AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 18/06455 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L5MA
Société CLIMAT ENERGIE
C/
[P]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 12 Juillet 2016
RG : F 15/01639
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 05 MAI 2022
APPELANTE :
Société CLIMAT ENERGIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Tristan HUBERT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[J] [P]
né le 11 Décembre 1982 à [Localité 5] (69)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne JACQUIER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Bénédicte LECHARNY, Conseiller
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 11 juin 2012 au 30 novembre 2012, M. [P] (le salarié) a été engagé par la société Climat Energie (l'employeur) et la relation de travail s'est poursuivie au delà du terme prévu.
Un contrat à durée indéterminée a été conclu le 13 mai 2013, sous le régime de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de dix salariés, le salarié ayant des fonctions désignées de chef d'équipe, à temps plein, pour lequel il percevait en dernier lieu un salaire brut de 1 849,84 euros.
Le salarié se plaignant du non-paiement de ses heures supplémentaires et de l'absence de régularisation, a émis le souhait de quitter l'entreprise et une rupture conventionnelle a été signée le 13 mars 2014, à effet du 25 avril 2014.
La DIRECTE homologuait cette rupture le 28 avril 2014.
Le salarié, se plaignant d'irrégularités relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail, a saisi le conseil de prud'hommes le 24 avril 2015.
Par jugement du 12 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit et jugé que l'ancienneté du salarié doit être retenue à compter du 11 juin 2012 ;
- dit et jugé que le salarié doit être classé Niveau IV, position 1, coefficient 250 de la Convention collective des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés à partir de la date du 13 mai 2013 sur la base d'une rémunération de 2 095 euros bruts avec un taux horaire de 13,60 euros en mai, juin et juillet 2013, et 13,81 euros d'août 2013 à mars 2014 ;
- dit et jugé nulle la rupture conventionnelle intervenue entre les parties ;
- condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :
* 1 071,97 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 107,20 euros au titre des congés payés afférents ;
* 5 297,72 euros nets à titre de rappel d'indemnité de grand déplacement ;
- débouté le salarié de sa demande d'heures supplémentaires ;
- condamné l'employeur à payer au salarié :
* 2 595,61 nets au titre de rappel sur complément maladie et d'accident de travail ;
- dit et jugé que la rupture conventionnelle est nulle et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :
* 2 095 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 209,50 euros au titre des congés payés afférents ;
* 477,55 euros nets à titre de complément sur indemnité de licenciement ;
* 4 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire de droit ;
- ordonné la remise des bulletins de paie, documents de rupture et de l'attestation Pôle emploi rectifiée ;
- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal ;
Par déclaration remise au greffe le 29 juillet 2016, l'employeur a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 5 juin 2018, l'affaire était radiée du rôle, en l'absence de diligences de l'appelant.
L'affaire, appelée à l'audience du 31 mars 2020, a été renvoyée en raison de l'état de crise sanitaire.
Dans ses conclusions déposées le 16 juillet 2020, l'employeur demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de la demande formée au titre des rappels d'heures supplémentaires ;
- Et, statuant à nouveau,
* débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;
* condamner le salarié à verser à l'employeur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le salarié aux dépens.
Dans ses conclusions déposées le 15 mars 2019, le salarié demande à la cour :
* Sur l'appel principal de l'employeur :
- dire et juger l'appel principal recevable mais non fondé et injustifié ;
- rejeter l'irrecevabilité invoquée au titre de la signature du reçu pour solde de tout compte comme non fondée et injustifiée ;
- écarter des débats les pièces adverses n°2, 13 et 23 ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'ancienneté du salarié devait être fixée au 11 juin 2012 ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le salarié devait être classé au niveau IV, position 1, coefficient 250 de la Convention collective des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés à la date du 13 mai 2013, sur la base d'une rémunération de 2 095 euros brut avec un taux horaire de 13,60 euros en mai, juin et juillet 2013 et 13,81 euros de août 2013 à mars 2014 ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la convention de rupture conventionnelle est atteinte de nullité et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à verser les sommes suivantes au salarié :
* 2 095 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 209,50 euros au titre des congés payés afférents ;
* 477,55 euros nets à titre de complément sur indemnité de licenciement ;
* 4.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 2 595,61 euros nets à titre de complément maladie et accident du travail ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 5 297,72 euros à titre d'indemnité de grands déplacements ;
Subsidiairement,
- condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 4,33 euros au titre des indemnités de trajet, 1.384,33 euros au titre des indemnités de transport, et 1 565,88 euros au titre des indemnités de panier ;
* Sur l'appel incident formé par le salarié :
- dire et juger l'appel incident recevable justifié et bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
- dire et juger que le salarié a suffisamment étayé sa demande au titre du rappel d'heures supplémentaires ;
- constater la carence de l'employeur dans l'administration de la preuve des heures de travail réellement effectuées par le salarié ;
A titre principal, sur la base d'un repositionnement au Niveau IV, position 1, coefficient 250 ;
- condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 6.332,07 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 633,21 euros au titre des congés payés afférents;
A titre subsidiaire, en l'absence de repositionnement du salarié :
- condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 5 065,07 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 506,51 euros au titre des congés payés afférents;
* en tout état de cause :
- fixer le salaire de référence du salarié à 1 849,84 euros ;
- débouter l'employeur de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;
- dire et juger que la condamnation de l'employeur portera intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;
- condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'employeur aux dépens de l'instance.
*
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* Sur l'irrecevabilité des demandes du salarié en raison de la signature du reçu pour solde tout compte
L'employeur indique que, conformément aux dispositions de l'article L. 1234-20 du code du travail, faute de dénonciation du solde de tout compte par lettre recommandée, le salarié ne peut plus contester le montant des sommes qui y sont visées. Il soutient que le salarié s'est vu remettre contre décharge un solde de tout compte le 25 avril 2014, visant les sommes de nature salariale ainsi que les remboursements de frais et indemnités de toute nature, de sorte que le salarié, contestant le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle le 10 novembre 2014, est irrecevable en ses demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires, de rappels de complément sur maladie, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement.
Le salarié soutient qu'il n'a jamais signé son reçu pour solde de tout compte, la signature figurant sur la pièce adverse n° 13 n'étant pas la sienne.
La cour constate que l'employeur produit un reçu pour solde de tout compte (pièce n° 13) daté du 25 avril 2014, daté et signé. Le salarié conteste l'authenticité de sa signature et demande que ce document soit écarté.
A l'examen des cinq signatures que le salarié fait figurer dans ses écritures, s'il peut être relevé des différences entre elles, la cour estime que les deux premières, déniées par le salarié et correspondant à celles figurant sur le reçu pour solde de tout compte et sur la remise en main propre du chèque, comportent des similitudes que ne présentent pas les trois autres signatures, elles revendiquées par le salarié, qui figurent sur le contrat de travail à durée déterminée du 11 juin 2012, sur le contrat de travail à durée indéterminée du 13 mai 2013 et sur une lettre envoyée par le salarié.
La cour en déduit qu'il existe un doute quant à l'authenticité de la signature figurant sur le reçu pour solde de tout compte produit par l'employeur, qui sera ainsi écarté des débats.
En conséquence, l'irrecevabilité invoquée par l'employeur ne peut être accueillie.
* Sur l'ancienneté du salarié
L'employeur, à titre infirmatif, soutient que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 11 juin 2012 s'est poursuivi après son terme, donc dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, jusqu'au 31 mars 2013, date à laquelle le salarié a sollicité la rupture immédiate de son contrat de travail en proposant qu'elle soit considérée comme une rupture de contrat de travail à durée déterminée, afin de développer un projet professionnel personnel. Ce projet n'ayant pas abouti, le salarié a souhaité travailler de nouveau pour l'entreprise, ce qui a été accepté par la conclusion d'un nouveau contrat à durée indéterminée le 13 mai 2013, sans qu'une reprise d'ancienneté ne soit prévue.
Le salarié, à titre confirmatif, soutient que son ancienneté doit être retenue à compter du 11 juin 2012. Il soutient que la rupture du 31 mars 2013 est intervenue sur l'initiative de l'employeur qui a été immédiatement rétractée, ce qui a entraîné le remboursement par le salarié du montant de l'indemnité de précarité qui avait été versée au salarié.
Il conteste la sincérité du contrat de travail à durée indéterminée du 31 mai 2013 produit par l'employeur, disposant d'un contrat indiquant une reprise d'ancienneté au 1er décembre 2012.
Il indique que le registre du personnel produit par l'employeur ne respecte pas les dispositions de l'article D. 1221-23 du code du travail et n'est pas de nature à emporter la conviction de la cour.
Il justifie avoir travaillé pour l'employeur en avril 2013, produisant deux factures d'hôtel.
La cour relève que les parties conviennent que le contrat de travail à durée déterminée qu'elles ont conclu le 11 juin 2012 s'est poursuivi au-delà de son terme, prévu le 30 novembre 2012. La poursuite des relations contractuelles résulte en outre, indirectement mais sans conteste, de l'attestation Pôle emploi établie par l'employeur le 2 avril 2013, qui mentionne que des salaires ont été versés entre décembre 2012 et février 2013, et indique que la rupture est intervenue le 31 mars 2013. Ce document indique que le motif de rupture était la fin du contrat à durée déterminée, ce qui était nécessairement inexact puisque le terme initialement prévu était le 30 novembre 2012, et qu'une indemnité de fin de contrat à durée déterminée de 1436,11 euros a été versée.
Il en résulte que le contrat de travail, poursuivi au-delà du terme prévu, est devenu depuis le 1er décembre 2012 un contrat à durée indéterminée, que l'employeur a entendu rompre le 31 mars 2013.
Le salarié soutient que l'employeur a souhaité rétracter sa décision de rupture.
Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail qu'une telle rétractation suppose l'accord du salarié.
Or, celui-ci justifie en l'espèce avoir remboursé à l'employeur, par chèque du 5 avril 2013, la somme de 1 098,38 euros, correspondant au montant net de l'indemnité de fin de contrat qu'il avait perçue. L'employeur ne conteste pas ce remboursement mais soutient que le salarié a bien quitté l'entreprise le 31 mars 2013, en raison de ce qu'il souhaitait créer sa propre entreprise, ce qui n'est étayé par aucune pièce et ne constitue pas une explication au remboursement de l'indemnité de fin de contrat par le salarié. Il sera noté que la copie du registre du personnel produit par l'employeur à l'appui de ses dires (pièce n° 23), en raison de sa très piètre qualité de reproduction versée au dossier, ne comporte aucune mention lisible probante. Il n'y a pas lieu de l'écarter des débats comme le demande le salarié, mais elle est inopérante.
Par ailleurs, comme les premiers juges, il convient de relever que le salarié produit un exemplaire de contrat à durée indéterminée conclu le 13 mai 2013, avec signatures des deux parties, non contestées par les parties, et indiquant un engagement « à compter du 1er décembre 2012 ».
Il sera noté que l'employeur verse cependant à son dossier un exemplaire de ce même contrat de travail du 13 mai 2013, qui comporte des signatures identiques, mais qui indique un engagement « à compter du 13 mai 2013 » (pièce n° 2).
L'employeur, qui est par principe à l'origine de l'établissement des contrats de travail, ne conteste pas l'authenticité du contrat produit par le salarié et n'apporte aucune explication quant à l'existence de l'exemplaire du contrat qu'il produit, signé du même jour mais comportant des mentions différentes quant à la date de prise d'effet.
Il sera relevé en outre que le salarié produit des factures d'hôtel, établies au nom de la société Climat énergie pour les dates des 8 et 29 avril 2013, ce qui accrédite qu'il a oeuvré pour l'employeur durant la période où celui-ci prétend que le contrat était rompu.
La cohérence des indications du contrat de travail produit par le salarié avec les circonstances ci-dessus rapportées conduisent à écarter le caractère probant de l'exemplaire du contrat produit par l'employeur (pièce n° 2) et à retenir que celui-ci, obtenant le reversement de l'indemnité indiquée dans l'attestation Pôle emploi, sous un motif de rupture manifestement inexact, a manifestement voulu poursuivre les relations contractuelles au-delà du 31 mars 2013 jusqu'à la conclusion du contrat du 13 mai, avec l'accord du salarié.
Ainsi, il résulte de ce qui précède que la volonté des deux parties de revenir sur la rupture du contrat de travail, prévue le 31 mars 2013, est établie et que le contrat s'est poursuivi jusqu'à la conclusion du contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, la cour retient qu'il résulte de l'article R. 3243-1 du code du travail que la date d'ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire.
Or, les bulletins de salaire produits par l'employeur indiquent comme date d'entrée dans l'entreprise, le 11 juin 2012. Il ne résulte en outre d'aucun élément produit par l'employeur la preuve contraire de cette présomption.
Dès lors, au vu de ce qui précède et comme les premiers juges, l'ancienneté du salarié sera ainsi prise en compte à compter du premier contrat conclu entre les parties, soit le 11 juin 2012.
* Sur le repositionnement du salarié dans la grille de classification de la convention collective nationale
L'employeur, à titre infirmatif, indique que la qualification professionnelle d'un salarié se détermine au regard des fonctions réellement exercées par le salarié, et non seulement au regard des mentions figurant sur le contrat de travail, et que, dans le bâtiment, un salarié ne peut prétendre exercer des fonctions de chef d'équipe que s'il démontre qu'il organisait de façon autonome le travail des ouvriers constituant l'équipe sur les chantiers qu'il dirigeait, et encore qu'il justifie de la technicité des travaux qui lui sont confiés et de la réalité de la représentation qu'il assure à l'égard des tiers.
Il indique que, selon la convention collective nationale, les fonctions de chef d'équipe impliquent quatre critères cumulatifs qui ne sont pas justifiés par le salarié.
Il fait valoir que l'un des auteurs des attestations qu'il produit, celle de M. [F], n'est plus salarié de la société depuis 2014 et ne peut donc subir de pression de la part de l'employeur et que M. [L] a quitté la société et indique avoir été abusé par le salarié pour rédiger l'attestation dont celui-ci se prévaut.
Il considère qu'en raison des multiples absences pour maladie du salarié, entre 2013 et 2014, qui n'a effectivement travaillé que six mois sur 16 mois et, durant cette période, l'entreprise n'a pas recruté de chef d'équipe pour remplacer l'absence du salarié et, ce, en dépit de ses faibles effectifs, sans que son activité en ait été perturbée, ce dont il résulte que c'est le gérant qui assurait les fonctions de chef d'équipe.
Le salarié, à titre confirmatif, fait valoir que, recruté en tant que chef d'équipe dans son contrat de travail, il produit des attestations qui justifient de la réalité de ses fonctions, étant relevé que les contre-attestations produites par l'employeur ne respectent pas les prescriptions du code de procédure civile, pour la première, et résulte simplement, pour la seconde, des pressions qu'il a exercées sur le témoin, qui est l'un de ses employés.
Il indique qu'il est sans emport que son contrat ait été suspendu pour arrêts de travail et que refuser une classification au salarié pour un tel motif serait discriminatoire.
Il soutient que, contrairement à ses allégations, le gérant de l'entreprise n'était pas systématiquement présent sur les chantiers.
Il considère ainsi que, au regard de la Convention collective nationale, l'entreprise ayant moins de 10 salariés, il doit être classé niveau IV, position 1.
La cour relève que le contrat à durée indéterminée conclu entre les parties le 13 mai 2013, tel que produit par le salarié, et qui est au demeurant conforme sur ce point à l'exemplaire produit par l'employeur, mentionne que le salarié est recruté comme « chef d'équipe », sans préciser toutefois sa classification au regard de Convention collective nationale applicable.
La désignation des fonctions de chef d'équipe est prévue par la Convention collective des ouvriers des entreprises du bâtiment comptant moins de 10 salariés, qui indique :
« Niveau IV : Maîtres-ouvriers ou chefs d'équipe Les ouvriers classés à ce niveau :
- soit occupent des emplois de haute technicité ;
- soit conduisent de manière habituelle une équipe dans leur spécialité.
Position 1 :
Les ouvriers de niveau IV/1, à partir de directives d'organisation générale :
- soit accomplissent les travaux complexes de leur métier, nécessitant une technicité affirmée ;
- soit organisent le travail des ouvriers constituant l'équipe appelée à les assister et en assurent la conduite.
Ils disposent d'autonomie dans leur métier, peuvent prendre des initiatives relatives à la réalisation technique des tâches à effectuer et assurer, en fonction de ces dernières, par délégation du chef d'entreprise, des missions de représentation correspondantes. Ils possèdent la parfaite maîtrise de leur métier, acquise par formation professionnelle, initiale ou continue, et/ou une solide expérience.
Ils s'adaptent aux techniques et équipements nouveaux, et sont capables de diversifier leurs connaissances professionnelles, y compris dans des techniques connexes, notamment par recours à une formation continue appropriée.
Ils peuvent être appelés à transmettre leur expérience, à mettre en valeur leurs capacités d'animation et à assurer le tutorat des apprentis et des nouveaux embauchés au besoin à l'aide d'une formation pédagogique. »
La cour retient que, revendiquant la classification conventionnelle contestée, il appartient au salarié d'établir qu'il exerçait les fonctions correspondantes.
Le salarié produit une attestation, répondant aux exigences du code de procédure civile, dans laquelle M. [V] [L], le 10 janvier 2015, déclare avoir travaillé dans l'entreprise de janvier 2013 à juin 2014 et avoir participé à plusieurs chantiers en déplacement en dehors de Rhône-Alpes avec le salarié, qui assurait « la gestion des chantiers » et que c'était sous l'autorité de celui-ci que l'attestant réalisait son travail. Il est indiqué que le salarié a formé l'attestant à plusieurs techniques qu'il précise, et que le salarié représentait son « référent technique et hiérarchique » et informait l'employeur de l'avancement des chantiers.
Une autre attestation de ce salarié est produite, datée du 30 juin 2015, de même qu'un document rédigé par M. [O], établi le 30 juin 2015, qui ne respectent pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile mais dont la recevabilité n'est pas contestée par l'employeur. La cour relève que la première tend à confirmer les termes de la précédente tandis que, dans la seconde, M. [O] indique avoir travaillé avec le salarié et que, celui-ci, était complètement autonome dans l'accomplissement de ses tâches professionnelles lorsqu'il a quitté la société.
Le salarié produit en outre une attestation, régulière, de M. [F], qui indique avoir travaillé dans l'entreprise, sans précision de date, et avoir effectué « beaucoup de chantiers se trouvant à l'extérieur de la région Rhône » avec le salarié, qu'il décrit comme ayant été l'interlocuteur principal avec le client sur les chantiers et informait le gérant de l'entreprise de l'avancement des chantiers, qu'il gérait, selon les observations de l'attestant, « en toute autonomie », étant le chef de chantier et donnant des consignes techniques.
Toutefois, l'employeur produit un document rédigé par M. [F], comportant la copie de la même pièce d'identité que celle figurant dans l'attestation invoquée par le salarié, et qui nie avoir rédigé cette attestation, qu'il indique avoir signée alors qu'elle était déjà rédigée et sur la demande du salarié. Il conteste ainsi la teneur de l'attestation à son nom produite par le salarié et indique avoir travaillé sous la responsabilité du gérant de l'entreprise. Il mentionne avoir quitté l'entreprise le « 29 avril 2013 » et le salarié, courant mai (2014 ').
En outre, l'employeur produit également une attestation, tout aussi régulière, établie par M. [V] [L], du 28 mai 2018, qui contredit les termes de l'attestation qu'il a établie pour le salarié, et par conséquent ceux de celle du 30 juin 2015, précisant avoir agi sur l'insistance et la « malisse » de celui-ci, et indique que le chef de chantier et d'équipe était le gérant de l'entreprise.
Le salarié produit un document intitulé « attestation sur l'honneur », rédigé au nom de M. [V] [L], du 26 mars 2016, qui ne respecte pas les prescriptions du code de procédure civile mais indique que l'attestation produite par le salarié, au nom de M. [F], n'est pas un faux document puisque l'auteur de ce document précise avoir été présent lorsque M. [F] a rédigé l'attestation dont se prévaut le salarié.
De plus, le salarié produit également une contre-attestation, régulière, établie le 7 janvier 2019, par M. [V] [L], qui indique que l'attestation qu'il a établie pour l'employeur, revenant sur celle qu'il avait précédemment établie pour le salarié, avait été rédigée sur demande de la conjointe du gérant de l'entreprise, le gérant et une autre personne.
En ces circonstances, au vu des indications discordantes que présentent les attestations successives de MM. [V] [L] et [F] produites tant par le salarié que par l'employeur, la cour ne peut qu'écarter leur valeur probante. Il sera noté que la lettre de M. [O] du 30 juin 2015 n'apporte aucun élément sur les fonctions exactes du salarié.
En conséquence, la cour ne peut qu'en déduire que le salarié ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il remplissait au sein de l'entreprise les différentes fonctions déterminées par la convention collective nationale lui permettant de revendiquer la classification conventionnelle professionnelle litigieuse.
Dès lors, la cour ne peut qu'infirmer la décision entreprise de ce chef et la demande de reclassement ainsi que celle de rappel de salaires formées par le salarié à ce titre doivent être rejetées.
* Sur la nullité de la rupture conventionnelle
L'employeur, à titre infirmatif, soutient que les parties ont convenu de la rupture le 11 mars 2014.
Il souligne que, en première instance, le salarié n'a pas contesté avoir signé le document et qu'un exemplaire lui avait été remis et qu'il n'avait émis aucune réserve quant à la réalité de son consentement à l'égard de la rupture conventionnelle, pas plus qu'il n'avait constaté la rupture dans sa lettre du 10 novembre 2014. Il indique que, la convention ayant été homologuée le 28 avril 2014, et l'audience de conciliation s'étant tenue le 19 mai 2015, soit plus d'un an après l'homologation, la demande d'annulation pour irrégularité formelle est donc irrecevable.
Au fond, il soutient que le salarié ne remettant pas en cause son consentement à la rupture ou ne soutenant pas avoir été privé de la possibilité d'exercer son droit de rétractation, aucune nullité de la rupture conventionnelle signée n'est possible, même s'il ne s'est pas vu remettre un exemplaire signé par la société de la convention de rupture, qui est strictement identique à la convention produite par la société, signée par les deux parties et qui a fait l'objet d'une approbation par la DIRECCTE.
Le salarié, à titre confirmatif, fait valoir que la rupture conventionnelle est juridiquement un contrat, dont la validité peut être remise en cause pour vice du consentement.
Il indique que si une rupture conventionnelle a été signée le 17 mars 2014, aucun exemplaire original ne lui été remis, le salarié s'étant vu remettre une copie remplie mais non signée du document Cerfa, dès lors dénuée de valeur juridique puisque l'empêchant de solliciter l'homologation ou d'exercer son droit de rétractation ou en demander la nullité.
Il soutient que les moyens tirés de l'absence de vice du consentement soulevés par l'employeur sont dès lors inopérants.
Le salarié demande la confirmation du jugement sur ce point, y compris sur les quantum.
Sur la recevabilité de l'action
La cour retient qu'il résulte des articles 2241 du code civil, R. 1452-1 et R. 1452-6 du code du travail, ces deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.
Par ailleurs, l'article 2242 du code civil prévoit que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, soit jusqu'au prononcé de la décision mettant fin définitivement à l'instance.
Lors de l'introduction de l'instance devant le conseil de prud'hommes le 24 avril 2015, l'action attachée à la nullité de la rupture conventionnelle a été interrompue et il importe peu dès lors, que, comme le soutient l'employeur et sans préciser au demeurant la cause de l'irrecevabilité qu'il invoque, le salarié n'ait demandé l'annulation qu'à la suite de l'audience de conciliation du 19 mai 2015.
En conséquence, contrairement à ce que soutient l'employeur, la cour ne peut qu'admettre la recevabilité de l'action du salarié.
Sur le bien-fondé de l'action en annulation
La cour retient qu'il résulte des articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail et de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d'une part, que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle, d'autre part, qu'en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve.
Il est constant que les parties, le 11 mars 2014, ont convenu de mettre fin au contrat de travail dans le cadre d'une rupture conventionnelle devant être signée le 17 mars 2014 et devant prendre effet cinq semaines plus tard.
Les parties produisent un document Cerfa de rupture conventionnelle, datée du 17 mars 2014, qui mentionne notamment qu'un premier entretien au sujet de la rupture s'est tenu le 17 mars 2014 et que la date envisagée de la rupture était le 25 avril 2014. L'employeur justifie que cette rupture a été homologuée par la DIRECCTE de Rhône-Alpes le 28 avril 2014, après réception le 8 avril 2014.
Cependant, le salarié conteste que l'employeur lui ait remis un exemplaire signé de la convention de rupture. L'employeur estime que le salarié ne peut soutenir qu'il n'a pas disposé des informations lui permettant d'exprimer valablement son consentement. Cependant, tel n'est pas le sens de la critique du salarié.
La cour constate que si l'employeur verse à son dossier un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle ne comportant aucune signature, qui correspond à l'exemplaire de la convention produit à son dossier par le salarié et qui peut constituer un document préparatoire, l'employeur produit également un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle, régulièrement signé par les deux parties. Il y a lieu de relever que le salarié ne commente pas ce second document et, surtout, n'élève aucune contestation quant à la régularité des signatures.
Néanmoins, l'employeur ne justifie pas pour autant de la date à laquelle cet exemplaire signé a été effectivement remis au salarié, ce qui lui incombe. Il sera noté que, à défaut de justifier que le salarié ait disposé d'une convention signée, l'employeur n'a pas mis le salarié en mesure, le cas échéant, de faire jouer son droit de rétractation dans un délai de quinze jours à compter de la date de la signature de l'acte.
Dès lors, le moyen d'irrégularité invoqué par le salarié est fondé et la rupture conventionnelle est nulle et doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision entreprise doit être confirmée de ce chef. Il y a lieu de confirmer également les indemnités compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité complémentaire de licenciement et les dommages-intérêts accordés par les premiers juges.
* Sur les rappels d'indemnités de déplacement et de panier
Sur le rappel de salaire au titre des grands déplacements
L'employeur, à titre infirmatif, indique que l'indemnité de grands déplacements est fondée sur les dépens supplémentaires occasionnés par le déplacement du salarié et qu'elle doit correspondre à des frais réellement engagés. Il soutient que, durant les grands déplacements du salarié, l'intégralité de ses frais ont été directement pris en charge par l'employeur.
Le salarié conteste la valeur probante de la liste des chantiers auxquels il aurait participé, établie par l'employeur, en raison des incohérences qu'elle comporte.
Il souligne que, devant les premiers juges, l'employeur a admis n'avoir jamais appliqué les dispositions de la Convention collective nationale relatives au grand déplacement.
La cour relève que selon l'article 8.21 de la Convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990 :
« Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole,
- qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ;
- ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence (...) »
L'article 8.22 de la même Convention collective nationale prévoit le versement d'une indemnité journalière de déplacement :
« L'indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé. Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent :
a) Le coût d'un second logement pour l'intéressé ;
b) Les dépenses supplémentaires de nourriture, qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou dans tout autre type de logement proposé par l'employeur ;
c) Les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer, est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux de logement et de nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu'il supporte.
Dans le cas où le déplacé, prévenu préalablement que son hébergement sera organisé par l'entreprise, déciderait de se loger ou de se nourrir (ou de se loger et de se nourrir) en dehors de celui-ci, une indemnité égale à celle versée aux ouvriers utilisant les moyens d'hébergement mis à leur disposition lui sera attribuée. »
La Convention collective détermine la durée pendant laquelle l'indemnité est due (article 8-23), prévoit le remboursement de l'indemnité de grand déplacement par le paiement d'une allocation forfaitaire dont elle ne précise pas toutefois le mode de calcul.
La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile, c'est au salarié qui réclame le paiement de l'indemnité de grand déplacement d'établir qu'il satisfait aux conditions posées par la Convention collective.
Il découle de ces textes qu'il doit ainsi justifier qu'il se trouvait dès lors en grand déplacement au sens de l'article 8-21, ce qui lui impose d'établir son lieu de travail, et qu'il se trouvait dans l'une des situations prévues par l'article 8-22 susvisé pendant une durée particulière.
La cour relève ainsi que le salarié prétend au versement de l'indemnité journalière, forfaitaire, de grands déplacements. Dans ses écritures, il se réfère cependant à l'indemnisation de ses temps de déplacement, ce qui est sans emport sur l'indemnité dont il demande le versement et ce moyen est inopérant.
Le tableau récapitulatif produit par le salarié à l'appui de sa demande (pièce n°21), qui ne fait l'objet d'aucune explication particulière dans ses écritures, paraît faire état des sommes déjà versées ou prises en charge par l'employeur, qu'il met en déduction des sommes qu'il estime dues au titre de l'indemnité forfaitaire de grands déplacements, selon le barème journalier de l'URSSAF. Pour déterminer ces sommes dues, le salarié paraît multiplier le montant de l'indemnité forfaitaire par le nombre de jours travaillés, parfois durant tout le mois (juillet 2012, novembre 2012, décembre 2012, mars 2013), ce qui impliquerait qu'il ait été en grand déplacement pendant toute la durée du mois.
Toutefois, la cour ne peut que relever que le salarié ne précise ni ne justifie des grands déplacements qu'il invoque avoir effectués, se bornant à produire une liste imprécise (pièce n° 4), sans aucune indication de date et de durée.
C'est d'autant plus remarquable que le salarié s'estime en revanche en mesure de critiquer la liste des déplacements établie par l'employeur.
En l'état des éléments de preuve qui lui sont soumis, la cour n'est donc pas en mesure d'apprécier si les remboursements effectués par l'employeur correspondaient ou non à des frais de grands déplacements et, dès lors, si salarié est en droit de prétendre au versement des sommes qu'il demande.
Le salarié étant défaillant dans la preuve du bien-fondé de sa demande, celle-ci doit être rejetée.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le rappel de salaire au titre des petits déplacements et des paniers
A titre subsidiaire, le salarié soutient que des indemnités de panier ne lui ont pas été versées sur la période de courant juin 2012 à mai 2013, alors que ses bulletins de paye témoignent de déplacements hors de l'entreprise. Il indique que les taux appliqués par l'employeur pour les indemnités de trajet, transport, et panier sont incorrects comme ne prenant pas en considération les taux en vigueur en 2012 et 2013 et que les bulletins de salaire de mai 2013 à février 2014 font état du paiement de paniers mais pas des indemnités de déplacement.
L'employeur indique que la cour ne saurait faire droit à la demande concernant les primes de panier puisque les frais étaient directement pris en charge par l'employeur.
Il indique que les indemnités de petits déplacements ne peuvent être cumulées avec les indemnités de grands déplacement.
La cour rappelle qu'il est constant qu'en application de la Convention collective nationale (article 8.11 à 8.18), bénéficient des indemnités de petits déplacements, les « ouvriers non sédentaires du bâtiment (occupés sur des chantiers) pour les petits déplacements qu'ils effectuent quotidiennement pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir, à la fin de la journée de travail (article 8-12). Ces indemnités se décompensent en une indemnité de repas (article 8-15), une indemnité de transport (article 8-16) et une indemnité de trajet (article 8-17).
L'article 8-18 de la convention détermine ainsi les montants de ces indemnités :
« Les montants des indemnités journalières de petits déplacements sont forfaitaires et fixés en valeur absolue selon les règles suivantes.
8.181. Indemnité de repas.
Le montant de l'indemnité de repas, qui est le même quelle que soit la zone concentrique dans laquelle se situe le chantier, est fixé par accord paritaire régional (1).
Si l'entreprise utilise un système de titres-restaurants, le montant de sa participation est déduit du montant de l'indemnité de repas.
8.182. Indemnité de frais de transport.
Son montant journalier, qui est un forfait, doit être fixé en valeur absolue de telle sorte qu'il indemnise les frais d'un voyage aller et retour du point de départ des petits déplacements au milieu de la zone concentrique dans laquelle se situe le chantier. Pour déterminer ce montant, il doit être tenu compte du tarif voyageur des différents modes de transport en commun existant localement et du coût d'utilisation des moyens de transport individuels.
8.183. Indemnité de trajet.
Son montant doit être fixé en valeur absolue de telle sorte que le forfait, qui indemnise la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, soit évalué en fonction de la distance entre le point de départ des petits déplacements et la circonférence supérieure de la zone où se situe le chantier. »
La cour relève que les bulletins de salaire de juin, juillet, août, octobre, novembre et décembre 2012, février et mars 2013, mentionnent des indemnités de trajet et de transport mais pas d'indemnités de panier, que ceux de mai, juillet, novembre et décembre 2013, janvier et février 2014, ne mentionnent que le versement d'indemnités de panier, que le mois de juin 2013 mentionne le versement des trois indemnités (transport, trajet, panier).
L'employeur ne fournit aucune explication sur ce point.
En ce qui concerne l'indemnité de repas ou indemnité de panier, la cour rappelle cependant, en application des dispositions susvisées, qu'elle vise à compenser le supplément de frais occasionnés par la prise de déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier, ce que doit démontrer le salarié.
Celui-ci produit en l'espèce un tableau récapitulatif mais aucune pièce démontrant des dépenses supplémentaires devant justifier l'octroi de l'indemnité de repas.
Sa demande de ce chef, pour la période de juin 2012 à mars 2013, pour laquelle il demande le versement de ces sommes, n'est donc pas fondée.
Pour la période de mai 2013 à février 2014, le salarié s'appuie sur le nombre d'indemnités de repas versées par l'employeur mais demande le rétablissement du taux applicable. Il ne produit cependant aucun élément pour justifier du taux qu'il revendique, ce qui n'établit pas son droit à prétendre à ces sommes.
Sa demande devra être rejetée pour le surplus.
En ce qui concerne les indemnités de trajet et de transport, l'employeur ne présente aucune observation sur ce point.
La cour relève que, pour le mois de juin 2013, ces indemnités figurent sur la fiche de paye du salarié qui demande la différence entre le taux retenu par l'employeur et celui qui lui semble applicable. Toutefois, il n'est pas justifié du taux qu'il revendique, de sorte que sa demande sera rejetée.
Le salarié demande, de la même manière, la réévaluation de l'indemnité de transport sans justifier du taux qu'il revendique, de sorte que sa demande sera rejetée.
Pour le reste, le salarié demande le versement des indemnités de transport pour les mois de mai, juillet, novembre et décembre 2013 et janvier et février 2014.
Cependant, il se borne à réclamer un nombre d'indemnités identiques à celui des indemnités de repas, alors que, par exemple, en juin 2013, lui ont été versées sans que cela n'entraîne de contestation de sa part, 9 indemnités de trajet, pour 5 indemnités de transport et 15 indemnités de repas.
A défaut, notamment, d'explication d'un tel alignement du nombre d'indemnités de transport sur celui des indemnités de repas, le salarié ne rapporte pas la preuve de ce que les indemnités de transport litigieuses lui étaient dues.
Sa demande sera rejetée de ce chef.
* Sur les heures supplémentaires :
Le salarié, à titre infirmatif, estime qu'il établit avoir effectué des semaines de travail très intenses et, dès lors, de nombreuses heures supplémentaires. Il considère qu'il appartient à l'employeur de justifier de ses horaires de travail réellement effectués, ce qu'il ne fait pas.
Il indique que, compte tenu du repositionnement de sa classification professionnelle, la somme de 6 332,07 euros, outre 633,21 euros, lui est due et que, en l'absence de repositionnement, ces sommes doivent être ramenées à 5 065,07 euros, outre 506,51 euros.
L'employeur, à titre confirmatif, fait valoir que le salarié n'a jamais émis la moindre observation au cours de la relation contractuelle et que son tableau d'estimation a été établi trois ans après les faits.
La cour retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies a'n de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées et, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
La cour relève que, contrairement à ce que soutient l'employeur, le fait que le salarié n'ait pas émis d'observation durant la relation contractuelle quant au nombre d'heures supplémentaires réglées, ne constitue pas un obstacle à ce qu'il demande le règlement d'heures supplémentaires non rémunérées dans le cadre de la procédure prud'homale qu'il a engagée. De surcroît, le salarié produit une lettre recommandée du 10 novembre 2014, adressée à l'employeur, dans laquelle il se plaint de ne pas avoir été rémunéré de l'ensemble des heures supplémentaires qu'il avait effectuées (l'employeur répondant notamment, le 31 décembre 2014, qu'il n'avait pas demandé au salarié d'effectuer des heures supplémentaires).
Il y a lieu de relever que le salarié produit un tableau qui récapitule, chaque semaine entre juin 2012 et décembre 2013, le nombre d'heures supplémentaires qu'il estime avoir effectué durant cette période. Il y a lieu de relever que les indications de ce tableau paraissent cohérentes avec les indications des bulletins de salaires qu'il produit, en ce sens qu'il n'est indiqué l'accomplissement d'aucune heure supplémentaire durant des semaines où le salarié était absent (étant relevé notamment qu'il a été totalement absent en août, septembre et octobre 2013).
Dès lors, la cour retient que le tableau produit par le salarié est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'objecter, en fonction des tâches qu'il a pu confier au salarié, quant au volume ou à la nécessité des heures supplémentaires revendiquées par le salarié.
Or, l'employeur n'apporte sur ce point aucun élément objectif.
Compte tenu des éléments produits, il convient de retenir que des heures supplémentaires ont été effectuées par le salarié, étant précisé que, en l'absence de repositionnement dans la classification conventionnelle, le montant des sommes dues à ce titre doit s'apprécier en fonction de la qualification d'ouvrier.
Cette créance salariale se chiffre ainsi à la somme totale de 7 908,15 euros. Au regard du montant des heures supplémentaires qui ont été réglées par l'employeur au salarié, tel que cela ressort des bulletins de salaires, à hauteur de la somme totale de 2 843,08, le montant de la créance restante est de 5 065,07 euros.
L'employeur sera condamné à verser au salarié les congés payés afférents, soit la somme de 506,57 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
* Sur le complément de rémunération
Le salarié fait valoir que l'employeur n'a jamais procédé au paiement des compléments de salaire prévus par la Convention collective nationale, ce qui résulte des relevés PROBTP, dont il résulte que la somme de 1 510,78 euros a été versée au salarié pour la période du 26 juillet 2013 au 8 novembre 2013 et du 14 février 2014 au 16 mars 2014. Il soutient cependant que lui reste due la somme de 2 595,61 euros nets.
L'employeur indique qu'il justifie avoir versé un complément de rémunération au salarié pour une partie des périodes indiquées mais n'être pas parvenu à obtenir des attestations complémentaires de la part de l'organisme de prévoyance, lequel a indiqué qu'il appartenait au salarié de les solliciter directement.
Il indique que le montant des sommes ne saurait excéder celle de 702,39 euros.
La cour relève qu'il n'est pas contesté que le salarié entrait dans le champ d'application de l'article 6.12 de la Convention collective nationale applicable, dont il résulte une obligation pour l'entreprise d'indemniser le salarié, dans des conditions précisées par l'article 6.13, en cas d'indisponibilité pour accident ou maladie.
Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu à une obligation d'indemnisation complémentaire du salarié en cas d'absence, cette indemnisation pouvant être assurée par la souscription d'une garantie auprès de la caisse PROBTP.
L'employeur justifie que des compléments de rémunération ont été versés au salarié, à hauteur de 1 510,78 euros bruts, pour les absences du 27 juillet au 8 novembre 2013 et du 14 février 2014 au 16 mars 2014.
Le salarié en convient dans ses écritures mais indique ne pas avoir été indemnisé pour les périodes du 15 au 18 janvier 2013, 11 au 22 février 2013, 24 décembre 2013 au 16 janvier 2014 et du 3 au 7 février 2014.
Il sera relevé que ces absences correspondent à celles mentionnées dans les bulletins de salaire et à celles indiquées dans le récapitulatif des indemnités journalières de sécurité sociale perçues par le salarié, que celui-ci produit.
Le droit du salarié à prétendre au versement des sommes correspondantes est dès lors établi.
L'employeur, auquel il appartient de démontrer qu'il s'est acquitté de ses obligations en la matière, est défaillant.
Dès lors, comme l'ont décidé les premiers juges, il doit être fait droit à la demande du salarié aux fins de condamnation de l'employeur au versement du complément de rémunération conventionnel.
Sur la base du tableau établi par le salarié (pièce n° 22), non contesté en ses bases et modalités de calcul par l'employeur, il convient de retenir que restent dues les sommes suivantes (en l'absence de repositionnement de la qualification du salarié) :
- 44,10 euros pour la période du 15 janvier au 18 janvier 2013 ;
- 396,65 euros pour la période du 11 au 22 février 2013 ;
- 664,71 euros pour la période du 24 décembre 2013 au 16 janvier 2014.
Soit un total de : 1 105,46 euros.
Il doit être noté que le salarié indique dans ce tableau que, pour son absence du 3 au 7 février 2014, il lui a été trop versé la somme de 2,96 euros.
En conséquence, le montant du complément de salaire devant être alloué au salarié est de 1 102,50 euros.
La décision sera réformée, sur le quantum, de ce chef.
* Sur les autres demandes
L'employeur, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens.
Il apparaît par ailleurs inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles de l'instance et l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable M. [P] en ses demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires, de rappels de complément sur maladie, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, ainsi que d'indemnité de licenciement ;
CONFIRME le jugement rendu par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Lyon le 12 juillet 2016 en ce qu'il a :
- jugé que l'ancienneté de M. [P] au sein de la société Climat énergie doit être retenue à compter du 11 juin 2012 ;
- jugé que la rupture conventionnelle intervenue entre les parties est nulle et que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné en conséquence la société Climat énergie à payer à M. [P] les sommes suivantes :
- 2 095 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 209,50 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 477,55 euros nets à titre de complément d'indemnité de licenciement ;
- 4 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
INFIRME partiellement le jugement en ce qu'il a :
- jugé que M. [P] doit être classé au niveau IV, position 1, coefficient 250 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés, à partir du 13 mai 2013 ;
- condamné la société Climat énergie à payer à M. [P] les sommes suivantes :
- 1 071,97 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 13 mai 2013 au 31 mars 2014, outre celle de 107,20 euros au titre des congés payés afférents ;
- 5 297,72 euros à titre de rappel d'indemnité de grand déplacement pour la période du 11 juin 2012 au 31 mars 2014 ;
- débouté M. [P] de sa demande à titre de rappel d'heures supplémentaires ;
- condamné la société Climat énergie à payer à M. [P] la somme de 2 595,61 euros au titre de rappel sur complément de salaire pour maladie et accident du travail ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
REJETTE, comme étant non fondées, la demande de M. [P] aux fins de classement au niveau IV, position 1, coefficient 250 de la Convention collective nationale des ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés ainsi que ses demandes de rappel de salaires et de congés payés qu'il sollicite en conséquence ;
REJETTE la demande de M. [P] aux fins de versement d'un rappel d'indemnité de grand déplacement et celle, subsidiaire, aux fins de versement des indemnités de petits déplacements ;
CONDAMNE la société Climat énergie à payer à M. [P] les sommes suivantes :
- 5 065,07 euros à titre d'heures supplémentaires ;
- 506,50 euros au titre des congés payés afférents ;
CONDAMNE la société Climat énergie à payer à M. [P] la somme de 1 102,50 euros au titre de rappel sur complément de salaire pour maladie et accident du travail ;
CONFIRME la décision entreprise pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Climat énergie à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
CONDAMNE la société Climat énergie aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE