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30/06/2014 | FRANCE | N°12/01861

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 30 juin 2014, 12/01861


Arrêt no 14/ 00396 30 Juin 2014--------------- RG No 12/ 01861------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 20 Juin 2008 06/ 1451 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU
trente Juin deux mille quatorze
APPELANTE :
SA ADG MOSELLE prise en la personne de son représentant légal Rue de Metz ARGANCY 57640 VIGY Représentée par Me HORBER, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me ROLLAND, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ : Monsieur Daniel Y...

...55600 VIL

LECLOYE Représenté par Me HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA CO...

Arrêt no 14/ 00396 30 Juin 2014--------------- RG No 12/ 01861------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 20 Juin 2008 06/ 1451 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU
trente Juin deux mille quatorze
APPELANTE :
SA ADG MOSELLE prise en la personne de son représentant légal Rue de Metz ARGANCY 57640 VIGY Représentée par Me HORBER, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me ROLLAND, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ : Monsieur Daniel Y...

...55600 VILLECLOYE Représenté par Me HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier

ARRÊT : Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Daniel Y...a été engagé à compter du 19 octobre 1998 en qualité de responsable de l'usine d'Olgy et d'attaché commercial par la société ADG Moselle. Convoqué par lettre recommandée du 13 mars 2006 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 mars suivant, il a été licencié pour faute grave aux termes d'une lettre recommandée du 28 mars 2006. Suivant demande enregistrée le 5 décembre 2006, Daniel Y...a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz. La tentative de conciliation a échoué. Dans le dernier état de ses prétentions, Daniel Y...a demandé au conseil de prud'hommes de :- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;- condamner la défenderesse à lui verser les sommes suivantes :-7. 643, 90 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement,-8. 130, 30 ¿ au titre de l'indemnité de préavis,-813, 03 ¿ au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,-35. 527, 20 ¿ au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,-35. 527, 20 ¿ au titre de l'indemnité de non concurrence,-3. 555, 00 ¿ au titre de l'indemnité de congés payés sur la clause de non concurrence,-2. 000, 00 ¿ au titre de l'article 700 du CPC.- condamner la société ADG MOSELLE aux entiers frais et dépens.

La société ADG Moselle ne s'est pas fait représenter bien qu'elle ait été régulièrement convoquée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 20 juin 2008, statué dans les termes suivants : " REQUALIFIE le licenciement pour faute grave de M. Y...Daniel en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, CONDAMNE la SA ADG MOSELLE, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. Y...Daniel les sommes suivantes : 7 644, 00 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement, 8 131, 92 ¿ au titre de l'indemnité de préavis, 813, 19 ¿ au titre des congés payés y afférents, 21 700, 00 ¿ au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 32 527, 68 ¿ au titre de l'indemnité de non concurrence, 3. 252, 77, ¿ d'indemnité de congés payés y afférents, 500, 00 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DEBOUTE M. Y...Daniel de ses autres demandes. DIT que les éventuels dépens sont à la charge de la partie défenderesse ". Suivant déclaration de son avocat expédiée le 17 juillet 2008 par lettre recommandée au greffe de la cour d'appel de Metz, la société ADG Moselle a interjeté appel de ce jugement.

L'affaire a été radiée par ordonnance du 2 juin 2010 puis, après son rétablissement, a fait l'objet d'un retrait du rôle suivant un arrêt du 4 juin 2012. Par acte enregistré au greffe le 8 juin 2012, Daniel Y...a sollicité la réinscription de l'affaire. Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la société ADG Moselle demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter Daniel Y...de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Daniel Y...demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société ADG Moselle à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les frais et dépens.

MOTIFS DE L'ARRET
Vu le jugement entrepris ; Vu les conclusions des parties, déposées le 19 mai 2014 pour l'appelante et le 23 mai 2012 pour l'intimé, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. L'employeur supporte la preuve de la matérialité de la faute grave et de son imputation certaine au salarié.

Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée : " Vous étiez convoqué le 22 mars 2006 à 09 heures en nos bureaux d'OLGY pour un entretien préalable au licenciement.

Vous vous êtes présenté seul à cet entretien et avez accepté qu'il se tienne à 08 heures 15. Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de faute. Nous vous avons fait part de ces faits lors de notre entretien. Lors de nombreux entretiens téléphoniques ou verbaux, nous vous avons informé de la baisse du chiffre d'affaires de certains clients. Vous vous étiez engagé à relever la situation pour le second semestre 2005. A ce jour, aucune évolution n'est constatée.

En outre, M. Z...doit régulièrement vous rappeler de démarcher vos clients et de prospecter de nouveaux clients. En effet nous avons été surpris d'apprendre chez un client visité par M. Z...qu'il n'avait vu personne de la société depuis plusieurs années. S'agissant de vos plannings et comptes-rendus qui vous ont été réclamés à maintes reprises, il devait nous être adressé chaque semaine. Vous ne daignez pas les envoyer. Aucun suivi de client n'est effectué. Lors de vos rares visites à MALZEVILLE, début janvier, sur notre demande, nous vous demandions le compte-rendu de visites de la semaine précédente. Il s'est avéré que vous n'étiez nullement en mesure de nous répondre. Vous deviez adresser le rapport le jour suivant. A ce jour, nous n'avons aucun document. Lorsque vous vous rendez chez des clients dépositaires de nos produits pour état de stock, vous comptez les produits de la concurrence.

Nous avons remarqué que vous nous précisiez être allé chez des clients alors que nous avons eu confirmation du contraire et que de nombreux clients nous demandaient les tarifs ou autre information car ils ne vous avaient pas vu. Egalement, vous avez à plusieurs reprises dit à M. Z...que c'étaient nos produits qui étaient sur le parc des clients ce qui est totalement faux. Vous veniez soi-disant de passer deux jours avant chez le client et M. Z...se trouvait sur le parc, il a pu constater qu'il s'agissait de produits de la concurrence. Vous n'avez aucune rigueur dans vos rendez-vous, puisque même lorsque vous deviez rappeler des clients vous ne le faisiez pas et les clients nous rappelaient au siège. Nous sommes toujours surpris de voir que vous ne connaissez pas les conditions tarifaires des clients, alors qu'à plusieurs reprises vous nous avez dit que votre fichier client était à jour. Nous avons eu à déplorer dans vos dossiers que les fiches de visite n'étaient pas tenues ou peut-être est-ce parce que les client n'étaient pas visités.

Nous sommes surpris que vos clients ne connaissent pas votre nom et lorsqu'il nous appellent au siège, ils nous demandent à ce que « le commercial, le grand à lunettes » les rappelle d'autant, que vous avez un téléphone portable. Il est vrai que lorsque l'on essaie de vous joindre sur votre portable souvent vous ne répondez pas et rappelez dans les quelques minutes qui suivent. Nous avons été très étonnés-d'avoir des bons de livraison signés par vos soins et non par les clients-de trouver des factures manuelles dans les dossiers des clients dont nous ne trouvons aucune trace en comptabilité-de trouver des offres de prix sans papier entête, signées par vos soins, sans accord de la direction ni même d'en être informés.

A plusieurs reprises, nous avons eu à déplorer que vous nous adressiez le courrier avec beaucoup de retard et souvent parce que nous vous le réclamions ce qui causait un préjudice pour l'image de la société puisque nous avons relancé de clients pour retard de paiement alors que vous étiez en possession du chèque. De même, pour la caisse nous venons de découvrir que le 19 août 2005 vous avez sitpulé avoir remis 200euros en espèces sur le compte CCP or, cet argent n'a jamais été déposé sur le compte et vous n'êtes en aucune mesure de fournir ni justificatif ni aucune explication. vous avez occulté totalement de nous en avertir et c'est par hasard, en essayant de vous joindre pour obtenir des documents que vous avez dû nous avouer être chez vous soit malade en nous fournissant un arrêt hors délai, soit avoir des soucis avec la voiture. Votre bureau est dans un état lamentable de propreté et d'organisation. Vous avez désorganisé l'ensemble du travail, nous avons retrouvé de nombreux documents non traités (commandes retrouvées dans un tas de publicité, bons de commande, demandes d'offre de prix...).

Vous avez dénigré la société et son PDG auprès de clients, ceci nous ayant été rapporté par ces mêmes clients. Vous avez accusé vos collègues, employées administratives auprès de la direction, de ne pas vous envoyé les statistiques clients pour vos tournées alors que nou n'avons pas vos plannings. Vous deviez vous occuper d'aller recouvrir des sommes impayées chez des clients : rien n'a été fait ce qui cause un préjudice financier à la société.

Alors que de la marchandise a été chargée par semis complets par des inconnus vous n'avez apporté aucune réponse. Comment est-ce possible. Et déjà à plusieurs reprises nous vous avions convoqué pour signaler un problème de marge. Vous étiez convoqué au tribunal le 06 juin 2005 à 16 heures suite au cambriolag d'OLGY de mai 2004, vous ne vous y pas rendu. Vous ne vous êtes nullement intéressé à la nouvelle chaîne de production qui est en train de se mettre en place à l'usine dont vous êtes responsable. Ce sont le PDG et le DG qui ont dû prendre les choses en main. Ils ont eu à déplorer l'état dans lequel vous avez laissé le matériel (centrale, malaxeur, eau, électricité,...). Votre non-suivi et négligence ont entraîné des frais considérables de remise en état.

Nous avons appris dernièrement que M. B...C...qui avait démissionné de notre société était à la concurrence (ce qui n'est pas un problème en soi) mais ce qui est grave c'est que son entretien d'embauche ait eu lieu à l'usine d'OLGY et que vous-même ne saviez pas puisqu'il travaille chez un de nos clients et que vous avez caché cet état au PDG ce qui est un manque de confiance ou alors c'est un de nombreux clients non visité. Les explications recueillies auprès de vous lors de l'entretien du 22 mars 2006 ne nous ont pas permis de modifier nos appréciations à ce sujet. vos manquements aux règles de discipline, d'organisation du travail, des consignes, de justification d'absence. Vos manquements de loyauté pour vos agissements moralement répréhensibles nous obligent à vous informer que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Le licenciement prend donc effet immédiatement dès présentation de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni indemnité de licenciement ". Il convient de relever tout d'abord que l'allégation du salarié suivant laquelle il aurait en réalité été licencié pour des motifs économiques ou en raison de son salaire qui était trop élevé n'est étayée par aucun élément objectif. Au soutien de son appel, la société ADG Moselle verse aux débats une attestation de Willy D..., commercial au sein de la société Buch depuis 1988, qui indique qu'il n'avait jamais été visité ni rencontré par le commercial de la société ADG et une attestation de Philippe J..., commercial chez ADG depuis juin 2006 chargé de couvrir l'ancien secteur de Daniel Y..., qui relate que certains clients, dont la société Buch, n'avaient jamais vu Daniel Y.... Il suit de là que ce défaut de visite de client s'est poursuivi jusqu'à la rupture du contrat de travail alors que l'attestation de Daniel E..., embauché le 2 janvier 2006 au sein d'ADG en qualité de directeur commercial, établit que le 10 février 2006, il a lui-même demandé à Daniel Y...d'organiser une tournée et que le PDG de la société ADG Moselle a exprimé à cette même occasion son mécontentement à l'égard de Daniel Y...qui ne semblait pas concerné par la clientèle. Le défaut de visite d'un client depuis plusieurs années est donc avéré. Il constitue une faute au regard de sa durée et du fait qu'il a persisté en dépit de la demande exprimée par le directeur commercial et du mécontentement signifié par le dirigeant, cette persistance jusqu'au licenciement excluant toute prescription de ce fait. La société ADG Moselle produit aussi deux attestations d'Yvon F..., délégué de la société Groupama dont la société ADG Moselle est l'un des fournisseurs, qui indique que quelques mois après sa nomination en qualité d'administrateur délégué de Groupama datant de septembre 2005, Daniel Y...lui a rendu visite et a, à cette occasion, vertement critiqué la société ADG et son PDG, M. Z..., en disant que celui-ci n'avait pas la carrure pour gérer un groupe comme ADG et que lui-même espérait bientôt être licencié par ADG, sollicitant même Yvon F...pour un poste d'acheteur au sein de Groupama. Yvon F...précise avoir informé M. Z..., lors d'un rendez vous le 3 février 2006 avec celui-ci, de ces propos et de la demande d'embauche de Daniel Y.... Ces attestations caractérisent ainsi un manquement à l'obligation de loyauté à laquelle Daniel Y...était tenu et, plus précisément, établissent le grief de dénigrement visé dans la lettre de licenciement, à l'égard d'un client. Ce manquement à l'obligation de loyauté constitue une faute dont l'employeur justifie n'avoir eu connaissance que le 3 février 2006, soit moins d'un mois et demi avant la convocation à l'entretien préalable, de sorte que la prescription n'est pas acquise. Daniel E...indique dans son attestation que lors de sa visite du 10 février 2006 avec M. Z...à Olgy, il a notamment constaté que les documents n'étaient pas classés, que les dossiers clients n'étaient pas traités, qu'aucun dossier client n'était à jour et que le PDG ne disposait d'aucun planning de visite et de compte rendu. Il indique avoir demandé à Daniel Y...de mettre à jour les dossiers et d'organiser une tournée. Il fait aussi état, comme cela a déjà été mentionné, du mécontentement alors exprimé par le PDG de la société ADGMoselle à l'égard de Daniel Y..., précisant que celui-ci s'est vu signifier par le dirigeant un dernier avertissement verbal et que Daniel Y...a promis de se resaisir. Néanmoins, il indique que sa demande n'a jamais été satisfaite et qu'il a constaté, lors d'une nouvelle visite à Olgy le 24 février 2006, que rien n'avait changé dans le bureau, en particulier en ce qui concerne l'absence de traitement des télécopies clients. Il est également versé aux débats une attestation d'Annette H..., salariée d'ADG, qui relate avoir relevé le 10 mars 2006 lors d'une visite dans les bureaux d'Olgy une dizaine de télécopies non traitées portant sur des demandes de tarifs, de visites et de documentation technique dont certains dataient de plus de trois semaines. Si Daniel Y...produit quelques réponses données par lui à des demandes d'intervention de clients et quelques offres de prix faites à des clients, force est de constater que la plupart de ces documents est antérieure de nombreux mois, voire de nombreuses années, au licenciement, seuls six d'entre eux datant des six mois avant la rupture du contrat de travail. Ces éléments ne sont donc pas de nature à contredire les attestations. Celles-ci justifient au contraire que les griefs relatifs à l'absence de plannings, de compte-rendus et de suivi de client, à la non tenue de fiches clients et à la désorganisation du bureau sont établis et que cette absence de reporting ainsi que de suivi, manifestée tant par le défaut de mise à jour des dossiers que par le défaut de réponse à des demandes anciennes de clients arrivées par fax, a été constatée alors même que l'employeur avait donné des instructions sur ces points à Daniel Y...et l'avait rappelé à l'ordre. Il convient à cet égard de souligner que même si le contrat de travail ne prévoyait pas spécifiquement que Daniel Y...devait transmettre à sa hiérarchie des plannings ou des compte-rendus de visite, il n'en stipulait pas moins que Daniel Y...s'obligeait à rendre compte de son activité dans les conditions qui lui étaient prescrites par la direction. Dès lors, quand bien même Daniel Y...n'aurait pas été obligé par le passé de justifier de cette manière de son activité, les instructions données par la société ADG Moselle étaient fondées et d'autant plus légitimes au regard de la découverte par l'employeur de l'absence de démarchage d'un client depuis plusieurs années, du défaut de suivi des clients et de la désorganisation régnant dans son bureau. Les diverses abstentions imputables à Daniel Y...dans de telles circonstances caractérisent une négligence fautive et non pas une insuffisance professionnelle. La prescription n'est pas non plus acquise de ces chefs, les manquements s'étant poursuivis jusqu'à la fin du contrat de travail. Les griefs ci-dessus établis, qui révèlent de la part de Daniel Y...de multiples carences fautives et un manquement à l'obligation de loyauté d'autant plus grave au regard de sa qualité de cadre, s'analysent en un ensemble de faits imputables au salarié qui constituait une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise pendant la durée du préavis si bien que sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs visés dans la lettre de rupture, le licenciement pour faute grave de Daniel Y...est justifié. Le jugement doit être infirmé en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement pour faute grave
Le licenciement pour faute grave étant privatif du préavis et de l'indemnité de licenciement, il convient de débouter le salarié de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement. Daniel Y...doit être également débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ces sens.

Sur la contrepartie financière de la clause de non concurrence et les congés payés afférents
Le contrat de travail signé par les parties contient une clause de non concurrence qui interdit au salarié d'exercer une activité susceptible de concurrencer celle de l'employeur et de s'intéresser directement ou indirectement à aucune affaire ou entreprise exerçant une activité concurrente, ce pendant une durée de 2 ans à compter de l'expiration du contrat et l'interdiction s'étendant au département de la Moselle et aux départements limitrophes, et qui oblige l'employeur, en contrepartie, à verser au salarié, après l'expiration du contrat, une indemnité mensuelle au moins égale à la moitié de la rémunération pendant la durée de l'interdiction. Le contrat prévoit que " la société pourra à tout moment renoncer au bénéfice de la clause de non concurrence en prévenant le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception " et que ¿ l'employeur pourra libérer le salarié de l'obligation de non concurrence et se décharger de l'indemnité compensatrice en prévenant le salarié par écrit, au plus tard un mois après la rupture du contrat ".

La convention collective nationale des cadres des industries de carrières et matériaux dispose pour sa part que l'employeur peut abroger la clause de non concurrence à tout moment au cours du contrat, et au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement. Il convient donc de constater l'existence de divergences entre les dispositions de la convention collective et les stipulations contractuelles s'agissant du délai prévu pour la renonciation par l'employeur et de la forme dans laquelle elle doit intervenir, le contrat exigeant une renonciation écrite qui ne l'est pas par la convention collective, la circonstance que la convention prévoit que la renonciation doive se faire au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement n'imposant pas une forme écrite pour toute renonciation en cours de contrat. Selon l'article L 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

L'appréciation du caractère plus favorable en matière de renonciation de l'employeur doit se faire globalement entre la clause de la convention collective et celles du contrat de travail. Or, il est manifeste que celle de la convention collective est plus favorable dès lors qu'elle prévoit que la renonciation doit se faire au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement. Il y a lieu en conséquence d'appliquer la clause de la convention collective. En l'espèce, la société ADG Moselle a, par lettre adressée le 31 mars 2006 à Daniel Y..., confirmé à ce dernier leur entretien verbal du 30 mars 2006, à savoir que la clause de non concurrence était levée. Cette lettre de même que l'entretien du 30 mars 2006 auquel elle fait référence sont postérieurs à la notification du licenciement. Mais la société ADG Moselle produit aussi deux attestations :- une de Serge I..., fournisseur de la société ADG Moselle, qui indique que se trouvant le 30 mars 2006 à Olgy, il a entendu M. Z..., dirigeant de ladite société, dire à Daniel Y...qu'il n'était plus redevable de la clause de non concurrence comme cela avait été convenu lors de l'entretien préalable ;- une de Silvio Z..., cousin du PDG d'ADG Moselle et dirigeant d'une autre entreprise, disant avoir entendu le 22 mars 2006, soit le jour fixé pour l'entretien préalable, une conversation entre Stéphane Z..., Daniel Y...et Annette H...au travers de la cloison séparant son bureau de celui où avait lieu cet entretien. Selon le témoin, Daniel Y...a demandé ce qu'il en était de sa clause de non concurrence et Stéphane Z...a répondu qu'elle était levée et ne s'appliquait plus, l'auteur de l'attestation précisant que dans les jours suivants, Daniel Y...lui a indiqué qu'il souhaitait recevoir rapidement sa lettre de licenciement car M. Z...ne l'empêchait pas d'aller travailler à la concurrence. Aucune raison ne permet de douter de la sincérité de ces attestations qui se recoupent et qui établissent que l'employeur a manifesté oralement et expressément la volonté de renoncer à se prévaloir de la clause de non concurrence le 22 mars 2006 de sorte que la renonciation est intervenue dans des conditions conformes aux prévisions de la convention collective. Dès lors, Daniel Y...ne peut prétendre à la contrepartie financière de la clause de non concurrence. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 32 527, 68 euros à ce titre ainsi que les congés payés afférents.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Daniel Y..., qui succombe, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de la situation économique respective des parties, il n'y a pas lieu à condamnation de Daniel Y...au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

Déboute Daniel Y...de toutes ses demandes ; Déboute la société ADG Moselle de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société ADG Moselle aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01861
Date de la décision : 30/06/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 02 décembre 2015, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 décembre 2015, 14-23.869, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-06-30;12.01861 ?
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