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22/10/2014 | FRANCE | N°13/00571

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 22 octobre 2014, 13/00571


Arrêt no 14/ 00542

22 Octobre 2014--------------- RG No 13/ 00571------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH 20 Décembre 2012 12/ 0195 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

vingt deux Octobre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMÉE INCIDENTE :
SARL CASH RESTOLOR représentée par son représentant légal Rue Robert Bunsen Technopôle Forbach Sud 57600 FORBACH

Représentée par Me HAXAIRE, avocat au barreau de METZ, substitu

é par Me SALANAVE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ AU PRINCIPAL et APPELANT INCIDENT :

Monsi...

Arrêt no 14/ 00542

22 Octobre 2014--------------- RG No 13/ 00571------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH 20 Décembre 2012 12/ 0195 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

vingt deux Octobre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMÉE INCIDENTE :
SARL CASH RESTOLOR représentée par son représentant légal Rue Robert Bunsen Technopôle Forbach Sud 57600 FORBACH

Représentée par Me HAXAIRE, avocat au barreau de METZ, substitué par Me SALANAVE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ AU PRINCIPAL et APPELANT INCIDENT :

Monsieur Joseph X...... 57800 FREYMING MERLEBACH

Représenté par Me SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES, substitué par Me BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 002608 du 15/ 07/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier
ARRÊT :
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Joseph X...a été engagé à compter du 1er mars 2007 en qualité de manutentionnaire par la société Cash Restolor par contrat à durée indéterminée nouvelle embauche dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité.

Convoqué par lettre du 18 janvier 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il s'est vu notifier son licenciement aux termes d'une lettre du 2 février 2012 rédigée comme suit : " Ce licenciement est motivé par votre très longue absence de votre poste de travail, situation désorganisant le bon fonctionnement de notre entreprise, ce d'autant plus que votre remplacement par des salariés en CDD n'est plus possible ".

Suivant demande enregistrée le 18 avril 2012, Joseph X...a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Forbach.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, il a demandé à la juridiction prud'homale de :- ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 30 ¿ par jour de retard,- condamner la société Cash Restolor au paiement des sommes de : 115 ¿ nets au titre de la prime de responsabilité, 6. 650, 46 ¿ net au titre de l'indemnité de rupture, 1. 190, 35 ¿ net au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,- condamner la société Cash Restolor au paiement des sommes de : 2. 380, 71 ¿ nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 238. 07 ¿ nets au titre des congés payés sur préavis, 28. 500 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 1. 800 ¿ au titre de l'article 700 du CPC,- ordonner l'exécution provisoire sur toutes les dispositions du jugement.- condamner la partie défenderesse aux dépens.

La société Cash Restolor s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Joseph X...aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Forbach a, par jugement du 20 décembre 2012, statué dans les termes suivants :
" DIT que le licenciement de M. X...Joseph est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
CONDAMNE la Sarl CASH RESTOLOR à payer à M. Joseph X...:- la somme de 1. 217, 21 ¿ bruts (mille deux cent dix sept euros et vingt et un centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,- la somme de 500 ¿ (cinq cent euros) au titre de l'article 700 du CPC,- la somme de 2. 380, 71 ¿ nets (deux mille trois cent quatre vingt euros et soixante et onze centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,- la somme de 238, 07 ¿ nets (deux cent trente huit euros et sept centimes) au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,- la somme de 8. 628 ¿ nets (huit mille six cent vingt huit euros) au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

DEBOUTE M. Joseph X...de ses plus amples demandes ;
ORDONNE l'exécution provisoire sur toutes les sommes à l'exception de celle attribuée pour l'article 700 du CPC, jusqu'à concurrence de 14. 284, 26 euros ;
MET les dépens y compris ceux liés à l'exécution du jugement à la charge du défendeur ".
Suivant déclaration de son avocat reçue le 18 février 2013 au greffe de la cour d'appel de Metz, la société Cash Restolor a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié par lettre recommandée dont elle a signé l'avis de réception le 23 janvier 2013.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la société Cash Restolor demande à la Cour en infirmant le jugement entrepris, de débouter Joseph X...de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Joseph X...demande à la Cour de :
" DEBOUTER l'appelante de l'intégralité de ses fins et prétentions
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de FORBACH le 20/ 12/ 2012 en ce qu'il a :
- CONDAMNE la SARL Cash RESTOLOR à payer à Monsieur X...une somme de 1 190, 35 ¿ net au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés-DIT ET JUGE que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse-CONDAMNE la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 2 380, 71 ¿ net au titre de l'indemnité compensatrice de préavis-CONDAMNE la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 238, 07 ¿ net au titre des congés payés sur préavis

L'INFIRMER sur le surplus, ET, STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 115 ¿ net au titre de la prime de responsabilité
CONDAMNER la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 6 650, 46 ¿ net au titre de l'indemnité de rupture
CONDAMNER la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 28 500 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER la Sarl CASH RESTOLOR à verser à Monsieur X...une somme de 2 800 ¿ au titre de l'article 700 du CPC
CONDAMNER l'appelante aux entiers frais et dépens, d'instance et d'appel ".

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées le 27 août 2014 pour l'appelante et l'intimé, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le licenciement

La société Cash Restolor estime que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé que la désorganisation de l'entreprise et la nécessité du remplacement de Joseph X...n'étaient pas justifiées. Elle explique à cet effet qu'à l'époque du licenciement, elle employait 12 personnes, comportait deux services, un service épicerie sèche et un service produits frais, et avait un seul livreur en la personne de Joseph X.... Elle soutient dès lors qu'elle ne pouvait pas durablement affecter un autre de ses salariés à des tâches de livraison et que la succession des contrats d'intérim et des contrats de travail à durée déterminée auxquels elle a eu recours était perturbatrice, les fonctions de livreur supposant une certaine connaissance de la clientèle et de ses besoins. Elle affirme avoir procédé à une nouvelle embauche qui s'est avérée définitive, ce dans un délai raisonnable, la société Cash Restolor indiquant avoir embauché Angelo A..., lequel a démissionné, puis David B...qui est toujours en poste à ce jour.

Sollicitant la confirmation du jugement de ce chef, Joseph X...observe que la réalité de l'embauche définitive s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat est prise par l'employeur et qu'en l'espèce, à la date de l'entretien, le 27 janvier 2012, aucune embauche en contrat à durée indéterminée n'avait été réalisée, la prétendue embauche destinée à le remplacer n'ayant été faite qu'en mars 2012. Il relève également que l'employeur aurait pu prolonger ou renouveler le contrat de travail à durée déterminée qui arrivait à terme le 20 février 2012, notant de surcroît que les contrats produits par l'employeur n'ont pas été conclus au motif de son remplacement mais pour surcroît d'activité. Il fait valoir que l'employeur ne prouve pas que son remplacement nécessitait une embauche en contrat de travail à durée indéterminée puisqu'il a procédé à un engagement en contrat de travail à durée déterminée. Enfin, il rappelle qu'il était manutentionnaire livreur et en déduit que sa qualification n'était pas telle que son absence aurait désorganisé l'entreprise.
Les absences prolongées ou répétées pour maladie d'un salarié peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé du fait de ces absences, obligeant l'employeur à procéder au remplacement définitif de ce salarié. La charge de la preuve de la perturbation engendrée par les absences répétées et de la nécessité du remplacement définitif ainsi que de son effectivité dans un délai raisonnable incombe à l'employeur.
En l'espèce, il est constant que Joseph X...occupait concrètement un poste de manutentionnaire livreur au sein de la société Cash Restolor et qu'il a été absent pour cause de maladie à compter du 9 mai 2011jusqu'à la fin de son contrat de travail.
De telles fonctions de manutentionnaire livreur ne requièrent pas a priori une qualification particulière et il n'est démontré par aucun élément que la tenue du poste de Joseph X...supposait une formation ou une adaptation spécifique.

Au demeurant, il est établi par les pièces versées aux débats que la société Cash Restolor a rapidement et de manière régulière fait effectuer le travail qui était celui de Joseph X...par d'autres salariés. En effet deux de ses salariés, Pascal C...et Samuel D..., attestent avoir réalisé des préparations de commande et des livraisons pendant les mois de mai, juin et juillet 2011 où Joseph X...était absent. Il apparaît aussi que des contrats de mise à disposition de personnel intérimaire ont été conclus par la société Cash Restolor pour remplacer Joseph X...en mai et juin 2011. Enfin, la société Cash Restolor a embauché des salariés en contrat à durée déterminée. C'est ainsi qu'Eric E...a été engagé du 1er au 31 août 2011 pour remplacer Joseph X...et qu'Angelo A...l'a été pour le même motif suivant un contrat à durée déterminée sans terme précis ayant pris effet le 21 novembre 2011, la société Cash Restolor ayant par ailleurs passé, durant l'absence de Joseph X..., plusieurs contrats à durée déterminée pour accroissement d'activité lié à l'activité de livraison.

Or, la société Cash Restolor ne produit pas de pièce de nature à prouver que les solutions mises en place pendant les arrêts maladie de Joseph X...n'étaient pas satisfaisantes et qu'il subsistait des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise, l'appelante se bornant à affirmer que ces solutions temporaires ne pouvaient être utilisées ad vitam aeternam.
En outre, la cause réelle et sérieuse s'apprécie à la date du licenciement.
Or, en l'espèce, lorsque le licenciement a été notifié le 2 février 2012, le contrat à durée déterminée d'Angelo A..., conclu le 21 novembre 2011 pour remplacer Joseph X...et sans terme précis conformément à l'article L 1242-7 du code du travail, était toujours en cours. Et s'il apparaît qu'Angelo A...a démissionné, il résulte de la lettre de l'intéressé qui est produite qu'il a donné sa démission le 20 mars 2012, à effet du 7 avril 2012, si bien qu'à la date de notification du licenciement, rien ne s'opposait à la poursuite de la relation de travail entre la société Cash Restolor et Angelo A...jusqu'à la fin de l'absence de Joseph X..., comme le contrat à durée déterminée le prévoyait. Dès lors, au moment du licenciement, le remplacement définitif de Joseph X...s'imposait d'autant moins.
Et la nécessité de remplacer définitivement Joseph X...est encore contredite par le délai mis par la société Cash Restolor pour embaucher en contrat de travail à durée indéterminée un nouveau salarié en remplacement de Joseph X....
En effet, alors qu'Angelo A...l'a informée le 20 mars 2012 de sa démission, ce qui rendait le poste litigieux vacant, la société Cash Restolor a procédé à une embauche en contrat de travail à durée déterminée pour une durée de 3 mois à compter du 30 mars 2012 en recrutant de cette manière David B...et, lorsque ce contrat est arrivé à terme, le 30 juin 2012, la société Cash Restolor a simplement renouvelé pour une durée d'un mois le contrat à durée déterminée de David B..., celui-ci n'ayant finalement été embauché par contrat de travail à durée indéterminée qu'à compter du 1er août 2012. Il suit de là que le remplacement définitif de Joseph X...est intervenu quasiment six mois après son licenciement, ce qui excède un délai raisonnable au regard de la nature de l'emploi en cause et alors que la société Cash Restolor ne prétend pas avoir éprouvé de quelconques difficultés pour recruter en contrat à durée indéterminée un successeur à Joseph X....
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la preuve d'une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise liée à l'absence prolongée de Joseph X...et de la nécessité de remplacer définitivement ce dernier n'est pas rapportée.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société Cash Restolor conteste le principe même de la demande de dommages et intérêts en considérant que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse. A titre subsidiaire, elle estime que l'indemnité ne saurait excéder 6 mois de salaire.

Joseph X...argue des souffrances morales et financières liées à la perte de son emploi qui justifient selon lui, en tenant compte de son ancienneté, une indemnisation à hauteur de 18 mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté d'au moins deux ans acquise par le salarié lors de son licenciement et l'appelante ne contestant pas qu'elle employait habituellement plus de dix salariés, il y a lieu de faire application de l'article L 1235-3 du code du travail.
Agé de 42 ans et embauché depuis environ 4 ans lors de son licenciement, Joseph X...disposait d'un salaire mensuel moyen de 1 587, 14 euros.
Il ne justifie pas de sa situation au regard de l'emploi à la suite de la rupture de son contrat de travail et rien n'établit que le suivi psychologique dont il prouve faire l'objet soit en lien avec son licenciement.
Il n'en demeure pas moins qu'au regard de la perte de son ancienneté, il justifie d'un préjudice non intégralement réparé par l'indemnité minimale.
En considération de ces éléments, le préjudice résultant de la perte de son emploi sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 11 000 euros, le jugement devant être infirmé en ce sens.
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient en outre d'ordonner à la société Cash Restolor de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Joseph X...du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnités.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La société Cash Restolor soutient que Joseph X...était inapte médicalement à exercer son emploi durant la période de préavis et s'oppose en conséquence au versement d'une indemnité compensatrice à ce titre. Très subsidiairement, elle estime qu'il appartient à Joseph X...de justifier qu'il n'a pas perçu d'indemnités journalières pendant la durée de son préavis.

Joseph X...rétorque que l'indemnité compensatrice est une sanction du licenciement abusif et est due, que le salarié soit ou non en arrêt maladie, sans que les indemnités journalières de sécurité sociale éventuellement perçues puissent " impacter " son montant.
Il résulte de l'article L 1234-5 du code du travail que l'indemnité compensatrice de préavis est due en cas de dispense par l'employeur.
Or, en l'espèce, la lettre de licenciement mentionne expressément : " Votre préavis de deux mois dont vous êtes dispensé prendra effet à la première présentation de ce courrier recommandé ".
Ayant ainsi dispensé son salarié d'exécuter le préavis, la société Cash Restolor était tenue de verser, sans déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale, l'indemnité compensatrice de préavis, peu important que Joseph X...n'ait pas été en mesure d'exécuter son préavis du fait de son état de santé.
Compte tenu de la moyenne des 3 derniers mois de salaire, c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a condamné la société Cash Restolor à payer à Joseph X...une indemnité compensatrice de préavis de 2 380, 71 euros, outre la somme de 238, 07 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l'indemnité de rupture

La société Cash Restolor estime que Joseph X...invoque vainement l'article 11 de son contrat de travail pour prétendre au paiement d'une indemnité de rupture dès lors que la loi no 2008-596 a instauré un régime plus favorable en matière d'indemnité de rupture et que Joseph X...ne peut cumuler les dispositions de la loi et celles de son contrat. A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que le salarié ne saurait inclure dans le décompte de ses prétentions des rémunérations pour les années 2011 et 2012 puisqu'il était en arrêt de travail durant cette période.

Invoquant l'article 11 de son contrat de travail et se fondant sur les rémunérations qu'il aurait perçues depuis la conclusion de son contrat, Joseph X...réclame une indemnité de rupture de 6 650, 46 euros net et sollicite l'infirmation du jugement de ce chef. Il soutient que si la loi no 2008-596 a supprimé ce type d'indemnité, elle n'a pu le faire que pour l'avenir et non pour les contrats en cours d'exécution.
L'article 11, intitulé " dispositions particulières ", du contrat conclu par les parties le 1er mars 2007 est ainsi rédigé :
" Conformément à l'ordonnance no 2005-893 du 2 Août 2005, durant les deux premières années suivant sa conclusion, le contrat peut être rompu à l'initiative de Sàrl CASH RESTOLOR ou de Mr Joseph X...dans les conditions suivantes :
Notification La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Préavis Lorsque la rupture est à l'initiative de la Sàrl CASH RESTOLOR ou Mr Joseph X..., la présentation de la lettre recommandée fait courir un préavis :-2 semaines pour une ancienneté dans le contrat comprise entre 1 mois et moins de 6 mois-1 mois pour une ancienneté dans le contrat à partir de 6 mois

Indemnité : Lorsque la Sàrl CASH RESTOLOR est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, il est du au salarié une indemnité égale à 8 % du montant totale de la rémunération brute versée depuis la conclusion du contrat "

Ainsi qu'elles l'indiquent, ces stipulations, notamment en ce qu'elles prévoient le versement d'une indemnité égale à 8 % de la rémunération brute du salarié depuis la conclusion du contrat en cas de rupture à l'initiative de l'employeur pendant les deux premières années du contrat hors le cas de faute grave, sont l'application des dispositions de l'ordonnance no 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail " nouvelles embauches ", plus particulièrement de l'article 2 alinéas 3 à 6 de l'ordonnance ensuite codifié à l'article L 1236-1 du code du travail, le contrat " nouvelles embauches " instauré par ladite ordonnance étant un contrat à durée indéterminée qui différait du contrat de droit commun par des modalités spécifiques de rupture applicables pendant les deux premières années suivant sa conclusion.
Or l'article L 1236-1 du code du travail a été abrogé par la loi no 2008-596 du 25 juin 2008 qui a prévu en son article 9 II que les contrats nouvelles embauches en cours à la date de publication de la loi étaient requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun.
Il s'ensuit que le contrat litigieux, qui était toujours en cours lors de la publication de la loi no 2008-596, a été de plein droit requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun si bien que Joseph X..., licencié après la requalification, ne peut prétendre au paiement de l'indemnité spéciale de 8 % qui était prévue en cas de rupture d'un contrat " nouvelles embauches ".
Au demeurant, il convient de relever que selon l'article 11 du contrat lui-même, l'indemnité de rupture égale à 8 % du montant total de la rémunération brute versée depuis la conclusion du contrat n'était due qu'en cas de rupture à l'initiative de l'employeur survenue durant les deux premières années suivant ladite conclusion alors que Joseph X...a été licencié après l'expiration de ces deux premières années, le contrat ayant été conclu le 1er mars 2007 et le licenciement ayant été notifié le 2 février 2012.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Joseph X...de cette demande.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Sollicitant l'infirmation du jugement à ce titre, la société Cash Restolor fait valoir qu'en cas d'absence pour cause de maladie, le salarié ne peut prétendre à des droits à congés payés et, subsidiairement, que conformément à l'article 7-1. 1 alinéa 7 de la convention applicable, en cas d'absence du salarié pour cause de maladie, celui-ci ne peut prétendre au maximum qu'à deux mois de congés payés.
Joseph X...considère qu'en application de la jurisprudence désormais constante de la CJUE, le salarié peut prétendre au décompte de ses congés payés même en période de maladie. Il ajoute qu'il ne réclame que 49 jours de congés payés, soit un montant inférieur à deux mois de congés payés.
Il résulte de l'article L 3141-26 du code du travail que la rupture du contrat de travail avant que le salarié ait pu solder son droit à congé lui ouvre droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
En l'espèce, Joseph X...ne conteste pas le décompte effectué par l'employeur des jours de congés payés acquis jusqu'au 31 mai 2011, soit 26, 5 jours, mais revendique encore 22, 5 jours pour la période postérieure.
Or, durant toute cette période, il a été en arrêt maladie.
La directive no 2003/ 88/ CE relative à l'aménagement du temps de travail ne peut permettre, dans un litige entre particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, Joseph X...n'est pas fondé à se prévaloir de ladite directive, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'union européenne, pour revendiquer des droits à congés payés à l'encontre de son ex employeur, entreprise de droit privé, non prévus par le droit français.

Il résulte des articles L 3141-3 et L 3141-5 du code du travail que le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une maladie non professionnelle n'acquiert pas de droit à congé pendant la durée de cette suspension de son contrat de travail, ce à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables.
L'article 7-1. 1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire applicable prévoit que la durée des congés payés est fixée conformément à la législation en vigueur et que " n'entraînent aucune réduction des congés payés tant en ce qui concerne leur durée que le montant de l'indemnité correspondante les absences pour maladie des salariés comptant deux ans de présence pendant la période de référence au cours de laquelle ils ont acquis des droits à congés payés, dans la limite de deux mois (si la durée totale des absences a excédé deux mois, les congés payés sont dus pour deux mois) ".
Joseph X...remplit la condition de présence susvisée mais son absence pour maladie ayant duré plus de deux mois, il ne peut en tout état de cause prétendre, en vertu de cette disposition conventionnelle, qu'à 5 jours de congés payés, représentant 2, 5 jours de congés payés par mois x 2 mois, acquis pendant sa période de maladie.
Ainsi, lorsque le contrat de travail a pris fin, il devait percevoir une indemnité compensatrice de 31, 5 (26, 5 + 5) jours de congés payés, soit 31, 5 (jours) x 9, 4813 (salaire horaire) x 7 (heures) = 2 090, 67 euros.
Or, il ressort de son bulletin de salaire d'avril 2012 qu'il a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 2 034, 88 euros, ledit bulletin et l'appelante n'expliquant pas les modalités de calcul de cette somme.
Il s'ensuit que la société Cash Restolor doit être condamnée au paiement de la somme de 55, 79 euros (2 090, 67 euros-2 034, 88 euros) à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la prime de responsabilité

La société Cash Restolor s'oppose à cette demande au motif que seule la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire s'applique. Au surplus, elle soutient que Joseph X...ne procédait pas à des encaissements dès lors que les paiements intervenaient soit pas chèques, soit par traites. Plus subsidiairement encore, elle relève que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il aurait encaissé le montant allégué.

Joseph X...fait valoir qu'en vertu de l'article 11 de la convention collective, il est en droit de prétendre à une prime égale à 1/ 1000e du montant des espèces encaissées et que sur la période du 1er mars 2007 au 8 mai 2011, il a encaissé environ 115 000 euros. Il observe que l'employeur ne produit pas les livres de compte de nature à justifier des modes de paiement dont il se prévaut et qu'il pourra y être condamné sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
L'annexe I relative aux employés, ouvriers, personnel de livraison de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire applicable dispose en son article 11, premier alinéa, que les chauffeurs-livreurs-encaisseurs qui doivent encaisser eux-mêmes le produit des livraisons bénéficient d'une prime de responsabilité destinée à les couvrir des risques relatifs à la perte éventuelle des sommes encaissées et des marchandises. Cette prime est calculée sur le montant des espèces encaissées. Son taux est de 1/ 1000.
Il appartient à Joseph X...qui revendique le bénéfice de cette prime de prouver qu'il était chargé de procéder à des encaissements.
Or, son contrat de travail ne le prévoit pas et il n'est versé aux débats aucun élément de nature à l'établir, la seule circonstance qu'il exerçait concrètement des fonctions de manutentionnaire livreur n'impliquant pas qu'il avait également une mission d'encaissement. Dès lors, il n'y a pas lieu d'ordonner à la société Cash Castolor de produire une quelconque pièce et Joseph X...doit être débouté de ce chef, le jugement étant également confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Cash Restolor, qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Joseph X...la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles que celui-ci a exposés tant devant les premiers juges qu'à hauteur de Cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité compensatrice de congés payés et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne la société Cash Restolor à payer à Joseph X...les sommes de :
-11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-55, 79 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés ;-2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cash Restolor à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Joseph X...du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnités ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Cash Restolor aux dépens d'appel.

Le Greffier, le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00571
Date de la décision : 22/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-10-22;13.00571 ?
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