AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : N° RG 21/01995 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NO6F
URSSAF RHONE ALPES
C/
S.A.S.U. [5]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de VILLEFRANCHE SUR SAONE
du 21 Janvier 2021
RG : 17/00142
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 31 MAI 2023
APPELANTE :
URSSAF RHONE ALPES
[Adresse 7]
[Localité 2]
représenté par Me Renaud BLEICHER de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON substituée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
S.A.S.U. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Vincent CASTELLI, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société [5] (la cotisante) a fait l'objet d'un contrôle des cotisations et contributions sociales par l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) portant sur la période de 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, aux termes duquel une lettre d'observations lui a été notifiée le 13 février 2017, pour un montant total de 13 284 euros, dont la somme de 11 274 euros (chef de redressement n° 1) pour des « frais professionnels non justifiés et déduction forfaitaire spécifique - prise en charge des repas hors situation de déplacement ».
Après échange entre les parties, l'URSSAF a adressé à la cotisante le 31 mai 2017 une mise en demeure, portant sur la somme totale de 13 439 euros, en cotisations et majorations de retard.
Le 1er juin 2017, la cotisante a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'une contestation et, en l'absence de décision explicite, le 12 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal de grande instance puis du tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal a :
- déclaré recevable le recours de la cotisante ;
- annulé le chef de redressement n° 1 « frais professionnels non justifiés et déduction forfaitaire spécifique - prise en charge des repas hors situation de déplacement », portant sur la somme en principal de 9 685 euros, outre majorations ;
- condamné l'URSSAF à payer à la cotisante la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration effectuée par le RPVJ le 18 mars 2021, l'URSSAF a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées le 23 septembre 2021, l'URSSAF demande à la cour de :
- réformer le jugement ;
A titre principal :
- juger irrecevable le recours formé par la cotisante ;
A titre subsidiaire :
- débouter la cotisante de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer en tous points le chef de redressement contesté ;
- valider la mise en demeure du 31 mai 2017 ;
- condamner en conséquence la cotisante à lui payer la somme de 13 439 euros au titre du rappel des cotisations ainsi que des majorations de retard, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;
- condamner en conséquence la cotisante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées à l'audience, le 28 février 2023, la cotisante demande à la cour de :
- infirmant partiellement le jugement attaqué :
- juger son recours recevable ;
- juger que l'URSSAF, par décision implicite du 20 juin 2007, a admis la déductibilité des frais professionnels de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale des frais de déjeuner au restaurant, y compris sur les communes telles qu'[Localité 3] ou [Localité 8], des salariés de la société en petits déplacements sur des chantiers ;
- juger qu'elle était en droit de cumuler la déduction forfaitaire spécifique de 10 % pour frais professionnels et la déduction à titre de frais professionnels de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale des frais de déjeuner au restaurant, y compris sur les communes telles qu'[Localité 3] ou [Localité 8], des salariés de la société en petits déplacements sur des chantiers ;
- juger qu'elle était en droit de déduire à titre de frais professionnels de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale les frais de déjeuner au restaurant de ses salariés, y compris sur les communs de [Localité 8], [Localité 4] et [Localité 6] ;
En conséquence :
- annuler le redressement de cotisations et contributions de sécurité sociale notifié par l'URSSAF Rhône-Alpes par lettre d'observations du 13 février 2017, confirmée par lettre du 27 mars 2017, s'agissant des frais de déjeuner au restaurant de ses salariés sur les communes de [Localité 8], [Localité 4] et [Localité 6] des années 2015 et 2015, pour un montant total principal de 11 274 euros ;
- annuler la mise en demeure notifiée par l'URSSAF Rhône-Alpes le 31 mai 2017 ;
- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
- condamner l'URSSAF aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et ont indiqué les maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité du recours de la cotisante
L'URSSAF soutient que la cotisante a formé un recours contre la lettre de l'inspecteur du 27 mars 2017, ayant répondu aux observations de la cotisante, alors que seule la mise en demeure notifiée par elle à l'issue des opérations de contrôle constitue la décision de recouvrement et est donc susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Elle précise que, dans sa lettre de recours préalable obligatoire formé devant la commission de recours amiable, la cotisante a contesté la lettre du 27 mars 2017 et que la saisine du tribunal ne fait aucune mention de la mise en demeure du 31 mai 2017, qu'elle n'évoquait pas plus dans ses écritures devant le tribunal.
La société a introduit un recours contre la mise en demeure le 12 septembre 2019, dont elle s'est désistée en raison de la forclusion.
La société soutient en réplique que, dans sa lettre du 27 mars 2017, l'inspecteur indiquait qu'elle pouvait former un recours contre la décision, laquelle résidait dans cette lettre, ayant ramené le rappel de cotisations de 13 284 à 11 875 euros, dans un délai de deux mois suivant la réception de la mise en demeure.
En contestant devant la commission de recours amiable la réponse de l'URSSAF du 27 mars 2017 et en contestant le redressement devant le tribunal, elle n'a fait que se conformer à la qualification de décision donnée à la lettre du 27 mars 2017 par l'URSSAF. Elle estime, subsidiairement, qu'il appartient au juge de requalifier sa contestation du redressement, dans la saisine de la commission de recours amiable et du tribunal, en contestation de l'ensemble de la procédure et, ce, compris la mise en demeure.
Sur ce,
Il résulte des articles L. 244-2, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure notifiée, en application du premier de ces textes, par l'organisme de recouvrement à l'issue des opérations de contrôle et de redressement, laquelle constitue la décision de recouvrement, est seule susceptible de faire l'objet, dans les conditions fixées par les deuxième et troisième textes, d'un recours contentieux.
En l'espèce, il est constant qu'à la suite de lettre d'observations qui lui a été adressée le 13 février 2017, la cotisante a fait part de ses contestations relatives au redressement par lettre du 8 mars 2017, à laquelle l'URSSAF a répondu le 27 mars 2017.
Dans cette lettre, versée au dossier en pièce n° 3 de l'intimée, l'URSSAF indiquait maintenir le principe de son redressement, tout en réduisant le montant des cotisations et contributions sociales réclamées. Cette lettre comporte in fine la mention suivante : « Si vous souhaitez contester cette décision, il vous appartient de saisir la commission de recours amiable de l'URSSAF dans le délai de deux mois qui suit la réception de la mise en demeure » (souligné par la cour).
Ainsi, à rebours de l'interprétation retenue par le tribunal et la cotisante de cette mention, il y a lieu de retenir que celle-ci n'invitait pas cette dernière à former un recours contre la lettre de réponse dans les deux mois mais ne faisait que rappeler, en substance, les voies de recours que la cotisante pouvait engager, ayant pour objet et point de départ la mise en demeure, conformément aux textes susvisés. Il n'y a pas lieu de considérer que cette mention comportait ainsi des instructions spécifiques de l'URSSAF, dérogatoires au droit applicable, que la cotisante aurait été invitée à suivre.
Or, par lettre du 1er juin 2017, versée au dossier, la cotisante a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'un recours (pièce n° 5 de l'intimée) « suite à la réponse du 27 mars 2017, à notre courrier de contestation ». Il n'est aucunement fait état d'une contestation de la mise en demeure.
Dans la requête adressée au tribunal le 12 septembre 2017, la cotisante a saisi la juridiction d'un « recours en annulation dirigé contre un redressement opéré par l'URSSAF suivant lettre d'observations du 13 février 2017, confirmé suivant lettre du 27 mars 2017 ». Il est certain que la cotisante a été informée de la mise en demeure du 31 mai 2017, comme l'atteste de l'avis de réception dont justifie l'URSSAF (pièce n° 4). Il doit être ainsi constaté que cette mise en demeure n'a pas été contestée par la cotisante.
Il sera noté au demeurant que ce n'est qu'en appel que la cotisante a formé une demande en annulation de la mise en demeure, nouvelle à hauteur d'appel, alors qu'elle aurait dû viser la mise en demeure dans le recours administratif préalable obligatoire et dans la saisine du tribunal, ce qui n'est pas le cas.
En l'admettant encore comme possible en l'espèce, il ne saurait y avoir lieu ainsi à qualification ou requalification, telle que suggérée par la cotisante, des demandes qu'elle a présentées dans ses lettres et recours, dont le sens est clair et non équivoque, la cotisante souhaitant contester le redressement à la suite de la lettre de réponse du 27 mars 2017 et non de la mise en demeure adressée par la suite.
Il est dès lors acquis que, tant lors de son recours préalable obligatoire que de la saisine de la juridiction sociale, la cotisante n'a pas contesté la mise en demeure qui lui avait été adressée le 31 mai 2017.
Il convient de rappeler en outre que la mise en demeure constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. Elle détermine ainsi, tant sur le plan administratif que contentieux, les obligations réciproques entre les parties. Un tel effet ne saurait être reconnu à la lettre d'observations et à la lettre de réponse du 27 mars 2017, seules contestées par la cotisante dans ses recours.
Dès lors, il y a lieu de retenir que le recours de cotisante, comme n'ayant pas été formé contre la mise en demeure délivrée le 31 mai 2017, n'est pas recevable.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
La cotisante, qui perd en cette instance, en supportera les dépens.
Les dépens de première instance seront mis à sa charge.
Au vu de l'équité, la cotisante est condamnée à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sa demande à ce titre est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable le recours formé, le 12 septembre 2017, par la société [5] devant le pôle social du tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône ;
MET les dépens de première instance à la charge de la société [5] ;
Y ajoutant,
MET les dépens d'appel à la charge de la société [5] ;
CONDAMNE la société [5] à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE