AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/06957 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MUB5
[K]
C/
SAS HILL-ROM
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 12 Septembre 2019
RG : F 18/03527
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
APPELANT :
[W] [K]
né le 13 Janvier 1979 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant au barreau de LYON, et Me Isabelle GRELIN de la SELARL GRELIN ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS HILL-ROM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité au siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant au barreau de LYON, et Me Christine ARTUS du PARTNERSHIPS K & L GATES LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS, substituée par Me Sarah CHIHI, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Etienne RIGAL, Président
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Vincent CASTELLI, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par contrat à durée indéterminée du 31 mars 2008, M. [K] (le salarié) a été engagé par la société Hill-Rom (l'employeur) en qualité de responsable commercial hébergement, statut cadre, position I, 1er échelon, coefficient 475, selon la convention collective de l'ameublement (fabrication).
Une convention de forfait jours de 218 jours était convenue.
Aux termes d'avenants successifs à son contrat de travail, le salarié est devenu directeur régional des ventes pour la région Sud.
Le 15 mai 2018, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant à l'employeur des manquements, concernant sa charge de travail, sa rémunération, la diminution de ses fonctions et équipes et des comportements dont il estimait faire l'objet, s'apparentant selon lui à du harcèlement, rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.
L'employeur a accusé réception de cette prise d'acte par lettre du 25 mai 2018.
Le salarié a été dispensé d'effectuer son préavis de trois mois et est sorti des effectifs de l'entreprise le 28 août 2018.
Le 17 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon pour que la prise d'acte soit requalifiée en licenciement nul et que l'employeur soit condamné à lui verser différentes sommes à titre de dommages-intérêts, d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de repos compensateurs, de prime annuelle pour 2017 et 2018.
Par jugement du 12 septembre 2019, la formation paritaire de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon a :
- débouté le salarié de ses demandes au titre de la rupture considérant que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission ;
- dit et jugé que la convention de forfait jour du salarié était valide et lui était opposable ;
- dit et jugé que l'employeur n'avait commis aucun manquement à l'encontre du salarié et ne lui était redevable d'aucune somme au titre des heures supplémentaires et autres demandes associées, du travail à domicile ou d'un rappel de primes ;
- dit et jugé que le salarié avait abusé de son droit d'ester en justice ;
- condamné le salarié au paiement :
- d'une somme de 1 euro symbolique au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- 27 182,40 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement indûment versée ;
- 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et ordonné la capitalisation des intérêts ;
- condamné le salarié aux dépens.
Par déclaration au greffe du 9 octobre 2019, le salarié a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 10 mai 2022, le salarié demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à l'employeur
- 1 euros symbolique au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 27 182,40 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement indûment versée,
- 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ET STATUANT A NOUVEAU,
A TITRE PRINCIPAL :
- requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié en licenciement nul,
En conséquence,
- condamner l'employeur à lui verser une indemnité nette de cotisations sociales pour licenciement nul de 190 000 euros ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner l'employeur à lui verser une indemnité nette de cotisations sociales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 114.425,40 euros ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- condamner l'employeur à lui verser :
- la somme de 30.000 euros de dommages intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- 5 000 euros de dommages-intérêts pour absence d'indemnisation au titre du travail à domicile,
- 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait jours ;
- 28 351,90 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 2.835,19 euros au titre des congés payés y afférents ;
A titre subsidiaire, la somme de 8.873,58 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 887,36 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 14.995,20 euros au titre des repos compensateurs,
A titre subsidiaire, la somme de 937,20 euros au titre des repos compensateurs,
- 61 834,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
- 31 108 euros de rappel de salaire au titre de la prime annuelle pour 2017 et 2018 au prorata, outre la somme de 3.110,80 euros au titre des congés payés y afférents,
- ordonner la remise par l'employeur d'un bulletin de paie et des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,
- condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 7 680 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions plus amples ou contraires,
- assortir les condamnations d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 16 novembre 2018 ;
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions déposées le 22 juin 2022, l'employeur demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a analysé la prise d'acte du salarié en une démission et débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes relatives à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;
- À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à considérer que la prise d'acte du salarié devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de réduire le montant des indemnités allouées au salarié à la somme de 30 917,25 euros bruts, représentant 3 mois de salaire en application des dispositions légales ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la convention de forfait jours valide et opposable au salarié et de débouter le salarié de ses demandes à ce titre (pour paiement d'heures supplémentaires et indemnité pour nullité de convention de forfait jours) ainsi que ses demandes relatives au repos compensateur et du travail dissimulé ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à considérer que la convention de forfait jours du salarié n'était pas valide :
- dire et juger que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires et le débouter de ses demandes à ce titre (rappels d'heures supplémentaires, congés payés afférents, indemnité au titre de la nullité de la convention de forfait jours, travail dissimulé) ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail (manquement à l'obligation de sécurité de résultat, travail à domicile, prime annuelle pour 2017 et 2018 et congés payés afférents) ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli en leur principe les demandes reconventionnelles de la société ;
- infirmer le jugement rendu quant au montant des condamnations prononcées à l'égard du salarié et de le condamner :
- au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile en lieu et place de la condamnation au paiement d'un euro symbolique prononcée par le Conseil de prud'hommes de Lyon ;
- au titre des sommes indûment perçues par le salarié à la suite de sa prise d'acte requalifiée en démission, le condamner au remboursement de la somme de 54 925,09 euros net ;
- condamner le salarié au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
* Sur la nullité de la convention de forfait jours
A titre infirmatif, le salarié, faisant valoir que le forfait jours n'est pas prévu par la convention collective nationale, soutient que l'article 6.3 de l'accord d'entreprise du 23 décembre 1999, sur lequel s'appuie l'employeur, ne respecte pas les conditions légales de l'article L. 3121-64 du code du travail.
Il soutient qu'aucune convention individuelle de forfait conforme aux exigences légales n'a été conclue entre les parties, le renvoi général à l'accord d'entreprise étant insuffisant.
Il considère que l'employeur n'a pris aucune mesure pour s'assurer de la charge de travail de l'appelant.
Il indique que l'employeur n'a mis en place un accord collectif d'aménagement du temps de travail que le 27 août 2018, soit postérieurement à son départ.
A titre confirmatif, l'employeur fait valoir que la convention de forfait jours pouvait reposer sur l'accord d'entreprise du 23 décembre 1999, signé entre la direction et les organisations syndicales. Il indique que le salarié conteste la validité de cet accord sans en justifier.
Il soutient que le contrat de travail du salarié visant explicitement une convention de forfait de 218 jours, il ne peut soutenir qu'il n'y avait pas de convention de forfait individuelle.
Il considère que le nombre de jours travaillés était indiqué, que la nature des missions confiées au salarié était précisée et qu'elles impliquaient une autonomie dans il a d'ailleurs fait preuve.
Il soutient qu'un système de décompte du temps de travail, faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées a été mis en place, puisque cela figurait sur les bulletins de salaires.
Il indique que le salarié avait reconnu en première instance avoir bénéficié d'échanges sur la question de l'articulation de sa vie professionnelle et de sa vie personnelle et il a bénéficié chaque année, d'entretiens avec son supérieur hiérarchique.
La cour relève préalablement que le salarié soutient l'inopposabilité de la convention de forfait comme préalable à sa demande de paiement d'heures supplémentaires au titre de l'année 2017. La continuité de l'opposabilité de cette convention dépendant à la fois des conditions de formation de l'accord entre les parties et d'actes d'exécution successifs de l'employeur, il y a lieu de déterminer si, pour cette année litigieuse, la convention était opposable au salarié.
Il doit être ainsi constaté que, conformément aux dispositions de l'article L. 3121-63 du code du travail, l'accord collectif d'entreprise du 23 décembre 1999, applicable durant l'année 2017, prévoyait la possibilité de conclure un forfait annuel en jours.
Le salarié conteste la validité de cet accord en se référant aux dispositions de l'article L. 3121-64 du code du travail. Cependant, celles-ci sont invoquées de manière générale et aucun grief particulier n'est formulé, de sorte que le moyen ne peut être considéré comme fondé.
En son article 3.2, cet accord vise les cadres non soumis à un horaire collectif et son article 5 précise le « mode de gestion annualisé du temps de travail », l'article 5.1. concernant « les forfaits en jours annualisé ». Ce dernier article définit le forfait jours (article 5.1.1), la « population concernée (article 5.1.2), les conditions de gestion de jours (article 5.1.3) ainsi que l'utilisation des jours de repos supplémentaires (article 5.1.4) et les conditions de rémunérations (article 5.1.5).
C'est à cet accord que se réfère en outre l'article 6-3 du contrat de travail précisant, sans renvoyer de manière générale à l'accord, les conditions du forfait jours, l'article 2 du même contrat désignant le salarié comme « cadre au forfait ».
En présence de cet accord d'entreprise et de ces dispositions contractuelles, il n'était dès lors pas nécessaire pour l'employeur de conclure avec le salarié une convention individuelle de forfait, telle que le prévoit l'article L. 3121-65 du code du travail.
Le salarié reproche en outre à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure effective pour s'assurer de la charge de travail de l'appelant.
Il ressort cependant de l'examen des bulletins de paie du salarié que ceux-ci comportait un tableau d'informations journalières sur lesquelles étaient mentionnés les jours d'absence du salarié, de sorte que l'employeur et le salarié était en mesure de connaître le nombre de jours effectués durant l'année.
Par ailleurs, il doit être relevé, comme l'employeur, que le salarié indiquait dans ses conclusions de première instance (pièces n° 36 de l'intimée) avoir eu des entretiens concernant l'articulation de la vie professionnelle et personnelle depuis 2017, tels qu'ils sont prévus par les articles L. 3121-64 et L. 3121-65 du code du travail.
Le salarié est donc malvenu de soutenir, en opposition avec ses écritures de première instance, qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien visant à s'assurer de sa charge de travail, particulièrement pour l'année litigieuse, soit 2017.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejeté la demande du salarié visant à contester la validité de la convention de forfait jours contractuellement prévue.
* Sur le rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017
Le salarié demande le paiement d'heures supplémentaires pour l'année 2017, pour laquelle il a été retenu que la convention de forfait jours contractuellement souscrite lui était opposable.
Sa demande ne peut dès lors qu'être rejetée et le jugement sera confirmé.
* Sur l'indemnisation pour travail dissimulé
La demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires ayant été rejeté, il n'est pas fondé à prétendre à une indemnité pour travail dissimulé.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* Sur le repos compensateur pour l'année 2017
La demande au titre des heures supplémentaires que le salarié estime due pour l'année litigieuse ayant été rejetée, le salarié n'est pas fondé à réclamer le paiement des repos compensateurs qui auraient pu en résulter.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* Sur l'indemnisation du travail à domicile
A titre infirmatif, le salarié soutient que l'employé qui accepte, à la demande de l'employeur, de travailler à son domicile, doit être indemnisé pour cette sujétion particulière, outre le remboursement des frais engendrés par l'occupation à titre professionnelle du domicile.
Il indique qu'il réalisait ses missions à son domicile, le siège social de la société étant à [Localité 3], et qu'il n'a jamais reçu la moindre contrepartie au titre du travail à domicile.
Il sollicite à ce titre le versement de la somme de 5 000 euros.
A titre confirmatif, l'employeur indique que le salarié n'a formulé aucune demande à ce titre durant les dix années de collaboration et qu'il n'en justifie pas.
La cour retient qu'en considération de la nature de ses fonctions et des sujétions de déplacement dont il fait état, il n'apparaît anormal que le salarié ait pu traiter certaines tâches depuis son domicile.
Cependant, pour caractériser une situation de travail à domicile justifiant l'indemnisation, le salarié doit établir que ces tâches l'obligeait d' affecter, régulièrement et sur certaines plages horaires identifiées, une partie de son domicile à l'exercice de ses fonctions.
Or, le salarié ne produit aucun élément à cet égard permettant d'objectiver l'accomplissement d'un véritable travail à domicile.
En outre, comme l'ont retenu les premiers juges, il ne justifie en aucun cas de la nature et de l'étendue de son préjudice.
Dès lors, sa demande ne peut qu'être rejetée et le jugement sera confirmé.
* Sur la demande en requalification de la prise d'acte en rupture aux torts de l'employeur
A titre infirmatif, le salarié soutient que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail résulte du harcèlement moral qu'il a subi.
Il fait valoir à ce titre que :
- à compter du 1er août 2016, il s'est vu retirer ses fonctions de membre du comité de direction, qu'il exerçait depuis le 1er janvier 2015, par le nouveau directeur commercial France et supérieur hiérarchique M. [E],;
- il justifie par des témoignages de ce que cette situation a été considérée comme une rétrogradation et il affirme qu'il avait des compétences nationales, comme gérant la centrale d'achat nationale UNIHA, ce qui justifiait son maintien au comité de direction ;
- par avenant du 1er octobre 2017, il lui a été proposé un avenant à son contrat de travail qui modifiait substantiellement ses responsabilités puisqu'il perdait la direction de la division « LIKO », qui était reprise par le directeur commercial France ;
- il a refusé de signer cet avenant mais l'employeur a décidé de l'appliquer unilatéralement ;
- l'employeur a voulu ainsi lui retirer toute position stratégique et possibilité d'évolution ;
- alors que son conseil, le 30 mars 2018, actait auprès de l'employeur de ses manquements et de la dégradation de ses conditions de travail, aucune mesure n'a été prise par l'entreprise ;
- à la suite de ce courrier, le directeur commercial France a suspendu toute réunion d'équipe hebdomadaire ;
- il a été alors écarté de toutes les réunions et décisions stratégiques et, particulièrement, de celles où ses homologues, responsables d'une autre région, étaient invités ;
- le directeur commercial France est intervenu directement dans le management de ses équipes, sans le tenir informé ;
- il n'était plus sollicité pour l'obtention d'éléments concernant des dossiers dont il avait la seule charge, comme pour la centrale d'achat ;
- le directeur commercial France laissait ses demandes d'information et de consignes sans réponse ;
- le directeur commercial a exercé une pression sur lui, feignant de le relancer pour son travail alors qu'il n'avait jusque là fait l'objet d'une remarque ou critique ;
- le directeur commercial ne lui a accordé que 6 minutes lors de son entretien annuel, le 27 avril 2018, effectué par téléphone, et les entretiens professionnels des années 2016 et 2017 n'ont jamais été finalisés par le directeur commercial France ;
- le directeur commercial France lui a refusé la continuité de son plan individuel de formation en anglais en 2018, dont il bénéficiait depuis 2015 et qui lui avait été demandé par son supérieur N + 3, le directeur Europe ;
- aux termes de son entretien professionnel, le salarié a alerté l'employeur sur ses difficultés, ses conditions de travail et l'inertie de son employeur ;
- il a ainsi souffert d'un contexte de dépossession progressive de ses fonctions et responsabilités, ce qui caractérise un harcèlement moral, ce qui a dégradé ses conditions de travail et compromis son évolution et son avenir professionnel ;
Il soutient que l'employeur a commis des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail en :
- modifiant de manière substantielle et unilatéralement sa rémunération contractuelle et ses responsabilités ;
- n'ayant pris aucune mesure ni apporté la moindre considération aux difficultés qu'il rencontrait ;
- manquant à son obligation de sécurité de résultat.
Il ajoute qu'il n'a jamais demandé une rupture conventionnelle, comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, et n'a pas demandé à être dispensé de son préavis le 24 mai 2018 mais a demandé quelles seraient les modalités de ce préavis ;
Il soutient qu'une prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul lorsqu'elle fait suite aux faits de harcèlement dont a été victime le salarié.
A défaut, la prise d'acte résultant de manquements graves de l'employeur, résultant de la modification unilatérale du contrat de travail de l'appelant emportant une modification de sa rémunération contractuelle et de ses responsabilités ainsi qu'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre confirmatif, l'employeur fait valoir que :
- concernant l'éviction du comité de direction :
- aucun directeur régional n'en était membre avant 2016 et ce n'est qu'en août 2016 qu'il a été demandé aux trois directeurs régionaux, dont le salarié, de participer à ce comité ;
- l'entreprise a fait l'objet d'une réorganisation avec la création de trois divisions (PSS, GSS et FLC), chacune dotée d'un directeur commercial France, le salarié devenant directeur régional des ventes région Sud pour la division PSS ;
- il a ainsi été décidé de ce que les membres du comité devaient avoir un poste à envergure nationale ;
- la refonte du comité de direction appartient au seul pouvoir de direction de l'employeur ;
- à sa sortie du comité, le salarié n'a émis aucune contestation ;
- les deux attestations produites par le salarié sur ce point ne sont pas probantes, le directeur commercial France n'ayant aucun pouvoir en la matière ;
- si le salarié avait un compte national, c'est parce que celui-ci relevait de son secteur géographique ;
- sur la rétrogradation au poste de directeur régional des ventes PSS (hors Liko), le salarié était soumis annuellement à un avenant « modalités de rémunération variable », qu'il produit au demeurant, et l'objet de l'avenant 2018 n'était ni une rétrogradation, ni un changement de fonctions ou de la structure de sa rémunération mais la détermination des modalités de sa rémunération variable ; l'activité Liko a été extraite pour constituer un pôle à elle seule, à la suite de la décision de l'employeur de créer une nouvelle division transfert comprenant cette activité, cette réorganisation ayant été soumise au comité d'entreprise ; une telle réorganisation relève de la gestion de l'entreprise et du pouvoir de l'employeur ; les objectifs du salarié ont été abaissés en conséquence de 14 en 2017 à 11 millions en 2018 ;
- entre 2016 et 2018, le salarié a géré successivement des équipes de 5, 9 puis 6 personnes ;
- le salarié n'a pas été dépossédé de ses responsabilités et il soutient dans le même temps avoir souffert d'une surcharge de travail ;
- sur la mise à l'écart du salarié, invoquée à compter de la lettre de son conseil du 30 mars 2018 :
- les réunions n'ont pas été suspendues par le directeur commercial France PSS mais déplacées ;
- ce n'est que par une erreur, réparée immédiatement, que le salarié n'avait initialement pas été invité à la réunion stratégique « préparer l'avenir » du 18 avril 2018 ; le salarié a été en outre convié le 11 mai 2017 à une telle réunion ;
- sur l'immixtion du directeur commercial France PSS dans la gestion de l'équipe du salarié :
- le directeur commercial n'est pas intervenu dans les échanges de courriels entre un commercial de l'équipe du salarié et un client ;
- le salarié s'était chargé lui-même de l'évaluation de la collaboratrice qui a quitté l'entreprise, mesure qu'il avait recommandée ;
- contrairement à ce que soutient le salarié, il a bien été destinataire des demandes d'une responsable marketing pour des éléments relatifs à un dossier qu'il gérait ;
- le salarié ne peut s'offusquer de ce que le directeur commercial France PSS veuille assister à des rendez-vous avec un rendez-vous fixé par le salarié avec un client ;
- sur l'absence de réponse aux courriels du salarié et sur les pressions injustifiées du directeur commerciale France PSS::
- le courriel du salarié du 27 avril 2018, n'est pas probant ;
- sur la durée de l'entretien d'évaluation 2018 :
- le salarié omet de préciser que cette évaluation repose sur plusieurs phases et qu'il a pu échanger le 27 avril 2018 avec son supérieur, lequel lui a indiqué qu'il était d'accord avec ses commentaires et sans lui faire part de quelconques interrogations ni reproches ;
- le salarié n'a jamais évoqué une quelconque pression ni le moindre harcèlement moral ;
- sur l'absence de soutien de la hiérarchie :
- le salarié a bénéficié systématiquement d'entretien de mi-année et d'entretiens annuels et d'entretiens informels avec son supérieur hiérarchique ;
- sur la formation en anglais, le salarié en a bénéficié jusqu'en mars 2018.
Il entend souligner en outre que le salarié a fait part de ses reproches à l'employeur neuf jours avant la prise d'acte.
Il indique que le salarié ne peut se plaindre de ne pas avoir de second entretien en 2018 alors qu'il avait quitté l'entreprise en mai 2018.
Il soutient que le salarié ne démontre aucun impact sur ses conditions de travail, et qu'il a poursuivi l'exécution de son contrat pendant dix ans sans avoir évoqué la moindre difficulté.
Il précise que le salarié a été encouragé lors de son évaluation en 2017 et de l'évaluation de mi-année 2018.
La démarche du salarié s'explique par le fait qu'il a demandé un départ négocié en mars 2018, qui lui a été refusé, et alors qu'il avait trouvé un autre poste, le 11 juin 2018.
L'intensification de ses plaintes à compter du 27 avril 2018 ne visaient qu'à faire pression sur l'employeur.
Il en déduit que la prise d'acte doit s'analyser comme une démission.
* Sur les faits de harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 4121-1 dispose que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Il résulte de la combinaison de l'article L. 1152-1 susvisé de l'article L. 1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement moral, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.
Il convient ainsi de déterminer les faits matériellement établis qui sont invoqués par le salarié, avant d'en appréhender, en leur ensemble, leur incidence.
Il doit être noté que le salarié, en dehors de la portée de l'avenant du 1er octobre 2017, invoque essentiellement des faits s'étant déroulés à partir d'avril 2018, tandis qu'il a adressé sa prise d'acte le 15 mai 2018.
Sur la perte de responsabilité par l'éviction des fonctions de membre du comité de direction, par le fait de M. [E]
La cour relève qu'il ne résulte pas de l'examen des avenants ayant modifié le contrat de travail du salarié que sa nomination en qualité de membre du comité de direction ait été contractualisée, étant précisé que la participation des membres de l'entreprise aux comités de direction, organe qui ne correspond à aucune instance obligatoire, relève du pouvoir de direction de l'employeur, ce qui rend inopérant toute discussion relative au profil des membres du comité.
Les attestations produites par le salarié sur ce point, ne sont pas probantes, le témoins exprimant essentiellement leur sentiment, qui n'est pas à ignorer mais ne permet pas d'objectiver les faits invoqués par le salarié.
Il n'est pas plus établi que M. [E] soit à l'origine de l'éviction du salarié à de telles fonctions et qu'il était en pouvoir de prendre une telle décision.
Les faits invoqués par le salarié ne sont pas matériellement établis.
Sur la modification substantielle des fonctions par la perte de la division Liko au 1er octobre 2017
Il est constant que l'avenant du contrat de travail relatif aux modalités de rémunération variable pour l'année fiscale 2018, applicable du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018, indique que les fonctions du salarié concernent « la région Sud (hors Liko) ».
Toutefois, le salarié ne démontre pas que la division ou les produits Liko lui étaient antérieurement attribués, de surcroît de manière exclusive, ce que ne suffit pas à établir l'absence de mention de ces produits sur les avenants antérieurs.
De surcroît, il n'invoque ni ne produit aucun élément permettant de considérer que les fonctions, dont il prétend avoir été dépourvu, étaient explicitement prévues dans la relation contractuelle avec l'employeur.
Il convient de noter que le salarié ne justifie d'aucun grief, contemporain de cet avenant, relatif au changement induit par celui-ci.
Par ailleurs, il ne démontre pas davantage dans quelle mesure la perte de cette division, à la supposer établie, ait affecté la substance de ses fonctions antérieures, tant sur le plan de ses responsabilités professionnelles que sur le plan financier. A cet égard, l'examen de ses bulletins, antérieurs et postérieurs au 1er octobre 2017, n'établit pas une diminution de ses revenus.
Il doit être noté en outre que l'avenant litigieux concernait les conditions de la rémunération variable du salarié et que le défaut de signature par celui-ci aurait pu entraîner une contestation quant au montant de la rémunération qui lui a été servie à ce titre, ce qui n'est pas le cas.
Il n'est dès lors pas établi, comme le soutient le salarié, que l'employeur ait à cette occasion modifié substantiellement les fonctions et responsabilité du salarié.
Le fait allégué par le salarié n'est dès lors pas matériellement établi.
Sur la mise à l'écart par éviction des réunions
Le salarié se prévaut d'un courriel du 27 avril 2018 (pièce n° 22 de l'appelant), dont la cour ne déduit pas l'existence des faits allégués.
Il fait état d'un courriel du 18 avril 2018 du chef de produit marketing (pièce n° 35 de l'appelant), dont le salarié n'est pas destinataire et sans qu'il apporte tout élément permettant de considérer qu'il aurait dû l'être. L'attestation qu'il produit sur ce point (n° 36) ne constitue qu'une interprétation subjective de ce courriel.
Etant relevé en outre que le salarié allègue qu'il n'aurait pas été convié à une seule réunion, tandis qu'il ne ressort pas des éléments du dossier qu'il aurait dû nécessairement l'être, le fait allégué n'est pas matériellement établi.
Sur l'intervention inopportune de M. [E] dans le management des équipes du salarié
Le salarié critique l'intervention de son supérieur pour avoir procédé au licenciement d'une personne de l'équipe du salarié sans l'avoir avisé. Il est cependant constant que le salarié a préconisé une mesure de licenciement à l'égard de cette collaboratrice. Le salarié déplore ne pas avoir été convié à l'entretien préalable au licenciement mais ne justifie pas de la nécessité de sa présence, voire d'un usage de l'entreprise à cet égard, non plus que de ce que l'absence du salarié résulterait d'une décision de son supérieur hiérarchique.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Il ne saurait pas plus être retenu, faute d'éléments suffisants, l'existence de « consignes » données afin de procéder à la mise à l'écart du salarié en raison de ce qu'un responsable marketing ne s'est pas adressé à lui pour obtenir des éléments (pièce n° 34), dès lors qu'il n'est pas justifié par le salarié de la nécessité de consulter le salarié à cette occasion.
La cour ne s'estime en outre pas en mesure de déduire une volonté particulière d'intervention de M. [E] de sa décision d'accompagner le salarié lors d'un rendez-vous. L'échange de courriels produit sur ce point par le salarié (pièce n° 37) ne traduit pas de difficulté quant à la présence de M. [E] lors d'un rendez-vous, le point de crispation entre les deux personnes semblant se cristalliser autour des conditions dans lesquelles devait être indiqué à un client une augmentation des tarifs.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur les demandes d'information et de consignes du salarié restées sans réponse
Le salarié renvoie à des courriels adressés à M. [E] le 27 avril 2018 (pièce n° 22 de l'appelant) et à un courriel du 25 avril 2018 (pièce n° 30), dans lesquels il reproche à son supérieur de ne pas avoir abordé un problème qui lui avait soumis et de ne pas avoir répondu à deux courriels précédents. Toutefois, le premier de ces courriels est trop elliptique (en raison notamment à des références internes à l'entreprise qui ne sont pas explicitées) pour permettent pas à la cour d'en apprécier la portée, et le second, dont il convient de constater qu'il a été suivi d'une réponse du supérieur hiérarchique le lendemain, évoque plutôt un désaccord entre le salarié et son supérieur quant aux consignes et l'information données par celui-ci.
Ce grief, qui repose ainsi, en l'état du dossier, sur une interprétation subjective de ces courriels du salarié, n'est dès lors pas matériellement pas établi.
Sur la pression injustifiée mise par M. [E] sur le salarié
Le salarié s'appuie sur le courriel du 27 avril 2018 précité, qui n'est pas suffisamment probant, ainsi que sur un échange de courriels avec M. [E] du 18 avril 2018, dont il ne peut être déduit ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'un fait unique, une pression particulière mise par M. [E].
Le fait n'est pas matériellement établi.
Sur le temps restreint accordé par son supérieur hiérarchique au salarié durant l'entretien d'évaluation et la teneur de l'entretien
Ces griefs ne reposent que sur les seules affirmations du salarié, le document auquel il se réfère, qui est le courriel (pièce n° 22, précité) qu'il a adressé à son supérieur pour en justifier, ne permet pas d'objectiver le fait allégué.
Le fait n'est pas matériellement établi.
Il convient en outre de relever que l'entretien d'évaluation pour l'année 2018 est produit par l'employeur (pièce n° 14). Il indique avoir été validé le 25 avril 2018, soit au demeurant avant le courriel adressé par le salarié, précédemment visé (pièce n° 22, susvisé). Ce compte-rendu d'entretien d'évaluation comporte des commentaires positifs du supérieur hiérarchique du salarié, lequel ne fait pas état de la dégradation de ses conditions de travail.
Sur le défaut de finalisation des entretiens professionnels
Le salarié s'appuie sur des échanges de courriels du mois d'avril 2018, aux termes desquels il a demandé ses entretiens professionnels 2015, 2016 et 2017. Il lui a été répondu par le service des ressources humaines, qui lui a adressé ces documents en précisant qu'ils « n'avaient pas été validés dans le système » et étaient restés en « préparation collaborateur ».
En l'absence de meilleure explicitation, il n'en résulte pas, comme le soutient le salarié, que son supérieur n'a pas validé ces entretiens.
Ce fait ne peut être considéré comme matériellement établi.
Sur le plan individuel de formation
Le salarié produit différents documents liés à ses évaluations annuelles (pièces n° 28 et 29) sans justifier précisément d'un refus de formation de son employeur.
L'employeur justifie en outre de ce que le salarié a suivi notamment une formation en anglais du 2 mai 2017 au 1er mars 2018 (pièce n° 17).
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur l'absence de réaction de l'employeur à l'interpellation du salarié quant à ses conditions de travail.
Il doit être constaté que le salarié produits ses « entretiens professionnels 2018 » (pièce n° 29), datés du 6 avril 2018, qui comportent ses commentaires en vue de l'entretien d'évaluation. Le salarié indique notamment avoir ressenti un manque de soutien de sa hiérarchie en évoquant les difficultés qu'il a rencontrées avec l'un de ses collaborateurs, auprès duquel il estimait avoir perdu de sa crédibilité.
Le 27 avril 2018 (pièce n° 22 de l'appelant), le salarié a adressé à son supérieur hiérarchique un courriel, accompagné d'une lettre dans laquelle il exposait ses griefs.
Il n'est justifié d'aucune réponse particulière de l'employeur au salarié.
Ce fait est matériellement établi.
Sur l'ensemble des faits allégués, il convient de relever qu'il est matériellement établi par le salarié que le supérieur hiérarchique n'a répondu au courriel du salarié du 27 avril 2018, susvisé, dans lequel il exposait ses doléances, de même qu'aux observations faites par le salarié dans la préparation de ses entretiens professionnels, en avril 2018.
Outre qu'il peut être considéré qu'en raison de leur lien, ces faits constituent un fait unique, il doit être cependant considéré que le conseil du salarié avait adressé une lettre à l'employeur le 30 mars 2018 (pièce n° 21 de l'appelant), dans lequel il faisait état des critiques du salarié à l'égard de sa situation dans l'entreprise. Or, l'employeur a répondu le 3 mai 2018 (pièce n° 23 de l'appelant) à cette lettre.
Ainsi, s'il n'a pas été répondu directement par le supérieur hiérarchique au salarié, concernant les critiques qu'il avait émises dans le courant du mois d'avril 2018 au sujet de ses conditions de travail, l'employeur y a répondu, par l'intermédiaire du conseil du salarié, début mai 2018. Il ne peut être ainsi retenu que l'employeur ait ignoré les interpellations du salarié, formulées en avril 2018, concernant ses conditions de travail.
En outre, il ne peut qu'être relevé que c'est à l'issue de dix années de collaboration et après que des mesures de réorganisation furent intervenues en 2016 et 2017, sans qu'il fasse alors part de difficultés, que le salarié a formalisé des critiques concernant ses conditions de travail à partir de la fin du mois de mars 2018.
A cet égard, par rapprochement de la lettre adressée par le conseil du salarié à l'employeur le 30 mars 2018 (pièce n° 21 de l'appelant) et de l'attestation du directeur des ressources humaines de l'entreprise produite par l'employeur (pièce n° 4 de l'intimée) il ressort que le salarié, fin mars 2018, a voulu échanger à propos de sa situation avec le service des relations humaines et qu'il a été reçu, ce qu'indique d'ailleurs la lettre de l'avocat du salarié adressée à l'employeur le 30 mars 2018 (pièce n° 21 de l'appelant).
L'existence de cet entretien, de même que le caractère circonstancié de l'attestation du directeur des services humaines, conduisent à la cour de retenir le caractère probant de l'attestation établie par celui-ci, et, ce, en dépit des dénégations du salarié et du lien de subordination existant entre le témoin et l'employeur.
Or, le témoin indique que le salarié lui a demandé un entretien le 19 mars 2018, qu'il l'a reçu deux jours plus tard, et qu'il souhaitait une rupture conventionnelle assortie du versement de deux ans de salaires, et qu'il lui a répondu que l'entreprise ne souhaitait pas « de prim'abord donner suite à cette demande et que, pour de telles négociations, il serait bon de passer par un avocat » et précise que le salarié souhaitait que les négociations aboutissent dans les deux mois.
Ce fait doit être mis en relation avec la lettre adressée par le conseil du salarié à l'entreprise le 30 mars 2018, la prise d'acte adressée par le salarié à l'employeur le 15 mai 2018 et qu'il ressort des pièces versées à son dossier par l'employeur (pièce n° 34 de l'intimée) que le salarié a occupé un nouveau poste de directeur commercial au sein d'une autre société à compter de juin 2018.
Dès lors, les faits matériellement établis ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, invoquée par le salarié.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* Sur les autres manquements de l'employeur et l'imputation de la rupture
La cour a écarté l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'égard du salarié. Il a été à cet égard précédemment retenu que, en dépit de ce que soutient le salarié, l'employeur ne lui a pas imposé une modification substantielle de son contrat de travail en stoppant sa participation au comité de direction.
Comme cela a été précédemment retenu, le salarié ne peut en outre utilement soutenir qu'aucune suite n'a été donnée à des doléances qu'il aurait exprimées en mars et avril 2018, ayant été reçu par le service des ressources humaines et l'employeur ayant répondu à la lettre de son avocat, le 3 mai 2018.
Dès lors, le salarié n'établit aucun manquement suffisamment grave justifiant justifier la rupture du contrat de travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié visant à faire requalifier la prise en d'acte en rupture aux torts exclusifs de l'employeur, la prise d'acte devant dès lors être considérée comme une démission, et les demandes indemnitaires afférentes formées à titre principal ou subsidiaire.
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
A titre infirmatif, le salarié indique que ses conditions de travail se sont fortement dégradées depuis 2016 et que l'employeur, bien qu'alerté en mars et avril 2018, n'a pris aucune mesure pour prévenir ou faire cesser cette situation préjudiciable.
Il soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure préventive. Il précise qu'il n'était pas en mesure de signaler sa situation à l'organisme externe chargé de la lutte contre le harcèlement parce que le numéro de téléphone donné par l'employeur ne fonctionnait pas et que cet organisme, une fois contacté, n'était pas compétent pour les ressortissants de l'Union européenne.
Il soutient que sa charge de travail était particulièrement importante, comme ayant été élargie à l'ensemble du Sud en octobre 2016, et à l'Est le 1er octobre 2017, ce qui lui occasionnait des heures tardives d'envoi et de traitement de ses courriels, des déplacements professionnels pendant des périodes où il devait être en congés.
Il indique que l'employeur n'a jamais pris la moindre meure pour assurer un suivi régulier de la charge de travail du salarié.
A titre confirmatif, l'employeur indique qu'une plate-forme anti-harcèlement a été mise en place et qu'il existait une politique du groupe en la matière, dont le salarié avait connaissance puisqu'il s'en prévaut. Il soutient que le salarié ne s'est intéressé à cette plate-forme que le 20 mars 2018, soit à partir du moment où sa demande de rupture conventionnelle a été refusée.
Il fait valoir que le salarié a eu une réponse et une assistance immédiate de la part de l'employeur sur ce point, ayant été en contact avec un responsable de la compliance, qui a déclenché une enquête avec le directeur des ressources humaines au sein du groupe.
Il considère que le salarié cherchait la possibilité de quitter l'entreprise avec indemnité alors qu'il avait trouvé un autre emploi.
Il estime que le salarié soutient dans le même temps avoir été dépossédé de ses fonctions et responsabilités et une charge de travail excessive.
Il souligne que le salarié ne justifie d'aucun préjudice.
La cour a écarté l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'égard du salarié, de sorte que les moyens soulevés par le salarié, concernant l'absence de mesure préventives, ou de réaction de l'employeur face à une telle situation, sont inopérants.
Concernant la charge de travail, le salarié soutient que sa charge de travail était particulièrement importante, eu égard à l'ampleur des tâches qui lui étaient confiées, des horaires et des déplacements qui lui étaient imposés.
Toutefois, il convient de relever que le salarié - dont il faut souligner le niveau de responsabilité et de rémunération - ne soutient ni ne justifie avoir informé l'employeur des difficultés que l'accomplissement de ces tâches représentait pour lui durant les dix années précédant la lettre de son avocat du 30 mars 2018, son évaluation d'avril 2018 et son courriel du 27 avril 2018, et alors qu'il se plaint dans le cadre de la présente instance de ce que ses fonctions et responsabilités ont été, selon lui, indûment réduites à partir d'octobre 2017.
Comme cela a été précédemment retenu, le salarié ne peut pas plus tirer utilement argument de l'accomplissement d'heures supplémentaires en raison de la convention de forfait jours contractuellement souscrite.
Il n'invoque ni ne justifie par ailleurs d'aucune conséquence de cette situation sur son état de santé, étant rappelé qu'il a repris, pratiquement dans la continuité, une activité professionnelle en juin 2018.
Le manquement à l'obligation de sécurité n'est dès lors pas établi.
En outre, le salarié ne démontre ni n'établit l'existence d'aucun préjudice qui aurait résulté d'un tel manquement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié de ce chef.
Sur le rappel de prime annuelle pour l'année 2017 et 2018
A titre infirmatif, le salarié soutient que son exclusion de manière injustifiée du comité de direction, à compter du 1er août 2016, l'a privé de la prime qui était attachée à ces fonctions, de sorte qu'il peut prétendre à une prime de 18 480 euros au titre de l'année 2017 et 12 628 euros au titre de l'année 2018, soit la somme totale de 31 108 euros.
A titre confirmatif, l'employeur indique que la prime litigieuse était liée aux fonctions exercées par le salarié au sein du comité de direction, dont il n'a plus fait partie à partir d'août 2016, et non à ses fonctions de directeur régional des ventes. Il fait valoir que cette prime n'était dès lors pas due pour 2017 et 2018, et ne figurait pas sur l'avenant « modalités de rémunération variable » de 2017, comme l'a retenu le tribunal.
La cour retient que le salarié, pour démontrer le caractère contractuel de la prime dont il revendique le paiement, se réfère à sa pièce n° 12, qui correspond à l'avenant annuel portant sur les modalités de rémunération sur l'exercice fiscal 2015, établi le 6 février 2015.
Il sera noté que ce document ne vise pas explicitement l'attribution d'une prime en raison des attributions du salarié au sein du comité de direction. Toutefois, ce document, comme celui concernant l'année 2016, mentionne une « prime objectif entreprise » pouvant atteindre 24 % du salaire, qui ne figure plus sur l'avenant de l'année 2017.
Cependant, la portée juridique de ces documents n'était nécessairement que d'un an puisque le salarié devait souscrire un tel avenant chaque année, afin que soient déterminées les conditions de sa rémunération variable.
Il n'est ni soutenu ni démontré que cette prime ait fait l'objet d'une modification du contrat de travail.
Ainsi, dans la mesure où il a été précédemment retenu que la participation du salarié au comité de direction relevait de la seule décision de l'employeur et que l'éviction du salarié de ces comités ne constituait pas une modification du contrat de travail, il est normal que la prime afférente à la participation du salarié à ce comité, qui majorait sa rémunération variable en sa qualité de membre du comité de direction, ne lui soit plus versée à compter de son départ, soit le 1er août 2016, dès lors ne soit plus prévue dans l'avenant pour les années 2017 et 2018.
Les premiers juges seront ainsi approuvés en ce qu'ils ont rejeté la demande du salarié en versement de cette prime.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
A titre infirmatif, le salarié soutient qu'aucune faute ne peut être retenue contre lui, ayant seulement entendu faire valoir ses droits les plus légitimes et rappelle que, compte tenu du mode du rupture du contrat de travail, il était tenu de saisir le conseil de prud'hommes.
A titre confirmatif, l'employeur soutient que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de demandes infondées tant dans leur principe que leur quantum, le recours ayant ainsi dégénéré en abus de son droit d'agir en justice.
La cour relève qu'aucun abus du droit d'agir ne résulte de l'instance engagée par le salarié qui était effectivement inhérente à la prise d'acte, étant souligné que le salarié a alors pris le risque, finalement avéré, de ce que la rupture soit considéré comme une démission.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des sommes perçues au titre de l'indemnité de licenciement et de compensatrice de préavis
A titre infirmatif, le salarié fait valoir que la prise d'acte valant licenciement, l'indemnité de licenciement de 27 182,40 euros qui lui a été versée est due.
Il indique que l'indemnité de préavis était due dans la mesure où il a proposé d'effectuer le préavis mais que l'employeur l'en a dispensé.
A titre confirmatif sur le principe, infirmatif sur le quantum, l'employeur soutient que, par erreur il a versé les salaires dus du mois de mai à août 2018, durant le préavis ainsi que l'indemnité légale de licenciement, de sorte que le salarié est redevable de la somme de 54 925,09 euros.
La cour relève que la prise d'acte valant en l'espèce démission, le salarié doit restituer à l'employeur le montant de l'indemnité légale de licenciement qui lui a été versée, qui s'élève de manière constante à la somme de 27 182,40 euros.
L'employeur demande que cette somme soit élevée à raison du paiement, par erreur selon lui, des salaires durant la période de préavis.
Toutefois, il est constant que par lettre du 25 mai 2018 (pièce n° 26 de l'appelant), l'employeur a pris acte de la décision du salarié de mettre un terme au contrat de travail mais l'a également, explicitement, dispensé le salarié de l'exécution de son préavis « qui (lui) sera néanmoins rémunéré », à compter du 29 mai 2018, soit jusqu'au 29 août 2018, ce dont il ne résulte aucune erreur de la société dans le versement des salaires dont elle demande le remboursement. Cette demande n'est dès lors pas fondée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* Sur les autres demandes
La demande du salarié visant à ce que les sommes et indemnités mises à la charge de l'employeur soient assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation, est sans fondement.
Le salarié, qui perd en son appel, devra en supporter les dépens.
Au vu de l'équité, les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné M. [W] [K] à payer à la société Hill-Rom la somme de 1 euros au titre du préjudice pour procédure abusive ;
Y AJOUTANT,
REJETTE le surplus des demandes des parties ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
MET les dépens à la charge de M. [K] ;
LA GREFFIERE LE PRESIDENT