COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt no 11/00176
21 Mars 2011RG No 09/00335
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ18 Décembre 200806/1505 I
APPELANT :
Monsieur Christophe X......57950 MONTIGNY LES METZReprésenté par Me BICHAIN ( avocat au barreau de METZ ) substituant Me PETIT (avocat au barreau de METZ)
INTIMEE :
SAS DAUSSAN venant aux droits de la SARL LE LABORATOIRE METALLURGIQUE29/33 Route de RombasBP 72057147 WOIPPY CEDEXReprésentée par Me RIVIERE (avocat au barreau de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Christine DORSCH, ConseillerMonsieur Thierry SILHOL, Conseiller
GREFFIER (lors des débats) : Madame Myriam CERESER,
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Février 2011, tenue par Madame Monique DORY , Président de Chambre et magistrat chargé d'instruire l'affaire, lequel a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Mars 2011, par mise à disposition au greffe.
Suivant demande enregistrée le 20 décembre 2006, Monsieur Christophe X... a fait attraire devant le Conseil de Prud'hommes de METZ son ex- employeur, la SARL LE LABORATOIRE METALLURGIQUE aux droits de laquelle vient la SAS DAUSSAN, aux fins d'obtenir dans le dernier état de ses prétentions sa condamnation à lui verser :
• 17409,24 euros de dommages et intérêts pour inobservation des dispositions de l'article L 122-32-7 du Code du Travail• 1200 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
La tentative de conciliation échouait.
La défenderesse s'opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à lui verser 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement avant dire droit du 21 février 2008, le Conseil de Prud'hommes de METZ ordonnait une mission de conseillers rapporteurs qui avait lieu le 5 mai 2008.
Le procès verbal d'enquête était notifié aux parties qui maintenaient leurs prétentions.
Par jugement rendu le 18 décembre 2008, le Conseil de Prud'hommes de METZ statuait dans les termes suivants :
" DIT que le licenciement pour inaptitude physique suite à un accident du travail de Monsieur Christophe X... est parfaitement justifié ;
DEBOUTE Monsieur Christophe X... de l'ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE la partie défenderesse de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Monsieur Christophe X... aux entiers dépens ; "
Suivant déclaration de son avocat enregistrée au greffe de la Cour d'appel de METZ le 12 janvier 2009, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, il demande à la Cour de :
DIRE et JUGER l'appel de Monsieur X... recevable et bien fondé.
En conséquence,
INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
CONDAMNER la SARL LE LABORATOIRE METALLURGIQUE à payer à Monsieur X... les sommes de :
• 2901,54 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis• 290,15 euros net au titre des congés payés y afférents• 17409,24 euros nets à titre de dommages et intérêts pour inobservation des dispositions de l'article L 122-32-7 du Code du travail
CONDAMNER la SARL LE LABORATOIRE METALLURGIQUE à payer à Monsieur X... la somme de 1500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la SARL LE LABORATOIRE METALLURGIQUE aux entiers frais et dépens.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la SAS DAUSSAN demande à la Cour de débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, de confirmer le jugement entrepris et de le condamner à lui verser 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE
Vu le jugement entrepris,
Vu les conclusions des parties ( enregistrées le 21 décembre 2010 pour Monsieur X... et le 14 janvier 2011 pour la société DAUSSAN ) présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Attendu que Monsieur X... a été embauché le 10 novembre 2000 par la société LE LABORATOIRE METALLURGIQUE en qualité d‘opérateur montage, indice 160, à temps plein, pour une durée indéterminée, et ce, à compter du 13 novembre 2000 ;
Qu'il est acquis aux débats puisque, reconnu par les parties que Monsieur X... a été victime d'un accident du travail le 31 mars 2006 ;
Que le 16 août 2006, le médecin du travail, à l'issue d'une visite de reprise du salarié donnait l'avis suivant :
"Après reprise avec aménagement, poste sans manutention, sans posture fléchie prolongée, sans conduite d'engins en continu.
A revoir le 18.09.06" ;
Que la société DAUSSAN demandait au médecin du travail une seconde visite en invoquant l'impossibilité de trouver au salarié un poste dans l'entreprise adapté aux restrictions médicales résultant de l'avis du 16 août 2006 ;
Qu'à l'issue de la visite médicale du 18 septembre 2006, le médecin du travail donnait l'avis suivant: " emploi inadapté, un poste sans manutention, sans posture fléchie, sans conduite d'engins est requis. Dans l'éventualité de l'absence d'un tel emploi envisagé une inaptitude définitive le 2 octobre 2006" ;
Que le 2 octobre 2006, à l'issue d'une nouvelle visite le médecin du travail concluait : " Conformément à l'avis médical du 18.09.06, et en l'absence d'emploi aménagé correspondant à l'état de santé de l'intéressé ( étude des solutions le 18.09.06), confirmation de l'inaptitude définitive envisagée le 18.09.06" ;
Que par courrier du 13 octobre 2006, la société DAUSSAN faisait connaître au salarié qu'à la suite des deux visites médicales ayant conclu à son inaptitude physique et ayant préconisé un poste sans manutention , sans posture fléchie, et sans conduite d'engins en continu, les recherches de postes dans l' entreprise avec le médecin du travail pour trouver un poste de travail compatible avec les restrictions médicales retenues par celui-ci avaient été vaines ;
Que par courrier du 16 octobre 2006, Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 23 octobre suivant ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 octobre 2006, Monsieur X... était licencié dans les termes suivants:
" Monsieur,
Nous faisons suite à notre entretien du 23 courant.
Vous avez fait l'objet de deux visites médicales auprès de la médecine du travail qui a conclu à votre inaptitude physique et préconisant un poste sans manutentions, sans posture fléchie et sans conduite d'engin en continu.
Les recherches effectuées et l'examen des postes de l'entreprise avec le médecin du travail ont mis évidence qu'il n'y avait pas de poste de travail répondant à ces restrictions et qui soit disponible.
Nous vous notifions donc votre licenciement pour inaptitude. Etant donné votre incapacité à effectuer un quelconque préavis, cette décision prendra effet le jour de l'envoi de la présente. Les sommes et documents vous revenant éventuellement vous seront remis ultérieurement contre décharge. Nous vous informons que vous avez droit à un crédit de quarante heures au titre du droit individuel à la formation.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués."
Sur la motivation de la lettre de licenciement
Attendu que pour contester la décision du Conseil de Prud'hommes, Monsieur X... expose que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée en ce que l'employeur s'abstient de préciser la nature et l'origine professionnelle ou physique de l'inaptitude, ce que conteste la société DAUSSAN ;
Attendu cependant que dans la lettre de licenciement, l'employeur a notifié le licenciement pour inaptitude après avoir d'une part rappelé que le médecin du travail avait conclu à l'inaptitude physique du salarié à l'issue de deux visites médicales et d'autre part énoncé les restrictions précises émises par le même médecin du travail, avant d'indiquer que les recherches destinées à trouver un poste en conformité avec ces restrictions avaient été vaines, ce qui était de nature à caractériser suffisamment l'inaptitude du salarié dans la lettre de licenciement ;
Que le licenciement ne saurait en conséquence être dépourvu en de cause réelle et sérieuse de ce chef ;
Sur la consultation des délégués du personnel
Attendu que Monsieur X... soutient que les délégués du personnel n'ont pas été valablement consultés, en violation de l'article L 1226-10 du Code du Travail dès lors que ceux-ci n'ont pas été informés sur les possibilités de reclassement offertes au salarié, ce que conteste la société DAUSSAN ;
Attendu que du compte rendu de la réunion des délégués du personnel en date du 10 octobre 2006, il ressort que ces derniers ont été informés des restrictions émises par le médecin du travail sur les capacités physiques du salarié et son inaptitude à occuper un poste ;
Que du rapport d'enquête établi le 5 mai 2008, par les conseillers rapporteurs et plus précisément du témoignage de Monsieur Claude A..., opérateur depuis 1990 et délégué du personnel, présent lors de la réunion des délégués du personnel à laquelle a été évoquée l'inaptitude de Monsieur X..., il ressort que des explications très détaillées sur l'avis d'inaptitude ont été données aux délégués du personnel lors de la réunion du 10 octobre 2006, et que des propositions de reclassement ont été faites par des personnes présentes, mais qu'il s'agissait de postes intermittents devant donc être occupés quelques jours ou une semaine dans le mois, aucun poste vacant pour un emploi continu n'existant ;
Que du compte rendu de la réunion des délégués du personnel en date du 10 octobre 2006, il résulte que les délégués du personnel ont donné un avis négatif ( 4 voix contre 1) dont il ressort des explications fournies par l'employeur qu'il s'agissait d'un avis négatif au licenciement et non au reclassement ;
Que de ces énonciations il s'évince qu'un débat a bien eu lieu concernant les possibilités de reclassement du salarié ayant conduit la majorité des délégués du personnel à considérer que le licenciement n'était pas justifié et que par suite ces derniers ont été suffisamment informés de la situation de Monsieur X... et des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ;
Que dès lors, le salarié ne saurait se prévaloir de ce que la consultation des délégués du personnel n'aurait pas eu lieu conformément aux dispositions de l'article L 1226-10 du Code du travail ;
Sur l'obligation de reclassement
Attendu que conformément à l'article L 1226-10 du Code du Travail l'employeur est tenu à une obligation de reclassement qui doit être recherché compte tenu des propositions du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise dans un emploi approprié à ses capacités et aussi proche que possible de l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformation de postes ou aménagement du temps de travail ;
Que s'il ressort du rapport de l'enquête des conseillers rapporteurs que le médecin du travail entendu par ces derniers a déclaré que les postes de production dans l'entreprise considérée sont très physiques et sont à risques, que les postes dits légers sont quasiment inexistants et qu'il existait une impossibilité de reclassement sur le site, il n'en reste pas moins que lorsqu'il a été entendu par les mêmes conseillers rapporteurs Monsieur Claude A..., délégué du personnel a indiqué que lors de la réunion des délégués du personnel d'octobre 2006, quelques propositions de reclassements avaient été faites par les personnes présentes mais que ces postes étaient des postes intermittents et devaient dont être occupés quelques jours ou une semaine dans le mois ;
Que force est de constater que ces propositions de reclassement ne sont pas explicitées ni même indiquées dans le procès verbal des délégués du personnel en date du 10 octobre 2006, alors pourtant que l'employeur est tenu à une obligation de reclassement au besoin par aménagement du temps de travail ;
Qu'en outre s'il ressort des termes de la lettre de licenciement et des explications fournies par l'employeur qu'il a procédé à une recherche de reclassement dans l'entreprise située en France, il n'a par contre pas étendu ses recherches à ses deux unités de production, dont il ressort du procès verbal d'enquête des conseillers rapporteurs qu'elles se situent l'une en Italie et l'autre en Turquie, sans qu'il soit justifié de l'impossibilité d'une permutation de personnels ni de la volonté affirmée du salarié en cause de demeurer en France ;
Que l'employeur qui ne fournit pas d'élément permettant de déterminer si, au moment du licenciement de Monsieur X..., il existait des postes disponibles dans l'ensemble des unités de production de l'entreprise, en France ou à l'étranger, ni, dans l'affirmative, les caractéristiques de ces postes, ne justifie nullement de l'impossibilité de reclasser le salarié en cause dans un poste adapté à son aptitude physique, en conformité avec les restrictions émises par le médecin du travail, au besoin par mutations, transformation de postes ou aménagement du temps de travail ;
Qu'il convient en conséquence, faute par l'employeur d'avoir rempli son obligation de reclassement de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce, en application de l'article L 1226-12 alinéa 2 du Code du Travail ;
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
1. Indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents
Attendu qu'il ressort du procès verbal d'enquête des conseillers rapporteurs que Monsieur X... qui présentait alors une demande tendant à obtenir une indemnité compensatrice de préavis de 2901,54 euros et une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 290,15 euros a indiqué abandonner ces demandes et avoir été rempli de ses droits concernant ces deux chefs de demande ;
Que devant la Cour, il reprend ses prétentions en indiquant qu'il n'aurait pas perçu l'indemnité de préavis ;
Attendu cependant que s'agissant d'un accident du travail, Monsieur X... est fondé à obtenir non pas une indemnité compensatrice de préavis mais l'indemnité compensatrice de l'article L 1226-14 du Code du travail, conformément à l'article L1226-15 du même Code ;
OR attendu, ainsi que le soutient l'employeur que cette indemnité compensatrice a été réglée par l'employeur dès lors qu'elle figure au bulletin de paie d'octobre 2006, à hauteur de 3160,16 euros et que Monsieur X... a reconnu avoir été rempli de ses droits devant les conseillers rapporteurs lors de l'enquête du 5 mai 2008 ;
Que l'indemnité compensatrice de l'article L 1226-14 n'est pas productive de congés payés ;
Qu'il convient en conséquence de débouter le salarié de ces deux chefs de demande ;
2. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu que conformément aux dispositions de l'article L 1226-15 du Code du travail, Monsieur X... est fondé à obtenir une indemnité correspondant à douze mois de salaire, soit la somme de 17409,24 euros sollicitée et non contestée en son calcul par l'employeur, dès lors que son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions des articles L1226-10 et L 1226-12 relatives au reclassement et qu'il n'est pas réintégré dans l'entreprise ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure civile:
Attendu que la société DAUSSAN qui succombe doit être condamnée aux dépens de 1ère instance et d'appel ainsi qu'au paiement de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et déboutée de ses propres prétentions sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement :
- DÉCLARE recevable Monsieur Christophe X... en son appel contre un jugement rendu le 18 décembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de METZ ;
- INFIRME le jugement entrepris,
et statuant à nouveau :
- DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Christophe X... ;
- CONDAMNE la SAS DAUSSAN à verser à Monsieur Christophe X... :
• 17409,24 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1226-15 du code du travail• 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;
- CONDAMNE la SAS DAUSSAN aux dépens de 1ère instance et d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe le 21 Mars 2011, par Madame Monique DORY, Président de Chambre, assistée de Mme DESCHAMPS-SAR, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,