n'est pas fondée.
En conséquence, toutes les demandes de [E] [J] à l'encontre de la SA ALPEX sont mal fondées.
L'équité commande de ne pas appliquer l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement du 06 mai 2010 rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE ;
Déclare que l'action engagée par [E] [J] n'est pas prescrite à l'égard de la SA ALPEX ;
Mais la déclare entièrement mal fondée en toutes ses branches ;
Déboute [E] [J] de toutes ses demandes faites à l'encontre de la SA ALPEX venant aux droits et obligations de la Société CONTRECOLLAGES TECHNIQUES ;
Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne [E] [J] aux dépens de Première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Michel GAGET