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05/05/2022 | FRANCE | N°17/08969

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 05 mai 2022, 17/08969


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/08969 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LNQE





[E]



C/

SAS MIXEL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Novembre 2017

RG : F 15/01551



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 05 MAI 2022







APPELANT :



[Y] [E]

né le 30 Avril 1980 à [Localité 3]

[Adresse 2]

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représenté par Me Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société MIXEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au bar...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/08969 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LNQE

[E]

C/

SAS MIXEL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Novembre 2017

RG : F 15/01551

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANT :

[Y] [E]

né le 30 Avril 1980 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société MIXEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Olivier GELLER de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] (le salarié) a conclu avec la société Mixel (l'employeur) un contrat à durée indéterminée le 12 janvier 2009, en qualité de responsable service après-vente, au statut employé, niveau IV, échelon 2, coefficient 270 selon la convention collective nationale de la Métallurgie. Il devait effectuer 169 heures par mois, soit 39 heures par semaines.

A compter du 1er juillet 2011, le salarié a été promu à des fonctions de responsable service clients, statut cadre, indice 80. Il était alors tenu d'effectuer un forfait annuel de 218 jours de travail par an.

La compagne du salarié, directrice commerciale au sein de la même entreprise, a été licenciée pour motif économique en décembre 2014 et une procédure pénale a été engagée contre elle, un accès frauduleux sur le système informatique de l'employeur lui étant reproché. Cette procédure a abouti à une relaxe. La compagne du salarié a par ailleurs engagé une procédure prud'homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce contexte, le salarié a été placé en arrêt de travail du 12 au 16 janvier 2015.

Le 20 janvier 2015, les parties ont discuté d'une rupture conventionnelle, qui n'a pas abouti.

Le 10 février 2015, le salarié était entendu par les forces de l'ordre, à la suite d'une plainte déposée contre lui par l'employeur, pour intrusion sur le système informatique de l'entreprise.

Le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'au 22 février 2015.

Le 23 février 2015, le salarié était convoqué à un entretien préalable, prévu le 5 mars 2015, avec mise pied conservatoire.

Le 28 mars 2015, l'employeur notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement était ainsi rédigée :

« Vous occupez le poste de Responsable SAV au sein de notre entreprise depuis le 12 janvier 2009.

1/ Le 27 novembre 2014, Mme [Z] [G], Directrice Commerciale, a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique, qui s'est déroulé le 4 décembre 2014.

Le 15 décembre 2014, Mme [G], avec laquelle vous partagez une communauté d'intérêts, s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par correspondance en date du 15 décembre 2014.

Mme [G] a accepté dans les délais légaux d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Conformément à la Loi, son contrat a donc été rompu le 25 décembre 2014, tel que cela ressort de l'ensemble des documents afférents à la rupture.

Ne faisant plus partie des effectifs à compter de cette date, l'intéressée a restitué à la société MIXEL l'ensemble de son matériel professionnel (clé et papiers du véhicule, véhicule, badge autoroute, carte bancaire'), son ordinateur portable étant resté dans les locaux de l'entreprise pendant la procédure.

2/ Concomitamment à la procédure de licenciement initiée à l'endroit de Mme [G], vous avez sollicité, pour la première fois, auprès du prestataire informatique de l'entreprise, via votre ordinateur portable (Accès VPN).

Le 18 décembre 2014, l'accès à distance était opérationnel, moyennant l'utilisation de vos identifiants.

Le 24 décembre au soir, votre contrat a été suspendu pour cause de congé payés, jusqu'au 15 janvier 2015 inclus.

3/ Le 6 janvier, il a été constaté, après connexion sur le serveur informatique, que le compte messagerie de Mme [G] avait été consulté, à distance, le mardi 30 décembre 2014 à 13 heures 20, le tout selon une connexion faisant apparaître votre identifiant confidentiel, soit « d.plattier », soit à un moment où Mme [G] avait donc quitté les effectifs et qu'ayant restitué son ordinateur portable, elle était dorénavant considérée comme tiers à l'entreprise.

4/ Vous avez par suite été placé en arrêt maladie du 12 janvier au 18 janvier.

A votre retour, et ne souhaitant tirer aucune conclusion hâtive, j'ai souhaité vous rencontrer le 19 janvier 2015 afin d'évoquer cette connexion non autorisée.

J'ai pris le temps d'écouter vos versions contradictoires encore le 20 janvier 2015 puis le 22 janvier 2015.

N'obtenant aucune explication claire, je n'ai eu d'autre choix que de porter plainte contre « X » devant faire face, quelles que soient les hypothèses, à une intrusion par un tiers sur le serveur informatique de la société MIXEL.

Le 14 février 2015, vous avez cru devoir adresser à la Société MIXEL, une correspondance présentant votre version des faits, au terme de laquelle vous concédiez que c'était effectivement Mme [Z] [G] qui avait accédé le 30 décembre dernier au système informatique de la société, après avoir utilisé votre ordinateur professionnel, et votre accès VPN.

In fine, et en addition de la connexion sur le compte messagerie, vous avez ajouté que Mme [G] avait eu accès à « ses fichiers » et donc à l'ensemble du système informatique de la société MIXEL.

Tout au plus, vous avez considéré que Mme [G] vous avait assuré qu'elle était tout à fait légitime à procéder à cette connexion à distance, son contrat étant toujours en cours à cette date.

5/ Il résulte de ce qui précède :

- soit que vous avez manqué à l'exécution loyale du contrat de travail en confiant, en votre qualité d'utilisateur, responsable de votre ordinateur professionnel, muni d'un accès VPN, celui-ci à un tiers à la société, qui a dès lors pu s'introduire à distance, sans autorisation ni titre, dans l'ensemble du système informatique de la société MIXEL.

- soit que vous avez fait preuve d'une négligence gravement fautive, en laissant, en votre qualité d'utilisateur, responsable de votre ordinateur professionnel, muni d'un accès VPN, celui-ci « à disposition » d'un tiers à la société, qui a dès lors pu s'introduire à distance, sans autorisation ni titre, dans l'ensemble du système informatique de la société MIXEL.

Ces fautes professionnelles qui vous sont personnellement imputables, sont incompatibles à elles seules, avec la poursuite du contrat.

En addition, nous avons pu observer que le véhicule de société confié contractuellement à des fins professionnelles, avait été utilisé de manière non conforme.

En effet, entre le 24 décembre 2014, veille de congés, et le 9 février 2015, vous avez réalisé trois pleins de carburant en utilisant la carte bancaire MIXEL, vous permettant de parcourir théoriquement près de 1.900 km.

Au visa de votre agenda professionnel, vous n'avez pourtant déclaré qu'un déplacement professionnel effectué en voiture le 9 février 2015, représentant 14 km.

La société MIXEL a donc assumé des frais de carburant non justifiés par votre activité professionnelle.

Cela constitue un nouveau manquement professionnel qui vous est personnellement imputable, justifiant également et à lui seul, la rupture immédiate du contrat de travail ».

Le 15 avril 2015, le salarié, soulevant l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de demandes indemnitaires et salariales, concernant notamment un rappel d'heures supplémentaires.

Par jugement du 28 novembre 2017, le conseil de prud'hommes a rejeté l'intégralité des demandes du salarié et l'a condamné à payer à l'employeur la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 décembre 2017, le salarié a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 11 février 2020, le salarié demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 28 novembre 2017,

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 80 000 euros;

* indemnité compensatrice de préavis :11 087,37 euros ;

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 108,73 euros ;

* indemnité de licenciement : 4 804,52 euros ;

* rappel de salaire sur heures supplémentaires : 8 074,99 euros

* indemnité compensatrice de congés payés afférente : 807,50 euros

* indemnité pour travail dissimulé : 22 174,74 euros

* article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros

Dans ses conclusions n° 2 déposées le 18 juin 2020, l'employeur demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

* condamné le salarié à payer à l'employeur une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné le salarié aux dépens de l'instance.

Statuant de nouveau,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner le salarié à verser à l'employeur la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur le caractère fondé du licenciement pour faute grave

A titre infirmatif, le salarié souligne que la lettre de licenciement ne comporte pas l'un des trois griefs que l'employeur avait énoncé lors de l'entretien préalable, concernant des boîtes de GPS. Il indique qu'il a été évincé du comité de direction, auquel il participait habituellement, depuis le 5 janvier 2015, soit avant même que l'employeur ne découvre que sa compagne s'était connectée au serveur de l'entreprise.

Sur le grief relatif à l'utilisation, par la compagne du salarié, de ses codes d'accès personnels, il indique qu'aucune des branches de l'alternative présentée par l'employeur n'est fondée. Il soutient ainsi qu'aucune négligence gravement fautive ne peut lui être reprochée, n'ayant en outre pas autorisé sa compagne à se connecter avec son ordinateur, ce qu'elle a fait sans son accord et alors qu'il était en congé et alors n'avait pas été avisé par l'employeur de ce que sa compagne aurait pu représenter un danger pour l'entreprise. Il indique que sa compagne avait été avisée qu'elle faisait toujours partie des effectifs jusqu'au 4 janvier 2015 et qu'elle a pu se connecter à son propre compte électronique professionnel, comme l'ont relevé les juges pénaux.

Il fait valoir que rien ne justifiait qu'il adopte durant ses congés payés un comportement particulier à son domicile concernant l'usage qu'il avait de son ordinateur.

Il soutient en outre qu'aucune exécution déloyale de son contrat de travail ne peut lui être non plus reprochée, soulignant qu'aucune infraction pénale n'a été retenue contre lui à la suite de son audition par les forces de l'ordre. Il prétend que l'employeur ne rapporte pas la preuve du fait qu'il allègue contre lui. Il remet en cause le caractère probant des documents produits par l'employeur qui, selon lui, ne font état que de l'accès de sa compagne à l'agenda partagée de sa messagerie, par le biais de sa propre messagerie, ainsi que de l'accès aux fichiers enregistrés sur le répertoire personnel, protégé, de sa compagne et, en aucun cas, d'un accès à l'ensemble du système informatique.

Il souligne que l'employeur n'avait pas coupé les droits d'accès à sa compagne.Il indique qu'il n'avait aucune intention particulière lorsqu'il a demandé l'installation d'un VPN sur son ordinateur professionnelle en décembre 2014.

Il fait valoir que sa compagne ne savait pas, lorsqu'elle s'est connectée le 30 décembre 2014, qu'elle ne faisait plus partie des effectifs.

Concernant le grief d'utilisation du véhicule à des fins personnelles, il soutient qu'en accord avec l'employeur, il pouvait utiliser son véhicule professionnel à titre personnel, sans que cela soit considéré comme un avantage en nature, ce qui constituait une pratique courante dans l'entreprise, tant à son égard que d'autres salariés et que l'employeur lui remboursait habituellement deux pleins d'essence par mois, même durant ceux où il n'avait pas de déplacement en clientèle.

A titre confirmatif, l'employeur fait valoir que le salarié qui permet à un autre salarié d'utiliser son code confidentiel pour accéder au réseau de l'entreprise et télécharger des documents confidentiels commet une faute grave rendant son maintien impossible dans l'entreprise.

Il entend souligner que la compagne du salarié, a été dispensée d'activité à compter du 27 novembre 2014, date de sa convocation à l'entretien préalable et a laissé son ordinateur portable dans les locaux de l'entreprise et que, le 4 décembre 2014, la salariée acceptait le contrat de sécurisation professionnelle, de sorte que son contrat a été rompu le 25 décembre 2014, cependant qu'une lettre de licenciement lui était adressée le 15 décembre 2014. Il précise que la salariée est inscrite sur la liste des demandeurs d'emplois depuis le 26 décembre 2014 et qu'elle a reconnu dans le cadre de l'enquête pénale avoir travaillé pour l'entreprise jusqu'au 25 décembre 2014 et avoir laissé son propre ordinateur dans l'entreprise le 26 novembre 2014.

Il indique que le salarié a demandé en décembre 2014 l'installation d'un VPN sur son ordinateur portable, ce qui a été effectué le 18 décembre, alors que cette possibilité lui était offerte depuis longtemps.

Il précise qu'à la suite du constat, le 6 janvier 2015, de ce que la compagne du salarié s'était connectée le 30 décembre 2014, l'accès au VPN du salarié a été suspendu. Il expose que, à la suite de son retour d'arrêt de travail, le salarié a reconnu que la salariée s'était connectée et a sollicité une rupture conventionnelle.

Il précise que, lors de l'enquête pénale, le salarié a indiqué que sa compagne souhaitait récupérer des données sur son répertoire protégé pour sa défense prud'homale, ce qu'a confirmé sa compagne, entendue par les forces de l'ordre.

Il soutient que la compagne du salarié s'est également connectée à sa messagerie professionnelle et qu'elle a supprimé un échange de message du 27 novembre 2014, dernier jour travaillé, dans lequel elle indiquait à un tiers quitter la société.

L'employeur en déduit que le salarié a bien manqué à l'exécution loyale de son contrat ou commis une négligence gravement fautive, peu important à cet égard qu'il ait donné ou non son accord à sa compagne, en permettant à celle-ci de récupérer des documents confidentiels.

Il soutient par ailleurs que l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule de société, ou encore de la carte destinée à l'utilisation de carburant, si elle n'est pas prévue par le contrat de travail, peut être sanctionnée par l'employeur.

Il précise que le véhicule mis à disposition du salarié ne comportait que deux places à l'avant et était donc réservé à un usage exclusivement professionnel et que le salarié a effectué trois pleins de carburant entre le 24 décembre 2014 et le 9 février 2015 tandis qu'il n'a déclaré qu'un déplacement professionnel et travaillé que 21 jours entre le 24 décembre et le 23 février.

La cour rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié et que, aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

Sur le grief d'utilisation par la compagne du salarié de l'accès informatique de celui-ci

La cour relève qu'il est suffisamment établi, par les propres déclarations du salarié et de sa compagne, lors de leurs auditions réalisées durant l'enquête pénale diligentée sur plainte de l'employeur, que la compagne du salarié s'est servie le 30 décembre 2014 de l'ordinateur de son conjoint afin d'accéder à son répertoire protégé figurant sur les serveurs de l'entreprise, dans le but de recueillir des éléments relatifs au licenciement économique que l'employeur avait engagé contre elle en novembre 2014.

Il est tout aussi constant que l'employeur avait demandé à la compagne du salarié de laisser son propre ordinateur personnel dans l'entreprise le 27 novembre 2014.

Par ailleurs, il ressort de l'attestation, produite par le salarié, établie par M. [V], qui fût technicien de maintenance informatique d'une entreprise de chargée de l'administration du système informatique de l'employeur, et dont les indications paraissent à cet égard pertinentes et probantes, que la compagne du salarié n'a pu accéder au répertoire personnel dont elle disposait sur le serveur de l'entreprise qu'en s'identifiant sur le VPN permettant cet accès à distance, ce qui impliquait l'utilisation de codes qui lui étaient personnels. Dans cette attestation, le technicien explique en outre qu'il était possible à plusieurs salariés de l'entreprise, à l'aide de leurs codes personnels, de se connecter à partir d'un même ordinateur à leurs comptes respectifs, et d'accéder ainsi aux fichiers du serveurs pour lesquels ils bénéficiaient d'une autorisation.

Dès lors, indépendamment de ce que la salariée eut été certaine, ou non, que son contrat était rompu le 25 décembre 2014, comme le soutient l'employeur, ou le 4 janvier 2015, comme le soutient le salarié en s'appuyant sur les termes de la lettre de l'employeur du 26 décembre 2014 relative à la portabilité de la mutuelle de santé, il en résulte que la compagne du salarié avait nécessairement conscience qu'en utilisant l'ordinateur du salarié le 30 décembre 2014, dans une finalité qui était étrangère à l'exécution de son contrat de travail et uniquement afin de préparer un litige naissant l'opposant à l'employeur, elle avait agi en méconnaissance de la consigne de l'employeur de ne plus utiliser les moyens informatiques de l'entreprise dont elle disposait, qui résultait implicitement mais nécessairement de sa demande de restitution de son matériel informatique dès fin novembre 2014.

Par ailleurs, le salarié ne peut sérieusement soutenir qu'il n'aurait eu aucune raison de s'interroger sur un éventuel accès de sa compagne à l'ordinateur au motif que les relations contractuelles entre elle et l'employeur n'auraient pas été encore rompues alors que la procédure de licenciement avait été engagée en novembre 2014, que la salariée avait accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 4 décembre 2014 et que le conseil de la salariée avait écrit à l'employeur le 22 décembre 2014, informations dont il paraît peu plausible d'admettre que le salarié les ait ignorées.

En revanche, en l'état du dossier et, notamment des pièces apportées par l'employeur, auquel incombe la charge de la preuve, rien ne permet d'établir que la compagne du salarié ait pu accéder au VPN en utilisant les codes personnels du salarié et non en utilisant les siens propres, l'employeur ne justifiant pas que ceux-ci étaient invalidés le 30 décembre 2014.

Il n'est pas plus établi que le salarié ait apporté son concours à la salariée lors de l'utilisation de l'ordinateur portable de son compagnon, le seul fait que le salarié ait demandé de disposer d'un accès VPN à compter de décembre 2014 ne pouvant trouver effectivement son explication dans le fait que sa compagne ait dû rendre le sien fin novembre 2014.

Il n'est donc pas démontré par l'employeur que l'accès informatique litigieux, réalisé par la compagne du salarié, n'ait pu s'établir qu'avec le concours du salarié et que celui-ci aurait manqué sur ce point à son obligation de loyauté.

Par ailleurs, dans la mesure où il résulte de ce qui précède que la compagne du salarié a pu se connecter en utilisant ses propres codes, il ne saurait être sérieusement reproché au salarié d'avoir rendu possible, à son insu et par négligence fautive, l'utilisation de son ordinateur personnel en laissant l'accès à celui-ci à son domicile. Il sera à cet égard relevé que le salarié n'avait reçu sur ce point aucune consigne de l'employeur, qui était pourtant informé des liens entre les deux salariés. Il également relevé que l'employeur n'invoque, ni ne justifie d'aucune consigne ou mesure de précaution particulière autre que d'avoir demandé à la compagne du salarié de rendre son matériel informatique.

Il n'est donc pas établi par l'employeur que le salarié ait manqué à son obligation de vigilance et de loyauté ou ait commis une négligence grave.

Ce grief de licenciement n'est donc pas fondé.

Sur le grief d'utilisation abusive de la carte de carburant de l'entreprise

L'employeur reproche au salarié d'avoir réalisé trois pleins d'essence avec la carte carburant de l'entreprise, soit le 24 décembre 2014 et les 23 janvier et 9 février 2015, cependant qu'il ne déclarait qu'un seul déplacement professionnel, correspondant à une distance de 14 km et n'a travaillé que 21 jours durant cette même période, en raison de la prise de congés payés et ses deux arrêts maladie.

L'employeur produit un relevé de factures visant les trois achats de carburants litigieux.

Le salarié ne les conteste pas mais soutient que l'employeur avait antérieurement exprimé son accord à ce qu'il utilise le véhicule professionnel à titre personnel, sans même que cela soit considéré comme un avantage en nature. Il soutient que l'employeur pouvait, en moyenne, rembourser deux pleins par mois, sans considération des déplacements qu'il devait faire.

Toutefois, il peut être relevé notamment que le salarié cite à cet égard le mois d'octobre 2012 tandis que la note de frais correspondante qu'il verse à son dossier ne comporte aucun remboursement de carburant. Il cite le mois de septembre 2012 tandis que la note de frais correspondante indique des remboursements de carburant mais également des déplacements, ce constat pouvant également être posé pour le mois d'août 2012. Ces éléments n'établissent pas l'autorisation implicite donnée au salarié par l'employeur de prélever du carburant aux frais de l'entreprise en l'absence de tout déplacement.

En outre, étant non contesté par le salarié que le seul déplacement du salarié durant la période litigieuse était de 14 km, à admettre encore une tolérance antérieure de l'employeur, elle ne saurait autoriser le salarié à utiliser les moyens de l'entreprise à des fins purement personnelles, ce qui résulte notamment de la fréquence des achats sur une période de six semaines durant laquelle, le contrat a été effectivement suspendu par des congés et deux arrêts maladie.

La cour relève en outre que le salarié était un cadre de l'entreprise et il ne peut évidemment pas être fait abstraction du contexte, ci-dessus rapporté, dans lequel est intervenu cet usage abusif d'un moyen de paiement que lui avait confié l'employeur.

La cour retient dès lors que le salarié a bien commis un manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

La cour estime toutefois que ce manquement n'était pas d'une importance telle qu'il rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Dès lors, le licenciement pour faute grave prononcé par l'employeur sera requalifié de licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur les demandes indemnitaires

Le salarié, à titre infirmatif, indique particulièrement que son salaire brut moyen des douze derniers mois s'élevait à 3 695,79 euros et qu'il disposait de plus de six ans d'ancienneté et qu'il s'est dépensé sans compter durant ces années pour participer au développement de l'employeur et qu'il n'a retrouvé un emploi qu'au mois d'avril 2016.

L'employeur ne présente aucune observation à ce titre.

Le débat portant sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est sans objet.

La cour relève que, le licenciement ayant été requalifié de licenciement pour cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité de préavis, qui doit correspondre, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, au salaire qu'il aurait perçu s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, y compris les congés payés.

Le salarié demande la somme de 11 087,37 euros, représentative de trois mois de salaires.

La cour relève que la date d'entrée dans l'entreprise indiquée sur les bulletins de salaires est le 12 janvier 2009, tandis que le contrat a été rompu le 28 mars 2015. Son ancienneté est dès lors de six ans et cinq mois (soit 6,4 années).

Au regard des dispositions de l'article 27 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, versée à son dossier par le salarié, celui-ci, âgé de 35 ans au moment du licenciement et ayant plus de deux ans d'ancienneté, pouvait prétendre à un préavis de trois mois, de sorte que le contrat de travail aurait dû se poursuivre jusqu'au 28 juin 2015.

En fonction des bulletins de salaires produits par le salarié, son dernier salaire de mars 2015 était d'un montant brut de 3 375 euros.

L'indemnité compensatrice de préavis doit être dès lors de : 3 375 X 3 = 10 125 euros, outre 1 012,50 euros au titre des congés payés afférents.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail et à l'article 29 de la convention collective nationale applicable, qui prévoit pour les employés n'excédant pas sept ans d'ancienneté, 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté, le salarié peut dès lors prétendre à une indemnité de licenciement.

Il demande la somme de 4 804,52 euros.

Conformément à l'article 29 de convention collective nationale susvisé et l'article R. 1234-4 du code du travail, il y a lieu de prendre en compte le salaire moyen, selon la méthode la plus favorable, entre la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou la moyenne des trois derniers mois avec prise en compte des primes non mensuelles à due proportion.

Durant les douze mois précédant le mois de la rupture, le salarié a perçu un salaire brut de base de 3 375 euros, outre trois primes s'élevant à 500 (mars 2014), 3 000 (juillet 2014) et 506,26 (janvier 2015) euros, soit une rémunération annuelle de 44 506,26 euros, soit un salaire moyen de 3 708,85 euros.

Durant les trois derniers mois, le salarié a perçu un salaire brut de base de 3 375 euros et aucune prime ne lui a été versée.

Cette indemnité sera dès lors de (1/5 X 6,4 X 3 708,85 =) 4747,32 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

* Sur les heures supplémentaires du 17 avril 2010 au 30 juin 2011

Le salarié, à titre infirmatif, indique que, avant le 1er juillet 2011, il effectuait en réalité 9 heures de travail par jour, 5 jours par semaine, comme en atteste sa compagne. Il demande le paiement d'heures à 125 %, à hauteur de 5 045,81 euros, et d'heures à 150 %, à hauteur de 3 029,18 euros.

L'employeur soutient qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, tout demande antérieure au 17 juin 2010 est prescrite. Pour le surplus, il indique que la demande du salarié ne se fonde que sur ses seules affirmations et l'attestation de sa compagne, dont la force probante est largement remise en cause.

La cour, étant relevé qu'à la suite du moyen, invoqué par l'employeur, tiré de la prescription partielle de la demande du salarié au titre du rappel d'heures supplémentaires, les parties conviennent que la demande ne peut porter que sur la période du 17 avril 2010 au 30 juin 2011, rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies a'n de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées et, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La cour retient que, pour justifier de sa demande, le salarié se borne à produire un tableau qui indique, seulement mois par mois, un nombre d'heures non rémunérées de 8 heures en avril 2010, puis 17,33 pour chacun des mois suivants, entre mai 2010 et juin 2011.

L'accomplissement de ces heures n'est corroboré par aucun document autre que l'attestation de la compagne du salarié, dont les termes sont au demeurant généraux et le caractère probant est limité, au regard de l'état des relations entre l'attestante et l'employeur, tel qui résulte des éléments du dossier.

La cour considère ainsi que le salarié ne présente pas à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

Sa demande en paiement d'heures supplémentaires sera rejetée, comme l'a retenu le jugement, qui sera confirmé de ce chef.

* Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

Le salarié, à titre infirmatif, soutient qu'il peut percevoir la somme de (3 695,79 X 6=) 22 174,74 euros.

L'employeur indique le travail dissimulé impose que soient établies l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées ainsi que l'intention de l'employeur de dissimuler l'exercice d'une activité salariée, ce que le salarié ne démontre pas.

La cour retient que, faute de rappel d'heures supplémentaires, la demande du salarié ne peut qu'être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

* Sur les autres demandes

La société Mixel, succombant partiellement en cette instance, sera condamnée à en supporter les dépens

Il y a lieu par ailleurs de rejeter les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 28 novembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ce qu'il a :

- rejeté la demande de M. [Y] [E] en paiement de dommages-intérêts au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- rejeté la demande de M. [E] au titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ;

- rejeté la demande de M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

INFIRME partiellement le jugement en ce qu'il a :

- retenu que M. [E] a commis un manquement grave dans l'exécution de son contrat de travail rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;

- rejeté les demandes de M. [E] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ;

- condamné M. [E] à verser à la société Mixel une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés :

REQUALIFIE le licenciement pour faute grave notifié le 28 mars 2015 à M. [E] par la société Mixel en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Mixel à verser à M. [Y] [E] :

- la somme de 10 125 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1 012,50 euros au titre des congés payés afférents ;

- la somme de 4 747,32 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MIXEL aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/08969
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;17.08969 ?
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