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03/09/2024 | FRANCE | N°23/04313

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 03 septembre 2024, 23/04313


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 23/04313 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O723





Etablissement Public [8] DE [Localité 6]



C/

CPAM DE LA LOIRE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de SAINT ETIENNE

du 17 Novembre 2020

RG : 17/00734













































AU N

OM DU PEUPLE FRAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024









APPELANTE :



Etablissement Public [8] DE [Localité 6]

(AT M. [U])

[Adresse 2]

[Localité 6]



représentée par Me Olivier POUEY de la SELARL POUEY AVOCATS, avocat au barrea...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 23/04313 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O723

Etablissement Public [8] DE [Localité 6]

C/

CPAM DE LA LOIRE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de SAINT ETIENNE

du 17 Novembre 2020

RG : 17/00734

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

Etablissement Public [8] DE [Localité 6]

(AT M. [U])

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Olivier POUEY de la SELARL POUEY AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Ophélie PLATEAU, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DE LA LOIRE

[Adresse 5]

Service affaires juridiques

[Localité 3]

représentée par Mme [B] [G] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Juin 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christophe GARNAUD, Greffier placé,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Anne BRUNNER, conseillère

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT,Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [U] (le salarié) a été engagé par l'[8] de [Localité 6] (l'OPH) à compter du 16 mai 2011, en qualité de gardien d'immeuble.

Le 10 mars 2017, l'OPH a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 10 mars 2017, à 5h45, au préjudice de M. [U], dans les circonstances suivantes : « Le collaborateur sortait ses conteneurs pour le ramassage au [Adresse 1] afin de les déposer à l'entrée B » et « en tirant ses containeurs a senti un pic à son épaule », déclaration accompagnée d'un certificat médical initial établi le 10 mars 2017 par le médecin interne [4], faisant état d'une contusion à l'épaule gauche.

Après enquête administrative suite aux réserves exprimées par l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la CPAM) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle le 1er juin 2017.

Le 2 août 2017, l'OPH a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision de prise en charge puis, le 10 novembre 2017, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 6 décembre 2017, la commission de recours amiable a considéré que la matérialité de l'accident était établie et que la décision de la CPAM était opposable à l'employeur.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal a jugé que l'accident dont avait été victime M. [U], le 10 mars 2017, était opposable à l'OPH.

Par déclaration enregistrée le 2 décembre 2020, l'OPH a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 6 septembre 2022, l'affaire a été radiée.

Le 26 avril 2023, la société [7] (la société, l'employeur), venant aux droits de l'OPH, a sollicité le ré-enrôlement de l'affaire.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 26 avril 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du 10 mars 2017 déclaré par M. [U],

En tout état de cause,

- condamner la CPAM au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CPAM aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 26 mars 2024 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débat, la CPAM demande à la cour de confirmer la décision entreprise.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE L'ACCIDENT

La société recherche l'inopposabilité, à son égard, de la décision de prise en charge de l'accident litigieux au motif que la preuve de la matérialité d'un accident survenu au temps et au lieu du travail, ou à tout le moins d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, n'est pas rapportée par la CPAM. Elle expose qu'il n'y a aucun témoin de l'accident déclaré, que M. [U] a continué de travailler pendant trois heures sans lui signaler une quelconque lésion, ni le moindre accident, et qu'il n'a pas respecté les méthodes de prévention déployées par son employeur. Elle ajoute que les faits déclarés interviennent après 3 déclarations d'accident du travail réalisées dans un contexte similaire par M. [U].

En réponse, la CPAM se prévaut de l'application de la présomption d'imputabilité au regard d'un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir le caractère professionnel de l'accident. Elle ajoute que l'employeur, à qui il incombe de détruire cette présomption d'imputabilité, ne fournit aucun élément permettant d'établir que ladite lésion n'a aucun lien avec le travail.

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

En application de ce texte, l'accident qui s'est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c'est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l'autorité du chef d'entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors qu'un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.

Il revient ensuite à l'employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous l'autorité de l'employeur.

En l'espèce, l'accident litigieux est, selon le salarié, survenu le 10 mars 2017, au temps et au lieu du travail alors qu'il tirait des containers.

L'OPH a exprimé les réserves suivantes :

« Nous contestons formellement que M. [U] ait été victime d'un accident du travail au temps et au lieu du travail.

Ce soi-disant accident du travail serait intervenu ce jour, le 10 mars 2017, sur son lieu de travail au [Adresse 1].

Toutefois, les circonstances prouvent qu'il s'agit d'une fausse déclaration et d'une tentative de fraude à la sécurité sociale et vis-à-vis de son employeur.

M. [U] se serait blessé dans les circonstances suivantes : « en tirant ses conteneurs, il a ressenti une douleur à l'épaule gauche ».

Les horaires de M. [U] sont les suivants : de 5h00 à 10h00 et de 14h00 à 15h30. La première des tâches à effectuer est la sortie des containers.

Or, il en a avisé son manager seulement à 8h55 en expliquant qu'il se rend au service des urgences de [Localité 6].

Il n'y a aucun témoin.

En conclusion, nous contestons totalement que M. [U] ait pu être victime d'un accident du travail au temps et au lieu du travail ».

La cour rappelle que l'absence de témoin ne peut faire obstacle, à elle seule, à la reconnaissance d'un accident du travail si les circonstances peuvent expliquer cette absence. Ici, l'accident déclaré s'est produit vers 5h30/5h45 alors que M. [U] était seul, ce qui explique l'absence de témoin. De plus, il résulte des éléments du dossier que les déclarations de M. [U], confirmées lors de l'enquête administrative, sont corroborées par les constatations médicales intervenues le jour-même des faits invoqués et sont en cohérence avec les circonstances de l'accident décrites, ainsi qu'avec le siège et la nature des lésions déclarées. L'employeur a par ailleurs été averti 3 heures plus tard, soit dans un temps proche dudit accident. Et le fait que le salarié ait été précédemment victime d'accidents du travail survenus dans des circonstances similaires est insuffisant à rapporter la preuve contraire. Le courrier d'alerte à la fraude adressé par l'employeur est également sans emport en l'absence de preuve de la réalité de cette fraude.

La présomption d'imputabilité a donc vocation à s'appliquer à l'accident litigieux et il revient à la société de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous son autorité, ce qu'elle échoue cependant à faire.

L'employeur se prévaut du non-respect des consignes par M. [U] qui a tiré le container alors qu'il avait été formé aux « gestes et postures » à adopter et du fait qu'il était préconisé de pousser et non de tirer les containers. Toutefois, le simple comportement fautif du salarié ne suffit pas à exclure la qualification d'accident du travail dès lors que le lien avec le travail n'est pas totalement rompu et que l'assuré est demeuré, lors des faits, sous la direction et l'autorité de l'employeur. Et la société ne démontre pas que le non-respect des consignes de sécurité et l'imprudence du salarié serait indiscutablement et exclusivement à l'origine de l'accident.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de l'accident et en ce qu'il a rejeté la demande d'inopposabilité formée par l'employeur.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile mais infirmée en celles relatives aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2017, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'[8] de [Localité 6],

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne l'[8] de [Localité 6] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 23/04313
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;23.04313 ?
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