AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 17/01168
SELARL MJ C... E...
C/
X...
Association CGEA DE CHALON SUR SAONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE
du 19 Janvier 2017
RG : F15/00155
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 08 JUIN 2018
APPELANTE :
La SELARL MJ C... E... représentée par Maitre Fabrice Y..., ès-qualités de Mandataire liquidateur de la « SARL ATELIER DES JARDINS »
[...]
représentée par Me Anthony Z... de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Hélène A..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉES :
Carole X...
née le [...] à SAINT PRIEST (69)
[...]
représentée par Me Jean-pierre A... de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
L'Association CGEA DE CHALON SUR SAONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...] 40338
[...]
représentée par Me Pierre-Yves B... de la SELARL B..., avocat au barreau de ROANNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2018
Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Elizabeth F..., président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Thomas CASSUTO, conseiller
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 08 Juin 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth F..., Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Le 25 août 2014, Madame Carole X... a été embauchée en contrat à durée indéterminée, signé le 23 juillet 2014, par la SARL ATELIER DES JARDINS en qualité de responsable qualité, statut cadre, pour un salaire de 2 481 euros. La convention collective applicable est celle des boulangeries pâtisseries industrielles.
Madame Carole X... a travaillé auparavant au sein de la société DELMOTTE de RENAISON pour un salaire annuel de 45 000 euros, soit 3 750 euros mensuel, depuis le 1er septembre 2000.
Aux termes de l'article 7 du contrat de travail, la SARL ATELIER DES JARDINS a repris l'ancienneté dont Madame Carole X... bénéficiait chez son précédent employeur.
A compter de septembre 2014, la SARL ATELIER DES JARDINS n'a plus été en mesure de payer l'intégralité des salaires des salariés.
Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL ATELIER DES JARDINS. Le jugement fixe provisoirement, au 1er septembre 2014, la date de cessation des paiements.
Le 17 décembre 2014, un avenant au contrat de travail de Madame Carole X... a été signé et a prévu une augmentation de salaire à hauteur de 2 600 euros portés à 3 000 euros au 1er janvier 2015.
Le 8 juillet 2015, la liquidation judiciaire de la SARL ATELIER DES JARDINS a été prononcée. Le 16 juillet 2015, le mandataire judiciaire en a informé Madame Carole X... ainsi que du règlement des salaires par le CGEA.
Le 20 juillet 2015, un entretien préalable au licenciement économique de Madame Carole X... s'est déroulé en l'étude de Maître Y....
Madame Carole X... a été licenciée. Son compte a été soldé le 10 août 2015.
Madame Carole X... a constaté que son ancienneté au 1er septembre 2000 figurant sur toutes ses fiches depuis sa date d'embauche de paie avait disparu. Ainsi, sur la fiche de paie d'août 2015, l'ancienneté indiquée est le 25 août 2014.
Madame Carole X... a perçu une indemnité de préavis de 1 mois au lieu de 3 mois prévue par le statut cadre. Elle n'a perçu aucune indemnité de licenciement. Elle constate également que le chèque remis de 1262.31 euros ne correspond pas à la fiche de paie de 1488.31 euros.
Le 10 octobre 2015, Madame Carole X... a fait part de ses réclamations au mandataire judiciaire.
Par jugement du 23 mars 2016, le tribunal de commerce de Roanne a reporté la date de cessation de paiement au 31 décembre 2013.
C'est dans ces conditions que Madame Carole X... a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE aux fins de :
- Retenir que l'avenant du 17 décembre 2014 impose la reprise de l'ancienneté au 1er septembre 2000.
- Retenir que le statut cadre lui confère une indemnité de préavis de 3 mois.
- Fixer les créances de Madame Carole X... à :
- rappel de salaire : 226 euros
- indemnité légale de licenciement 10 000 curas
- indemnité contractuelle : 36 000 euros
- indemnité de préavis de 2 mois : 6 000 euros
- indemnité de congés payés sur préavis : 600 euros
- article au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile : 2 000 euros.
- Dire que l'AGS CGEA devra relever et garantir les organes de la liquidation judiciaire pour le paiement de ses créances.
Par jugement du 20 janvier 2017, le conseil des prud'hommes de Roanne a:
- Dit et jugé que le contrat de travail de Madame Carole X... est valide dans toutes ses composantes, notamment en ce qui concerne l'indemnité contractuelle en cas de licenciement pour motif économique et la reprise de l'ancienneté,
- Dit et jugé que le contrat de travail du 23 juillet 2014 impose la reprise de l'ancienneté au 1er septembre 2000,
- Dit et jugé que le statut cadre confère à Madame Carole X... une indemnité de préavis égale à trois mois de salaire.
- Dit et jugé que l'avenant est nul, celui-ci ne concerne que l'augmentation de salaire à 2 600 euros puis à 3 000 euros au 1" janvier 2015, les autres dispositions ont été reprises du contrat de travail initial,
- Fixe le dernier salaire de Madame Carole X... à 2 481 euros,
- Dit et jugé que le préavis est de 3 mois,
- Donné acte à la délégation régionale /AGS sud-est de sa demande reconventionnelle et l'en a déboutée,
- Fixé au passif de la SARL ATELIER DES JARDINS les créances de Madame Carole X... à :
- 4 443 euros correspondant à deux mois de préavis outre une indemnité de congés payés y afférents de 444.30 euros.
- 226 euros correspondant au rappel de salaire
- 8 270 euros correspondant à l'indemnité légale de licenciement
- 29 772 euros correspondant à l'indemnité contractuelle de licenciement
- 2 000 euros au titre de l'article au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile
- Dit et jugé que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des articles L3253-17, 3253-19 et L3253- 20 du Code du Travail. La garantie AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du Code du travail. Le plafond de garantie applicable à Madame Carole X... est le plafond 4. Ledit plafond comprenant toutes les avances effectuées par l'AGS pour le compte du salarié et comprenant notamment les cotisations sociales. Conformément aux dispositions de l'article D 3253-5 du Code du Travail, le montant maximum de la garantie constitue un multiple du plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage qui comprend les rémunérations brutes si bien que la garantie de l'AGS inclut toutes les cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle.
- Dit et jugé que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- Condamné la SELARL MJ C... liquidateur de la SARL ATELIER DES JARDINS à établir le relevé justifiant de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des créances ci-dessus
- Dit et jugé que les dépens seront tirés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL ATELIER DES JARDINS.
- Débouté les parties de toutes leur autres prétentions.
La société ATELIER DES JARDINS représentée par les organes de la procédure a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 février 2017.
Selon conclusions régulièrement notifiées, elle demande à la cour de:
- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de ROANNE en date du 19 janvier 2017
Et statuant à nouveau :
- Dire et juger que le contrat de travail de Madame Carole X... et son avenant n°1 sont nuls en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 632-1 du Code du Commerce,
- Debouter Madame Carole X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Selon conclusions régulièrement notifiées, Madame X... demande à la cour de:
- Retenant que le contrat liant les parties et son avenant sont équilibrés et que les obligations de l'employeur n'excédaient pas, notablement, celles de Mme X...,
- Retenant qu'il n'y a pas lieu d'annuler les conventions entre les parties en application de l'article L.632-1 du Code du Commerce,
- Réformant le jugement déféré,
Fixer les créances de Mme X... aux sommes suivantes:
- Rappel de salaire : 226.00 euros
- Indemnité contractuelle : 36 000.00 euros
- Indemnité de congés payés sur préavis : 600.00 euros
- Indemnité de préavis 3 mois : 9 000,00 euros
- Indemnité de licenciement : 10 000.00 euros
- Article 700 du code de procédure civile : 2 000.00 euros
- Dire que l'AGS CGEA devra relever et garantir les organes de la liquidation judiciaire pour le paiement de ses créances.
Par ordonnance du 6 octobre 2017, le Conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile les conclusions déposées le 11 septembre 2017 par le CGEA-AGS de CHALON SUR SAONE, irrecevabilité qui s'entend également de celle des pièces communiquées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2018.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées.
MOTIFS DE LA DECISION
Madame X... soutient que son contrat de travail du 25 août 2014 en qualité de responsable qualité était valide et correspondait à l'emploi qu'elle a occupé auparavant au sein d'une autre société. Elle sollicite en conséquence le paiement d'un préavis de trois mois et d'une indemnité de licenciement conforme à son ancienneté contractuelle.
Le liquidateur de la société ATELIERS DES JARDINS soutient que le contrat de travail du 25 août 2014 et son avenant ont été conclus dans des conditions irrégulières au regard de l'article L.632-1 du code du travail en ce qu'ils excédaient les capacités de la société. Elle sollicite le rejet des demandes indemnitaires.
En application de l'article L.632-1 du code de commerce, s ont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, notamment tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail constitue un contrat commutatif.
Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL ATELIER DES JARDINS et a fixé au 1er septembre 2014, la date de cessation des paiements. Puis par jugement du 23 mars 2016, le tribunal de commerce de Roanne a reporté la date de cessation de paiement au 31 décembre 2013 compte tenu du non-paiement des dettes sociales depuis cette date, ce qui n'est pas contesté par les parties.
Ces jugements ont acquis l'autorité de la chose jugée.
La SARL ATELIER DES JARDINS justifie (pièces n° 1, 2), qu'elle a fait face depuis plusieurs années à des difficultés financières se traduisant par :
- au 31 décembre 2012, une perte de 58.389 euros,
- au 31 décembre 2013, une perte de 31.788 euros, outre un passif total de 1.246.000 euros, et des capitaux propres négatifs à hauteur de 78.263,
- une baisse du chiffre d'affaires de 1.403.171 euros au 31.12.2014 à 855.864 euros au 31.12.2013,
- le licenciement de 13 salariés, suivi du licenciement économique de trois autres salariés dont Monsieur D... pendant la période d'observation, conformément à l'ordonnance du juge commissaire du 10 février 2015,
- l'incapacité de payer l'ensemble de ses salariés à compter de septembre 2014,
- le placement en redressement judiciaire le 17 décembre 2014 sur requête du ministère public, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 1er septembre 2014 et fixée définitivement au 31 décembre 2013,
- le fait que la période d'observation a généré un nouveau passif justifiant la liquidation judiciaire de la société en l'absence d'offre de reprise.
Il n'est donc pas contestable que le contrat de travail de Madame X..., ainsi que son avenant, ont été conclus pendant la période suspecte.
Pour s'opposer à l'argumentation de l'administrateur judiciaire, Madame X... met en avant le fait que la société ATELIER DES JARDINS avait bénéficié d'une recapitalisation à hauteur de 600.000euros. Or Madame X... ne produit qu'un procès-verbal du président de la société du 23 juin 2014 portant sur une augmentation de capital de 22.718 euros et l'émission d'un emprunt obligataire de 150.283,98 euros dont il n'est pas démontré qu'il a donné lieu à une souscription intégrale ou partielle.
En toute hypothèse, ces opérations financières ne démontrent pas que la société était en capacité de conclure en période d'observation un contrat de travail et un avenant avec Madame X... dans les conditions salariales rappelées ci-dessus.
Madame X... soutient au surplis que le mandataire liquidateur n'a pas remis en cause le statut de cadre et la rémunération et que la reprise d'ancienneté serait une pratique courante.
Toutefois, les obligations de l'employeur, résultant de la signature d'un contrat de travail au cours d'une période de graves difficultés financières associées à une baisse majeure d'activité entraînant une réduction importante des effectifs, elle-même suivie de la signature d'un avenant au contrat de travail ayant pour conséquence d'élever au rang de cadre de Madame X..., d'augmenter sa rémunération, de consentir à une reprise d'ancienneté en tenant compte d'un emploi précédent chez un employeur n'ayant aucun lien juridique avec la société ATELIER DES JARDINS et de prévoir une indemnité contractuelle de licenciement égale à 12 mois de salaire, excédaient donc notablement celles de la salariée Madame X..., caractérisant un déséquilibre considérable entre les prestations prévues par ce contrat.
Le caractère anormal de l'avenant au contrat de travail du 17 décembre 2014 est également établi par le fait qu'il a été signé le jour même où a été prononcée l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société ATELIER DES JARDINS, et ce, alors que dès le mois de septembre 2014, les salariés ne pouvaient plus être réglés.
Il convient en conséquence d'annuler l'avenant du 17 décembre 2014 et de débouter l'intimée de ses demandes de rappel de salaire incluant rappels de préavis et de congés payés et d'indemnités de licenciement.
Le jugement sera infirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties leurs frais non recouvrables.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE Madame X... de l'ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE les parties de l'ensemble de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame Carole X... aux dépens de première instance et d'appel.
La GreffièreLa Présidente
Elsa SANCHEZElizabeth F...