AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 18/05445 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L27Z
[R]
C/
Société ERTECO FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 12 Mai 2014
RG : F 12/00509
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 05 MAI 2022
APPELANT :
[T] [R]
né le 15 Juin 1975 à [Localité 5] (69)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Béatrice FARABET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE venant aux droits de la société ERTECO France, anciennement DIA France,
[Adresse 8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-jacques FOURNIER de la SARL MH AVOCATS, avocat au barreau de LYON,
ayant pour avocat plaidant Me Charlotte PEILLON, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Bénédicte LECHARNY, Conseiller
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [T] [R] (le salarié) a été engagé par la société Edima distribution, exploitant en location-gérance un fonds de commerce de supermarché Ed situé à [Localité 7], dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 2 au 30 septembre 2006, en qualité d'employé commercial, statut employé, niveau II A, moyennant un salaire mensuel de base de 1 317 euros.
La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
A compter du 1er octobre 2006, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Aux termes d'un avenant d'octobre 2006, le salarié s'est vu reconnaître le niveau III B et son salaire mensuel de base a été fixé à 1 847,13 euros, outre une indemnité pour frais professionnels de 318,47 euros bruts.
A compter du 13 novembre 2006, la société Ed, devenue la société Dia puis la société Etreco France et, enfin, la société Carrefour Proximité France (l'employeur), a repris la gestion directe du fonds de commerce et le contrat de travail du salarié été transféré au sein de cette société.
L'employeur estimant que l'avenant d'octobre 2006 signé par l'ancien locataire-gérant avait été conclu en fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, un nouvel avenant au contrat de travail a été signé entre les parties le 13 novembre 2006, rétablissant la classification et le salaire de base initialement convenus entre les parties.
Le 12 décembre 2007, le salarié a été désigné délégué syndical CFDT.
Par requête du 29 avril 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnités et de dommages-intérêts.
Le mandat de délégué syndical du salarié a pris fin le 10 mars 2010 et il a été élu délégué du personnel titulaire à compter du mois d'avril 2010, puis délégué syndical CFTC à compter du 5 novembre 2010. Un litige a opposé les parties sur la justification par le salarié de ses heures de délégation.
Le 17 janvier 2011, le salarié a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 15 mai 2011.
Le 7 septembre 2011, la formation des référés du conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer au salarié la somme provisionnelle de 1 563 euros à titre de rappel de salaire.
Le 22 décembre 2011, le salarié a été victime d'un nouvel accident du travail et a été placé en arrêt travail.
Au début de l'année 2012, l'employeur a envisagé de procéder à la fermeture du magasin de [Localité 7] et au transfert du contrat de travail du salarié au sein du magasin de [Localité 6].
Le 6 février 2012, alors qu'il était toujours en arrêt de travail, le salarié a de nouveau saisi le conseil des prud'hommes de Lyon afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Un nouveau litige a opposé les parties relativement à la justification par le salarié de ses arrêts de travail. Dans le cadre de ce litige, l'employeur a notifié au salarié un avertissement le 11 juillet 2012, l'a mis en demeure de justifier sa situation par lettre recommandée du 3 janvier 2013, puis l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 29 janvier 2013.
Saisi par l'employeur, l'inspecteur du travail a, par décision du 16 avril 2013, refusé d'autoriser le licenciement du salarié. Ce refus a été confirmé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le 13 novembre 2013. L'employeur a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une contestation de cette décision.
Par jugement du 12 mai 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon, dans sa formation paritaire, a :
- prononcé la jonction des instances inscrites sous les numéros RG 09/1687 et 12/00509,
-validé l'avenant signé le 13 novembre 2006,
- constaté que l'employeur n'a commis aucun manquement à l'encontre du salarié,
- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle,
- condamné le salarié aux dépens de l'instance.
Le jugement lui ayant été notifié le 14 mai 2014, le salarié en a relevé appel le 4 juin 2014.
Par ordonnance du 3 janvier 2017, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné sa radiation du rôle de la cour. L'affaire ayant été réinscrite à la demande du salarié, elle a fait l'objet d'une nouvelle ordonnance de radiation le 6 mars 2018. Elle a été réinscrite le 25 juillet 2018.
Entre-temps, par un jugement du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement du salarié. Par une décision du 26 septembre 2016, après avoir diligenté une enquête contradictoire, le ministre du travail a autorisé le licenciement.
Par lettre du 30 septembre 2016, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.
Par des conclusions du 12 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le salarié demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 mai 2014, en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'employeur et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :
- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
100 119,46 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2006 à septembre 2016,
10 011,94 euros bruts à titre de congés payés afférents,
4 330 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
433 euros à titre de congés payés afférents,
5 184 euros à titre d'indemnité de licenciement,
7 327,95 euros bruts à titre de rappel d'heures de délégation sur la période du 21 décembre 2011 au 27 mars 2013,
732,79 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- condamner l'employeur à lui payer, outre intérêts de droit à compter du jugement :
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires,
5 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du retard dans la déclaration de l'accident de travail,
15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des retenues sur salaire injustifiés,
8 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du retard de transmission de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône,
8 000 euros en réparation du préjudice subi relatif au décompte abusif des heures de délégation,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la modification du contrat ou des conditions de travail du salarié protégé,
10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des manquements de l'employeur en matière d'évolution professionnelle,
35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
3 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement des heures de délégation,
- condamner l'employeur à établir un bulletin de paie correspondant aux condamnations qui seront allouées par la cour dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner l'employeur à établir une attestation Pôle emploi rectifiée, dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner l'employeur à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, et les éventuels frais d'exécution.
Par des conclusions du 12 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, l'employeur demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 12 mai 2014,
- débouter le salarié de ses demandes,
- à titre reconventionnel, condamner le salarié à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire :
Si par extraordinaire la cour considérait que les demandes de rappel de salaire formulées au titre des heures de délégations sur la période du 21 décembre 2011 au 27 mars 2013 ne sont pas totalement infondées :
- réduire le montant des rappels de salaires alloués au salarié à la somme de 6 321,25 euros,
- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 632,12 euros,
- débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts afférente,
- débouter le salarié de sa demande de remise de bulletin de paie rectifiés dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Si par extraordinaire la cour considérait que les demandes de rappel de salaire des mois de novembre 2006 à décembre 2016 du salarié ne sont pas totalement infondées :
- réduire le montant des demandes de rappel formulées par le salarié à la somme de 37'919,73 euros,
- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 3 791,9 euros,
- débouter le salarié de sa demande de remise des bulletins de paie rectifiés dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Si par extraordinaire la cour considérait que tout ou partie des manquements invoqués par le salarié sont établis :
- débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la fraude alléguée aux dispositions légales applicables en matière de transfert du contrat de travail, du manquement à l'obligation d'organiser les visites médicales obligatoires d'embauche et de reprise, du retard dans l'établissement de la déclaration d'accident du travail, des retenues sur salaire injustifiées, du retard dans l'établissement et la transmission des attestations de salaire, du prétendu décompte fallacieux du temps de travail, de la modification des conditions de travail du salarié protégé, du défaut de fourniture de travail pendant deux ans, de la discrimination syndicale et du harcèlement moral.
Si par extraordinaire la cour décidait que le licenciement du salarié ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse :
- réduire le montant de l'indemnité de licenciement sollicitée par le salarié à la somme de 3 195,36 euros,
- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sollicitée par le salarié à la somme de 3 195,36 euros bruts,
- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis à la somme de 319,53 euros bruts,
- débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour violation du statut protecteur.
En tout état de cause :
- débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1.1. Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 100 119,46 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2006 à septembre 2016. A l'appui de sa demande, il fait valoir essentiellement que :
- la qualification professionnelle et la rémunération prévues dans l'avenant au contrat de travail d'octobre 2006 relèvent de la liberté contractuelle des parties ;
- le fait que cette rémunération soit supérieure aux salaires minima de la convention collective ne constitue pas en soi une fraude à l'article L. 122-12 du code du travail ; c'est la raison pour laquelle le liquidateur judiciaire et l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) ont procédé au paiement du salaire impayé par la société Edima distribution ;
- cependant, dès le transfert de son contrat de travail au sein de la société Ed, il a subi des menaces et des intimidations de la part de deux chefs de secteur pour diminuer contractuellement sa qualification professionnelle et sa rémunération ; ces man'uvres qui peuvent être qualifiées de violence, sont constitutives d'un vice du consentement, de sorte que l'avenant du 13 novembre 2006 est nul ;
- cette baisse de qualification professionnelle et de rémunération s'analyse en outre en une sanction pécuniaire et une rétrogradation, alors que l'employeur n'a pas respecté la procédure prévue par l'article 26 de son règlement intérieur ; par conséquent, elle ne lui est pas opposable ;
- de la même façon, dans l'hypothèse où la modification de sa rémunération était justifiée par un motif économique, aucune procédure n'a été respectée et il n'a bénéficié d'aucun délai de réflexion ; cette modification ne lui est donc pas opposable ;
- seules les dispositions du contrat de travail du 1er octobre 2006 sont applicables à la relation de travail et il est bien fondé à réclamer le rappel de salaire correspondant.
L'employeur conclut au rejet de la demande aux motifs que :
- le 14 octobre 2006, alors qu'ils avaient parfaitement conscience que le contrat de location-gérance allait être rompu, la société Edima distribution et le salarié ont formalisé un avenant augmentant de manière substantielle et non justifiée la rémunération de ce dernier ; afin de dissimuler cette man'uvre frauduleuse, la société Edima distribution a fait apparaître une fausse date sur ce document contractuel ; l'augmentation de salaire figurant sur l'avenant au contrat de travail caractérise une fraude du locataire-gérant aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; conformément à la position claire de la Cour de cassation, l'avenant n'était donc pas opposable au nouvel employeur qui n'est, en conséquence, nullement redevable de la majoration de salaire dont se prévaut le salarié ;
- l'ensemble de ces éléments d'explication ayant été portés à la connaissance du salarié, c'est librement et en toute connaissance de cause qu'il a signé, le 13 novembre 2006, l'avenant formalisant le transfert de son contrat de travail.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la demande de rappel de salaire formulée par le salarié était justifiée, l'employeur conclut à la réduction du quantum des demandes du salarié.
Sur ce,
Selon l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
En l'espèce, les parties ont signé, le 13 novembre 2006, un « avenant à durée indéterminée à temps complet » confirmant « le transfert [du] contrat de travail [du salarié] vers la société SAS Ed à compter du 13 novembre 2006 avec reprise de [son] ancienneté », l'avenant précisant : « nous vous proposons de poursuivre votre activité en qualité d'employé commercial caisse. Cet emploi est classé au niveau 2A. Vous relèverez du statut employé. Chez votre ancien employeur, votre rémunération était constituée d'un salaire de base de 1 317,00 euros pour un horaire hebdomadaire de 35 heures soit 36.75 heures. [...] Dans notre entreprise, en application de l'accord collectif du 16 mars 1999 portant sur la réduction du temps de travail, votre temps de travail sera réduit sans diminution de rémunération. Ainsi, [...] votre salaire mensuel de référence [sera] maintenu à 1 317,00 euros brut, forfait pause compris ».
Le salarié soutient toutefois qu'en application de l'avenant à son contrat de travail signé avec son précédent employeur, il était classé au niveau III de la convention collective, statut employé, et son salaire s'élevait à 1 847,13 euros, outre 318,47 euros bruts à titre d'indemnité pour frais professionnels.
Or, les premiers juges ont retenu à juste titre le caractère frauduleux de cet avenant, signé quelques semaines seulement avant l'expiration du contrat de location-gérance et la reprise de l'exploitation du fonds de commerce par la société Ed, le conseil de prud'hommes ayant justement relevé les « termes exorbitants » de cet avenant caractérisés par une différence importante entre le contrat à durée déterminée signé le 1er septembre 2006, situant le salarié au niveau II A de la convention collective, moyennant un salaire de 1 317 euros, et l'avenant revendiqué par le salarié, l'élevant au niveau III B de la convention collective, moyennant un salaire de 1 847,13 euros, outre une indemnité fixe de 318,47 euros, correspondant à la rémunération d'un cadre de niveau VII.
Pour confirmer le jugement attaqué, la cour retient, d'une part, qu'un premier contrat à durée indéterminée avait été conclu entre le locataire-gérant et le salarié, le 1er octobre 2006, dans des termes identiques au contrat à durée déterminée signé un mois auparavant, c'est-à-dire pour un poste d'employé commercial niveau II A rémunéré 1 317 euros bruts par mois, d'autre part que le salarié ne produit aucune pièce justificative de nature à expliquer la signature, le jour même de ce contrat à durée indéterminée ou treize jours plus tard (la date effective de signature de l'avenant étant discutée), d'un avenant prévoyant une évolution significative de son classement et une augmentation de sa rémunération mensuelle de plus de 800 euros, étant précisé que le salarié ne justifiait que d'un mois d'ancienneté dans l'entreprise.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l'avenant au contrat de travail augmentant le classement et la rémunération du salarié est intervenu en fraude des droits du repreneur, de sorte qu'il ne saurait lui être opposé, et que l'employeur est fondé à soutenir que le contrat de travail s'est poursuivi dans les termes du premier contrat à durée indéterminée signé le 1er octobre 2006 et qu'il n'est pas redevable de la majoration de salaire réclamée par le salarié.
Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire.
1.2. Sur le rappel d'heures de délégation et les demandes de dommages-intérêts pour décompte abusif des heures de délégation et non-paiement des heures de délégation
En cause d'appel, le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 7 327,95 euros bruts à titre de rappel d'heures de délégation sur la période du 21 décembre 2011 au 27 mars 2013. A l'appui de sa demande, il rappelle que la suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail n'a pas pour effet de suspendre le mandat de représentant du personnel ou de délégué syndical. Il ajoute que jusqu'à l'intervention du contrôleur du travail, il était d'usage au sein de la société Ed que les représentants du personnel ne remplissent pas de bon de délégation ; qu'à partir de 2011, la société lui a demandé de remplir ces bons de délégation pour pouvoir être payé, sans pour autant lui fournir lesdits bons ; qu'il s'est lui-même procuré des bons et les a remplis, mais a constaté qu'ils n'étaient pas transmis au service de la paie ; que malgré une condamnation par la formation des référés du conseil de prud'hommes, l'employeur a continué de pratiquer des retenues sur salaires abusives au titre des heures de délégation, notamment lorsqu'il était en arrêt de travail pour accident du travail.
Le salarié sollicite encore la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi relatif au décompte abusif des heures de délégation, soutenant que l'employeur décomptait abusivement les heures de délégation. Il sollicite enfin le versement de la somme de 3 500 euros pour le préjudice subi du fait du non-paiement des heures de délégation.
Sur la demande de rappel d'heures de délégation, l'employeur réplique, à titre principal, que le salarié ne l'a jamais avisé des dates et du nombre des heures de délégation dont il sollicite le paiement ; que, par ailleurs, il ne démontre pas qu'il aurait effectué des heures de délégation pendant ses arrêts de travail pour la réalisation de tâches conformes aux restrictions émises par son médecin traitant ; qu'alors qu'il était en arrêt de travail du 21 décembre 2011 au 22 janvier 2013, il ne l'a pas avisé d'une quelconque autorisation remise préalablement par son médecin traitant pour exercer ses heures de délégation. A titre subsidiaire, il estime que le montant des rappels de salaire sollicités par le salarié ne saurait excéder la somme de 6 321,25 euros, outre celle de 632,12 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur soutient encore que le salarié ne peut lui reprocher une absence de décompte et de règlement d'heures de délégation alors qu'il s'est abstenu de lui transmettre les bons de délégations conformément à l'accord collectif. Il ajoute qu'à défaut de démontrer l'existence d'un manquement de sa part à son obligation de payer les heures de délégation effectuées et la réalité d'un préjudice en lien avec ce manquement, le salarié doit être débouté de ses demandes de dommages-intérêts.
Sur ce,
Selon les articles L. 2143-17, L. 2315-3, L. 2325-7 et L. 4614-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail et payées à l'échéance normale.
Elles sont, en conséquence, rémunérées à échéance normale comme du travail effectif et entrent en compte dans le décompte de la durée du travail, pour le calcul des heures supplémentaires et l'appréciation des durées maximales du travail, sauf à l'employeur à contester ensuite l'usage fait du temps alloué. Le crédit d'heures de délégation peut être pris en dehors de l'horaire normal de travail du bénéficiaire d'un mandat et en sus de son temps de travail effectif lorsque les nécessités du mandat le justifie. L'utilisation du crédit d'heures est présumée conforme à son objet. Enfin, il appartient au salarié bénéficiaire d'un mandat d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de ses heures de délégation, de même que la conformité de l'utilisation des heures excédentaires avec sa mission.
Il résulte encore des articles L. 321-1, 5°, et L. 323-6 du code de la sécurité sociale et des articles précités du code du travail, d'une part, que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée et, d'autre part, que les heures de délégation étant de plein droit considérées comme temps de travail, l'exercice de son activité de représentation par le représentant du personnel ou d'un syndicat, dont le mandat n'est pas suspendu, ne peut ouvrir droit à indemnisation que s'il a été préalablement autorisé par le médecin traitant.
En l'espèce, le salarié sollicite le paiement de crédits d'heures de délégation, d'une part pour la période du 21 décembre 2011 au 21 janvier 2013 (35 heures de délégation pendant six mois puis 55 heures pendant sept mois, « compte tenu de ses mandants supplémentaires RS et CE »), d'autre part pour la période du 20 décembre 2012 au 27 mars 2013 (35 heures de délégation pendant quatre mois).
La cour relève, en premier lieu, que le salarié réclame deux fois le paiement d'heures de délégation pour la période du 20 décembre 2012 au 21 janvier 2013.
En deuxième lieu, force est de relever que le salarié était en arrêt de travail du 21 décembre 2011 au 22 janvier 2013 et qu'il n'allègue, ni ne justifie, d'aucune autorisation préalable de son médecin traitant de poursuivre l'exercice de son activité de représentation, de sorte qu'il ne peut prétendre à l'indemnisation de ses heures de délégation.
En troisième lieu, s'agissant de la période du 23 janvier au 27 mars 2013, la cour observe que le salarié ne verse aux débats ni ses bulletins de paie pour la période considérée, ni les documents de suivi des heures de délégation prévus à l'article 2.3 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2006 sur le « développement du dialogue social et [l']exercice du droit syndical dans l'entreprise », de sorte qu'il ne démontre pas avoir subi une retenue abusive sur salaire au titre des heures de délégation au cours des mois de janvier à mars 2013 et qu'il n'établit pas davantage avoir été contraint par les nécessités de son mandat d'utiliser son crédit d'heures de délégation en dehors de son temps de travail.
Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la demande en paiement au titre d'un rappel d'heures de délégation et, partant, de débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour décompte abusif des heures de délégation et non-paiement des heures de délégation.
1.3. Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires
Le salarié expose qu'il n'a passé aucune visite médicale d'embauche, périodique, ou de reprise à la suite de ses arrêts de travail pour cause d'accident du travail survenus en 2007, 2011, 2013. Il ajoute que l'employeur ne démontre pas avoir effectué les diligences auprès de la médecine du travail pour organiser ces différentes visites médicales et assurer l'effectivité de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.
L'employeur réplique qu'il ressort de l'extrait de dossier médical produit par le salarié lui-même qu'une visite médicale d'embauche a eu lieu le 27 octobre 2006. S'il reconnaît que la surcharge des centres de médecine du travail ne lui a pas permis d'organiser, dans les délais requis, une visite de reprise en mai 2011 après le premier accident du travail, il soutient, en revanche, que le salarié a été reçu par le médecin du travail le 29 octobre 2008 et le 28 janvier 2013 et qu'il n'a pas honoré des visites organisées en 2010 et 2012. Il ajoute que le salarié ne justifie pas d'un préjudice.
Sur ce,
Aux termes de l'article R. 241-48 du code du travail, dans sa rédaction non encore abrogée applicable à la cause, tout salarié fait l'objet d'un examen médical avant l'embauchage ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai qui suit l'embauchage.
Encore, selon l'article R. 4624-16, alinéa 1er, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.
En application de l'article R. 4624-21, 3°, dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 30 juin 2012, le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail.
Enfin, en application de l'article R. 4624-22, 3°, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
L'absence d'organisation des visites médicales ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié et il appartient à celui-ci, lorsqu'il en demande réparation, d'en démontrer la réalité comme l'ampleur.
En l'espèce, s'il n'est pas démontré que le salarié a bénéficié d'une visite médicale avant son embauche par la société Edima en date du 2 septembre 2006 ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai suivant cette embauche, il ressort de l'extrait du dossier médical du salarié qu'il a été déclaré apte à son emploi lors d'une visite médico-professionnelle réalisée le 27 octobre 2006, soit moins de deux mois après son embauche.
Il ressort encore de cet extrait et des pièces produites aux débats par l'employeur :
- qu'une visite médicale a été réalisée par le service de santé au travail Ast Grand [Localité 5], le 29 octobre 2008, et que deux rendez-vous prévus les 7 et 13 janvier 2010 n'ont pas été honorés,
- que l'employeur avait sollicité du service de santé au travail des visites de reprise aux dates suivantes : 9 et 25 mai, 6 août, 24 septembre et 26 octobre 2012, lesquelles n'ont pu être honorées, compte tenu de la prolongation de l'arrêt de travail prescrit dans le cadre de l'accident du travail survenu au salarié le 21 décembre 2011,
- qu'une visite de reprise a eu lieu le 28 janvier 2013, le salarié ayant été déclaré à cette occasion « apte au poste et à la reprise ».
En revanche, il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas organisé, en mai 2011, la visite de reprise du salarié après son absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail survenu le 17 janvier 2011. Or, le salarié a été victime, le 21 décembre 2011, d'un nouvel accident du travail survenu dans des circonstances similaires (douleur au dos à la suite d'une opération de manutention), de sorte qu'il y a lieu de considérer que l'organisation de la visite médicale de reprise aurait pu permettre au médecin du travail de s'assurer de l'aptitude du salarié à la reprise de son poste et de préconiser, le cas échéant, des mesures particulières de nature à éviter la survenance d'un nouvel accident du travail.
Au vu de ce qui précède, la cour retient que l'absence de visite de reprise a causé au salarié un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
1.4. Sur la demande de dommages-intérêts du fait du retard dans la déclaration d'accident du travail
En cause d'appel, le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard pris par l'employeur dans la déclaration de l'accident de travail du 17 janvier 2011 auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
L'employeur réplique qu'il a été informé tardivement de la survenue de l'accident du travail et qu'il l'a déclaré dès qu'il en a eu connaissance.
Sur ce,
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 441-1, L. 441-2, R. 441-2 et R. 441-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce, que la victime d'un accident du travail doit, sauf le cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informer ou en faire informer l'employeur ou l'un de ses préposés, dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures, et que l'employeur doit déclarer l'accident dont il avait connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime dans les quarante-huit heures, non compris les dimanches et jours fériés.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats par l'employeur que celui-ci a effectué la déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône le 25 janvier 2011 alors, d'une part, qu'il mentionne dans la déclaration que l'accident a été « connu » le 17 janvier 2011 à 11 heures 10, d'autre part, qu'il ressort de deux attestations produites par le salarié que l'accident a été porté à la connaissance de l'employeur, le 17 janvier 2011, par un appel téléphonique de l'adjointe chef de magasin à son supérieur hiérarchique.
Il en résulte qu'informé de l'accident dès le 17 janvier 2011, l'employeur n'a procédé à la déclaration prévue à l'article L. 441-2 du code de la sécurité sociale que le 25 janvier 2011, soit postérieurement à l'expiration du délai de 48 heures fixé à l'article R. 441-2. Pour autant, le salarié n'établit pas le préjudice qui serait résulté pour lui du retard de quelques jours apporté à la déclaration de son accident du travail. Aussi convient-il de le débouter de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
1.5. Sur la demande de dommages-intérêts au titre des retenues sur salaire injustifiées
En cause d'appel, le salarié forme une demande de dommages-intérêts, reprochant à l'employeur d'avoir procédé, à deux reprises, suite aux accidents du travail du 17 janvier et du 21 décembre 2011, à des retenues sur salaire pour « absence injustifiée ».
L'employeur réplique, s'agissant du premier accident du travail, qu'en l'absence de justificatifs d'arrêt de travail fournis par le salarié, il l'a légitimement traité en absence injustifiée et a régularisé la situation au mois de mai 2011, après réception des attestations de paiement des indemnités journalières. Il ajoute qu'il a rencontré les mêmes difficultés pour obtenir les justificatifs d'arrêt de travail au titre du second accident du travail.
Sur ce,
Le salarié apparaît particulièrement mal fondé à reprocher à l'employeur de l'avoir considéré en « absences injustifiées » à deux reprises après les accidents du travail du 17 janvier et du 21 décembre 2011 et d'avoir procédé à des retenues sur ses salaires, alors, d'une part, qu'il ne justifie pas avoir communiqué à l'employeur ses avis d'arrêt de travail, d'autre part, qu'il ressort de la pièce 43 produite par l'employeur que le salarié n'a transmis l'attestation de paiement des indemnités journalières que le 31 mars 2011 pour l'accident du travail du 17 janvier, qu'enfin, il ressort du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 et de la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 26 septembre 2016, que malgré un avertissement du 11 juillet 2012 et deux courriers en janvier 2013, le salarié s'est abstenu de transmettre à l'employeur les justificatifs de ses absences à compter de janvier 2012.
Aussi convient-il de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre des retenues sur salaire.
1.6. Sur la demande de dommages-intérêts du fait du retard de transmission de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône
En cause d'appel, le salarié fait valoir qu'à la suite de l'accident du travail du 17 janvier 2011, l'employeur a attendu le 7 juin 2011 pour établir l'attestation de salaire destinée à la caisse primaire d'assurance maladie ; que celle-ci était erronée et que ce n'est que le 19 décembre 2011 que l'employeur a établi une attestation conforme à la rémunération de référence ; que le retard de plusieurs mois dans l'établissement d'une attestation de salaire conforme lui a causé d'importantes difficultés financières et l'a contraint à devoir vendre le logement familial en urgence pour subvenir aux besoins de sa famille, justifiant ainsi l'allocation de dommages-intérêts.
L'employeur réplique que c'est de manière totalement mensongère que le salarié prétend qu'il aurait attendu un an pour être indemnisé, alors qu'il ressort de son courrier du 31 mars 2011 qu'à la date du 24 mars, il percevait déjà des indemnités journalières. Il ajoute que l'attestation de salaire a dû être rectifiée afin de tenir compte de l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Lyon. Il estime qu'aucun manquement ne peut donc lui être imputé au titre de l'établissement de l'attestation de salaire.
Sur ce,
Selon l'article R. 441-4 du code de la sécurité sociale, l'employeur est tenu d'adresser à la caisse primaire d'assurance maladie, en même temps que la déclaration d'accident ou au moment de l'arrêt du travail, si celui-ci est postérieur, une attestation indiquant la période du travail, le nombre de journées et d'heures auxquelles s'appliquent la ou les payes mentionnées à l'article R. 433-4, le montant et la date de ces payes.
En l'espèce, il est constant que l'employeur n'a pas respecté ces dispositions puisque la première attestation de salaire produite aux débats est datée du 7 juin 2011.
Pour autant, le salarié qui ne verse pas ses relevés d'indemnités journalières, ne justifie ni de la date à compter de laquelle elles lui ont été versées ni de leur montant, étant observé que dans un courrier a adressé à l'employeur le 24 mars 2011, il écrit : « je vous transmets l'attestation de paiement journalière du 24/03/2011 qui montre que je suis en accident depuis le 17/01/2011 jusqu'à ce jour », ce dont il résulte qu'à la date du 24 mars, il percevait déjà des indemnités journalières.
Encore, si le salarié soutient que le retard pris dans l'établissement d'une attestation de salaire conforme lui a causé d'importantes difficultés financières et l'a contraint à vendre le logement familial en urgence, la cour observe que la pièce produite à l'appui de ses allégations est une mise en demeure du Crédit immobilier de France datée du 9 juin 2015 d'avoir à payer l'arriéré des échéances du prêt immobilier sous huitaine, à peine de déchéance du terme, qui permet de constater qu'en 2015, le bien immobilier du salarié n'avait pas encore été vendu, de sorte qu'il ne peut être retenu aucun lien de causalité entre le retard pris, en 2011, dans la transmission de l'attestation de salaire et la vente du logement familial.
Faute d'établir la preuve d'un préjudice, il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
1.7. Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la modification du contrat ou des conditions de travail du salarié protégé
En cause d'appel, le salarié, qui rappelle qu'il bénéficiait d'un statut protecteur du fait de ses mandats, forme une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la modification de son contrat ou de ses conditions de travail. Il reproche en effet à l'employeur d'avoir procédé au transfert de son contrat de travail de la société Ed à la société Dia, sans autorisation de l'inspection du travail. Il soutient encore que sa mutation du magasin de [Localité 7] vers le magasin de [Localité 6] constitue une modification de ses conditions de travail qui lui a été imposée alors que son contrat était suspendu pour cause d'arrêt de travail. Il ajoute qu'en représailles, l'employeur ne lui a plus fourni de travail pendant plus de deux ans.
L'employeur réplique que le contrat de travail du salarié n'a pas fait l'objet d'un transfert de la société Ed vers la société Dia mais que la personne morale a simplement changé de dénomination sociale. Il ajoute qu'à l'occasion de la fermeture du magasin de [Localité 7], il a souhaité recueillir l'avis du salarié sur sa future affectation, le changement de ses conditions de travail n'ayant toutefois nullement vocation à être mis en 'uvre avant son retour dans l'entreprise. Il soutient en conséquence s'être parfaitement conformé à la procédure spécifique applicable aux salariés protégés en matière de changement des conditions de travail. Enfin, il affirme que l'absence de planification du salarié ne résulte pas d'une mise à l'écart par l'employeur mais de la décision du salarié de se dispenser de se présenter à son poste de travail.
Sur ce,
En application des dispositions combinées des articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa rédaction applicable à l'espèce, du code du travail, et 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil, aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement.
En l'espèce, le salarié n'est pas fondé à reprocher à son employeur d'avoir procédé au transfert de son contrat de travail de la société Ed à la société Dia, alors qu'il ressort des extraits Kbis produits par l'employeur que la SAS Ed a changé de nom entre octobre 2011, date du premier extrait Kbis, et avril 2013, date du second, pour s'appeler désormais la société Dia France, ce simple changement de dénomination sociale ne pouvant être assimilé à un changement d'employeur.
S'agissant de la modification unilatérale des conditions de travail du salarié, il ressort des éléments du dossier qu'en février 2012, l'employeur a informé les salariés du magasin de [Localité 7] de sa fermeture prochaine, les a consultés sur leur souhait d'affectation future, puis a affecté le salarié au magasin de [Localité 6].
L'employeur soutient que le salarié avait accepté verbalement cette nouvelle affectation lors d'un entretien individuel et produit, à l'appui de sa position, deux attestations de représentants de la direction : l'une de M. [B], chef des ventes, qui certifie avoir « validé la demande [du salarié] d'aller travailler sur le magasin de [Localité 6] », l'autre de M. [G], responsable ressources humaines, qui atteste avoir proposé, avec M. [B], « le magasin de [Localité 6] [au salarié] qui a accepté d'emblée cette proposition ».
Toutefois, il ressort des termes du courrier du salarié adressé le 19 juin 2012 à M. [G] (« Dans votre courrier du 4 juin, vous dites aussi que d'après vos témoins, M. [B], M. [I] et vous-même (tous de la direction) êtes témoins de ma décision. Pourquoi avez-vous refusé qu'il y ait le moindre témoin ' Pourquoi le magasin de [Localité 6] ' Va-t-il passer en location gérance ' Comme cela vous pourrez demander le transfert de mon contrat de travail ' Il serait bien que vous arrêtiez le harcèlement dont je suis victime. Le fait de modifier les conditions de travail d'un salarié protégé sans son accord fait que celui-ci peut demander au tribunal des prud'hommes une résiliation judiciaire [...] ») et des courriers de l'employeur datés des 1er juin et 10 juillet 2012, aux termes desquels il demande au salarié de « prendre une position claire et ferme au sujet de [son] affectation et de clarifier la situation [...] », que le salarié n'a jamais donné son accord à la mutation envisagée, qu'il a, au contraire, qualifiée de harcèlement à son encontre, de sorte que l'employeur devait, soit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures, soit engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement, ce qu'il n'a pas fait.
Le changement de ses conditions de travail imposé au salarié lui a causé un préjudice, dès lors que l'employeur s'est abstenu, au motif du refus du salarié de se présenter à son poste de travail au magasin de [Localité 6], de lui fournir du travail pendant plus de deux ans. Aussi convient-il de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.
1.8. Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur en matière d'évolution professionnelle
En cause d'appel, le salarié expose qu'il n'a jamais passé d'entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ; qu'il n'a jamais bénéficié d'entretiens individuels annuels depuis son entrée dans la société au mois de novembre 2006 ; que depuis novembre 2006, il n'a jamais changé de niveau et il est toujours employé commercial caisse de niveau 2 B ; qu'enfin, il n'a jamais passé la moindre formation.
L'employeur réplique que l'absence d'entretien annuel d'évaluation s'explique par le fait que cet entretien est réservé aux salariés relevant, a minima, du statut agent de maîtrise niveau 5 ; que le salarié a été évalué en 2010, 2011, 2014, 2015 et 2016 ; qu'il devait bénéficier d'une formation en novembre 2016 à laquelle il ne s'est pas présenté ; que l'évolution d'un employé commercial caisse sur un poste de classification supérieure n'est pas automatique; que ses collègues de travail n'ont pas davantage évolué sur un poste d'adjoint chef de magasin ; qu'il n'a jamais présenté sa candidature à un autre emploi au sein de l'entreprise.
Sur ce,
Selon les articles L. 6315-1 et L. 6321-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Encore, selon l'article 4.6 de la convention collective applicable, l'évolution professionnelle se réalise par le changement de fonction quand le salarié, à l'aide notamment d'une formation adéquate, acquiert les compétences et exerce des responsabilités nouvelles, caractéristiques d'une classification supérieure.
Enfin, l'article 12.11 de la convention collective dispose notamment que l'entretien professionnel, qui ne se confond pas avec l'entretien d'activité, ou d'évaluation, généralement annuel, ayant pour objet l'évaluation du travail du salarié, a pour objet l'examen des perspectives d'évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualification et d'emploi, et doit avoir lieu en moyenne tous les deux ans, de telle sorte que pour chaque période de six années civiles à compter de son embauche, le salarié puisse bénéficier d'au moins trois entretiens professionnels, espacés d'au moins six mois.
Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a correctement exécuté cette obligation de formation et d'adaptation. L'absence d'initiative du salarié quant à sa propre formation n'exonère pas l'employeur.
En l'espèce, la cour relève, en premier lieu, que l'employeur soutient de manière contradictoire, d'une part, que le salarié a été régulièrement évalué, comme ses collègues, en 2010, 2011, 2014, 2015 et 2016, d'autre part, que les entretiens annuels d'évaluation sont réservés aux salariés relevant, a minima, du statut agent de maîtrise niveau 5, ce qui apparaît contraire à sa « politique RH », telle qu'elle ressort de la capture d'écran du site de la société Dia produite par le salarié (sa pièce n° 126) qui précise que la société « développe une politique de gestion des carrières fondée sur des entretiens d'évaluation, des comités carrières et des compléments de formation ».
La cour relève, en deuxième lieu, que, contrairement aux allégations de l'employeur, il ressort des documents d'évaluation de 2014 (pièce n° 123 du salarié), 2015 et 2016 (pièces 76 et 77 de l'employeur) que les entretiens n'ont pas été réalisés au cours de ces trois années.
Surtout, la cour observe qu'il n'est ni soutenu, ni démontré par l'employeur qu'il aurait procédé à des entretiens professionnels, au sens des articles 12.11 de la convention collective et L. 6315-1 du code du travail, nonobstant le caractère obligatoire de ces derniers, étant observé que ces entretiens ne doivent être confondus ni avec les entretiens annuels d'évaluation, ni avec ceux prévus pour les salariés titulaires de mandats en application de l'article 2.5.1. de l'accord relatif au développement du dialogue social et l'exercice du droit syndical dans l'entreprise.
Il ressort ainsi des pièces versées aux débats par les parties, d'une part, qu'aucun entretien professionnel n'a été organisé par l'employeur depuis l'embauche du salarié, d'autre part, qu'à l'occasion des deux seuls entretiens annuels réalisés le 15 mai 2010 et 4 mai 2011, aucun compte rendu n'a été rédigé et aucun renseignement n'est mentionné s'agissant des formations souhaitées, enfin, que sur toute la durée de la relation contractuelle, l'employeur ne justifie de l'inscription du salarié qu'à une seule formation d'une journée, le 24 octobre 2014.
Au vu de ces éléments, il est manifeste que l'employeur a failli à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi.
Le salarié a, de ce fait, subi un préjudice constitué par la perte de chance de prétendre à une évolution de carrière qui sera évalué, au vu des circonstances de la cause, à la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts.
1.9. Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale
Le salarié rappelle qu'il exerce des fonctions de représentant du personnel depuis 2007. Il fait valoir que durant près de neuf ans, il a pu constater un certain nombre de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale :
- des retenues sur salaire injustifiées en l'absence de bons de délégations mis à sa disposition,
- un non-respect de la procédure applicable aux salariés à l'occasion de la fermeture du magasin de [Localité 7] et du transfert du contrat de travail,
- une absence d'évaluation professionnelle,
- une absence d'évolution professionnelle,
- une absence de formation.
Il souligne que l'employeur n'établit pas que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat, de sorte que la discrimination syndicale est caractérisée.
L'employeur réplique qu'aucune discrimination n'a été retenue par l'autorité administrative, de sorte que la cour ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, retenir l'existence d'une discrimination commise à l'égard du salarié. Il ajoute que ce dernier a été traité de la même manière que ses collègues de travail et que les griefs qu'il avance sont manifestement infondés.
Sur ce,
Si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l'existence d'une discrimination syndicale antérieure au licenciement.
Selon l'article L. 2141-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
L'article L. 1132-1 du code précité prévoit par ailleurs qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales.
L'article L. 1134-1 dispose encore que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, il a été jugé plus avant que le salarié ne démontrait pas avoir subi des retenues sur salaire injustifiées du fait de l'absence de mise à sa disposition de bons de délégations.
En revanche, la cour a retenu que l'employeur avait imposé au salarié protégé une modification unilatérale de ses conditions de travail et qu'il avait failli à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi, en s'abstenant d'effectuer les entretiens professionnels et d'évaluation, et en n'organisant pas sa formation.
Enfin, il n'est pas contesté que le salarié n'a connu aucune évolution de carrière entre son embauche et son licenciement.
Ces éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Or, force est de constater que l'employeur qui se contente de soutenir que le salarié n'a pas été traité différemment d'autres collègues, ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Au vu de ce qui précède, l'existence d'une discrimination syndicale est établie.
Il convient toutefois de constater que le préjudice tiré de l'absence d'évolution de carrière dont le salarié se prévaut comme résultant d'une discrimination syndicale est identique à celui dont la réparation est assurée par l'allocation de dommages-intérêts alloués plus avant, de sorte que la demande en paiement de dommages-intérêts non fondée doit être rejetée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
1.10. Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral
En cause d'appel, le salarié forme une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, soutenant qu'il a fait l'objet de faits de harcèlement moral de la part de la direction de l'entreprise, et plus particulièrement, de MM. [Z] et [G], et reprochant à l'employeur de ne pas avoir respecté l'accord d'entreprise sur la santé et la sécurité au travail, prévoyant la mise en 'uvre d'une enquête et l'implication du CHSCT et du médecin du travail.
L'employeur réfute les accusations de harcèlement moral et rappelle qu'une enquête a été menée, à la demande du salarié, au titre des faits dénoncés, qui a confirmé le caractère mensonger de ses accusations.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 4121-1 dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Enfin, selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions sur le harcèlement moral, le salarié présente des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme alors sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.
En l'espèce, le salarié invoque les faits suivants à l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral :
(1) diminution de sa qualification professionnelle,
(2) accumulation de diverses retenues sur salaire injustifiées,
(3) déclaration tardive d'accident du travail,
(4) retard dans la délivrance de l'attestation de salaire et délivrance d'attestations erronées,
(5) mutation sans son accord,
(6) absence de fourniture de travail pendant plus de deux ans,
(7) absence d'évaluation et d'évolution professionnelles,
(8) absence de formation.
La cour a jugé plus avant que la preuve des griefs (3), (4), (5), (6), (7) et (8) est établie.
Il incombe à l'employeur de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement mais étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, ce qu'il ne fait pas.
Toutefois, alors que les arrêts de travail dont le salarié se prévaut sont consécutifs à des accidents du travail dont il n'est ni soutenu, ni établi qu'ils trouvent leur origine dans les faits de harcèlement moral retenus, le salarié ne démontre pas que ces faits ont eu pour effet d'altérer sa santé physique ou mentale, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou de compromettre son avenir professionnel, étant observé que des dommages-intérêts lui sont alloués en réparation du préjudice tenant à la perte de chance d'évolution de carrière.
La demande de dommages-intérêts, non fondée, doit donc être rejetée.
2. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Le salarié souligne que compte tenu du licenciement intervenu après autorisation de l'administration, le juge judiciaire n'est plus compétent pour statuer sur sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. Il ajoute que le juge judiciaire est, en revanche, compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute sur laquelle s'est fondée l'autorité administrative pour autoriser le licenciement, au regard du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Il fait valoir qu'à l'issue de son arrêt de travail, il a retrouvé son poste de travail et a exercé ses fonctions normalement, ces circonstances étant de nature à exclure la faute grave. Il soutient encore que la qualification de faute grave est disproportionnée au regard des faits reprochés.
L'employeur confirme que la matérialité des faits de la lettre de licenciement ne peut plus être débattue par le salarié, dès lors que par un jugement désormais définitif, le tribunal administratif de Grenoble a reconnu que les faits reprochés au salarié étaient de nature à justifier son licenciement. Il ajoute que si le degré de gravité peut être éventuellement contesté, les absences injustifiées d'un salarié constituent un manquement particulièrement inacceptable aux obligations inhérentes au contrat de travail et caractérisent une faute grave justifiant son licenciement immédiat sans indemnité de préavis et de licenciement. Plus particulièrement, en l'espèce, il expose que, malgré la notification d'une première sanction et diverses démarches destinées à obtenir la transmission des justificatifs d'absence, le salarié a persisté, en parfaite connaissance de cause, à adopter un comportement fautif à l'égard de son employeur, et que s'il n'a pas été écarté de l'entreprise à la suite de son arrêt travail, c'est en raison de l'absence d'autorisation administrative de licenciement.
Sur ce,
Si le juge judiciaire ne peut, en l'état de la décision du tribunal administratif, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, il reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute privative des indemnités de rupture.
En l'espèce, il est constant que le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement du 13 juin 2016, annulé la décision du ministre en charge du travail du 13 novembre 2013 refusant d'autoriser le licenciement du salarié, après avoir retenu que ce dernier s'était abstenu d'informer l'employeur des motifs de son absence, que « le fait de ne pas se soumettre à son obligation d'information pendant une période de plus de six mois et alors qu'il avait déjà fait l'objet d'un avertissement à cet égard, peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur » et « qu'eu égard au caractère délibéré et répété du manquement, [l'employeur] est fondé à soutenir que les faits reprochés au salarié sont établis et suffisamment graves pour justifier son licenciement ».
Il est encore établi que par une décision du 26 septembre 2016, le ministre du travail a autorisé le licenciement du salarié, considérant que le fait pour celui-ci de ne pas avoir transmis ses arrêts maladie est établi et revêt un caractère fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Aux termes de la lettre de licenciement du 30 septembre 2016, l'employeur estime que « [le] comportement [du salarié] constitue une violation particulièrement grave et récidivante de [ses] obligations contractuelles et plus particulièrement de [son] obligation de loyauté à [son] égard » qui justifie son licenciement pour faute grave.
Toutefois, la cour observe que par un courriel du 25 octobre 2012 adressé à M. [G] (pièce n° 67 de l'employeur), le salarié a déclaré transmettre en pièces jointes « les scans de tous [ses] arrêts de travail [...] ». S'il ressort du « compte rendu d'enquête harcèlement » rédigé par le CHSCT que l'employeur a indiqué ne pas avoir reçu ce mail en raison du poids excessif des pièces jointes, il n'est pas établi que le salarié ait été informé, en retour, de cette absence de transmission.
Dès lors, au regard du contexte dans lequel les faits ont été commis et des conséquences des agissements incriminés, il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'une faute grave de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du prévis.
La faute grave étant écartée, le salarié, qui justifie d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, peut prétendre, en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis équivalant à deux mois, soit la somme de 3 195,36 euros, outre 319,54 euros au titre des congés payés afférents.
En application des articles L. 1234-9, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code précité, le salarié peut encore prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 3 195,36 euros.
3. Sur les demandes accessoires
L'employeur est condamné à remettre au salarié une attestation Pôle emploi rectifiée, conforme au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir la condamnation d'une astreinte.
Compte tenu de la solution donnée au litige en appel, il convient d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens. L'employeur, partie perdante au principal, est tenu aux dépens de première instance et d'appel, et est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié, qui succombe pour partie, est également débouté de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
débouté M. [T] [R] de ses demandes de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté la société Carrefour Proximité France de sa demande reconventionnelle sur le même fondement,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Carrefour Proximité France à payer à M. [T] [R] les sommes suivantes :
1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'organisation de la visite médicale de reprise,
5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la modification des conditions de travail du salarié protégé,
7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi,
3 195,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 319,54 euros au titre des congés payés afférents,
3 195,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
DÉBOUTE M. [T] [R] du surplus de ses demandes,
ORDONNE à la société Carrefour Proximité France de remettre à M. [T] [R] une attestation Pôle emploi rectifiée, conforme au présent arrêt,
DIT n'y avoir au prononcé d'une astreinte,
DÉBOUTE la société Carrefour Proximité France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Carrefour Proximité France aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE