N° RG 23/07504 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHCH
Décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de VILLEURBANNE
du 11 août 2023
RG : 11-22-3629
[U]
C/
[O]
Organisme SIP DE [Localité 8]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 18 Juillet 2024
APPELANTE :
Mme [T] [U]
née le 22 Mars 1968 à [Localité 7] (SENEGAL)
[Adresse 6]
[Localité 3]
non comparante, représentée par Me Anne BARLATIER PRIVITELLO de la SELARL BARLATIER, avocat au barreau de LYON, toque : 41
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/007080 du 21/09/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMES :
M. [L] [O]
né le 20 Juin 1979 à [Localité 9] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant, représenté par Me Ohini loïc MADJRI, avocat au barreau de LYON, toque : 1784, substitué par Me MACIEJEWSKI Marion, avocat au barreau de LYON
SIP DE [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparant
* * * * * *
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Juin 2024
Date de mise à disposition : 18 Juillet 2024
Audience présidée par Evelyne ALLAIS, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Cécile NONIN, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Par décision du 2 septembre 2021, la commission de surendettement des particuliers du Rhône a déclaré recevable la demande de Mme [T] [U] du 15 juillet 2021 afin de voir traiter sa situation de surendettement.
Par jugement du 5 août 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne, statuant sur recours de M. [L] [O], bailleur de la débitrice, a confirmé la décision de recevabilité de la commission de surendettement du Rhône.
Le 20 octobre 2022, la commission a fixé les mesures qu'elle entendait imposer à Mme [U] et aux créanciers, consistant en une suspension d'exigibilité des créances sur une durée de 12 mois afin de permettre à la débitrice de déménager pour un logement moins onéreux (logement social de préférence). Elle a subordonné en outre ces mesures à la mise en place d'un accompagnement social et budgétaire et a invité la débitrice à prendre contact avec un travailleur social à cette fin.
Ces mesures ont été notifiées le 28 octobre 2022 à M. [O].
Par lettre recommandée envoyée le 15 novembre 2022 à la commission, M. [O] a contesté les mesures imposées du 20 octobre 2022.
Les parties ont été convoquées devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne, saisi de cette contestation.
M. [O] a soulevé à titre principal la mauvaise foi de Mme [U] dans le cadre de la présente procédure et a sollicité à titre subsidiaire un paiement échelonné de sa créance.
Mme [U] a argué de sa bonne foi dans le cadre de la présente procédure et a conclu à la confirmation des mesures imposées.
Le SIP de [Localité 8] n'a pas comparu.
Par jugement du 11 août 2023, le juge des contentieux de la protection a :
- déclaré recevable le recours de M. [O],
- constaté la mauvaise foi de Mme [U],
- infirmé la décision de la commission de surendettement en ce qu'elle avait octroyé à Mme [U] un moratoire de 12 mois,
- déclaré Mme [U] irrecevable au bénéfice de la procédure de traitement du surendettement,
- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit à titre provisoire,
- laissé à chacune des parties la charge des éventuels dépens qu'elle aurait pu engager.
Le jugement a été notifié à Mme [U] par lettre recommandée datée du 11 août 2023, avec avis de réception signé à une date non renseignée par la Poste.
Par lettre recommandée envoyée le 2 octobre 2023, l'avocat de Mme [U], désigné le 21 septembre 2023 au titre de l'aide juridictionnelle à la suite d'une requête de l'intéressée du 29 août 2023, a interjeté appel du jugement.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 5 juin 2024.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Mme [U] a demandé à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- constater sa bonne foi,
- lui accorder un moratoire de 24 mois le temps d'un retour à meilleure fortune,
- dire n'y avoir lieu à prononcer une quelconque condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, M. [O] a demandé à la Cour de :
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
- confirmer la décision en toutes ses dispositions,
- condamner Mme [U] au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le SIP de [Localité 8] n'a pas comparu.
A la demande de la Cour, les avocats des parties ont communiqué en cours de délibéré :
- l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 27 mars 2024, confirmant le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne du 13 janvier 2022 quant à l'expulsion de Mme [U],
- le commandement de quitter les lieux délivré le 25 avril 2024 par M. [O] à Mme [U].
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La partie intimée défaillante ayant signé l'avis de réception de sa lettre de convocation, la présente décision sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L.733-13 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7. Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l'article L. 731-2. Elle est mentionnée dans la décision. Lorsqu'il statue en application de l'article L. 733-10, le juge peut en outre prononcer un redressement personnel sans liquidation judiciaire.
Selon l'article L.733-12 du même code, le juge, statuant sur contestation des mesures imposées, peut vérifier, même d'office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées et s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l'article L. 711-1. Il peut ainsi s'assurer que le débiteur surendetté est de bonne foi.
L'endettement de Mme [U] consiste uniquement en un arriéré locatif à l'égard de M. [O] en vertu d'un contrat de location datant du 1er mai 2013.
Mme [U] a déjà bénéficié de deux procédures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire les 11 août 2016 et 10 janvier 2019, lesquelles ont eu pour conséquence l'effacement de deux dettes à l'égard de M. [O] à concurrence de 10.170 euros et 28.510 euros.
Le jugement du 5 août 2022 a déclaré recevable la demande de Mme [U] afin de traitement de sa situation de surendettement. Aussi, il a autorité de la chose jugée quant à la bonne foi de Mme [U], en l'absence d'élément nouveau de nature à remettre en cause cette bonne foi avant le 5 août 2022.
Par arrêt du 27 mars 2024, la cour d'appel de Lyon (8ème chambre) a confirmé un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne du 4 mars 2022 en ce que notamment, il a :
- constaté la résiliation judiciaire du bail ayant lié les parties à la date du 23 août 2021,
- constaté l'existence d'une procédure de surendettement au profit de Mme [U] et l'absence de reprise du paiement des loyers courants depuis la recevabilité,
- autorisé M. [O] à faire procéder à l'expulsion de Mme [U] et à celle de tout occupant de son chef des lieux loués sis [Adresse 6],
- condamné Mme [U] à payer à M. [O]:
la somme de 28.160 euros, déduction faite des frais de poursuite, au titre des loyers et charges arrêtés au 3 janvier 2022, échéance de janvier 2022 incluse, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2021 sur la somme de 24.597,82 euros et à compter du prononcé du jugement sur le surplus,
une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au loyer et charges courants, outre indexation prévue par le contrat à compter du 1er février 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux loués.
Le 25 avril 2024, M. [O] a fait délivrer à Mme [U] un commandement de quitter les lieux considérés au plus tard le 25 juin 2024.
Mme [U], âgée de 56 ans, déclare s'être mariée le 25 mars 2016 à [Localité 7] (Sénégal) et vivre seule, son mari résidant actuellement au Sénégal. Elle ajoute bénéficier du revenu de solidarité active, justifiant avoir perçu la somme mensuelle de 526,72 euros à ce titre de janvier à avril 2023.
Aux termes du contrat de location du 1er mai 2013, Mme [U] était redevable à M. [O] d'un loyer mensuel de 810 euros (charges comprises) pour un appartement meublé de 70 m². Compte tenu de sa situation financière, elle n'est pas en mesure d'assumer cette charge de logement, de telle sorte que sa dette à l'égard de M. [O] n'a fait qu'augmenter depuis la date des mesures imposées. Mme [U] réside en outre toujours dans les lieux, bien que le bail soit résilié depuis le 23 août 2021.
Or, si Mme [U] sollicite la confirmation des mesures imposées, elle n'établit pas avoir fait une quelconque démarche depuis le 29 juin 2021 en vue de résider dans un logement moins onéreux ni avoir saisi un travailleur social afin de bénéficier d'un accompagnement social et budgétaire. Elle produit certes plusieurs documents médicaux datés de mars 2021 à juin 2023 révélant qu'elle a des difficutés de santé. Néanmoins, elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de résider dans un autre logement pour raisons médicales. Enfin, elle ne justifie d'aucun règlement même partiel de l'indemnité d'occupation mensuelle due à M. [O] depuis le 1er février 2022.
Compte tenu de ces éléments, il convient de constater que Mme [U] a omis de déménager dans un logement moins onéreux alors qu'elle était en mesure de le faire pendant la procédure d'appel et a ainsi volontairement aggravé sa situation de surendettement sans respecter les contraintes liées au traitement de cette situation. Il convient donc de déclarer irrecevable la demande de Mme [U] afin de traitement de sa situation de surendettement, en l'absence de bonne foi de la débitrice. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas d'allouer à M. [O] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Laisse les dépens d'appel à la charge du Trésor Public ;
Rejette la demande de M. [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE