Minute no 12/ 00290-----------21 Mai 2012------------------------- RG 10/ 01405----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 15 Mars 2010 08/ 1451 C---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
vingt et un mai deux mille douze
APPELANTE :
SAS CROIXDIS exerçant son activité à l'enseigne " E. LECLERC " prise en la personne de son représentant légal Zone Artisanale 57150 CREUTZWALD
Représentée par Me JAXEL (avocat au barreau de SARREGUEMINES), substitué par Me MULLER (avocat au barreau de METZ)
INTIME :
Monsieur Donato Y...... 57385 TETING-SUR-NIED
Comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller
*** GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier ***
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 mars 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 mai 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant demande enregistrée le 15 décembre 2008, Monsieur Donato Y... a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de METZ son ex-employeur la SAS CROIXDIS, exploitant d'un supermarché à l'enseigne " E. LECLERC " aux fins d'obtenir dans le dernier état de ses prétentions, sa condamnation à lui verser :
-2 000 € net pour non respect de la procédure de licenciement,-38 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,-2 000 € au titre de la contestation d'une sanction disciplinaire,-5 000 € en réparation du préjudice moral subi en raison d'une discrimination et de la volonté de lui nuire,-500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La tentative de conciliation échouait.
La défenderesse s'opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 15 mars 2010, le conseil de prud'hommes de METZ statuait ainsi qu'il suit :
" DIT ET JUGE que la procédure de licenciement de Monsieur Donato Y... a été respectée.
DÉBOUTE en conséquence Monsieur Donato Y... de sa demande indemnitaire sur ce chef.
DIT ET JUGE que le licenciement de Monsieur Donato Y... est intervenu dans des conditions aboutissant à le déclarer sans cause réelle et sérieuse, produisant les effets d'un licenciement abusif.
CONDAMNE la SAS CROIXDIS prise en la personne de son représentant légal à verser 8 000 € à Monsieur Donato Y... en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DÉBOUTE Monsieur Donato Y... pour le surplus de sa demande.
CONDAMNE la SAS CROIXDIS, prise en la personne de son représentant légal, à verser 2 000 € à Monsieur Donato Y... à titre de réparation globale en raison de la sanction abusive prise à son égard ainsi que de la réparation du préjudice moral et vexatoire soulevée sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code Civil.
CONDAMNE la SAS CROIXDIS, prise en la personne de son représentant légal, qui succombe, à verser à Monsieur Donato Y... une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et DIT qu'elle supportera les éventuels frais et dépens de l'instance.
DÉBOUTE la SAS CROIXDIS de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 ceci dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne du salaire moyen des 3 derniers mois de salaire complet étant de 2 350 € brut. "
Suivant déclaration par lettre recommandée avec accusé de réception de son avocat, adressée au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 22 mars 2010, la SAS CROIXDIS a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la SAS CROIXDIS demande à la cour de :
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'Hommes de METZ en date du 15 mars 2010,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTER Monsieur Donato Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
À titre reconventionnel,
CONDAMNER Monsieur Donato Y... à payer à la société CROIXDIS SAS une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Monsieur Donato Y... aux éventuels frais et dépens.
Par écritures présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Monsieur Y... demande à la cour :
De dire et de juger que vu les faits présentés devant le conseil de Céans de déclarer la procédure de licenciement illégale.
De dire et de juger que le licenciement de Monsieur Donato Y... est dépourvu de causes réelles et sérieuses donc abusif.
De dire et de juger que le licenciement est également une sanction pécuniaire vu les écrits de la direction dans sa lettre du 26 septembre 2008.
De dire et de juger que le demandeur est en droit de solliciter des dommages et intérêts au titre des articles 1382 et 1384 du code civil.
De confirmer l'intégralité du jugement du Conseil de Prud'Hommes de Metz prononcé le 15 mars 2011.
Allouer au titre de l'article 700 du NCPC la somme de 700 € à hauteur d'appel.
À ce titre de condamner CROIDIS enseigne E. LECLERC Zone Artisanale sise à 57150 CREUTZWALD à verser les sommes réclamées par le demandeur, avec les intérêts légaux à partir de la demande pour l'ensemble de celles-ci.
De débouter CROIDIS à l'enseigne E. LECLERC de l'ensemble de ses prétentions.
De condamner le demandeur aux entiers frais et dépends de l'instance et aux éventuels frais de mise en exécutions du jugement à intervenir.
Sur ce,
Vu le jugement entrepris,
Vu les écritures des parties déposées le 8 septembre 2011 pour la société CROIXDIS et le 28 décembre 2011 pour Monsieur Y..., présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et prétentions émises ;
Attendu que Monsieur Y... a été embauché le 8 octobre 2007, pour une période à durée indéterminée par la société CROIXDIS, en qualité de responsable de rayon ou de service dans un supermarché à l'enseigne " E. LECLERC ", pour un salaire mensuel brut de 2 200 euros ;
Qu'il ressort des pièces produites contradictoirement aux débats que Monsieur Y... était affecté au rayon " liquide " ;
Que le 9 septembre 2008, une altercation avait lieu entre Monsieur Donato Y... et un collègue de travail, Monsieur Rudy Z... ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, Monsieur Y... était convoqué à un entretien préalable au prononcé d'une sanction disciplinaire fixé au 18 septembre suivant ;
Que par nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du même jour il était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire " à effet immédiat " ;
Qu'une troisième lettre, toujours datée du 9 septembre 2008, le convoquant à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 septembre suivant et lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat lui était remise en main propre ;
Que par courrier du 26 septembre 2008, Monsieur Y... se voyait notifier une sanction disciplinaire de rétrogradation au poste d'employé libre service/ hôte de caisse au rayon fruits et légumes pour un salaire mensuel brut de 1 387, 09 euros ; que l'employeur l'informait de son droit de refuser cette sanction, lui demandait de lui faire connaître sa décision pour le 4 octobre 2008 au plus tard et portait à sa connaissance qu'en cas de refus une autre sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pourrait être envisagée et qu'en l'absence de refus la décision de rétrogradation prendrait effet le 6 octobre 2008 ;
Que par courrier du 1er octobre 2008, Monsieur Y... contestait le bien fondé de la rétrogradation dont il sollicitait la levée, invoquant une discrimination à son égard ;
Que par courrier du 3 octobre 2008, l'employeur maintenait la sanction et demandait au salarié de prendre ses nouvelles fonctions dès le 6 octobre 2008 ;
Que par courrier du 7 octobre 2008, Monsieur Y..., qui n'avait pas repris ses fonctions le 6 octobre 2008 et avait justifié son absence par un certificat médical, était prié par son employeur de faire connaître pour le 12 octobre suivant son refus ou son acceptation de la sanction de rétrogradation, faute de quoi, il serait considéré comme ayant refusé celle-ci ;
Que par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2008, Monsieur Y... était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 octobre suivant ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2008, Monsieur Y... était licencié pour cause réelle et sérieuse ;
Sur la procédure du licenciement :
Attendu que tout en sollicitant la confirmation du jugement qui " Dit et juge que la procédure de licenciement de Monsieur Donato Y... a été respectée " ce dernier demande à la cour de déclarer la procédure de licenciement illégale, alors que la société CROIXDIS considère celle-ci comme étant parfaitement régulière ;
Attendu qu'il ressort des courriers échangés entre les parties que Monsieur Y... a contesté la mesure de rétrogradation qui lui a été infligée et ne justifie pas, ni n'allègue l'avoir acceptée, de sorte que l'employeur était fondé à mettre en oeuvre une procédure de licenciement ;
Que le fait que le salarié ait été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire fixé au 18 septembre 2008, puis au 19 septembre 2008, aux termes de trois courriers distincts du même jour, soit du 9 septembre 2008, ne saurait remettre en cause ni la régularité de la procédure de rétrogradation, ni celle de licenciement alors même que des trois courriers précités il ressort que ceux-ci ne sont pas contradictoires mais tendent à la prise d'une sanction disciplinaire et à remplacer la date de l'entretien préalable initialement fixée au 18 septembre 2008 par celle du 19 septembre 2008, et qu'après avoir constaté le refus par le salarié d'accepter la mesure de rétrogradation, l'employeur a à nouveau convoqué ce dernier à un entretien préalable à licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 octobre 2008, avant de prendre la décision de prononcer la rupture du contrat de travail ; qu'en outre le seul fait que l'un des trois courriers du 9 septembre 2008 à la différence des deux autres ne fasse pas état de mise à pied conservatoire ne saurait entacher d'irrégularité la procédure de licenciement ;
Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur la régularité de la procédure de licenciement ;
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que la société CROIXDIS conteste la décision du conseil de prud'hommes qui a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que tant la lettre de rétrogradation que celle de licenciement font état des griefs suivants :
Comportement agressif le 9 septembre 2008 et attitude belliqueuse envers les collègues
Problèmes de management, absence d'organisation et gros problèmes de gestion dans l'exécution des tâches confiées ;
Attendu qu'il convient d'examiner successivement les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ;
Qu'il y a lieu tout d'abord de relever que c'est par référence à la date de convocation à l'entretien préalable à sanction disciplinaire soit le 9 septembre 2008, que doit être apprécié le délai de prescription de 2 mois des faits invoqués pour caractériser la cause réelle et sérieuse du licenciement, dès lors que celui-ci est intervenu à la suite du refus par le salarié d'accepter la première sanction disciplinaire de rétrogradation qui lui a été infligée ;
Attendu qu'il ressort des attestations produites contradictoirement aux débats par l'employeur, émanant de Dominique A..., Emmanuel X..., Sandrine B..., tous trois employés par la société CROIXDIS qu'une altercation a eu lieu le 9 septembre 2008 entre Monsieur Y... et " Rudy ", ce que ne conteste pas Monsieur Y... qui indique toutefois avoir subi une agression à laquelle il a répondu en " légitime défense " ;
Or attendu que des attestations des témoins précités, il ressort que Monsieur Y... était en réunion de briefing avec son équipe lorsque " Rudy " est arrivé énervé, lui demandant de s'occuper d'un client dont la revendication concernait le service " liquide ", que " Rudy " insistait alors que Monsieur Y... lui demandait d'attendre la fin du briefing, que le ton " montait " entre les deux hommes, que " Rudy " revenant à la charge mettait sa tête contre celle de Monsieur Y... qui le repoussait avec les mains selon deux des témoins et l'attrapait à la gorge selon le troisième, que les témoins " s'interposaient " et l'altercation prenait fin ;
Qu'il apparaît dans ces conditions que si Monsieur Y... a manifesté un comportement violent à l'égard de " Rudy ", il n'a fait que répliquer à une attitude provocatrice et également violente dans des circonstances qui pouvaient le convaincre légitimement qu'il se trouvait physiquement menacé, étant précisé que seul l'un des témoins (Monsieur A...) indique que lors de l'intervention de " Rudy " qui était énervé, Monsieur Y..., lui aurait non seulement dit qu'il était en briefing mais aurait ajouté " ta gueule, tu te démmerdes ", laquelle version n'est pas corroborée par celle des deux autres témoins ;
Que dans la lettre d'avertissement du 7 octobre 2008 adressée à Monsieur Rudy Z..., l'employeur reproche à ce dernier les faits suivants ; "... en date du 9 septembre 2008, vous avez eu un comportement agressif envers un de vos collègues de travail à qui vous veniez signaler la présence d'un client réclamant un employé de son rayon. Ce dernier n'étant pas disponible il vous a demandé de le faire patienter. Vous avez échangé des mots avec lui de manière agressive et ce devant l'ensemble du personnel. Cette attitude n'est pas digne d'un responsable de rayon qui doit montrer l'exemple aux employés " ;
Que force est de constater que Monsieur Z... est également désigné comme étant responsable de rayon et que l'employeur qui lui reproche son comportement dans des termes analogues à ceux employés pour Monsieur Y... concernant les mêmes faits ne lui décerne qu'un avertissement ;
Qu'il apparaît en conséquence que le comportement de Monsieur Y..., qui a été provoqué par celui de Monsieur Z..., ne justifiait nullement la mesure de rétrogradation ou de licenciement ;
Que l'employeur ne justifie de la réalité d'aucun autre comportement agressif à l'égard d'autres collègues de la part du salarié en cause ;
Attendu que la société CROIXDIS reproche encore à Monsieur Y... des problèmes de management caractérisés par l'absence de contrôle concernant les travaux demandés à son personnel qui ne sont pas exécutés et plus précisément pour ce qui concerne le rangement de la réserve, le défaut de remplissage des rayons et le " facing " non fait ;
Que pour en justifier l'employeur verse aux débats un listing des reproches faits au salarié signé et certifié par son responsable hiérarchique, le chef de département, Monsieur Pierre C...,
Qu'un tel document dont il n'est pas justifié qu'il ait été communiqué à Monsieur Y... avant son licenciement ni discuté avec lui ne saurait établir la réalité des griefs qui s'y trouvent énoncés ;
Que les photographies des rayons et de la réserve des produits liquides, même si elles ont été prises par Monsieur Pierre C... le 22 juillet 2008, ainsi qu'il est affirmé par l'employeur, ne sauraient établir la réalité d'un manquement du salarié, alors que celles-ci n'ont pas été accompagnées de constatations contradictoires avec le salarié, et qu'aucun autre élément produit aux débats ne permet de caractériser les conditions dans lesquelles elles ont été prises par le responsable hiérarchique de Monsieur Y..., étant au surplus observé qu'il n'est pas justifié qu'elles aient donné lieu, avant le 9 septembre 2008, date de la mise en oeuvre de la procédure de rétrogradation, à un quelconque rappel à l'ordre ou qu'elles aient, à tout le moins, été communiquées au salarié avant cette date ;
Que par ailleurs, le mail du 5 mai 2008 produit contradictoirement aux débats, envoyé par Monsieur Pierre C... à " Epicerie CROIXDIS Liquide Patrick " ayant pour objet un compte rendu de réunion hebdomadaire n'est pas adressé personnellement à Monsieur Y..., concerne autant le service épicerie que le service liquide, et ne contient aucun reproche ou rappel à l'ordre circonstanciés dirigés à l'égard du salarié en cause, ne faisant état que d'une recommandation générale en ce qu'il y est indiqué : " Je constate ces derniers temps une baisse de régime et de motivation de votre personnel, soyez attentif à ce qui se passe sur le terrain, restez avec votre personnel jusqu'à son départ, vérifiez que tout est propre et ranger. Certains membres du personnel profitent de votre absence pour " glander ". LA CONFIANCE N'EXCLUE PAS LE CONTRÔLE " ; qu'un tel document ne saurait établir la réalité des griefs invoqués à l'égard de Monsieur Y... à défaut de contenir des précisions suffisantes, propres à caractériser un manquement de ce dernier ;
Que la société CROIXDIS, concernant le management, reproche encore au salarié de ne pas respecter les ordres donnés par ses supérieurs hiérarchiques, ni les délais imposés, ainsi qu'un très gros manque de réactivité, sans fournir d'élément de nature à établir la réalité de tels griefs ;
Attendu que la société CROIXDIS invoque à l'encontre de Monsieur Y... son absence d'organisation dans le travail et de " gros problèmes de gestion " ;
Qu'elle lui reproche tout d'abord de procéder à des " commandes à zéro " ; que cependant les " formulaires de remontées de commandes " produites contradictoirement aux débats, si elles concernent le rayon liquide et sont datées du 10 juillet 2008, ont été transmises, ainsi qu'il ressort des mentions qui s'y trouvent, par " Pierre " lequel prénom est celui de Monsieur C..., mais non celui de Monsieur Y... qui se prénomme Donato ; qu'ainsi n'est-il nullement établi que les commandes auraient été passées par le salarié en cause ;
Que dans ses conclusions l'employeur fait également état de produits périmés à la date du 18 août, sans produire d'élément propre à en justifier ;
Que le mail du 6 juin 2008 adressé par Monsieur C... à Monsieur Y..., s'il fait état de l'absence de commande de Sylvaner et de ce que des messages à tous les magasins pour des commandes de dépannage sur tous les vins doivent être envoyés, ne justifie nullement de ce que Monsieur Y... n'aurait pas fait de commandes-à l'exception du Sylvaner-puisqu'il fait mention des livraisons pour les autres produits liquides qui y sont énoncés ; qu'en outre, aucun élément n'est produit de nature à justifier que les stocks disponibles n'auraient pas permis de faire face à la " vente en masse " projetée et que par suite l'absence de commande reproché au salarié aurait été préjudiciable ;
Qu'enfin il est fait grief à Monsieur Y... d'une mauvaise gestion des stocks au motif que ce dernier commandait des vins alors que figuraient en stock des invendus et que notamment le salarié a commandé 36 " Haut Médoc " alors que 302 se trouvaient en stock ;
Que cependant la société CROIXDIS ne fournit l'état des stocks que pour la période du 6 au 11 juillet 2008 qui ne permet pas de justifier de la gestion des stocks durant toute la période de travail du salarié notamment jusqu'au 9 septembre 2008, ni de caractériser de l'état des invendus à cette dernière date, alors que des ventes de masse ont pu avoir lieu après le 11 juillet 2008 ainsi qu'en atteste le mail précité du 6 août 2008 adressé par Monsieur Pierre C... au salarié, étant observé que l'employeur ne justifie d'aucun reproche adressé à Monsieur Y... avant le 9 septembre 2008 concernant des commandes de vin malgré des invendus, le mail du 6 août 2008, ne faisant état, d'aucune observation de cette nature ;
Que surabondamment il convient de souligner que la constitution du stock de 302 " Haut Médoc " préexistante à la commande de 36 unités reprochée au salarié n'est nullement expliquée et ne peut être imputée, au vu des pièces produites, à Monsieur Y... ;
Qu'ainsi n'est il nullement justifié que, comme il est énoncé dans la lettre de licenciement, Monsieur Y... aurait procédé à une mauvaise gestion des stocks ayant eu pour conséquences des enjeux économiques importants ; qu'en effet si les commandes opérées ont nécessairement eu pour conséquence d'augmenter le stock des produits il n'est pas établi que ceux-ci n'auraient pas été vendus et que par suite cette augmentation aurait préjudicié à l'entreprise ;
Que concernant les commandes de produits Red Bull, il ne saurait être reproché un retard imputable à Monsieur Y... alors que des pièces produites il ressort que ces commandes ont pour origine un certain " Pierre " qui, ainsi qu'il a déjà été précédemment énoncé, n'est pas le prénom de Monsieur Y... ;
Attendu que de l'ensemble de ces énonciations il s'évince que ne se trouve nullement établie à l'égard du salarié en cause la réalité des manquements invoqués, tant dans la lettre de rétrogradation que dans celle de licenciement, propres à fonder ces sanctions disciplinaires, de sorte que le licenciement de Monsieur Y... est abusif comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement doit être confirmé en ce sens ;
Sur les conséquences du licenciement abusif
Attendu que Monsieur Y... relève de l'application de l'article L1235-5 du code du travail, son ancienneté étant inférieure à 2 ans ;
Que compte tenu, au moment du licenciement, d'une ancienneté du salarié d'un an et 20 jours, de ce qu'il était âgé de 44 ans comme étant né le 15 avril 1964, et de ce qu'il ne fournit aucun élément de nature à justifier de sa situation postérieurement au licenciement, il y a lieu de fixer à 6 000 euros les dommages et intérêts qui lui sont alloués et qui réparent intégralement le préjudice consécutif à la rupture abusive du contrat de travail, le jugement étant réformé sur ce point ;
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil
Attendu que Monsieur Y... ne justifie d'aucun préjudice distinct notamment de nature morale ou vexatoire consécutif au licenciement abusif qui se trouve déjà réparé en ses conséquences par les dommages et intérêts alloués sur le fondement de l'article L1235-5 du code du travail ;
Qu'il ne justifie pas davantage que la mesure de rétrogradation serait constitutive d'une sanction pécuniaire, même si elle n'était pas fondée étant rappelé que le salarié n'ayant pas accepté cette sanction disciplinaire, celle-ci n'a pas été mise en oeuvre ;
Que la demande de dommages et intérêts du salarié sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil doit en conséquence être rejetée ;
Que le jugement doit être réformé en ce sens ;
Sur les intérêts
Attendu que les intérêts sur le montant alloué en application de l'article L1235-5 du code du travail doivent courir à compter du présent arrêt, constitutif de droit ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'il convient de condamner la société CROIXDIS aux dépens de première instance et d'appel dès lors qu'elle succombe au moins partiellement en ses prétentions, et que, pour ce même motif, il y a lieu de confirmer le jugement sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Que Monsieur Y... succombant également pour partie en sa demande en cause d'appel, sera débouté de toute prétention au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement :
Déclare la SAS CROIXDIS recevable en son appel principal et Monsieur Donato Y... recevable en son appel incident, lesdits appels étant dirigés contre un jugement rendu le 15 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de METZ ;
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamne la SAS CROIXDIS prise en la personne de son représentant légal à verser :
8 000 euros à Monsieur Donato Y... en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse
2 000 euros à titre de réparation globale en raison de la sanction abusive prise à son égard ainsi que de la réparation du préjudice moral et vexatoire soulevée sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil ;
Le réforme dans cette limite et,
Statuant à nouveau :
Condamne la SAS CROIXDIS à verser à Monsieur Donato Y... 6 000 euros de dommage et intérêts en réparation du préjudice résultant de son licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déboute Monsieur Donato Y... de toute autre demande de dommages et intérêts ;
Ajoutant
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la SAS CROIXDIS aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 21 mai 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,