AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/01093
[G]
C/
SAS AAREON FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 19 Janvier 2012
RG : F 10/02309
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2012
APPELANT :
[K] [G]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Séverine LAVIE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS AAREON FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par la ASS MIRANDE ASSOCIÉS (Me Emilie GASTE), avocats au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Michèle JAILLET, Conseiller
Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Novembre 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Marine BERAUD-DE CECCO, Greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Attendu que le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, par jugement contradictoire du 19 janvier 2012, a :
- dit que le licenciement de monsieur [G] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la société Aareon France à payer à monsieur [G] les sommes suivantes:
* 25430, 43 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2543,04 euros au titre des congés payés y afférents
* 19936,19 euros au titre d'indemnité de licenciement
* 4493,44 euros au titre de la prime de vacances
* 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté monsieur [G] de ses autres demandes
- débouté la société Aareon de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné à la Sas Aareon France la remise des documents et bulletins de salaires conformes
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
- fixé le salaire mensuel moyen brut à 8476,90 euros
- ordonné le remboursement par la société Aareon France aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du présent jugement dans la limite de 3 mois d'indemnités
-condamné la société Aareon France aux dépens;
Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par monsieur [G];
Attendu que monsieur [G] a été engagé par la société Prem' Sas dont la dénomination est devenue Aareon France, suivant contrat à durée indéterminée du 31 mars 2003, en qualité d'ingénieur d'affaire ;
Qu'il a été nommé directeur commercial de la société Aareon France le 1er janvier 2007;
Que son revenu mensuel brut s'est élevé à 8476,90euros ;
Attendu que la société Aareon AG, société de droit allemand, qui détient la société Aareon France a acquis la société Sylogis en septembre 2008;
Qu'en juin 2009, la société Aareon France est absorbée par la société Sylogis.com qui prend comme dénomination sociale Aareon France;
Attendu que monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au19 avril 2010, par lettre du 6 avril 2010 ;
Qu'il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du21 avril 2010 pour faute grave ;
Attendu que monsieur [G] a déclaré à l'audience être âgé de 55 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage et en percevoir toujours, la société créée par lui ne lui permettant pas de dégager de revenus ;
Attendu que la société Aareon France emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel;
Que la convention collective applicable est celle du personnel des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils.
Attendu que monsieur [G] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 21 juin 2012, visées par le greffier le 28 septembre 2012 et soutenues oralement, au visa des articles 1134 du code civil, L1152-1, L1234-9, L1234-5 et L1235-3 du code du travail de:
- le déclarer recevable en son appel
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse
- déclarer son licenciement abusif
- confirmer les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes sur les sommes suivantes:
* 19936,19 euros au titre des indemnités légales de licenciement
* 25430,43 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 2543,04 euros au titre des congés payés y afférents
- y ajoutant condamner la société Aareon France à lui payer la somme de 203.443,44 euros correspondant à 24 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les faits décrits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral
- condamner la société Aareon France à lui payer la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les rappels de salaires ne lui étaient pas dus
- condamner la société Aareon à lui payer les sommes de:
* 12885,64 euros au titre de rappel de salaires pour 2009 outre 1288,56 euros au titre des congés payés y afférents
* 9180,43 euros au titre du rappel de salaires pour 2010 outre 918,04 euros au titre des congés payés y afférents
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les primes de vacances sur la période de 2006 à 2010 étaient dues par la société Aareon France pour la somme de 4493,85 euros- condamner la société Aareon France à lui payer 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;
Attendu que la société Aareon France demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 27 août 2012, visées par le greffier le 28 septembre 2012 et soutenues oralement, de:
A titre principal
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de monsieur [G] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse
- débouter monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Subsidiairement
- confirmer le jugement
- débouter monsieur [G] de ses plus amples demandes
En tout état de cause
- condamner monsieur [G] à lui payer 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappels de salaires
Attendu que monsieur [G] soutient que son employeur a fait application d'un avenant modifiant sa rémunération qu'il a refusé de le signer et qu'il en est résulté pour lui une perte de salaires de 12885,64 euros entre 2008 et 2009, et de 9180, 43 euros pour les 3 premiers mois de l'année 2010, dont il demande paiement ;
Que la société Aareon France est au débouté des demandes présentées, soutenant avoir calculé les commissions dues selon les mêmes modalités qu'en 2008, en fonction des résultats commerciaux de monsieur [G] ;
Qu'elle fait par ailleurs observer que les sommes revendiquées par son salarié le sont au titre de rémunérations variables correspondant au montant maximum en cas d'atteinte aux objectifs, dont il n'est pas prouvé qu'ils aient été atteints ;
Attendu que monsieur [G] a été engagé en qualité d'ingénieur d'affaires, suivant lettre d'embauche du 26 mars 2003 par la société Prem'Sas, aux droits de laquelle vient la société Aareon France, moyennant une rémunération brute annuelle de 42000 euros, sur une base de 143 heures, avec prise en charge de frais professionnels, remboursements de frais exposés sur justificatifs ;
Qu'un « compensation plan » a fixé des objectifs commerciaux de chiffre d'affaires net de 1.800.000 euros pour l'année 2003 avec application d'un taux de commissionnement progressif selon le pourcentage de l'objectif annuel atteint ;
Attendu qu'il n'est produit aucun autre plan de commissionnement ;
Attendu que monsieur [G] verse ses bulletins de salaires depuis son embauche desquels il résulte qu'il a touché :
- pour les 8 mois de l'année 2003 la somme brute de 31.661,82 euros
- pour 2004 la somme brute de 48.599,02 euros
- pour 2005 la somme brute de 80.000 euros
- pour 2006 la somme brute de 68.375 euros
- pour 2007 la somme brute de 85.172,96 euros
- pour 2008 la somme brute de 104.542,91 euros
- pour 2009 la somme brute de 103.964,18 euros
- et pour les 3 premiers mois de l'année 2010 la somme brute de 28.800,12 euros ;
Attendu que sur les bulletins de salaires, monsieur [G] est mentionné comme ayant occupé un poste d'ingénieur d'affaires jusqu'au 31 décembre 2006, de directeur commercial jusqu'en mai 2009, puis à compter de juin 2009 « directeur commercial Sales Team 2 » ;
Attendu que le Directeur Général de Aareon France a consulté monsieur [G] le 30 mars 2009 sur « la nouvelle grille de comm », lui précisant « tant que les avenants ne sont pas signés on reste dans le mode équivalent à 2008 » ;
Que ce dernier, par courriel des 6 et 7 avril 2009, a répondu alertant sur la hausse des objectifs « dans des proportions très lourdes ex : ajout (en global de 450keuros de licences de synergies, 100keuros de négoce' » et chiffrant sa perte de revenus à 25 keuros;
Attendu que le comité de direction, par courriel du 17 avril 2007, a informé, notamment monsieur [G], des décisions prises concernant le plan de commissionnement des équipes commerciales et de ce que « ces règles seront prises en compte dans des avenants qui vous seront proposés prochainement » ;
Attendu qu'un premier avenant à effet au 1er janvier 2009 a été proposé à monsieur [G], en mai 2009, définissant un objectif global de commandes pour les deux équipes commerciales à 4.405.000 euros, avec un commissionnement diminué des frais de déplacement des équipes commerciales, une rémunération annuelle établie pour un temps de travail de 217 jours, comprenant une rémunération fixe de 55.788 euros bruts annuels et un variable de 44338 euros réparti sur un variable sur commande, un variable sur facturation des progiciels et de la marge sur négoce et un dernier sur la facturation des spécifiques, avec en diminution du chiffre d'affaires réalisé sur l'objectif des commandes les frais engagés par lui et attribution d'un territoire couvrant la Bourgogne, l'Alsace, la Franche Comté, Rhône Alpes, Provence Alpes Côte d'Azur, Auvergne et Corse ;
Que monsieur [G] a refusé de signer cet avenant ;
Attendu qu'un second avenant a été joint au courriel du 2 octobre 2009, également refusé par monsieur [G], pour « modifications substantielles à mon contrat de travail : fonction et salaire » ;
Attendu que par courrier recommandé du 9 novembre 2009, l'employeur a notifié à monsieur [G] que « les conditions de rémunérations telles que pratiquées en 2008 ne peuvent pas s'appliquer en 2009 », en a expliqué les raisons et invité ce dernier à lui faire parvenir sous 8 jours une contre-proposition d'avenant prenant en compte les explications données ;
Que par courrier du 10 février 2010, la société Aareon France a proposé à monsieur [G] « selon les principes de calcul réalisé en 2008, le calcul de votre rémunération variable selon les objectifs fixés pour l'année 2009 et l'acceptation de l'organisation de votre équipe commerciale » et a chiffré la rémunération variable 2009 à 28.386,12 euros ;
Attendu que d'une part, dufait que monsieur [G] ait pris une part active à la nouvelle organisation suite à la fusion des sociétés Aareon France et Sylogis.com, il ne peut en être déduit que ce dernier ait accepté de voir son périmètre d'intervention partagé avec une autre équipe, modifier son horaire de travail et redéfinir la structure de sa rémunération variable avec imputation des frais exposés par les équipes commerciales ;
Que cet accord devait faire l'objet d'un avenant soumis à l'approbation express du salarié ;
Que cet avenant n'a jamais été signé par monsieur [G], qui à moult reprises, a alerté son employeur sur les modifications en résultant pour lui ;
Attendu que d'autre part, la société Aareon France reconnaît elle-même aux termes de ses écritures d'appel, que suite à la fusion absorption intervenue en juin 2009, elle a dû « répartir équitablement le territoire et les clients » entre les deux équipes ;
Que l'employeur, par lettre du 10 décembre 2009, a reconnu avoir « découpé la France en deux territoires afin que chaque directeur commercial puisse avoir le même nombre de clients et un potentiel de ventes identiques afin d'assurer une répartition équivalente entre les deux directeurs commerciaux » ;
Que le fait que le salarié ait ou non émis de réserves sur cette répartition est sans incidence sur la nécessité de subordonner cette répartition à la signature d'un avenant ;
Attendu qu'enfin, concernant le mode de calcul de sa rémunération variable 2009, il appartenait à l'employeur de faire adhérer monsieur [G] au nouveau plan de commissionnement qu'il entendait instaurer, au regard de la nouvelle répartition du travail en deux équipes, pour 2009 et à défaut de faire application de celui en vigueur en 2008 ;
Qu'en l'absence d'accord concrétisé par écrit, indépendamment de la réalisation ou non des objectifs, il appartenait à la société Aareon de servir à monsieur [G] à titre de rémunération variable pour 2009 une rémunération équivalente à celle servie en 2008 ;
Que monsieur [G] a eu un manque à gagner de 578,73 euros outre les 57,87 euros au titre des congés payés y afférents en 2009 ;
Que pour l'année 2010, sur les 3 premiers mois, il aurait dû percevoir un salaire globalisé de 25430,43 euros, selon le calcul adopté par le salarié, alors même qu'il a touché un revenu de 28800,12 euros ;
Qu'aucun rappel de salaires ne lui est dû ;
Attendu que la société Aareon doit être condamnée à payer à monsieur [G] à titre de rappel de salaires pour 2009 la somme de 578,73 euros outre les 57,87 euros au titre des congés payés y afférents ;
Sur la demande au titre du harcèlement moral
Attendu que monsieur [G] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur qui :
- lui a retiré la fonction de directeur marketing et l'a suspendu de ses fonctions au sein du comité de direction
- lui a fait subir des brimades et vexations
- lui a adressé des réflexions sur son manque d'implication au travail et n'a pas régularisé sa situation
- a exercé ses prérogatives d'employeur de façon abusive et discriminatoire à son égard : mise à l'écart délibérée, ayant altéré sa santé physique et psychique;
Attendu qu'en application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Qu'en application de l'article L1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que monsieur [G] verse au soutien de ses affirmations les pièces suivantes :
- le courriel de monsieur [B] du 9 janvier 2009 lui précisant que le lieu de réunion est à [Localité 7] et que « Dr [O] sera présent pour un comité de pilotage dans l'après-midi auquel malheureusement tu n'es pas convié »
- le courriel de monsieur [L] du 23 janvier 2009 alertant monsieur [B] sur la nécessité d'associer monsieur [G] à la stratégie commerciale et indiquant que « vous ne l'ayez pas mis dans la boucle n'est pas un fonctionnement normal »
- son courriel du 13 septembre 2009 se plaignant de ne pas avoir « encore accès à l'outil intranet »
- son courriel du 10 février 2010 alertant monsieur [B] de sa mise à l'écart concernant l'objet « Mipim » et la réponse immédiate rassurante, « la liste des participants n'est pas figée puisque l'on pensait également te demander de venir »
- son courriel du 30 septembre 2009 annonçant la prise d'une journée de repos « en raison d'un état de tension très fort »
- son courriel du 1er avril 2010 dénonçant l'absence de traitement de sa rémunération variable, la circulation d'informations fausses concernant son départ imminent et l'impact sur son état de santé
- le traitement prescrit par son médecin traitant les 8 mars, 15 avril 2010 et son arrêt de travail pour 4 jours prescrit le 8 mars 2010 pour « asthénie mot illisible réactionnel » ;
Attendu que l'employeur conteste tout fait de harcèlement moral ;
Qu'il justifie que monsieur [G] a été convié aux réunions de management mais n'a pu l'être au comité de direction, mis en place dans la nouvelle structure Aareon France, réservé aux seuls dirigeants mandataires sociaux ;
Qu'il démontre que les informations relatives à l'activité commerciale étaient portées à la connaissance de ce salarié ;
Qu'il reconnait un problème d'accès ponctuel et isolé à l'intranet de la société ;
Qu'il verse aux débats les multiples échanges intervenus entre lui et le salarié dont aucun ne comporte des termes blessants ou vexatoires et sont seulement révélateurs des désaccords les opposant ;
Qu'il produit de multiples attestations de salariés de la société rappelant la participation de monsieur [G] aux réunions de management et ce dans un climat cordial, sans tenues de remarques désobligeantes et le professionnalisme de la dirigeante, ouverte à la discussion ;
Attendu que la cour, après confrontation des différents éléments, a la conviction que monsieur [G] n'a pas été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;
Attendu que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur la rupture des relations contractuelles
Attendu que monsieur [G] a été licencié pour faute grave par lettre du 21 avril 2010 rédigée en ces termes :
« Vous exercez au sein de notre entreprise la fonction de Directeur Commercial. A ce titre, vous avez la responsabilité des dossiers sur lesquels votre équipe et vous-même travaillez. Or, des dysfonctionnements graves dans le traitement d'un certain nombre de dossiers ont été découverts, ainsi:
Dossier Marchés forfaitaires
Les offres rédigées par votre équipe commerciale, en réponse aux appels d'offre 2007-2008, n'ont pas été validées par le responsable des consultants quant à l'estimation du nombre de jours de prestations nécessaires à la réalisation de ces marchés, ce qui est contraire aux usages de notre profession. Ceci a eu pour conséquence une sous évaluation de la charge de consulting se traduisant ainsi, après analyse faite en mars dernier du tableau des prestations restant à réaliser sur ces marchés forfaitaires, par des dépassements conséquents de jours d'intervention restant à réaliser, non initialement prévus et estimés à 310 jours pour un coût estimé à 233 430 euros qui ne pourront pas être facturés sur ces marchés aux clients.
Dossier OPAC Vosges
Le dossier OPAC Vosges que vous avez négocié contient une ambigüité concernant le périmètre du projet de la mise en 'uvre de Prem Habitat. En effet, tel que décrit dans le Cahier des Clauses Techniques Particulières, ce projet concerne deux entités: l'OPAC Vosges et l'Office Municipal d'Epinal dont le paramétrage, si pour l'essentiel était commun aux deux organismes, devait toutefois prendre en compte certaines spécificités propres à chacun des organismes non précisées dans le CCTP. Or, l'offre commerciale que vous avez établie aurait du contenir la liste de ces spécificités ou à tout le moins une réserve permettant de limiter l'impact de cette imprécision, que nous avons découvert lors de la préparation du dernier comité de pilotage.
Lors de l'élaboration de l'offre commerciale, vous auriez dû en effet identifier cette imprécision et la porter à la connaissance de la Direction générale afin qu'il soit inséré dans l'offre des clauses contractuelles de nature à lever toute ambiguïté ou en limiter les effets. Ce qui n'a pas été fait et entraine aujourd'hui un dérapage du projet puisque nous devons réaliser, au titre de l'année 2010, 108 jours de prestations supplémentaires qui ne pourront pas être facturés au client.
Dossier Habitat 44
Le dossier Habitat 44, qui a été négocié par votre équipe, comporte des clauses de pénalités non plafonnées non conformes aux usages de la profession et qui font aujourd'hui courir à l'entreprise un risque estimé à 972 529,30 euros de pénalités et 468 465,18 euros de dommages-intérêts réclamés par notre client par voie de justice, la société venant en effet d'être assignée le 9 avril dernier.
En votre qualité de Directeur Commercial, vous n'auriez jamais du accepter de valider un tel contrat faisant courir un tel risque à la société, et auriez dû, à tout le moins, alerter la Direction Générale sur l'existence de ces clauses inhabituelles et des risques afférents.
Dossier SNI
L'offre commerciale élaborée et remise par votre équipe à la société SNI comporte un engagement de réduction d'un montant de 55 260 euros appliqué sur le prix de la commande de la nouvelle version de Prem Habitat. Or, cet engagement de réduction n'a jamais été validé par la Direction Générale.
En tant que responsable des offres commerciales émises par votre équipe, vous auriez dû obtenir l'aval de la Direction Générale sur le principe de cette ristourne préalablement à sa diffusion par votre équipe à notre client. Une demande d'explication vous a d'ailleurs été adressée par mail et est restée à ce jour sans réponse.
Commissions 2008
Il vous a été demandé de fournir les éléments permettant de justifier le montant des commissions à verser aux commerciaux de votre équipe en 2009 au titre de l'exercice 2008.
Vous nous avez fait parvenir des fichiers faisant apparaître un reliquat de commissions à verser notamment à Monsieur [P] [U] sur le marché ADOMA alors qu'il nous semblait que Monsieur [U] avait perçu la totalité de sa commission sur ce marché.
En effet, à la lecture de vos fichiers, vous avez prévu de commissionner Monsieur [U] sur la totalité du marché ADOMA, contrairement aux dispositions de son avenant 2008 négocié et signé par vous à l'époque ainsi qu'à l'accord convenu en son temps entre vous et l'ancien Directeur Général Monsieur [L] prévoyant de limiter au 1/3 la prise en compte du dossier ADOMA dans la base de calcul des commissions des commerciaux.
Suite à une demande d'explication de notre part, vous avez prétendu ne pas être au fait des dispositions de l'avenant de Monsieur [U], ni des arbitrages effectués par l'ancien Directeur Général.
Cet état de fait n'est pas compatible et acceptables avec vos responsabilités de Directeur Commercial et caractérise une exécution défaillante de votre travail.
Dossier Moulins Habitat
La réponse à l'appel d'offre de Moulins Habitat dont votre équipe et vous-même aviez la charge devait être remise au 20/04/10. Vous étiez en congés du 09/04 au 19/04/10. Vous avez adressé à la Direction Générale un mail en date du 8/04 au terme duquel vous précisiez la nature des tâches restant à faire et demandiez dans le même temps à cette dernière d'étudier l'organisation à mettre en place. En dépit de ce mail, vous n'avez pas laissé les éléments utiles à votre équipe afin de leur permettre de compléter ce dossier pendant votre absence. Ce dossier a donc, du être monté le 19/04 dans l'urgence et n'a donné lieu à aucune anticipation sur les éléments disponibles avant votre départ en congés.
Force a été de constater que vous n'avez su correctement anticiper de dossier et gérer la gestion des ressources de votre équipe » ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Que lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;
Que l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, ainsi reproduits dans la période ;
Attendu que monsieur [G] soulève à titre principal la prescription des faits fautifs ;
Que la société Aareon France soutient avoir entre décembre 2009 et avril 2010 découvert des « engagements commerciaux inconséquents » pris par monsieur [G] ;
Qu'elle date la découverte de la sous-évaluation du nombre de jours de prestations nécessaires pour la réalisation des marchés forfaitaires de mars 2010 et produit le courriel du 23 mars 2010, auquel était joint un tableau récapitulatif établissant les pourcentages d'erreurs et les coûts des dépassements générés ;
Que ce fait n'est pas prescrit ;
Que concernant le dossier Opac des Vosges, les mêmes observations que précédemment s'imposent ;
Que concernant le dossier Habitat 44, l'employeur a eu connaissance du contentieux généré par les pénalités lors de l'assignation qui lui a été délivrée le 9 avril 2010 ; Que ce fait n'est pas prescrit ;
Que concernant le dossier SNI, la découverte en a été faite le 16 décembre 2009 lors d'une réunion avec le client ;
Que l'existence de faits commis dans la période du 21 février au 21 avril 2010 permet l'examen de ce fait plus ancien relevant du même comportement ;
Que concernant les commissions 2008 de monsieur [U], en l'absence de réponse précise de monsieur [G] en octobre 2009 aux demandes d'explication de son employeur, ce dernier a poursuivi ses investigations en février et mars 2010 ; Que la découverte des faits dans leur intégralité n'a été effective qu'au 15 mars 2010 ;
Que ce fait n'est pas prescrit ;
Que concernant le dossier Moulins Habitat, la découverte des faits dans leur intégralité n'est apparue à l'employeur que lors de l'arrêt de travail de monsieur [G] en avril 2010 ;
Que ce fait n'est pas prescrit ;
Attendu que la demande de monsieur [G] tendant à voir déclarer prescrites les fautes reprochées ne peut prospérer ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise;
Attendu que le licenciement ayant été prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire ; Qu'il incombe à l'employeur d'établir la preuve de la réalité des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige et au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement ;
Attendu que d'une part, il résulte des pièces versées par l'employeur que monsieur [G], qui occupait une place stratégique dans l'entreprise et disposait d'une autonomie d'action, reposant sur la confiance que lui faisait son employeur de lui soumettre des offres commerciales sérieuses et réalisables sans qu'il soit besoin d'un contrôle permanent contraire aux responsabilités exercées par ce dernier, lui a fait conclure des marchés générant pour elle des surcoûts financiers importants que ce soit en termes de jours de prestations non facturables aux clients, en termes de défaut d'identification précise des contractants, en termes de rédaction de clauses de pénalités non plafonnées, en termes de remise pour une licence équivalente à son prix ;
Que de tels manquements sont fautifs ;
Attendu que d'autre part, alors même que l'employeur avait alerté monsieur [G] par lettre du 10 décembre 2009, sur la nécessité de répondre à l' appel d'offre de Actis, client placé sur son territoire, ce dernier a omis de traiter l'appel d'offre d'un autre client en en laissant le soin à la direction générale et en ne remettant pas les éléments en sa possession ;
Que ce désengagement dans la réponse apportée au traitement des appels d'offres, commis par un directeur commercial, cadre, sans raisons objectives est également constitutive d'une faute, susceptible de compromettre les intérêts financiers de son employeur;
Attendu que par contre, la gestion du dossier des commissions de monsieur [U] et le manque de transparence dans la transmission des informations, dont la responsabilité n'incombe pas directement à ce salarié, mais relève de la société employeur avant sa fusion absorption ne saurait être considéré comme un manquement fautif ;
Attendu que les premiers juges ont justement considéré que le licenciement prononcé reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur les conséquences financières de la rupture des relations contractuelles
Attendu que les premiers juges ont justement déterminé les indemnités auxquelles monsieur [G] peut prétendre au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés ;
Que monsieur [G] doit être débouté de sa demande d'indemnité en application de l'article L1235-3 du code du travail ;
Attendu que le licenciement étant causé, l'employeur ne pouvait être condamné à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage servies au salarié licencié en application de l'article L1235-4 du code du travail ;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Sur la demande de la prime de vacances
Attendu que le conseil de prud'hommes a justement alloué à monsieur [G] la prime de vacances, dans la limite de la prescription quinquennale, qu'il aurait dû percevoir en application de l'article 31 de la convention collective applicable ;
Que le jugement doit être confirmé de ce chef
Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a :
- débouté monsieur [G] de sa demande au titre du harcèlement moral
- dit que le licenciement de monsieur [G] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la société Aareon France à payer à monsieur [G] les sommes suivantes:
* 25430, 43 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2543,04 euros au titre des congés payés y afférents
* 19936,19 euros au titre d'indemnité de licenciement
* 4493,44 euros au titre de la prime de vacances
* 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ses dispositions relatives aux dépens ;
Attendu que les dépens d'appel resteront à la seule charge de la société Aareon France qui succombe sur le principal de ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur [G] une indemnité complémentaire de 1800 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Reçoit l'appel
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté monsieur [G] de sa demande au titre du harcèlement moral
- dit que le licenciement de monsieur [G] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la société Aareon France à payer à monsieur [G] les sommes suivantes:
* 25430, 43 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2543,04 euros au titre des congés payés y afférents
* 19936,19 euros au titre d'indemnité de licenciement
* 4493,44 euros au titre de la prime de vacances
* 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ses dispositions relatives aux dépens
L'infirme en ses autres dispositions
Statuant à nouveau de ces chefs
Dit n'y avoir lieu à application de l'article L1235-4 du code du travail à l'encontre de la société Aareon France
Condamne la société Aareon France à payer à monsieur [G] un rappel de salaires au titre de l'année 2009 à hauteur de la somme de 578,73 euros outre les 57,87 euros au titre des congés payés y afférents
Déboute monsieur [G] de sa demande de rappel de salaires pour l'année 2010
Y ajoutant
Condamne la société Aareon France à payer à monsieur [G] une indemnité complémentaire de 1800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Marine BERAUD-DE CECCO Nicole BURKEL