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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00263

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 01 décembre 2022, 21/00263


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/00263 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNPD

Minute n° 22/00202





[V]

C/

[L]









Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état de [Localité 6], décision attaquée en date du 04 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00487





COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022









APP

ELANTE :



Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ









INTIMÉ :



Monsieur [N] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représenté par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/00263 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FNPD

Minute n° 22/00202

[V]

C/

[L]

Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état de [Localité 6], décision attaquée en date du 04 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00487

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

Monsieur [N] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 21 Juin 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 16 janvier 2009, Mme [X] [V] et M. [N] [L] ont contracté solidairement un prêt immobilier auprès du Crédit foncier de France pour acquérir un immeuble en indivision.

Par acte du 5 mai 2020, Mme [V] a assigné M. [L] devant le tribunal judiciaire de Thionville afin qu'il soit constaté qu'elle s'était acquittée seule de la dette qu'elle avait solidairement contractée avec M. [L] auprès du Crédit foncier de France et qu'elle était donc subrogée de plein droit dans les droits du Crédit foncier de France à l'égard de M. [L] et de voir condamné ce dernier à lui verser la somme de 28 973,82 euros au titre de sa part contributive.

M. [L] a constitué avocat et, par requête du 31 août 2020, a demandé au juge de la mise en état de déclarer la demande de Mme [V] irrecevable, considérant qu'elle devait engager une action en partage judiciaire et, subsidiairement, que la demande fondée sur la subrogation légale était prescrite.

Par ordonnance du 4 janvier 2021, le président du tribunal judiciaire de Thionville, agissant en tant que juge de la mise en état, a :

' rejeté la fin de non-recevoir tirée de la loi du 1er juin 1924 ;

' déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [V] ;

' condamné Mme [V] aux dépens de l'incident ;

' débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour rejeter la fin de non-recevoir fondée sur la loi du 1er juin 1924, le juge a retenu que l'immeuble a été vendu et que le prix de vente a été versé entre les mains du Crédit foncier de France de sorte qu'il n'y a plus lieu de procéder à la liquidation et au partage de l'indivision.

Concernant la prescription, le juge a considéré que M. [L] pouvait opposer à Mme [V], subrogée dans les droits du Crédit foncier de France par l'effet du paiement du solde du prêt qu'elle prétend avoir réglé seule, les exceptions dont il aurait disposé contre cette banque, et notamment l'exception tirée de la prescription biennale prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Le juge a ensuite retenu que, si les pièces produites ne permettaient pas de déterminer la date de la première échéance de prêt impayée et non régularisée, il était constant que la déchéance du terme était intervenue le 18 octobre 2011 et que Mme [V] ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription dans les deux ans suivant la déchéance du terme. Il a ajouté que le premier acte interruptif de prescription allégué par Mme [V] (une procédure de saisie arrêt sur salaire engagée à son encontre le 22 février 2016) est intervenu alors que la prescription biennale était acquise et que les paiements effectués postérieurement au 18 octobre 2013 ne sont pas de nature à remettre en cause l'acquisition de la prescription biennale. Le juge a donc déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [V].

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz en date du 27 janvier 2021, Mme [V] a interjeté appel aux fins d'annulation et subsidiairement d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré son action irrecevable comme prescrite et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'incident.

Par ses dernières conclusions du 20 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

' infirmer l'ordonnance entreprise ;

' la déclarer recevable en ses demandes ;

' renvoyer la procédure devant le tribunal judiciaire de Thionville, chambre civile, pour qu'il soit statué sur le fond ;

' en tant que besoin, ordonner une prise de renseignement d'office auprès de la banque Crédit foncier de France ' Service recouvrement négocié, [Adresse 2], aux fins de production de l'ensemble des actes ayant interrompu la prescription de la créance de la banque Crédit foncier de France à l'égard des deux débiteurs solidaires, que ce soit par un acte d'exécution forcée, un paiement ou une reconnaissance même partielle de la dette ;

En tout état de cause,

' déclarer M. [L] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions, moyens et prétentions ;

' condamner M. [L] aux dépens de l'instance d'incident et d'appel ;

' condamner M. [L] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [V] considère que le premier juge a fait une mauvaise application de la règle de droit et n'a pas pris en compte le fait que l'emprunteur solidaire qui a acquitté la dette dispose légalement de l'action récursoire, qui lui est personnelle, et de l'action subrogatoire. Elle estime que le fondement de la subrogation légale n'est pas exclusif de l'action personnelle et qu'elle pouvait donc exercer son recours sur ce fondement contre M. [L].

Elle indique qu'elle ne disposait d'aucune action contre son codébiteur solidaire avant d'avoir personnellement réglé la dette au-delà de sa part et que le point de départ du délai de prescription de l'action personnelle, qui est celui du droit commun, est fixé au jour du règlement de la dette. Elle précise que ce point de départ doit être fixé au 23 mars 2018, date à laquelle l'avocat de la banque a confirmé le règlement et donné main levée aux saisies, de sorte qu'ayant assigné le 5 mai 2020, elle n'était pas prescrite en ses demandes. Elle affirme en outre que la prescription biennale ne peut lui être opposée concernant l'action personnelle car elle n'est pas une professionnelle.

Elle ajoute que la prescription a été suspendue du fait de la procédure de conciliation et se prévaut également de l'article 2 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

Par ses dernières conclusions du 10 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'intimé demande à la cour de :

' confirmer l'ordonnance entreprise ;

' condamner Mme [V] en tous les frais et dépens d'instance et d'appel ;

' condamner Mme [V] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] expose que le recours en contribution à la dette exercé par le co-emprunteur qui acquitte celle-ci est fondé sur la subrogation légale prévue par l'article 1251 du code civil et non sur l'existence, entre les co-obligés, d'un lien contractuel supposant une cause, de sorte que la subrogation légale est le fondement de l'action en contribution à la dette et non une alternative. Il considère donc être fondé à opposer à Mme [V] la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation.

À titre subsidiaire, concernant l'action personnelle dont se prévaut Mme [V], M. [L] fait valoir que, en n'ayant pas invoqué la prescription biennale, qui était acquise le 2 décembre 2012, pour faire obstacle aux saisies arrêt sur son salaire effectuées en 2016 et 2017, Mme [V] a commis une faute qui est à l'origine exclusive du préjudice dont elle se prévaut aujourd'hui, ce qui exclu qu'elle puisse invoquer une créance à son encontre. Il considère que le condamner à assumer les remboursements effectués inconsidérément par Mme [V] reviendrait à le priver du droit de se prévaloir de ladite prescription. Il affirme également que l'action personnelle de Mme [V] est prescrite car également soumise à la prescription biennale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que l'appel ne porte pas sur la disposition de l'ordonnance ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la loi du 1er juin 1924. Cette disposition est donc définitive.

Sur la prescription de l'action

Mme [V] et M. [L] sont codébiteurs solidaires conformément à l'acte authentique du 16 janvier 2009 qui comporte une stipulation expresse de solidarité indivisible. Ce point n'est pas contesté.

Il résulte des dispositions du code civil que le codébiteur solidaire d'une dette ayant payé plus que sa part dispose d'une action personnelle et d'une action subrogatoire qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre. En effet, en application de l'ancien article 1214 du code civil et de l'article 1317 depuis l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le codébiteur qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours personnel contre les autres codébiteurs, à proportion de leur propre part. Par ailleurs, en application de l'ancien article 1251, 3° du code civil, et de l'article 1346 depuis l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le codébiteur dispose également d'une action subrogatoire.

Mme [V] ne développe aucun moyen tendant à remettre en cause la motivation du juge de la mise en état aux termes de laquelle l'action exercée sur le fondement de la subrogation légale est prescrite au regard du délai biennal de l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Cependant à hauteur de cour que Mme [V] soutient que son action peut également être fondée sur un recours personnel, fondement juridique qu'il convient d'examiner.

S'agissant de l'action personnelle, l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le délai biennal de prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation n'est pas applicable à l'action personnelle que peut exercer Mme [V] à l'encontre de son codébiteur, les parties n'étant pas liées par une relation professionnel/consommateur.

En l'espèce, le point de départ de l'action personnelle de Mme [V] se situe à la date du dernier paiement ayant éteint la dette solidaire. Au regard des pièces produites par l'appelante, le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé au 23 mars 2018, date du courrier du conseil de la SA Crédit Foncier de France aux termes duquel « ma mandante m'a informé avoir reçu le paiement de la somme de 37 151,79 euros. Par conséquent, sans aucune reconnaissance préjudiciable quelconque et sous toutes réserves, ma mandante accorde, avec effet immédiat, mainlevée pure et simple de la saisie-arrêt référencée L-SA-4858/17 pratiquée sur votre revenu ».

Mme [V] ayant assigné M. [L] en paiement le 5 mai 2020, son action n'est pas prescrite et est donc recevable. L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [V].

Le moyen tiré de l'éventuelle faute de Mme [V] ne relève pas de la mise en état mais du fond. M. [L] n'est donc pas fondé à l'invoquer au stade de la mise en état.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [V] aux dépens de l'incident.

M. [L], qui succombe à hauteur de cour, sera condamné aux dépens de l'incident, tant en première instance qu'en appel.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [X] [V] et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'incident ;

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de Mme [X] [V] ;

Condamne M. [N] [L] aux dépens de l'incident ;

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [L] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00263
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00263 ?
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