AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 20/06478 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH3V
S.A.S. [4]
C/
CPAM DE L'AIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de BOURG EN BRESSE
du 19 Octobre 2020
RG : 15/00426
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S. [4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Accident du travail de M. [K]
représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Louane MESSAGE
INTIMEE :
CPAM DE L'AIN
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par madame [E] [O] , audiencière, munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Septembre 2022
Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 06 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société [4] (l'employeur) a déclaré le 30 septembre 2013 un accident de travail dont l'un de salariés, M. [K] (le salarié), engagé en qualité de conducteur, a indiqué avoir été victime le même jour. Un certificat médical initial a été établi le 1er octobre 2013, pour un traumatisme du genou droit.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a pris en charge cet accident et a considéré que l'état de santé du salarié était consolidé au 2 février 2015.
L'employeur a saisi la commission de recours amiable de la caisse d'un recours concernant la durée et l'imputabilité au fait accidentel des arrêts de travail.
L'employeur a formé le 10 juillet 2015 un recours de la décision implicite de rejet de sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal de grande instance, puis du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Par jugement du 19 octobre 2020 (n° RG 15/00426), ce tribunal a :
- débouté l'employeur de sa demande d'inopposabilité ;
- débouté l'employeur de sa demande d'expertise ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné l'employeur à supporter les dépens de l'instance.
Par lettre recommandée envoyée le 18 novembre 2021, l'employeur a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées le 11 août 2021, l'employeur demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et d'infirmer la décision entreprise ;
- à titre principal : déclarer inopposable l'ensemble des lésions, soins, prestations, arrêts de travail de prolongation présentés par le salarié postérieurement au 31 octobre 2013 ainsi que toutes les conséquences financières afférentes ;
- à titre subsidiaire : ordonner une expertise, dont il précise les termes ;
- en tout état de cause, condamner la caisse aux dépens.
L'employeur fait valoir que :
- la caisse ne démontre pas que les arrêts de travail de prolongation sont justifiés par une continuité de soins et de symptômes avec les lésions résultant de l'accident du 30 septembre 2013 déclaré par le salarié, de sorte que ces arrêts ne peuvent bénéficier de la présomption d'imputabilité ;
- la caisse a pris en charge 384 jours d'arrêts de travail, alors que le salarié s'est plaint d'une douleur au genou, à la suite de laquelle le médecin traitant a tout d'abord prescrit un arrêt de travail initial de 13 jours ;
- il y a une disproportion manifeste entre la seule lésion initiale et la longueur des arrêts de travail dont a bénéficié le salarié ;
- selon l'avis de son médecin conseil, la longueur des arrêts de travail prescrits n'est pas motivée, au regard des mentions des certificats médicaux, et une consolidation au 30 octobre 2013 lui paraît en adéquation avec la situation du salarié ;
- concernant la mesure d'expertise, elle se justifie par la disproportion entre l'arrêt de travail initial et les arrêts de prolongation compte-tenu du barème de la caisse, qui prévoit 21 jours d'arrêts maximum en cas d'entorse grave du ligament collatéral médial du genou ;
- la nécessité de l'expertise est confortée par l'analyse de son médecin conseil, qui souligne l'incohérence entre la longueur des arrêts et la symptomatologie initiale.
Dans ses conclusions déposées le 17 mai 2022, la caisse demande à la cour de :
- rejeter la demande d'expertise ;
- confirmer la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré par le salarié le 30 septembre 2013 et de ses conséquences pécuniaires jusqu'au 2 février 2015, date de consolidation.
La caisse fait valoir que :
- les arrêts et soins consécutifs à l'accident du travail bénéficient d'une présomption d'imputabilité, sans qu'il soit besoin de démontrer la continuité des symptômes et soins ;
- elle justifie du versement d'indemnités journalières de manière continue durant toute la période d'arrêt de travail ;
- alors que le certificat médical initial du 1er octobre 2013 mentionne un traumatisme du genou droit, le certificat final du 2 février 2015 indique une « chondropathie condyliene médiale grade 2/3 du genou droit » ;
- le médecin conseil de la caisse a considéré que tous les arrêts de travail étaient justifiés et la notification de d'attribution de rente est concordante avec le sinistre initial ;
- concernant la mesure d'expertise, l'employeur n'apporte aucun élément de nature à combattre la présomption ;
- l'employeur n'a pas usé de ses moyens de contrôle des arrêts de travail, prévus notamment par l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale ;
- en considération de l'ancienneté de l'accident du travail, elle ne dispose plus d'éléments médicaux, de sorte que le prononcé d'une expertise serait inutile ;
- le barème AMELI relatif à la longueur des arrêts de travail n'est qu'indicatif et ne constitue pas un commencement de preuve de ce que les arrêts de travail puissent avoir une cause totalement étrangère à l'accident du travail.
*
Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle que, en application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée, ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il découle de ce texte que la présomption d'imputabilité au travail s'attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu du travail , dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
Elle ne fait pas obstacle à ce que l'employeur conteste l'imputabilité à l'accident du travail initialement reconnu de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge ultérieurement par la caisse primaire d'assurance maladie, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve de l'absence de lien de causalité, c'est-à-dire d'établir que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de l'accident résultent d'une cause totalement étrangère au travail.
Il doit être en outre rappelé que le lien de causalité qui résulte de la présomption subsiste quand bien même l'accident aurait seulement précipité l'évolution ou l'aggravation d'un état pathologique antérieur qui n'entraînait jusqu'alors aucune incapacité.
Une mesure d'expertise n'a donc lieu d'être ordonnée que si l'employeur apporte des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'une cause étrangère qui serait à l'origine exclusive des arrêts de travail contestés et, en tout état de cause, elle n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Enfin, la référence au caractère disproportionné entre la longueur des arrêts de travail et la lésion constatée n'est pas de nature à établir de manière suffisante l'existence d'un litige d'ordre médical, eu égard aux éléments qui précèdent.
En l'espèce, étant relevé que l'employeur conteste, non la prise en charge par la caisse de l'accident du travail du 30 septembre 2013, mais celle des arrêts de travail prescrits au-delà du 31 octobre 2013, il doit être noté que la caisse produit l'ensemble des certificats médicaux, de celui, initial du 1er février 2013, à celui, final, du 2 février 2015, ayant prescrit des arrêts de travail durant cette période.
Elle justifie par ailleurs, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, par une capture d'écran de son logiciel de gestion, indiquant le nom du salarié et différentes mentions permettant d'identifier la cause du versement, de ce que le salarié a perçu du 1er octobre 2013 au 12 janvier 2015 des indemnités journalières.
Il sera relevé qu'en dépit de la préconisation du médecin conseil de l'employeur, la date de la consolidation ne saurait être remise en cause dans le cadre de la présente instance.
Dès lors, la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, susvisé, s'étend à toute la période durant laquelle des arrêts de travail et des soins ont été prescrits au salarié, jusqu'à la date de consolidation retenue par la caisse.
Pour renverser cette présomption, l'employeur demande qu'une expertise soit ordonnée. Il sera rappelé qu'une telle mesure n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Or, il y a lieu de relever la cohérence entre l'indication de la lésion initiale, soit un traumatisme au genou droit, et celle figurant sur les certificats médicaux successifs ainsi que sur le certificat médical final, qui concernent également une lésion au genou droit.
L'employeur invoque seulement le caractère disproportionné de la longueur des arrêts de travail prescrits, au regard du barème de la caisse. Cependant, un tel barème n'a qu'une valeur indicative et la longueur des arrêts prescrits n'est pas de nature à établir que les arrêts de travail et soins puissent avoir une cause étrangère au travail.
Il n'est dès lors pas produit d'éléments suffisants permettant d'envisager que les arrêts de travail prescrits auraient, à compter du 30 juin 2013, une cause totalement étrangère au travail.
La demande d'expertise n'est dès lors pas fondée.
En conséquence, il y a lieu de retenir que la prise en charge de l'ensemble des arrêts et soins prescrits au salarié jusqu'à la consolidation de son état de santé est opposable à l'employeur.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'employeur, succombant en son appel, devra en supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société [4] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE