RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/00025 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FUWR
Minute n° 23/00001
[U]
C/
Association ASSOCIATION DE TIR DE L'US [Localité 10]
Ordonnance Référé, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 14 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 21/00179
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE DES URGENCES
ARRÊT DU 05 JANVIER 2023
APPELANT :
Monsieur [T] [U]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
ASSOCIATION DE TIR DE L'US [Localité 10], Association de droit local représentée par son Président
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 20 Septembre 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 05 Janvier 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère
Mme DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'association de tir de l'US [Localité 10] est une association sportive de tir qui exploite plusieurs stands de tir à [Localité 9] dont un stand de tir à 100 mètres, situé en parcelles section [Cadastre 1] n°[Cadastre 3] et n°[Cadastre 5], avec un accès distinct à la voie publique au moyen d'un passage à travers la parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 2].
M. [T] [U] est devenu propriétaire de la parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 2] en 2020 dans le cadre de la succession de sa mère, Mme [V] [U].
Par mail du 25 mars 2021, M. [U] a proposé à l'association la conclusion d'une convention autorisant le passage moyennant le versement d'une indemnité, sans succès.
Le 18 octobre 2021, il a fait ériger deux buttes ou merlons de terre bloquant l'accès à sa parcelle ainsi que le seul accès au stand de tir à 100 mètres de l'association de tir pour les véhicules.
Sur requête du 25 novembre 2021, l'association de tir de l'US [Localité 10] a été autorisée à faire assigner en référé d'heure à heure M. [U].
Par acte d'huissier de justice du 30 novembre 2021, remis à personne, elle a donc assigné M. [U] en référé d'heure à heure devant le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Sarreguemines à l'audience du 6 décembre 2021, en vue d'obtenir la condamnation du défendeur à rétablir l'accès depuis la voie publique jusqu'au stand de tir à 100 mètres qu'elle exploite.
M. [U] a constitué avocat et s'est opposé à ces demandes en invoquant l'existence d'une contestation sérieuse, l'absence de dommage imminent et l'absence de trouble manifestement illicite.
Par ordonnance de référé d'heure à heure du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
ordonné à M. [U] de supprimer les obstacles physiques (deux buttes ou merlons de terre) obstruant le passage parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 7] depuis la voie publique jusqu'au stand de tir à 100 mètres de l'association de tir de l'US [Localité 10], sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de l'ordonnance et pendant une durée de 365 jours, astreinte dont le juge des référés civils se réserve la liquidation ;
dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné chacune des parties aux dépens de l'instance en référé à hauteur d'une moitié, mais sous réserve d'une éventuelle décision ultérieure au fond ;
rejeté toute autre demande ;
rappelé que la décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;
rappelé que la décision, rendue en premier ressort, est immédiatement susceptible d'appel.
Le juge des référés a relevé que l'association utilisait depuis plusieurs années un passage sur la parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 2] afin d'accéder au stand de tir à 100 mètres et que le litige avec le propriétaire de la parcelle était récurrent et existait de longue date.
Après avoir rappelé qu'il n'avait pas compétence pour examiner le fond de l'affaire, il a relevé que les parties étaient opposées, depuis probablement 20 ans, concernant ce droit de passage, que différents moyens de droit pouvaient être apportés par chacune au soutien de leur position et qu'à défaut de pouvoir parvenir à un accord amiable, le litige devait être portée devant le juge civil du fond par la partie la plus diligente.
Il a retenu que l'édification d'un obstacle physique au passage, dans le but de saper la revendication par l'association de son droit de passage au titre de l'enclavement partiel de son installation, s'apparentait à un coup de force prenant les traits d'un trouble manifestement illicite, quand bien même M. [U] serait dans son bon droit au fond. Il a précisé que le juge des référés civils ne pouvait laisser admettre qu'une contestation civile en matière de droit de passage soit éteinte par un tel procédé. Il a en conséquence ordonné la destruction des obstacles et le rétablissement du passage, à charge pour la partie la plus diligente de saisir le juge civil au fond pour régler ce litige conformément à la loi
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz en date du 4 janvier 2022, M. [U] a interjeté appel aux fins d'annulation, et subsidiairement d'infirmation de l'ordonnance, visant toutes ses dispositions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions du 20 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [U] demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
dire et juger qu'il existe de multiples contestations sérieuses se heurtant aux prétentions de l'association de tir de l'US [Localité 10] ;
dire et juger qu'il n'existe pas de dommages imminents et de troubles manifestement illicites ;
dire et juger en conséquence n'y avoir lieu à référé ;
dire et juger les demandes de l'association mal fondées ;
condamner l'association aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ;
la condamner au paiement de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel ;
A titre infiniment subsidiaire,
réformer l'ordonnance relativement aux modalités de l'astreinte ;
dire et juger que l'astreinte courra à compter du trentième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, M. [U] fait valoir que l'association n'établit pas l'illicéité de trouble occasionné et que le « coup de force » invoqué par le premier juge réside dans l'attitude de l'intimée.
Il expose que l'article 682 du code civil n'est pas applicable du fait de l'absence d'état d'enclavement car la parcelle n°[Cadastre 3] dispose d'un accès à la voie publique. Il considère en outre que l'association avait parfaite connaissance de la configuration des lieux de sorte que c'est en connaissance de cause qu'elle a installé son stand de tir à 100 mètres à un endroit difficilement accessible et qu'elle ne peut ainsi s'arroger un droit de passage du fait d'un enclavement volontaire. Il en conclut que l'association ne dispose d'aucun droit légitime de passage et ne peut donc prétendre à l'existence d'un trouble illicite.
M. [U] ajoute que l'acte par lequel l'association a acquis le terrain lui interdisait d'implanter ce stand de tir à 100 mètres et qu'au regard des dispositions de l'article 1200 du code civil, l'existence de ce stand ne saurait dès lors constituer une charge pour lui.
Il fait également valoir que l'appropriation du chemin passant sur son terrain par les membres de l'association, ainsi que leur passage, cause un trouble manifeste et illicite à son droit de propriété. Il ajoute qu'en l'absence d'agrément et du fait de la proximité avec son terrain, le stand de tir à 100 mètres constitue un grave danger de blessures voire de mort (utilisation d'armes de tir à longue distance) de sorte que le merlon de terre qu'il a édifié concourt à sa sécurité. Il invoque en outre des nuisances liées au passage des adhérents (dépôt de déchets, dégradation de son véhicule).
L'appelant expose enfin que les prétentions de l'association se heurtent à des contestations sérieuses : le fait qu'elle ne rapporte pas la preuve du caractère enclavé de son fonds, que si le fonds s'avérait enclavé, il s'agirait d'un enclavement volontaire, et que l'association n'a pas respecté les règles d'urbanisme.
Par ses dernières conclusions du 21 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'association de tir de l'US [Localité 10] demande à la cour de :
rejeter l'appel de M. [U] et le dire mal fondé ;
confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
rejeter tous droits et moyens de M. [U] ;
condamner M. [U] aux entiers frais et dépens d'appel ainsi qu'au paiement de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
L'association de tir de l'US [Localité 10] expose que la situation d'enclave du stand de tir à 100 mètres est liée à la configuration des lieux, qui rend son accès impossible par la voie publique, et que le passage par la parcelle de M. [U] est utilisé depuis plusieurs années. Elle reprend la motivation du premier juge et précise qu'en érigeant ces buttes de plus de deux mètres de hauteur, M. [U] a enclavé le terrain du stand de tir à 100 mètres et l'a rendu inexploitable, de sorte que cela constitue bien un trouble manifestement illicite.
Elle ajoute que le débat sur l'illicéité du passage est indifférent car le juge des référés n'est pas saisi du principal. Elle estime qu'il est avéré qu'elle bénéficiait d'un passage aménagé au travers de la parcelle de M. [U] et que ce dernier ne pouvait, de son propre chef, l'en priver et y mettre fin.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Une contestation sérieuse sur le fond du droit n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à cet article.
Il est certain que la contestation relative à l'existence ou non d'une enclave et d'une servitude de passage relève de l'appréciation des juges du fond.
En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que l'association de tir utilisait depuis plusieurs années le chemin aménagé sur la parcelle appartenant désormais à M. [U] pour accéder au stand de tir à 100 mètres et que ce chemin constitue le seul accès praticable au stand de tir. Cependant, malgré l'existence d'un désaccord ancien sur ce droit de passage, qui ressort de courriers datés de 1998 et 2011 notamment, les parties n'ont jamais saisi le juge civil du fond du litige et le chemin litigieux a été emprunté sans autre difficulté particulière pendant plusieurs années.
Si M. [U] justifie son acte par l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite à son droit de propriété, il lui appartenait de le faire constater et le faire cesser par des moyens légaux et notamment par une décision de justice.
Aussi l'édification de deux buttes de terre sans aucune autorisation judiciaire afin d'empêcher l'accès au stand de tir par les membres de l'association de tir de l'US [Localité 10] constitue un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse sur le droit de passage.
Il convient de faire cesser ce trouble et l'ordonnance entreprise sera donc confirmée.
S'agissant de l'astreinte, mesure que le juge peut ordonner d'office et il est constant qu'en appel il peut en modifier les modalités.
Si l'astreinte prononcée apparait nécessaire en raison de la nature du litige entre les parties, le montant de l'astreinte prononcée apparait élevé. Il convient en conséquence de réduire l'astreinte à la somme de 30 euros par jour de retard mais de maintenir son point de départ tel que prononcé par le premier juge, s'agissant d'une décision de référé devant par nature être exécutée rapidement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à l'association de tir US de [Localité 10] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 par le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Sarreguemines en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de l'astreinte provisoire ;
Et statuant à nouveau de ce seul chef,
Dit que la décision qui a ordonné à M. [U] de supprimer les obstacles physiques (deux buttes ou merlons de terre) obstruant le passage parcelle section [Cadastre 1] n°[Cadastre 7] depuis la voie publique jusqu'au stand de tir à 100 mètres de l'association de tir de l'US [Localité 10], est prononcée sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de l'ordonnance du juge des référés de Sarreguemines du 14 décembre 2021 et pendant une durée de 365 jours, astreinte dont le juge des référés civils s'est réservé la liquidation
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [U] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [T] [U] à payer à l'association de tir de l'US [Localité 10] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre