AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/03263
SNC LIDL
C/
[R]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 05 Avril 2011
RG : F 10/00295
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 13 JANVIER 2012
APPELANTE :
SNC LIDL
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nicolas BES
de la SCP DEYGAS-PERRACHON-BES & ASSOCIES,
avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[G] [R]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-Yves DIMIER
de la SCP CROCHET-DIMIER l,
avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/18264 du 22/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
PARTIES CONVOQUÉES LE : 01 Juin 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Novembre 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Janvier 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
[G] [R] a été engagé par la SNC LIDL suivant contrat de travail à durée indéterminée du 22 juillet 2009 en qualité de chef de magasin à compter du 17 août 2009 avec une période d'essai fixée à trois mois.
Par lettre de l'employeur du 4 novembre 2009 contresignée par le salarié, la période d'essai a été prorogée pour deux mois.
Le 16 décembre 2009, la SNC LIDL a rompu le contrat de travail avec un délai de prévenance d'un mois durant lequel, [G] [R] a été dispensé de travailler.
Le 8 avril 2010, [G] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne pour contester la rupture du contrat de travail et obtenir des dommages et intérêts d'une part pour non-respect de la procédure de licenciement et d'autre part, pour rupture abusive.
Par jugement en date du 5 avril 2011, le conseil de prud'hommes a :
- constaté l'absence de correspondance concernant la rupture,
- condamné la SNC LIDL à payer à [G] [R] 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté [G] [R] du surplus de sa demande,
- condamné la SNC LIDL aux entiers dépens de l'instance lesquels seront recouvrés conformément à la procédure applicable en matière d'aide juridictionnelle.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 2011, [G] [R] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions écrites, déposées le 18 août 2011, visées par le greffier et soutenues oralement, la SNC LIDL demande à la cour de :
- dire [G] [R] mal fondé en ses demandes et conclusions en toutes fins qu'elles comportent,
- infirmer le jugement et débouter [G] [R] de ses demandes,
- à défaut, constater la régularité du renouvellement de la période d'essai, de la rupture de la période d'essai intervenue, le respect du délai de prévenance et débouter [G] [R] de ses demandes,
- en toute hypothèse, constater qu'en cas de non-respect du délai de prévenance concernant la période d'essai, il n'y a lieu qu'à indemnisation de la durée de ce délai,
- constater que [G] [R] a été intégralement rempli de ses droits concernant le délai de prévenance et le débouter de toute demande indemnitaire.
Par conclusions écrites, déposées le 26 septembre 2011, visées par le greffier et soutenues oralement, [G] [R] demande à la cour, au visa des articles L. 1221-9 du code du travail et 1315 du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de correspondance concernant la rupture du contrat de travail,
- réformer le jugement et statuant à nouveau,
- juger irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse la rupture de son contrat de travail,
- condamner la SNC LIDL à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :
* 2.266,14 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- enjoindre à la SNC LIDL à lui remettre une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la décision à venir,
- condamner la SNC LIDL à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le litige concerne la régularité du renouvellement de la période d'essai au regard des dispositions conventionnelles et celle de la rupture.
La convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire annexe II agents de maîtrise et techniciens régissant le contrat de travail, stipule : 'Les parties peuvent décider d'un commun accord soit d'abréger la période d'essai, soit de la prolonger une fois dans la limite de deux mois. Leur accord à ce sujet devra être constaté par échange de lettres.'
Le contrat de travail prévoit que la période d'essai fixée à trois mois et expirant le 16 novembre 2009 pourra être prolongée dans la limite de deux mois, dans le cadre d'un avenant exprès et écrit.
En l'espèce, la SNC LIDL a complété, daté du 4 novembre 2009 et signé un imprimé préétabli intitulé 'reconduction de la période d'essai' mentionnant que la période d'essai, devant se terminer le 16 novembre 2009, ne lui avait pas permis de conclure avec certitude à l'aptitude du salarié à remplir les fonctions envisagées et qu'en conséquence, elle était amenée à prolonger la période d'essai pour une durée de deux mois aux conditions prévues par le contrat de travail et en demandant au salarié de retourner le double du document avec la mention écrite 'bon pour accord'.
[G] [R] a signé ce document en apposant la mention requise et sans le dater.
Ce renouvellement ne respecte pas les dispositions conventionnelles prévoyant que l'accord doit être constaté par un échange de lettres et auxquelles le contrat de travail ne pouvait déroger de manière défavorable au salarié.
Or tel est le cas en l'espèce.
En effet, un échange de lettres permet de s'assurer que l'employeur a présenté au salarié une proposition de prolongation de la période d'essai et que le salarié, en disposant d'un délai de réflexion, a donné un accord clair et non équivoque à la proposition.
Par contre, l'avenant établi par l'employeur qui contient la notification de sa décision de renouveler la période d'essai et non une proposition soumise à approbation et sur lequel le salarié a apposé sa signature précédée d'une mention qui lui était demandé d'apposer, sans qu'un délai de réflexion puisse être vérifié faute de date de la remise et de l'acceptation, ne démontre pas la volonté claire et non équivoque de [G] [R] de renouveler la période d'essai.
En conséquence, le renouvellement de la période d'essai n'est pas valable et dès lors le contrat de travail a été définitivement conclu à l'issue de la période d'essai de trois mois prévue par le contrat de travail. Il s'ensuit que la rupture notifiée le 16 décembre 2009 au motif que l'essai n'était pas concluant et sans respect de la procédure de licenciement est irrégulière et abusive.
[G] [R] avait démissionné de son précédent emploi au sein de la société ADIL qu'il occupait depuis le 9 juin 2008 en sollicitant une dispense d'exécution de son préavis de deux mois, qui lui a été accordée, pour intégrer la SNC LIDL.
Il a perçu un salaire moyen mensuel de 2.266,14 euros.
Il était âgé de 26 ans au moment de la rupture et est père de deux enfants.
Il a perçu des allocations chômage d'un montant mensuel de 1.113 euros au moins jusqu'au 30 juin 2010 ; il ne précise pas s'il a retrouvé du travail après cette date.
Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, il y a lieu d'allouer à [G] [R] une indemnité de 2.000 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture irrégulière de son contrat de travail et des dommages et intérêts d'un montant de 4.000 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive.
La SNC LIDL doit remettre à [G] [R] une attestation destinée à Pôle Emploi conforme au présent arrêt.
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la SNC LIDL partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'elle a exposés et verser à [G] [R] une indemnité de 2.000 euros pour les frais non répétibles qu'elle l'a contraint à exposer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Juge irrégulière et abusive la rupture du contrat de travail signé le 22 juillet 2009 entre la SNC LIDL et [G] [R],
Condamne la SNC LIDL à verser à [G] [R] :
* une indemnité de 2.000 euros en réparation résultant de la rupture irrégulière du contrat de travail,
* des dommages et intérêts d'un montant de 4.000 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive,
* 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la SNC LIDL de remettre à [G] [R] une attestation destinée à Pôle Emploi conforme au présent arrêt,
Condamne la SNC LIDL aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Nicole BURKEL