AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/08848 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N7WO
S.A.S. [5]
C/
CPAM DU RHONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 08 Novembre 2021
RG : 15/01653
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 28 JUIN 2024
APPELANTE :
S.A.S. [5]
(AT : M. [T])
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [W] [E] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE :
CPAM DU RHONE
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Mme [L] [O] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Claudiane COLOMB, Greffière placée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente
- Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère
- Anne BRUNNER, Conseillère
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [T] a été embauché à compter du 24 janvier 2012 en qualité d'ouvrier par la société [5].
Le 5 mars 2012, la société [5] a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 1er mars 2012 à 12h15 dans les circonstances suivantes : « M. [T] portait des cagettes de pomme de terre lorsqu'il aurait ressenti une douleur au poignet gauche en voulant les poser sur un chariot », déclaration accompagnée d'un certificat médical établi le 2 mars 2015 faisant état d'une contusion du poignet gauche.
Le 12 mars 2012, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la CPAM) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Le 28 juillet 2015, la société [5] a saisi la commission de recours amiable aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident survenu le 1er mars 2012.
Par requête reçue au greffe le 30 juillet 2015, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par décision du 27 juillet 2016, notifiée le 29 juillet 2016, la commission de recours amiable a confirmé la décision de la CPAM.
Par jugement du 8 novembre 2021, le tribunal :
- déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge, par la CPAM, de l'accident dont M. [T] a été déclaré victime le 1er mars 2012,
- dit que la procédure est sans frais pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019.
Par déclaration enregistrée le 15 décembre 2021, la société [5] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 6 avril 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [5] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'inopposabilité,
- juger que la matérialité de l'accident du 1er mars 2012 déclaré par M. [T] n'est pas établie,
- juger que la décision de prise en charge de l'accident de M. [T] en date du 1er mars 2012 lui est inopposable.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 26 mars 2024 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de confirmer la décision.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'OPPOSABILITÉ À L'EMPLOYEUR DE LA DÉCISION DE PRISE EN CHARGE AU TITRE DE LA LÉGISLATION PROFESSIONNELLE DE L'ACCIDENT DU 1ER MARS 2012
L'employeur poursuit l'infirmation du jugement entrepris aux motifs qu'aucun salarié n'a été témoin de l'accident de travail invoqué, dont il n'a pas été informé immédiatement, alors que son siège est situé au lieu-même de celui de l'entreprise utilisatrice, et que le salarié victime a poursuivi sa journée de travail de préparateur de commandes, avant de faire constater les lésions et de déclarer l'accident.
Il en déduit que la matérialité de l'accident n'est pas démontrée et que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer. Il demande donc que la décision de la caisse lui soit déclarée inopposable.
La CPAM rappelle qu'afin de bénéficier de la présomption d'imputabilité, la preuve de la matérialité des faits et de leur survenance au temps et au lieu du travail peut selon la jurisprudence de la cour de cassation, être rapportée par un faisceau de présomptions suffisamment précises et concordantes, que tel est notamment le cas d'une description précise des faits, concordantes avec l'activité professionnelle exercée et avec la constatation médicale des lésions dans un temps proche de l'accident.
Elle précise qu'en l'absence de réserve formulée par l'employeur lors de la déclaration d'accident du travail, et dès lors que les faits relatés apparaissent précis et concordants, elle a pu considérer que les circonstances de l'accident déclaré étaient établies et non contestées, ce qui permettait une prise en charge d'emblée au regard de leur cohérence avec la lésion médicalement constatée.
L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qualifie d'accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il est jugé que l'accident du travail est un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Dans les rapports caisse-assuré, c'est à l'assuré qui se dit victime d'un accident du travail d'apporter la preuve de la matérialité de l'accident et de la survenance de l'accident en lien avec le travail. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, tous faits permettant de retenir des présomptions graves, précises et concordantes en ce sens pouvant être invoqués.
C'est ensuite à celui qui conteste que la lésion survenue soudainement au temps et au lieu du travail constitue un accident du travail d'apporter la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.
Ici, la déclaration d'accident du travail du 5 mars 2012 indique que, le 1er mars 2012 à 12h15, l'assuré, alors qu'il portait des cagettes de pommes de terre, a ressenti une douleur au poignet gauche en voulant les poser sur un chariot. Il n'est fait mention d'aucun témoin. Le salarié en a informé l'employeur le lendemain, soit le 2 mars 2012 à 11h. Les constatations médicales ont été réalisées le 2 mars 2012 au centre hospitalier de [Localité 4], le médecin prescrivant un arrêt de travail de 10 jours pour 'une contusion du poignet gauche'.
Il est constant que la société [5] n'a émis aucune réserve suite à la déclaration d'accident du travail, et la caisse n'avait donc aucune obligation d'engager des investigations ou de diligenter une enquête.
L'employeur ne peut sérieusement opposer que le certificat médical initial serait tardif, celui-ci ayant été dressé dès le lendemain du fait accidentel invoqué, soit dans un délai très court.
Il ne peut davantage opposer une information tardive alors qu'il a été avisé par le salarié dans le délai réglementaire de 24 heures.
Il ressort ainsi que la lésion médicalement constatée correspond à la mission et à l'activité exercée par le salarié victime le jour de l'accident, ainsi qu'à ses déclarations relatives aux circonstances de l'accident.
La société [5] conteste la matérialité de l'accident et s'étonne de la poursuite de l'activité par le salarié, sans pour autant rapporter la preuve d'incohérences entre les déclarations du salarié, les constatations médicales et les gestes accomplis par le salarié dans le cadre de sa mission et, en tout état de cause, il ne peut être fait grief au salarié d'avoir poursuivi sa journée de travail malgré la douleur dont l'intensité a pu varier au cours de la journée.
La matérialité du fait accidentel et sa survenance au lieu et au temps du travail nonobstant l'absence de témoins de l'accident - laquelle n'est pas une condition suffisante de l'accident de travail - est donc établie, de sorte que la présomption d'imputabilité au travail doit s'appliquer.
Dès lors, il appartient à l'employeur de démontrer que la lésion constatée a résulté exclusivement d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d'une cause totalement étrangère au travail, ce que n'établit pas la société appelante.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La société [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE