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31/05/2023 | FRANCE | N°20/00078

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 31 mai 2023, 20/00078


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





COLLEGIALE



R.G : N° RG 20/00078 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZCT





SNC [9]



C/

[K]

SARL [7]

CPAM DU RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 02 Décembre 2019

RG : 16/1608















































AU NOM DU PEU

PLE FRAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 31 MAI 2023











APPELANTE :



SNC [9]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELARL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS







INTIMES :



[L] [K]

né en le 01/02/...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

COLLEGIALE

R.G : N° RG 20/00078 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZCT

SNC [9]

C/

[K]

SARL [7]

CPAM DU RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 02 Décembre 2019

RG : 16/1608

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2023

APPELANTE :

SNC [9]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELARL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

[L] [K]

né en le 01/02/1961 à [Localité 8] ( ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Maître Roaxane MATHIEU,avocat au barreau de LYON

SARL [7]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 2]

représentée par Me CHAVRIER de la SCP CHAVRIER - MOUISSET - THOURET, avocat au barreau de LYON, Me Sylvain THOURET de la SCP THOURET AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Coralie MORAND, avocat au barreau de LYON

CPAM DU RHONE

[Adresse 12]

[Localité 6]

représentée par madame [S] [I], audiencière, munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nathalie PALLE, Présidente

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Vincent CASTELLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [L] [K] (le salarié), salarié intérimaire au sein de la société [7] (l'employeur), a été mis à disposition de la société [9] (la société utilisatrice) dans son établissement situé à [Localité 11] (69) pour la période du 30 octobre 2013 au 23 novembre 2013. L'intéressé a été victime d'un accident du travail le 22 novembre 2013. La déclaration d'accident du travail de l'employeur du 27 novembre 2013 mentionnant': Selon les dires de la victimes : j'étais en train de monter ma palette, un cariste est arrivé et mon pied a été coincé entre ma palette et le chariot'.

La consolidation médicale a été fixée le 5 décembre 2014 et la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) a attribué au salarié un taux d'incapacité permanente partielle de 7 %. A la suite d'une rechute, une seconde consolidation est intervenue le 22 septembre 2017, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 20'%.

Après échec de la conciliation, le salarié a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, le 10 juin 2016, afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 2 décembre 2019, le tribunal a':

- dit que l'accident du travail survenu le 22 novembre 2013 au salarié est imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice substituée à l'entreprise de travail temporaire ;

- dit que la rente attribuée au salarié sur la base d'un taux d'incapacité de 20 % doit être majorée au taux maximum prévu par la loi ;

- alloué au salarié une somme de 3000 euros à titre de provision ;

Avant-dire droit sur l'indemnisation et les autres demandes :

- ordonné une expertise médicale du salarié ;

- désigné pour y procéder le docteur [J] [E] et a défini sa mission ;

- dit que l'expert déposera son rapport au greffe du pôle social du tribunal de grande instance de Lyon dans les 6 mois de sa saisine et en transmettra une copie à chacune des parties ;

- dit que la caisse doit faire l'avance de la provision et des frais d'expertise médicale ;

- dit que la caisse pourra recouvrer l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur, soit les sommes versées au titre de la majoration de rente relative à la révision du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué suite à la reconnaissance de la rechute présentée par le salarié et les sommes versées au titre des préjudices y compris les frais relatifs à la mise en oeuvre de l'expertise ;

- condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que la société utilisatrice doit garantir l'employeur des sommes mises à sa charge au titre du capital représentatif de la rente servie sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué suite à la reconnaissance de la rechute du salarié et des indemnisations allouées en réparation des préjudices ainsi que de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- réservé les dépens.

Par déclaration du 3 janvier 2020, la société utilisatrice a interjeté appel du jugement.

Appelée à l'audience de la cour du 16 mars 2021, l'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 27 septembre 2022 pour les conclusions de la société utilisatrice, puis renvoyée contradictoirement à l'audience du 28 février 2023 en raison de conclusions tardives de l'appelante, pour les conclusions en réponse des intimés.

Dans ses conclusions notifiées le 23 septembre 2022, oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société utilisatrice demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de la faute inexcusable ;

- statuant à nouveau, déclarer que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;

- déclarer que la société [9] n'a commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité ;

- débouter le salarié et, en tant que de besoin, toute autre partie, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à l'action récursoire de la CPAM sur le taux d'incapacité permanente partielle de 20 % ;

- statuant à nouveau, débouter le salarié de sa demande de majoration de rente';

- dire et juger que seul le taux d'incapacité permanente partielle de 7'% est opposable dans les rapports caisse-employeur';

- ordonner en conséquence le seul doublement de l'indemnité en capital ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une provision d'un montant de 3'000 euros';

- statuant à nouveau, débouter le salarié de sa demande formée au titre de la provision ; subsidiairement, la réduire à de plus justes proportions ;

- débouter l'employeur de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter le salarié et, en tant que de besoin, toute autre partie, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

La société utilisatrice soutient, à titre principal, que le salarié échoue à rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur, dès lors que celui-ci ne produit aucune pièce établissant cette faute, hormis ses propres déclarations. Elle souligne par ailleurs que la déclaration d'accident du travail qu'elle a réalisée comporte la précision': 'selon les dires du salarié et ne caractérise nullement, comme semble l'avoir considéré le tribunal, une quelconque reconnaissance de responsabilité. Elle estime donc que les circonstances de l'accident demeurent indéterminées.

A titre subsidiaire, la société utilisatrice soutient que la majoration de rente de 20 % opéré par la caisse n'a nullement été notifiée à l'employeur et demeure donc inopposable. Elle en déduit que seul le taux de 7 % initialement retenu est opposable dans les relations caisse-employeur. Elle considère par ailleurs que la provision allouée est injustifiée, ou à tout le moins excessive.

Par conclusions reçues au greffe le 27 septembre 2022, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé, le salarié demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner la société utilisatrice et l'employeur aux dépens, et la société utilisatrice à lui verser la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel.

Le salarié fait valoir essentiellement que :

- l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, manquement ayant directement causé son accident du travail et caractérisant ainsi la faute inexcusable de l'employeur ; qu'en effet les normes de sécurité n'ont pas été respectées puisque le salarié a été heurté par un chariot élévateur se dirigeant sur lui à vive allure dans le sens inverse de circulation ; que l'employeur, malgré la demande qui lui en a été faite, n'a pas justifié de la formation CACES du conducteur du véhicule litigieux ; qu'ensuite de l'accident de travail, la société n'a pas pris la peine de convoquer les institutions représentatives du personnel, ce qui confirme sa négligence quant au respect des règles en vigueur ; que l'employeur ne pouvait ignorer le danger présenté.

- il souffre toujours des séquelles de son accident de travail et a été victime d'une rechute qui a entraîné une révision de son taux d'incapacité de 7 à 20 % ; qu'outre la désignation d'un expert pour la détermination de son préjudice, il est bien fondé à solliciter une indemnité provisionnelle de 3'000 euros.

Dans ses conclusions reçues le 28 février 2023, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé, l'employeur demande à la cour de':

A titre principal :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'accident du travail survenu le 22 novembre 2013 au salarié est imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice substituée à l'entreprise de travail temporaire, dit que la rente attribuée au salarié doit être majorée au taux maximum, alloué au salarié la somme de 3'000 euros à titre de provision, ordonné avant-dire droit une expertise médicale, condamné la société utilisatrice à payer au salarié la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs autres demandes ;

- statuant à nouveau :

- débouter le salarié de sa demande tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à son employeur, faute de justifier des circonstances exactes de son accident et faute de preuve de la faute inexcusable invoquée

- débouter en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise médicale, dit que la caisse primaire d'assurance maladie doit faire l'avance de la provision et des frais de l'expertise médicale, dit que la société utilisatrice doit garantir l'employeur des sommes mises à sa charge au titre du capital représentatif de la rente servie sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué suite à la reconnaissance de la rechute du salarié et des indemnisations allouées en réparation des préjudices ainsi que de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la rente attribuée au salarié sur la base d'un taux de 20 % doit être majorée au taux maximum prévu par la loi, accordé une provision de 3'000 euros au salarié ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la majoration de rente ne pourra s'opérer, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % retenu par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône

- débouter le salarié de sa demande de provision injustifiée et infondée ou, à tout le moins, la réduire à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- débouter le salarié et la société utilisatrice de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la société utilisatrice à lui payer la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'employeur estime que le salarié ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable de la société utilisatrice dès lors que les circonstances de l'accident ne résultent que de ses propres déclarations. Il souligne que la société utilisatrice n'a pas tenu ces déclarations pour acquises puisqu'elle a pris soin d'indiquer expressément dans la déclaration d'accident :'selon les dires de la victime'. Elle ajoute que l'absence de signalement de l'accident au CHSCT par la société utilisatrice ainsi que l'absence de documents de nature à établir que celle-ci avait étudié le risque qui s'est réalisé sont sans incidence sur la caractérisation de la faute inexcusable dès lors que le salarié échoue à en rapporter la preuve.

A titre subsidiaire, l'employeur considère que la décision de la caisse d'attribution d'une rente résultant du taux d'incapacité de 20 % lui est inopposable, dès lors que cette décision ne lui a pas été notifiée. Elle estime donc que si une rente est versée au salarié, celle-ci ne peut s'opérer, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 7 %. S'agissant de la demande de provision du salarié, l'employeur l'estime injustifiée ou à tout le moins excessive. Il s'estime enfin bien fondé à se voir relevé et garanti par la société utilisatrice des sommes mises à sa charge, dès lors que le salarié ne lui impute aucune faute en sa qualité juridique d'employeur.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 4 octobre 2022, la caisse indique qu'elle n'entend pas formuler d'observation particulière sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur, et dans l'hypothèse d'une confirmation de la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, demande à la cour de dire et juger qu'elle fera l'avance des sommes allouée, procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur, soit le capital de la majoration de la rente sur la base de 20 % et les préjudices ainsi que les frais d'expertise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute inexcusable

En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers le travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article

L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

La faute inexcusable ne se présumant pas, il incombe au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce il est acquis que, le 22 novembre 2013, le salarié a été victime d'un accident du travail dont il est résulté un écrasement du pied gauche du salarié.

Il est également acquis que s'agissant de la mise à disposition d'un salarié par une société de travail temporaire à une société utilisatrice, les obligations légales ci-avant rappelées incombent à ladite société utilisatrice.

Les parties divergent en revanche quant à la caractérisation d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de cet accident.

Le salarié déclare qu'alors qu'il se trouvait dans le dépôt de la société [9] à [Localité 11], un chariot élévateur conduit par un autre salarié intérimaire s'est dirigé vers lui à vive allure, en sens inverse de la circulation, et lui a écrasé le pied gauche.

La déclaration d'accident du travail de l'employeur du 27 novembre 2013 mentionne selon les dires de la victime : ''j'étais en train de monter ma palette, un cariste est arrivé et mon pied a été coincé entre ma palette et le chariot'.'

Le salarié produit notamment des pièces médicales (expertises des professeurs [N] et [G] en date des 26 janvier 2015 et 27 juin 2015) dont il résulte une «'fracture articulaire de la grande apophyse du calcanéum'», ainsi que l'attestation d'intervention des sapeurs-pompiers qui mentionne'une «'fracture du pied'».

Bien qu'aucun témoignage direct ne soit produit par le salarié, la cour relève que les blessures médicalement constatées sont compatibles avec la description que fait la victime de l'évènement accidentel qui en est à l'origine, étant observé que la victime n'a pas varié dans la teneur de ses déclarations, ainsi qu'en attestent les informations en cohérence avec celles-ci qu'elle devait porter ultérieurement à la connaissance de l'organisme social, le 25 juin 2015, dans sa déclaration de dommage corporel aux termes de laquelle elle mentionnait «'Roulait en marche arrière sans visibilité (chariot élévateur).»

Par ailleurs, la déclaration d'accident du travail n'a fait l'objet d'aucune réserve par l'employeur et le caractère professionnel de cet accident n'est remis en cause ni par l'employeur, ni par l'entreprise utilisatrice.

Et il ne saurait être reproché à la victime, salarié intérimaire mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice, de ne pas avoir indiqué l'identité du conducteur du chariot élévateur impliqué, dont il précise qu'il s'agissait également d'un intérimaire, alors que l'entreprise utilisatrice, qui seule pouvait le faire, n'a pas offert de renseigner sur les autres salariés présents dans le dépôt aux jour et heure de l'accident, ni de verser aucun élément permettant d'identifier le conducteur du chariot élévateur mentionné par la victime.

A cet égard, la société utilisatrice n'allègue pas avoir procédé à une enquête à la suite de l'accident et il est acquis qu'elle n'a pas davantage signalé la survenance de celui-ci au CHSCT, ainsi que cela résulte des attestations, non utilement contestées, produites par le salarié.

Dans ces conditions, alors que les éléments soumis à l'appréciation de la cour corroborent les déclarations de la victime, la société utilisatrice et l'employeur sont mal fondés à soutenir que les circonstances de l'accident seraient indéterminées.

La société utilisatrice qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel la circulation de chariots élévateurs dans le dépôt exposait par nature un salarié affecté au dépôt du magasin, n'allègue nullement avoir pris aucune mesure de sécurité pour l'en préserver.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le manquement par la société utilisatrice, substituée dans la direction à l'employeur, a le caractère d'une faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail dont le salarié a été victime alors que celui-ci était mis à la disposition de celle-ci.

Sur les conséquences de la'faute inexcusable :

Sur la majoration de la rente :

En application des dispositions des articles L. 452-1 et L. 452-2, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale, il y a lieu de fixer au maximum légal la majoration de la rente qui est due au salarié dont la caisse devra faire l'avance, par application de l'article L. 452-3, étant observé que le taux d'incapacité permanente partielle, dans les rapports entre la caisse et la victime, a été fixé à 20%'par décision de la caisse du 5 décembre 2017.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les préjudices complémentaires indemnisables, la provision et la mission d'expertise

En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail imputable à la'faute inexcusable de l'employeur est fondée à demander réparation, indépendamment de la majoration de la rente ou du capital, du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétique et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Et il résulte de l'application de la réserve d'interprétation apportée à ce texte par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, que la victime est en droit de solliciter devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

C'est donc à juste titre que, avant débat contradictoire sur la liquidation des préjudices complémentaires, les premiers juges ont ordonné une expertise médicale, aux frais avancés de la caisse, afin de déterminer l'ensemble des préjudices définis par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV.

Au regard de la nature des lésions subies par le salarié, qui justifie par ailleurs d'une reconnaissance en qualité travailleur handicapé pour la période du 26 août 2015 au 31 juillet 2020, c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont fixé à

3 000 euros la provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, dont la caisse devra faire l'avance.

Sur l'action récursoire de la caisse :

La caisse est tenue de faire avance des sommes allouées à la victime, ainsi que des frais d'expertise.

Il résulte des dispositions de l'article L. 452-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, que l'indemnisation complémentaire due à la victime d'un accident du travail en cas de'faute inexcusable de son employeur est versée au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Selon les articles L. 452-2, alinéa 6, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014, applicables au litige, la majoration de rente allouée à la victime en cas de'faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L. 452-3 du même code.

Il est de principe que la décision ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de'faute inexcusable.

Et selon l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 applicable aux instances en reconnaissance de la'faute inexcusable de l'employeur introduites à compter du 1er janvier 2013, que quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la'faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.

L'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, quel qu'en soit le motif, ne fait donc pas obstacle au droit que la caisse tient des articles L. 452-2 et L. 452-3 de récupérer sur l'employeur, dont la'faute inexcusable'est reconnue, les compléments de rente et indemnités versés par elle.

Néanmoins, ces dispositions, relatives seulement à la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle, ne dispensent pas la caisse de notifier sa décision à l'employeur en application des dispositions de l'article R. 434-35 du code de la sécurité sociale.

De sorte que, si la caisse est fondée, en application des textes susvisés, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites tenant à l'application du taux notifié à celui-ci conformément à l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, alors que l'employeur soutient que la caisse ne lui a pas notifié sa décision du 5 décembre 2017 ayant porté à 20% le taux d'incapacité permanente partielle initialement attribué à la victime, la caisse n'allègue pas, ni n'offre pas de rapporter la preuve de cette notification.

En conséquence, il y a lieu de retenir, ainsi que le sollicitent l'employeur et la société utilisatrice, que seul le taux d'incapacité permanente partielle de 7 % initialement notifié par la caisse est opposable à l'employeur.

Aussi convient-il d'infirmer sur ce point le jugement déféré et de dire que la caisse procédera au recouvrement auprès de l'employeur du montant de la majoration de rente ou de capital sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7'%.

Sur la garantie due par la société utilisatrice à l'égard de l'employeur :

Il résulte des articles L. 241-5-1, L. 412-6 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident du travail imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue, en sa qualité d'employeur de la victime, des obligations prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir simultanément ou successivement le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail.

En l'espèce, aucune faute n'est établie à l'encontre de l'employeur, entreprise de travail temporaire, dans la survenance de l'accident dont le salarié a été victime, cet accident du travail étant entièrement imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice.

Conformément à la demande de l'employeur, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société utilisatrice doit garantir l'employeur des sommes mises à sa charge au titre du capital représentatif de la rente servie à la victime et des indemnisations allouées en réparation des préjudices de celle-ci, ainsi que de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Toutefois, le jugement est réformé en ce qu'il a dit que l'entreprise utilisatrice doit garantir l'employeur des sommes mises à sa charge au titre du capital représentatif de la rente servie sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué à la suite de la reconnaissance de la rechute du salarié.

L'entreprise utilisatrice est condamnée à relever et garantir l'employeur, entreprise de travail temporaire, du montant du capital représentatif de la majoration de la rente, dans la limite du taux d'incapacité permanente partielle de 7% définitivement fixé dans les rapports caisse/employeur.

Le jugement est confirmé pour le surplus des dispositions de ce chef du dispositif.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à la victime la somme de 2'000 euros au titre des frais de première instance non compris dans les dépens.

Compte tenu de l'issue du litige, l'employeur est condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de condamner l'entreprise utilisatrice, qui succombe dans son recours, à verser à la victime la somme de 2'000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens.

Les demandes de l'employeur et de l'entreprise utilisatrice de ce chef sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a':

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône pourra recouvrer auprès de l'employeur les sommes versées au titre de la majoration de rente relative à la révision du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué suite à la reconnaissance de la rechute présentée par le salarié';

- dit que la société [9] doit garantir la société [7] des sommes mises à sa charge au titre du capital représentatif de la rente servie sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % attribué suite à la reconnaissance de la rechute du salarié ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT'que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône procédera au recouvrement auprès de la société [7], employeur, du montant de majoration de rente ou de capital calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7'%';

DIT que la société [9], entreprise utilisatrice, doit garantir la société [7] des sommes mises à sa charge au titre du montant de majoration de rente ou de capital calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7'%';

CONDAMNE'la société [9] à payer M. [L] [K] la somme de 2'000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens';

REJETTE les demandes des sociétés [9] et [7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société [7] aux dépens.

La greffière, La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/00078
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;20.00078 ?
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