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12/01/2023 | FRANCE | N°18/04766

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 janvier 2023, 18/04766


N° RG 18/04766 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LZLZ









Décision du Tribunal

d'Instance de LYON

du 13 avril 2018



RG : 11-15-003162







[J]





C/



[F]

SAS GROUPEMENT ENTREPRISE METHODES

SA AVIVA ASSURANCES

SA AXA ENTREPRISES IARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 12 Janvier 2023







APPEL

ANTS :



Mme [W] [J]

née le 13 Juillet 1977 à [Localité 11] (63)

[Adresse 2]

[Localité 8]



M. [P] [J]

né le 16 Mars 1973 à [Localité 12] (03)

[Adresse 2]

[Localité 8]



Représenté par Me Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau ...

N° RG 18/04766 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LZLZ

Décision du Tribunal

d'Instance de LYON

du 13 avril 2018

RG : 11-15-003162

[J]

C/

[F]

SAS GROUPEMENT ENTREPRISE METHODES

SA AVIVA ASSURANCES

SA AXA ENTREPRISES IARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 12 Janvier 2023

APPELANTS :

Mme [W] [J]

née le 13 Juillet 1977 à [Localité 11] (63)

[Adresse 2]

[Localité 8]

M. [P] [J]

né le 16 Mars 1973 à [Localité 12] (03)

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 238

INTIMES :

M. [R] [F]

[Adresse 4]

[Adresse 13]

[Localité 6]

Représenté par Me Fabien LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON, toque : 149

LA SOCIETE GROUPEMENT ENTREPRISE METHODES, exerçant sous l'enseigne MAISON GEM

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Christian DA SILVA, avocat au barreau de LYON, toque : 212

LA COMPAGNIE AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Yves TETREAU de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU, avocat au barreau de LYON, toque : 680

LA SOCIETE AXA ENTREPRISES IARD

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Hervé BARTHELEMY de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 44

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Avril 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 12 Janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, Directrice des services de greffe judiciaires.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Valentine VERDONCK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Suivant contrat du 13 juin 2008, [P] et [W] [J] ont confié la construction de leur maison d'habitation à la SAS Groupement Entreprise Méthodes (GEM), assurée auprès de la compagnie Aviva.

[R] [F], assuré auprès de la compagnie Axa, a été chargé par la société GEM de la pose de la VMC double flux.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 7 décembre 2009.

Les époux [J] se plaignent d'un dysfonctionnement de la VMC à l'origine d'infiltrations d'eau sur le plafond du couloir au 1er étage et d'un défaut de renouvellement de l'air intérieur.

Par actes d'huissiers de justice du 3 septembre 2015, les époux [J] ont attrait la société GEM et son assureur Aviva devant le tribunal d'instance de Lyon pour obtenir paiement du coût de reprise des désordres et de leur préjudice de jouissance, sur la base d'un rapport d'expertise amiable diligentée par leur assureur.

La société GEM a ensuite appelé en cause M. [F] et son assureur Axa France Iard.

Par jugement en date du 13 avril 2018, le tribunal d'instance de Lyon a :

- débouté les époux [J] de toutes leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamné solidairement les époux [J] à payer à la SAS GEM, à M. [F] et à la SA Axa Entreprises Iard la somme de 500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les mêmes aux dépens.

Le tribunal a notamment considéré :

- que les époux [J] ne justifiaient pas de désordres relevant de la garantie décennale du constructeur,

- qu'une mesure d'expertise ne viserait qu'à suppléer la carence des demandeurs,

- que l'action en garantie de bon fonctionnement est prescrite,

- et qu'une faute délictuelle de M. [F] n'est pas démontrée.

Les époux [J] ont relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 juin 2018.

Par ordonnance du 10 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné, à la demande des époux [J] qui ont produit un nouveau rapport d'expertise en cause d'appel, une expertise judiciaire confiée à [I] [L].

Par ordonnance du 22 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé un sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Par ordonnance du 8 juillet 2019, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré recevables les demandes de caducité de la déclaration d'appel formées par M. [F] et la SA Axa France Iard,

- constaté la caducité de la déclaration d'appel des époux [J] à l'encontre de M. [F],

- en conséquence, M. [F] hors de cause,

- débouté la SA Axa France Iard de sa demande de caducité de la déclaration d'appel des époux [J] à son encontre,

- condamné solidairement les époux [J] aux dépens d'appel exposés par M. [F], avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil,

- réservé le surplus des dépens de l'incident,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] a déposé son rapport définitif en date du 12 juillet 2020, dans lequel il a donné les conclusions suivantes :

La pose de la VMC double flux de fine technicité requiert des compétences particulières afin de respecter les règles de l'art ainsi que la réglementation en vigueur.

Les désordres allégués par les époux [J] sont réels et ont été constatés notamment au moyen de mesures de débits contradictoires, ils sont dus à des erreurs de conception, à des malfaçons de mise en 'uvre, à des non-conformités aux documents contractuels et au non-respect des règles de l'art et ou de la réglementation en vigueur.

Les erreurs de conception sont imputables à la société Maisons GEM au titre des prestations dues dans le cadre du contrat de constructeur de maison individuelle, comprenant les études d'exécution.

Les désordres dues aux malfaçons de mise en 'uvre et au non-respect des règles de l'art et ou de la réglementation en vigueur sont imputables :

' à la société chargée de la pose des équipements de VMC double flux, la société [F] Elec mise hors de cause par ordonnance du 8 juillet 2019, devant disposer des compétences requises à cet effet

' à la société Maisons GME qui devait dans le cadre de son contrat assurer :

- les études d'exécution

- la coordination et le suivi des prestations réalisées par ces sous-traitants. La société Maisons GEM aurait due au préalable s'assurer des compétences de la société [F] Elec pour la pose d'une VMC double flux. Il apparait manifestement que cela n'a pas été le cas, le montant de la commande de 350 euros ht, soit 385 euros ttc, pour la pose de la VMC double flux est anormalement bas, il témoigne de la méconnaissance totale des contraintes et spécifications liées aux installations de VMC double flux.

Les travaux de nature à remédier aux désordres nécessitent la dépose de l'installation existante et la pose d'une nouvelle installation par une société disposant des qualifications requises, des essais de fonctionnement seront à réaliser préalablement à la réception.

Le montant total des travaux est évalué à 7.900 euros ttc.

Le montant des préjudices subis est évalué en l'état par l'expert à 12.400 euros, non compris :

- les frais de procédure et d'avocat

- les frais d'expertise

- la gêne occasionnée par les travaux notamment le préjudice de jouissance.

En leurs dernières conclusions du 17 septembre 2021, [P] et [W] [J] demandent à la Cour ce qui suit, au visa des dispositions des articles L.231-1 du code de la construction et de l'habitation, 1792 et suivants du code civil, 1147 et 1240 du code civil, et L.124-3 du code des assurances :

réformer le jugement n°11-15-4456 du 13 avril 2018 rendu par le tribunal d'instance de Lyon

et, statuant de nouveau,

* condamner in solidum les sociétés GEM, Aviva et Axa à leur verser les sommes de

- 7.900 euros ttc au titre des travaux de reprise des désordres,

- 5.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- 1.000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeter l'ensemble des conclusions, fins et prétentions adverses,

* condamner in solidum les sociétés GEM, Aviva et Axa aux entiers dépens, en ce compris les dépens de la première instance, de l'appel et les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions du 21 juin 2021, la SAS Groupement Entreprises Méthodes (GEM) soutient les demandes suivantes :

à titre principal,

faire application des dispositions des articles L.242-1 et suivants du code des assurances,

faire application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,

- confirmer le jugement entrepris injustement,

- constater que la garantie biennale a expiré le 8 décembre 2013,

- constater que la garantie décennale en l'absence d'impropriété à destination n'est pas engagée,

en conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes présentées par les époux [J] ;

à titre subsidiaire,

- constater que la société Aviva est l'assureur des garanties contractuelles biennale et décennale de la société GEM,

en conséquence,

- condamner la société Aviva à relever et garantir la société GEM de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice des époux [J] ;

à titre plus subsidiaire,

- constater que la société GEM a sous-traité la pose de l'intégralité du lot électricité à M. [F], assuré auprès de la compagnie Axa France Iard,

- constater que M. [F] est intervenu pour changer le moteur en 2011,

en conséquence,

- condamner M. [F] et sa compagnie d'assurances Axa France Iard à relever et garantir la société GEM de toutes condamnations qui pourraient être prononcées au bénéfice des époux [J] ;

en toute hypothèse,

- condamner les époux [J] ainsi que M. [F] et sa compagnie d'assurances Axa France Iard à payer à la société GEM la somme de 3.000 euros à titre de participation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [J] ainsi que M. [F] et sa compagnie d'assurances Axa France Iard en tous les dépens comprenant les dépens de première instance, les dépens d'appel ainsi que les dépens liés à l'incident, distraits au profit de Me C.M. Da Silva, avocat, sur son affirmation de droit.

Par dernière conclusions du 17 décembre 2020, la compagnie Aviva Assurances demande à la Cour ce qui suit :

à titre principal,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement n° 11-15-4456 rendu le 13 avril 2018

par le tribunal d'instance de Lyon ;

à titre subsidiaire, en cas de réformation,

- juger que les dysfonctionnements de la VMC, s'ils étaient établis, ne rendent en aucun cas l'ouvrage impropre à sa destination et ne revêtent pas le caractère de gravité nécessaire à l'application de la garantie décennale,

en conséquence,

- débouter les époux [J] de leurs demandes ;

à titre très subsidiaire,

si, par impossible, il devait être jugé que les désordres revêtent un caractère décennal,

- constater que l'ouvrage initialement assuré a été modifié et que cette intervention postérieure à la réception est exonératoire de garantie pour le constructeur, comme pour l'assureur de dommage à l'ouvrage, les éléments d'équipement litigieux ne correspondant plus, aujourd'hui, à ceux qui ont été réceptionnés,

- juger que les garanties souscrites auprès d'Aviva n'ont pas vocation à s'appliquer,

en conséquence,

- débouter les époux [J] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre d'Aviva ;

à titre infiniment subsidiaire,

si, par impossible, Aviva n'était pas mise hors de cause,

- juger que dès lors que le sous-traitant est tenu à une obligation de résultat qui, alors n'aurait pas été satisfaite, la concluante se trouverait recevable et bien fondée à être relevée en garantie indemne de toute condamnation par son assureur,

en conséquence :

- condamner Axa France Iard à la relever et garantir entièrement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

en tout état de cause,

- réduire à de bien plus justes proportions les demandes indemnitaires pour la reprise matérielle des désordres,

- débouter les époux [J] de toute demande d'indemnisation au titre des préjudices immatériels,

- ajoutant au jugement de première instance, condamner les époux [J] à verser à la société Aviva la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 19 novembre 2021, la SA Axa Entreprises Iard demande à la Cour de statuer comme suit, en visant les articles 1792 et suivants et 1240 du code civil :

à titre principal,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement querellé ;

à titre subsidiaire, en cas de réformation,

- juger que les désordres invoqués relativement à la VMC ne relèvent pas de la garantie décennale,

- juger que M. [F], sous-traitant et simple poseur, n'a pas la qualité de locateur d'ouvrage,

- juger que M. [F] n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité civile,

- juger que les garanties souscrites auprès de la société Axa France Iard ne sont pas mobilisables, les travaux de VMC ne faisant pas partie des activités déclarées par M. [F] ;

en conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Axa France Iard ;

- mettre hors de cause la société Axa France Iard ;

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que la société Axa France Iard ne peut être tenue d'indemniser les préjudices immatériels, compte tenu de la résiliation de la police d'assurance avant la date de la réclamation des époux [J],

- débouter les époux [J] de toute demande d'indemnisation au titre des préjudices immatériels,

- réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires pour la reprise matérielle

des désordres,

- condamner les sociétés GEM et Aviva Assurances à relever et garantir la société Axa France Iard de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit,

en tout état de cause, ajoutant au jugement de première instance,

- condamner les époux [J], ou qui mieux le devra, à payer à la société Axa France Iard la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A tite préliminaire, la Cour observe que la procédure d'appel en cause a été initialement engagée à l'encontre de la société Axa France Iard. La société Axa Entreprises Iard s'est substituée tacitement à celle-ci dans la procédure, tout en communiquant un contrat et des conditions générales au nom de Axa Courtage et une lettre de résiliation du contrat de M. [F] au nom d'Axa France Iard.

Le présent arrêt sera rendu à l'égard d'Axa Entreprises Iard, considérée, sans objection des parties, comme venant aux droits d'Axa France Iard.

Par ailleurs, il est rappelé que M. [F] a été mis hors de cause en suite de la caducité de la déclaration d'appel à son encontre. Les demandes des époux [J] dirigées contre M. [F] sont irrecevables.

Sur la responsabilité décennale du constructeur

L'expert [L] a relevé trois désordres dont il estime qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination :

1/ Taux de condensation anormalement élevé lors de l'utilisation de la salle de bain le matin, occasionnant :

- une pollution de l'air qui se charge en bactéries et poussières suite à l'absence de renouvellement de l'air vicié,

- apparition de gouttelettes d'eau sur les murs, effets de condensation

- absence de renouvellement de l'air intérieur

- présence de moisissures.

2/ Infiltrations d'eau dans la cage d'escalier

Elles ne compromettent pas la solidité du gros 'uvre mais le plafond de l'escalier soumis à ces infiltrations fait indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité de fondation, d'ossature, de clos et de couvert.

3/ Le manque de débit d'extraction de la VMC en cuisine occasionne :

- une pollution de l'air qui se charge en bactéries et poussières, due à l'insuffisance de renouvellement de l'air vicié

- un défaut de renouvellement de l'air intérieur

- l'apparition de gouttelettes d'eau sur les murs, de moisissures, dus à la condensation.

Les intimés reprochent vainement à l'expert de n'avoir pas constaté personnellement la condensation dans la salle de bains puisque celle-ci n'avait pas été utilisée. Il ne ressort pas du rapport d'expertise qu'une partie ait demandé à l'expert de faire procéder à un test, sa mesure contradictoire du manque de débit d'extraction (16 à 17 m3/h au lieu de 30 m3/h) étant suffisamment probante de ce désordre.

De son côté, la compagnie Aviva prétend à tort que la VMC est un élément de confort (pour dispenser les occupants d'ouvrir les fenêtres pour aérer) alors qu'il s'agit d'un équipement rendu obligatoire avec, notamment, un objectif d'assainissement de l'air dans un but prophylactique.

Elle soutient aussi que l'expert se prononce en termes de potentialité des conséquences du renouvellement d'air insuffisant (moisissures, gouttelettes de condensation) et qu'un simple risque non matérialisé ne ressortit pas de la responsabilité décennale des constructeurs.

Toutefois, le désordre n'est pas constitué par le seul risque d'apparition de ces phénomènes mais par la persistance de l'humidité qu'ils manifestent, laquelle est une certitude dès lors que l'équipement n'assure pas l'extraction de l'air ambiant.

La société Aviva fait encore valoir que la fonction première d'une VMC, à savoir assurer le renouvellement à débit constant de l'air pour assurer le caractère sain d'une habitation, mais que cet équipement n'est pas conçu pour gérer un afflux massif et soudain d'humidité créé par la chaleur de l'eau chaude d'une douche. L'apparition de condensation dans une salle de bain est un phénomène sinon naturel en tous les cas extrêmement courant et que l'expert juge même « inévitable ».

Cette argumentation n'est pas pertinente, dans la mesure où la VMC, si elle ne peut éviter l'apparition d'un phénomène de condensation en cas de tirage d'eau chaude en grande quantité, doit permettre la disparition de cette condensation dans des conditions évitant l'apparition des moisissures et la pollution de l'air.

Concernant les infiltrations sur le plafond de l'escalier, les intimés font valoir que les infiltrations ne compromettent pas la solidité du bâti. La compagnie Aviva ajoute qu'il s'agit de désordres minimes (tuyau desserré par manque de collier type Serflex, caisson mal fixé, ponts thermiques sur les gaines d'aspiration qui seraient, à certains endroits, mal isolées).

Ces désordres sont consécutifs à un défaut d'étanchéité de l'installation qui aurait dû être corrigé dans le cadre de la garantie de bon fonctionnement. Ils ne relèvent effectivement pas de la garantie décennale dès lors qu'ils ne compromettent pas la solidité du bâti ni n'affectent l'occupation des lieux.

Sur ce, l'article 1792 du code civil prévoit que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

L'article 1792-2 du même code prévoit que la présomption de responsabilité du constructeur établie par l'article 1792 s'étend aux éléments d'équipement qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

Il est constant que la VMC est un élément dissociable du bâti et ne bénéficie donc pas, du seul fait de son impropriété à destination, de la présomption de responsabilité résultant de la combinaison des articles 1792 et 1792-2 du code civil.

Pour autant, la responsabilité décennale du constructeur s'applique lorsque le dommage affectant un élément d'équipement de l'ouvrage rend celui-ci impropre à sa destination, peu important qu'il fasse ou non indissociablement corps avec l'ouvrage.

La VMC constitue un élément d'équipement de la maison. La jurisprudence considère que, même en l'absence de constat de désordre d'humidité ou de moisissures, le défaut de fonctionnement de la VMC est suceptible de rendre l'ouvrage impropre à sa destination. (Civ.3ème 10/11/2016 - 15.24.379). Les désordres de l'équipement constatés par l'expert judiciaire rendent la maison impropre à sa destination en terme de respect de la santé de ses occupants, dès lors qu'elle n'assure pas le bon renouvellement de l'air ambiant et génère ainsi bactéries et poussières.

Au regard de ces éléments, la responsabilité de la société GEM, dont la qualification de constructeur résulte de l'article L.231-1 du code de la construction et de l'habitation, est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Sur les préjudices

Les préconisations et le chiffrage de l'expert, quant aux travaux de reprise des désordres, n'appellent pas de contestations des parties.

Concernant le préjudice de jouissance, les époux [J] allèguent de la mauvaise qualité de l'air et de la gêne liée aux travaux de reprise des désordres.

La démonstration d'un préjudice tenant à la mauvaise qualité de l'air n'est pas faite, à défaut de pouvoir en mesurer les conséquences physiques. En revanche, la gêne constituée par les travaux, dont l'expert prévoit la réalisation sur place pendant deux semaines, est certaine et sera réparée par une indemnité de 2.000 euros.

Le préjudice moral des époux [J] résulte des tracas de la procédure imposée par la résistance de la société GEM et des assureurs et sera réparé par une indemnité de 1.000 euros.

Sur la garantie de la société Aviva

L'assureur soutient qu'il n'est pas tenu à garantie au motif que l'ouvrage a été modifié par le remplacement du moteur du bloc VMC intervenu en 2011.

Cette argumentation ne peut qu'être écartée à double titre :

- d'une part, il résulte de l'attestation délivrée par la compagnie Aviva qu'elle couvre la responsabilité civile du constructeur, ce qui induit la couverture des travaux réalisés par celui-ci en exécution de sa garantie de bon fonctionnement,

- d'autre part, il résulte de l'expertise que les désordres ne sont pas liés au dysfonctionnement du moteur mais à des défauts de conception, malfaçons dans la mise en oeuvre, non conformité aux documents contractuels et non respect des règles de l'art et de la réglementation en vigueur.

La société Aviva est tenue de relever et garantir son assurée.

Sur la garantie de la société Axa

La société Axa Entreprises Iard verse aux débats le contrat d'assurance qui fait ressortir que M. [F], artisan, déclarait comme activités la réalisation des travaux suivants : 'électrcité, électrothermie, détection d'intrusion, sans travaux de moyenne tension à l'extérieur'.

La VMC ne faisant pas partie des travaux déclarés par l'assuré, la société Axa Entreprises Iard est fondée en son exception de non garantie de la responsabilité de M. [F]. Les demandes dirigées à son encontre sont rejetées.

Sur les demandes accessoires

La société GEM et la compagnie Aviva, parties perdantes, seront condamnées aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, la société GEM étant relevée de cette condamnation par son assureur.

Pour le même motif, la société GEM et la compagnie Aviva conservent la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés et doivent indemniser les époux [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 5.000 euros pour les époux [J].

La demande de la compagnie Axa Entreprises Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée en ce qu'elle est dirigée contre les époux [J] qui ne sont pas les auteurs de son appel en cause.

Par ailleurs, la demande dirigée contre 'qui mieux le devra' est irrecevable, comme étant indéterminée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 13 avril 2018 par le tribunal d'instance de Lyon ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement la SAS Groupement Entreprise Méthodes et la SA Aviva à payer à [W] et [P] [J] les sommes de :

- 7.900 euros au titre des travaux de reprise des désordres,

- 2.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- 1.000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare [W] et [P] [J] irrecevables en leurs demandes dirigées contre [R] [F] ;

Déboute les parties de toutes leurs demandes dirigées contre la SA Axa Entreprises Iard ;

Condamne in solidum la SAS Groupement Entreprise Méthodes et la SA Aviva ;

Condamne la SA Aviva à relever et garantir la la SAS Groupement Entreprise Méthodes de toutes les condamnations prononcées ci-dessus à son encontre ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/04766
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;18.04766 ?
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