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11/04/2024 | FRANCE | N°21/01048

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 11 avril 2024, 21/01048


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/01048 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPOW

Minute n° 24/00077





[H], [W]

C/

[H], [W], Société S.A.S. KOCH ET ASSOCIES, S.A. SOCIETE GENERALE









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 08 Avril 2021, enregistrée sous le n° 20/01690



COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 1

1 AVRIL 2024





APPELANTS :



Madame [M] [H] se disant [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ



Monsieur [J] [W]

UDAF

[Adresse 3]

[Localité 5]


...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01048 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPOW

Minute n° 24/00077

[H], [W]

C/

[H], [W], Société S.A.S. KOCH ET ASSOCIES, S.A. SOCIETE GENERALE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 08 Avril 2021, enregistrée sous le n° 20/01690

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 AVRIL 2024

APPELANTS :

Madame [M] [H] se disant [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

Monsieur [J] [W]

UDAF

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Madame [M] [H] se disant [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

Monsieur [J] [W]

UDAF

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

S.A.S. KOCH ET ASSOCIES, prise en la personne de Me [V] [I] ès qualités de liquidateur de M. [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Non représentée

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE :

S.A. SOCIETE GENERALE , représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 18 Janvier 2024 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 11 Avril 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 26 juillet 2011, la SCI Luximmo a acquis un immeuble situé à [Localité 8].

Par acte sous seing privé du 9 juillet 2011, la SA Société générale, ou ci-après la banque, a consenti à la SCI Luximmo, représentée par M. [J] [W] et Mme [M] [H], ses gérants, un prêt « Habitat » d'un montant de 330 000 euros au taux de 4,31 % l'an hors assurance, remboursable en 264 mensualités dont une durée de différé d'un an (1 241,35 euros assurances comprises) et ensuite en 252 échéances de 2 048,65 euros assurances comprises.

Par actes sous seing privé du même jour, M. [W] et Mme [H] se sont portés cautions solidaires des engagements de leur société pour une durée de 288 mois dans la limite de 429 000 euros.

Par acte authentique du 26 juillet 2011, le prêt a été réitéré pour permettre la vente du bien immobilier ainsi qu'une affectation hypothécaire.

Par courrier du 10 octobre 2018, la banque a mis en demeure la SCI Luximmo de rembourser les échéances impayées.

Par lettre du 6 mars 2019 la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt.

Par actes d'huissier des 30 juillet et 5 août 2020 remis en l'étude et valant procès-verbal de recherches infructueuses selon l'article 659 du code de procédure civile, la SA Société générale a fait assigner Mme [S] [H] et M. [W] devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir, au visa des dispositions des articles 2288 et suivants du code civil :

condamner solidairement M. [W] et Mme [H] à lui payer la somme de 290 796,92 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4,31 % l'an à compter du 25 juin 2020,

ordonner la capitalisation annuelle des intérêts,

condamner in solidum M. [W] et Mme [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonner l'exécution provisoire,

condamner M. [W] et Mme [H] en tous les frais et dépens.

M. [W] et Mme [H] n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

condamné M. [W] et Mme [H] à régler à la SA Société générale chacun la somme de 290 769,92 euros outre intérêts conventionnels au taux de 4,31 % l'an sur celle de 272 738,89 euros à compter du 25 juin 2020 selon demande et au taux légal à compter du jugement sur celle de 17 896,62 euros représentant l'indemnité contractuelle forfaitaire,

débouté la SA Société générale de sa demande en capitalisation des intérêts,

condamné in solidum M. [W] et Mme [H] aux dépens ainsi qu'à régler en outre in solidum à la SA Société générale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a considéré que la banque avait régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt. En effet, il a relevé que la banque avait, par courrier du 10 octobre 2018, vainement mis en demeure la SCI Luximmo de régler sous huitaine ses échéances impayées sous peine de déchéance du terme. Le tribunal a aussi relevé que la banque avait bien informé les cautions de la mise en demeure adressée à la SCI Luximmo le 10 octobre 2018 et du prononcé de la déchéance du terme du prêt le 6 mars 2019, puis qu'elle les avait régulièrement mis en demeure de lui régler les échéances impayées.

En outre, il a constaté que les cautions n'avaient pas constitué avocat, ni formulé de critique au sujet du principe ou du montant de la créance alléguée par la banque d'un montant total de 290 769,92 euros, de sorte qu'il y avait lieu de les condamner au paiement de cette somme outre intérêts. Néanmoins, il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une condamnation solidaire entre les cautions, car il ne ressortait ni des cautionnements ni des termes du contrat de prêt immobilier que les cautions avaient convenu d'une solidarité entre elles, la seule solidarité envisagée étant celle résultant des obligations contractées par l'emprunteur, la SCI Luximmo.

Enfin, le tribunal a considéré que la stipulation contractuelle du prêt tendant à l'application de l'anatocisme violait les dispositions d'ordre public de l'article L. 312-23 du code de la consommation, de sorte que la demande de capitalisation des intérêts formée par la banque devait être rejetée.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 27 avril 2021, M. [W] a interjeté appel aux fins d'annulation ou d'infirmation du jugement rendu le 8 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il :

l'a condamné avec Mme [H] à régler à la SA Société générale chacun la somme de 290 769,92 euros outre intérêts conventionnels au taux de 4,31 % l'an sur celle de 272 738,89 euros à compter du 25 juin 2020 selon demande et au taux légal à compter du jugement sur celle de 17 896,62 euros représentant l'indemnité contractuelle forfaitaire,

l'a condamné in solidum avec Mme [H] aux dépens ainsi qu'à régler en outre in solidum à la SA Société générale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Cette procédure a été enregistrée sous le N° RG 21/1048.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 11 mai 2021, Mme [M] [H] se disant [S] [H], a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 8 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il :

l'a condamnée à régler à la SA Société générale la somme de 290 769,92 euros outre intérêts conventionnels au taux de 4,31 % l'an sur celle de 272 738,89 euros à compter du 25 juin 2020 selon demande et au taux légal à compter du jugement sur celle de 17 896,62 euros, représentant l'indemnité forfaitaire, M. [W] étant condamné au même montant,

l'a condamnée in solidum avec M. [W] aux dépens ainsi qu'à payer à la SA Société générale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.

Cette procédure a été enregistrée sous le N° RG 21/1259.

Par ordonnance du 13 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N° RG 21/01259 et RG 21/01048 sous le N° RG 21/1048.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Metz a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de M. [W] et nommé la SAS Koch et associés, prise en la personne de Mme [V] [I], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 16 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a converti la procédure de redressement judiciaire de M. [W] en procédure de liquidation judiciaire.

Bien que la déclaration d'appel et les conclusions justificatives d'appel aient été signifiées à la SAS Koch et associés par acte d'huissier du 26 janvier 2023 remis à personne habilitée, cette dernière n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 6 mars 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [W] demande à la cour de :

juger recevable et fondé son appel,

juger que l'assignation est nulle,

En conséquence,

juger le jugement nul,

A titre subsidiaire,

infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

condamné à régler à la SA Société générale la somme de 290 769,92 euros outre les intérêts conventionnels au taux de 4,31 % l'an sur celle de 272 738,89 euros à compter du 25 juin 2020 selon demande et au taux légal à compter du jugement sur celle de 17 896,62 euros représentant l'indemnité contractuelle forfaitaire,

condamné in solidum avec Mme [H] aux dépens ainsi qu'à régler en outre in solidum à la SA Société générale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Vu les articles L. 314-18, L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation,

juger que son cautionnement à hauteur d'une somme de 429 000 euros est disproportionné,

En conséquence,

débouter la SA Société générale de ses demandes à son encontre,

Vu son redressement judiciaire,

Vu l'absence de déclaration de créance de la SA Société générale,

déclarer la demande de fixation de créance de la SA Société générale irrecevable,

condamner la SA Société générale aux entiers dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [W] estime ne pas avoir été régulièrement assigné, de sorte que selon lui l'assignation et le jugement sont nuls.

Subsidiairement, il estime que son engagement de caution est disproportionné à ses biens et revenus au jour de sa conclusion au sens des articles L. 314-18, L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, de sorte que la banque ne peut pas s'en prévaloir. En ce sens, il relève qu'au jour de la conclusion du cautionnement, il ne disposait ni d'un travail ni d'un patrimoine mobilier ou immobilier lui permettant d'assumer son engagement. Il ajoute que la banque ne démontre pas qu'il était en mesure de faire face à ses obligations au jour où il a été appelé en garantie. Il demande donc l'infirmation du jugement et le rejet des demandes de la banque.

Enfin, M. [W] rappelle qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son égard, et observe que bien qu'ayant été invitée à déclarer sa créance par le mandataire judiciaire par lettre du 24 novembre 2021, la banque ne l'a pas fait dans les délais impartis, et n'a pas sollicité de relevé de forclusion, de sorte qu'elle est selon lui forclose et ne peut plus demander la fixation de sa créance selon l'article L. 622-22 du code de commerce. Il en conclut que la présente procédure ne peut plus être reprise et reste interrompue à son égard jusqu'à la clôture de sa liquidation judiciaire.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [H] demande à la cour de :

recevoir son appel,

rejeter l'appel incident de la SA Société générale,

infirmer le jugement du 8 avril 2021,

inviter et au besoin enjoindre la SA Société générale à produire aux débats un décompte précis et actualisé de sa créance, expurgé des intérêts au taux contractuel et imputant les règlements effectués par le débiteur principal sur le principal de la dette,

déclarer la SA Société générale irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

déclarer manifestement abusive et subsidiairement nulle la clause figurant dans l'acte notarié daté du 26 juillet 2011 : « Exigibilité anticipée ' défaillance de l'emprunteur » aux termes de laquelle :

« A ' La SA Société générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans l'un des cas suivants :

- non-paiement à son échéance, d'une mensualité ou de toute somme dues à la SA Société générale »

juger en tant que besoin que la SA Société générale n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme,

juger que la SA Société générale ne peut se prévaloir de son cautionnement, comme étant manifestement disproportionné,

Subsidiairement,

prononcer la déchéance du droit pour la banque aux intérêts contractuels et du droit aux intérêts au taux légal majoré et dire et juger que, dans ses rapports avec la SA Société générale, les règlements effectués par le débiteur principal seront imputés au principal de la dette,

réduire à l'euro symbolique le montant de la clause pénale intitulée « indemnité forfaitaire de gestion », et à tout le moins, à bien plus justes proportions,

lui allouer des délais de paiement pour solder le solde de l'éventuelle dette par mensualités de 1 500 euros jusqu'à apurement, et à défaut par mensualités de 1 500 euros pendant 23 mois, le solde étant dû au 24ème mois,

En tout état de cause,

condamner la SA Société générale aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,

condamner la SA Société générale à payer à Mme [H] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les exceptions inhérentes à la dette, Mme [H] soutient que la banque n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme du prêt à l'encontre de la SCI Luximmo, de sorte qu'elle ne peut désormais se prévaloir du cautionnement à son encontre. Elle expose en effet que la banque ne démontre pas avoir adressé une mise en demeure régulière à la SCI Luximmo avant de prononcer la déchéance du terme de son prêt.

En ce sens, elle soutient que les différents courriers versés aux débats ne permettent pas de prouver l'accomplissement de cette formalité, car ils ne sont pas directement adressés à la SCI Luximmo ou ne revêtissent pas le formalisme requis au titre d'une mise en demeure préalable, la banque ne s'en prévalant pas explicitement.

Elle précise que la banque ne peut pas se prévaloir du courrier du 10 octobre 2018 à titre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme du prêt, car il se fonde sur une clause du prêt dite « Exigibilité anticipée ' défaillance de l'emprunteur » devant être déclarée non-écrite, subsidiairement nulle, selon l'article L. 212-1 du code de la consommation compte tenu d'une nouvelle jurisprudence (Civ 1re, 22 mars 2023 n° 21.16.044). En effet, elle explique que le délai de régularisation de la SCI Luximmo de huit jours prévu par cette clause et mentionné par le courrier est abusif. Elle précise que cette jurisprudence a bien un effet rétroactif, en ce qu'elle modifie uniquement l'interprétation de la loi. Elle ajoute en tout état de cause que ce revirement de jurisprudence était prévisible au regard de l'arrêt précurseur Banco Primus de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 janvier 2017 et de la réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 ayant abouti à la même solution. En tout état de cause, elle relève que la banque n'a pas déclaré dans ce courrier se prévaloir de la déchéance du terme du contrat à défaut de paiement dans les temps, de sorte que celui-ci ne constitue pas une mise en demeure préalable valable. Elle en conclut que la demande de la banque est irrecevable, sinon infondée.

Elle reproche enfin à la banque de ne pas préciser le montant des échéances impayées au titre de sa présente demande et affirme qu'elle ne peut désormais former de prétention à cet égard à peine d'irrecevabilité, une telle demande devant être considérée comme nouvelle.

Subsidiairement, elle demande le rejet sinon la réduction de l'indemnité forfaitaire de gestion réclamée par la banque aux motifs qu'elle constitue une clause pénale manifestement excessive et que la banque ne démontre pas avoir subi de préjudice du fait du défaut de paiement de la SCI Luximmo.

Sur la disproportion de l'engagement de caution, Mme [H] soutient que la banque ne peut se prévaloir de son cautionnement, car la banque ne justifie pas s'être renseignée sur ses facultés contributives conformément à l'article L. 332-1 du code de la consommation.

Sur le non-respect de l'obligation annuelle d'information et d'information à premier impayé, Mme [H] expose que la banque n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, car elle ne lui a jamais envoyé de lettre d'information annuelle. Elle affirme que la banque ne rapporte pas la preuve de l'envoi effectif des lettres qu'elle allègue avoir envoyées, de sorte qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels, avec pour conséquence l'imputation des paiements de la débitrice principale uniquement sur le capital de la dette. Elle demande en outre à ce que la banque soit privée de son droit à la majoration des intérêts au taux légal afin que la déchéance de la banque soit efficace.

Enfin, Mme [H] explique que le bien objet du prêt va être vendu, de sorte que la SCI Luximmo sera en mesure de régler une partie de sa dette. Elle demande donc à ce qu'il soit sursis à statuer dans cette attente.

Elle demande aussi à la banque de produire un décompte de créance expurgé des intérêts contractuels et actualisé suite à sa déchéance conformément à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. À défaut, elle demande le rejet de la demande adverse en paiement.

Elle demande d'ailleurs des délais de paiement aux motifs qu'elle a exécuté provisoirement le jugement et que le montant de la dette va être réduit suite à la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque et de la vente de l'immeuble. Elle demande à régler le reliquat par mensualités de 1 500 euros durant 24 mois, la dernière échéance couvrant le solde restant dû.

Par conclusions déposées le 25 octobre 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA Société générale demande à la cour de :

débouter M. [W] de son appel et de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

débouter Mme [H] de ses appels et de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions, ce compris de demande de sursis à statuer,

dire et juger l'assignation de M. [W] régulière et que celui-ci ne rapporte au surplus aucun grief en relation avec ses moyens et prétention en nullité de l'assignation, et partant du jugement entrepris,

dire et juger recevables et bien fondés ses appels incidents,

infirmer le jugement entrepris partiellement,

rectifier les erreurs concernant le prénom de Mme [H] et remplacer « [S] » en « [M] » dans les développements concernés du jugement entrepris, à savoir sur la première page du jugement, p. 2 (avant-dernier paragraphe), p. 4 (cinquième et septième paragraphes), p. 5 (troisième, quatrième et dernier paragraphes) et dans le dispositif,

dire et juger la prétention en anatocisme recevable et le prononcer,

confirmer sur le surplus les dispositions non contraires du jugement querellé tant concernant Mme [H] que M. [W],

fixer ses créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte au patrimoine de M. [W] à la somme de 290 769,92 euros outre les intérêts conventionnels au taux de 4,31 % l'an sur celle de 272 738,89 euros à compter du 25 juin 2020 selon demande et au taux légal à compter du jugement sur celle de 17 896,62 euros représentant l'indemnité contractuelle forfaitaire ainsi que celle d'un montant de 2 500 euros allouée par le tribunal au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la capitalisation des intérêts,

condamner tant M. [W] que Mme [H] à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum M. [W] et Mme [H] aux entiers frais et dépens d'appel des deux procédures.

La SA Société générale affirme que M. [W] a régulièrement été assigné par exploit d'huissier du 5 août 2020 suivant procès-verbal de recherches infructueuses. Elle précise qu'un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception lui a été adressé le 5 août 2020 par l'étude d'huissiers, lequel porte la mention « pli avisé et non réclamé », conformément à l'article 659 du code de procédure civile. Elle ajoute que l'acte de signification et de commandement de payer du jugement lui a été donné en personne le 22 avril 2021 à la même adresse que celle sur l'assignation. Elle conclut que M. [W] n'a subi aucun grief en l'espèce, de sorte que l'assignation et le jugement ne sont pas nuls.

La SA Société générale indique que M. [W] ne démontre pas que son cautionnement est manifestement disproportionné à ses biens et revenus selon l'article L.332-1 du code de la consommation.

Elle précise avoir régulièrement déclaré sa créance au liquidateur judiciaire de M. [W]. Elle estime qu'elle n'avait pas besoin de déclarer sa créance au mandataire judiciaire de M. [W] lors de son redressement judiciaire, puisque ce dernier l'a informé à sa place de l'existence de la créance et qu'il est ainsi présumé avoir agi pour son compte selon l'article L. 622-4 du code de commerce. Elle en conclut que sa créance peut être fixée en l'espèce.

Sur les prétentions de Mme [H], la SA Société générale relève d'abord qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en l'espèce, car le compromis de vente de l'immeuble évoqué par celle-ci est selon elle caduc à défaut d'avoir été réitéré par acte authentique dans les six mois suivant sa conclusion.

Ensuite, elle expose avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt. Elle souligne qu'elle était en droit de se prévaloir de la clause insérée au contrat de prêt sur l'exigibilité anticipée, celle-ci étant d'ailleurs expresse et non équivoque. Elle indique que cette clause la dispensait d'une mise en demeure préalable où devait figurer le délai avant lequel elle serait en droit de faire jouer la déchéance du terme. Elle ajoute qu'une lettre recommandée avec accusé de réception a été envoyée à la SCI Luximmo le 10 octobre 2018, la mettant en demeure de régulariser sa situation dans un certain délai, lui rappelant la possibilité d'exigibilité anticipée du prêt. Elle note que Mme [H] a été informée de cet envoi le même jour.

Elle indique ainsi avoir régulièrement prononcé l'exigibilité anticipée du prêt à l'égard de la SCI Luximmo le 6 mars 2019. L'absence d'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception est sans emport selon elle sur le présent litige, car elle a émis préalablement une mise en demeure de payer régulière, tel que précédemment exposé.

Elle soutient que la prétention tendant à voir juger non écrite la clause sur l'exigibilité anticipée est sans emport sur la régularité de la déchéance du terme, sa mise en demeure préalable ayant été claire et valable ainsi que suivie d'un rappel de paiement. Elle relève ainsi qu'il s'est écoulé un délai de cinq mois entre la mise en demeure préalable et le prononcé de la déchéance du terme du prêt, de sorte que celles-ci sont valables nonobstant les jurisprudences invoquées par Mme [H].

À cet égard, elle rappelle que l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 mars 2023 n'a pas d'effet rétroactif, car son application immédiate créerait un déséquilibre significatif à son détriment nonobstant sa bonne foi et sa correcte application du droit alors applicable, contrevenant ainsi aux principes de sécurité juridique et de droit au procès équitable. En effet, elle indique qu'elle ne pouvait pas savoir en 2011 et en 2018 que le délai de régularisation de huit jours mentionné dans le contrat de prêt et dans la mise en demeure serait considéré quelques années plus tard comme déraisonnable et abusif.

Par ailleurs, la SA Société générale soutient que Mme [H] ne démontre pas que son cautionnement était disproportionné à ses biens et revenus au jour de sa conclusion, de sorte qu'elle peut s'en prévaloir.

En outre, la SA Société générale affirme démontrer avoir exécuté son obligation d'information annuelle de la caution conformément aux dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Subsidiairement, elle rappelle que la première échéance impayée date du 7 mars 2018.

De plus, la SA Société générale estime qu'il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité conventionnelle, car elle est conforme aux dispositions du code de la consommation et n'est pas excessive.

En parallèle, la SA Société générale affirme verser aux débats un décompte détaillé et actualisé de sa créance.

Enfin, la SA Société générale conteste la demande de Mme [H] en délais de paiements au motif que l'échéancier qu'elle propose n'est pas viable.

Sur la capitalisation des intérêts, la SA Société générale reproche au premier juge d'avoir rejeté sa demande au visa de l'article L. 312-33 du code de la consommation alors que l'anatocisme ne provient pas d'un choix contractuel mais d'une disposition liée aux intérêts.

Par avis du 27 mars 2024 le greffe de la cour a transmis contradictoirement aux parties la demande suivante : « Compte tenu des allégations de la Société Générale concernant le prénom de Mme [H], et des mentions de l'acte du 26 juillet 2011, la cour invite Mme [H] à produire contradictoirement une photocopie de sa carte d'identité, pour le 4 avril 2024 au plus tard ».

Mme [H] n'a pas produit de document justifiant de son identité exacte.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur l'interruption d'instance à l'égard de M. [W] :

Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En vertu de l'article L. 622-22 du code de commerce sous réserve des dispositions de l'article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Ces dispositions sont applicables à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14 du code de commerce. Par ailleurs conformément à l'article L. 641-3 du code de commerce le jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux prévus par les articles L. 622-21 et L. 622-22.

Enfin selon l'article R. 622-20 du code de commerce, l'instance interrompue en application de l'article L.622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L.624-1 et mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan.

Il appartient à la cour d'appel, en tant que juridiction saisie de l'instance en cours, de vérifier la régularité de la reprise d'instance.

Au cours de la présente instance en appel contre le jugement du 8 avril 2021, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de M. [J] [W] par jugement du 18 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Metz qui a désigné la SAS Koch et associés prise en la personne de M. [I] en qualité de mandataire judiciaire. La liquidation judiciaire a été prononcée ensuite à son encontre par jugement du 16 septembre 2022, désignant également la SAS Koch et associés prise en la personne de M. [I] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.

La SA Société générale ne prétend pas avoir déclaré sa créance dans le délai réglementaire de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, alinéa 3 (selon lesquelles lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa), ne dispensent pas le créancier de déclarer sa créance pour pouvoir reprendre l'instance en cours. En tout état de cause le montant de la dette portée à la connaissance du mandataire par la SCI Luximmo n'est pas établi par la SA Société Générale qui ne justifie pas qu'il correspond à la créance qu'elle entend voir fixer.

En outre la SA Société Générale ne prouve pas avoir effectivement adressé une déclaration de créance à M. [I] après le prononcé de la procédure de liquidation judiciaire, dans le délai requis. En effet si elle produit en pièce 39 la copie d'une lettre du 25 octobre 2022 et la copie d'un formulaire d'envoi en recommandé qu'elle a rempli en indiquant le destinataire et l'expéditeur, elle ne démontre pas avoir expédié cette lettre par la poste. Le formulaire d'envoi en recommandé ne comporte ni cachet de la poste, ni date d'avis de passage ou de réception apposée par le facteur. Aucun élément objectif n'est produit pour démontrer l'envoi effectif de cette déclaration de créance, en temps utile, ou sa réception par M. [I]. De plus dans sa lettre du 30 janvier 2023 M. [I] indique avoir reçu une assignation devant la cour d'appel, mais n'évoque pas de déclaration de créance qui daterait de la fin de l'année 2022.

Par ailleurs la SA Société Générale ne justifie pas que sa créance aurait été portée sur la liste prévue par l'article L. 624-1 du code de commerce.

Au regard de tout ce qui précède l'instance n'a pas été valablement reprise. Il y a dès lors lieu de constater l'interruption de l'instance à l'égard de M. [W], empêchant la cour de statuer sur les demandes formées à son égard.

Il est réservé à statuer sur les dépens de l'instance le concernant.

II- Sur le litige opposant la SAS Société Générale à l'égard de Mme [H]

Sur le prénom de Mme [H] et la demande de rectification d'erreur matérielle

En première instance la SAS Société Générale a assigné Mme [S] [H], mais à hauteur d'appel la SA Société Générale demande sa condamnation sous l'identité de [M] [H].

Mme [H] a constitué avocat devant la cour en se déclarant être Mme [S] [H], et ne répond pas aux conclusions de la SA Société Générale à cet égard.

En outre malgré la demande de production d'une copie de la carte d'identité par note en délibéré, Mme [H] n'a pas transmis de document aux fins de lever le doute concernant son prénom.

Or les mentions dactylographiées de l'acte notarié du 26 juillet 2011, ainsi que celles de l'offre de prêt qu'elle a acceptée en qualité de co-gérante de la SCI Luximmo, et de l'engagement de caution du 9 juillet 2011, la désignent toutes comme étant Mme [M] [H].

Dès lors le présent arrêt sera rendu à l'égard de Mme [M] [H] - ainsi que le demande l'intimée ' en précisant toutefois que celle-ci dit se prénommer [S].

En revanche il n'y a pas lieu de rectifier le jugement sachant que la SA Société Générale a engagé la procédure en assignant « [S] [H] », et en l'absence de preuve de ce qu'une erreur matérielle serait imputable au tribunal judiciaire.

Sur la recevabilité de la demande à l'égard de Mme [H]

Mme [H] n'invoque aucune cause d'irrecevabilité des demandes de la banque, pour défaut de droit d'agir en justice, au sens de l'article 122 du code de procédure civile. La demande est recevable.

Au fond, sur le litige opposant la banque à Mme [H]

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution de Mme [H]

En application de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du cautionnement litigieux, devenu article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence de la disproportion manifeste de son engagement au moment de la conclusion de celui-ci.

Le seul fait que la banque ne se soit pas renseignée sur les capacités contributives de Mme [H] ne dispense pas celle-ci de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile, que son engagement était le cas échéant manifestement disproportionné au regard de l'ensemble des engagements qu'elle avait souscrits antérieurement et de tous les éléments de son patrimoine ainsi que de ses revenus.

Or Mme [H] ne produit aucune pièce à cet égard et ne justifie pas qu'au jour de sa conclusion son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Dès lors, elle ne peut pas être déchargée de son engagement en application du texte précité.

Sur l'absence de déchéance du terme opposable à Mme [H] et ses conséquences

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Conformément à l'ancien article 1139 du code civil, dans sa version applicable au litige, la mise en demeure du débiteur est constituée d'une sommation ou d'un acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante.

Il résulte de ces textes que la mise en demeure, préalable au prononcé par le prêteur de la déchéance du terme conformément à la clause de résiliation prévue à un contrat de prêt, ne comporte une interpellation suffisante de l'emprunteur qu'à la condition d'indiquer qu'en cas de défaut de paiement, dans un certain délai, des échéances échues impayées, le prêteur pourra se prévaloir de la déchéance du terme du prêt. (1re Civ. 4 avril 2024, pourvoi n° 21-12.274) 

En l'espèce le contrat de prêt du 9 juillet 2011, comme l'acte authentique du 26 juillet 2011, comportent une clause intitulée « exigibilité anticipé ' défaillance de l'emprunteur » indiquant que la SA Société Générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts et primes d'assurance échus et impayés en cas, notamment, de non-paiement à son échéance d'une mensualité.

S'il est prévu en fin de clause que dans cette hypothèse « la Société Générale notifiera à l'emprunteur ['] par lettre recommandée qu'elle se prévaut de la présente clause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt », en revanche le contrat ne contient aucune disposition expresse et non équivoque de dispense de mise en demeure préalable.

Par lettre recommandée du 10 octobre 2018, réceptionnée par la SCI Luximmo le 11 octobre 2018, la SA Société Générale a mis en demeure l'emprunteuse de procéder au règlement d'échéances restées impayées pour un montant totalisant 10 896,21 euros, et ce dans un délai de huit jours à compter de la réception, en rappelant en caractères gras qu'aux termes du contrat le non règlement d'une seule échéance peut entraîner l'exigibilité du prêt sous référence, et en ajoutant qu'à défaut de réception d'une proposition écrite de paiement à l'issue d'un délai de huit jours la banque reprendrait sa liberté d'action à l'encontre de la SCI Luximmo (cf. pièces 18 et 28).

Ce faisant la SA Société Générale n'a pas indiqué à la SCI Luximmo, de manière claire et non équivoque, qu'elle mettrait en 'uvre la clause de déchéance du terme du prêt en cas de défaut de paiement des échéances échues dans le délai de huit jours.

En effet dans cette lettre l'évocation d'une « proposition de paiement écrite » d'une part, et de la « liberté d'action » d'autre part, n'indiquent pas que la déchéance du terme pourra être prononcée à défaut de paiement dans les huit jours. Par ailleurs s'il est demandé paiement de 10 896,21 euros dans les huit jours, la sanction d'un défaut de paiement n'est pas précisée. De même si un rappel est fait de ce qu'une seule échéance impayée peut entraîner l'exigibilité du prêt, il n'est pas indiqué que le paiement attendu dans les huit jours y ferait obstacle.

Dès lors la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée, de sorte que la banque ne pouvait pas solliciter la totalité du capital restant dû sur le prêt à la date du 6 mars 2019.

En conséquence il n'est pas nécessaire de rechercher si la SCI Luximmo a agi en qualité de non-professionnel pour solliciter le prêt et aurait été en droit de se prévaloir de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ni de statuer sur la demande en nullité de la clause prévoyant l'exigibilité anticipée du prêt.

Il est à noter que dans son décompte du 6 mars 2019, sur lequel le tribunal s'est fondé pour déterminer le montant de la condamnation des deux cautions, la SA Société Générale met en compte une « indemnité forfaitaire » de 17 896,62 euros, sans en préciser le fondement juridique ni le mode de calcul (pièce 21). L'acte authentique du 26 juillet 2011 prévoit en page 18 une indemnité « qui ne peut dépasser 7 % » des sommes restant dues, si le prêteur exige le remboursement immédiat du solde des sommes prêtées. Or en l'absence de déchéance du terme valable la demande au titre d'une telle indemnité est mal fondée et le jugement doit être infirmé à cet égard.

En revanche, malgré l'absence de déchéance du terme régulière, la banque est susceptible de solliciter le paiement d'échéances échues et impayées. Il ressort du décompte du 6 mars 2019, sur lequel le tribunal s'est fondé pour déterminer le montant de la condamnation des deux cautions, que la SA Société Générale a sollicité le paiement des échéances impayées du 7 mars 2018 au 7 février 2019 inclus, pour un solde de 17 072,89 euros en principal et intérêts. La Banque demande confirmation du jugement qui avait fait droit à cette demande.

Dès lors, et dans la mesure également où la banque peut se prévaloir de l'engagement de caution, il est nécessaire de statuer sur la prétention subsidiaire de Mme [H] en déchéance du droit aux intérêts.

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dans les rapports entre la SAS Société Générale et Mme [H]

Selon l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur à la date de l'engagement de caution du 9 juillet 2011, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il est souligné que ni Mme [H] qui se prévaut de cette disposition légale, ni la SA Société Générale, n'en contestent l'application au présent litige, et ne dénient que la SCI Luximmo soit à considérer comme une entreprise à qui le concours financier a été consenti au sens de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier précité.

La charge de la preuve de l'accomplissement de l'obligation d'information annuelle incombe à l'établissement de crédit.

La SA Société Générale produit des copies de lettres simples d'information. La seule production de ces copies de lettres ne suffit pas à justifier de leur envoi.

En l'absence de preuve d'envoi des lettres d'information annuelle, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels est prononcée au profit de Mme [H], et ce à compter du 31 mars 2012, date à laquelle la banque devait la première information annuelle en indiquant les montants restant à courir au 31 décembre 2011 (le prêt datant du mois de juillet 2011).

Il n'y a pas lieu de solliciter la production d'un décompte expurgé des intérêts, la cour détenant les éléments permettant de statuer.

La banque indique en page 10 de ses dernières conclusions que le débiteur principal a cessé le règlement des échéances à compter de celle du 7 mars 2018, et que le seul paiement postérieur est un virement de 1 733,10 euros du 8 octobre 2018 ce qui n'est pas expressément contesté par Mme [H].

Il est dès lors retenu que le débiteur principal a payé toutes les échéances du prêt jusqu'au 7 février 2018 inclus, outre une somme de 1 733,10 euros le 8 octobre 2018.

Il ressort du tableau d'amortissement actualisé du 29 septembre 2011 (pièce 30 de l'intimée), et du nouveau tableau d'amortissement établi suite à l'avenant conclu le 16 août 2016 (pièce 35 de l'intimée), que le montant des échéances globales mensuelles a varié, et que sur la période du 31 mars 2012 (date du début de la déchéance) jusqu'au 7 février 2018 inclus (date de la dernière échéance payée), la part en intérêts payés par la SCI Luximmo a totalisé 66 718,33 euros.

En outre sur cette même période, et depuis l'origine du prêt, la SCI Luximmo a payé toutes les parts en capital des échéances successives.

À ces paiements s'ajoute le virement de 1 733,10 euros en date du 8 octobre 2018, pour laquelle la SA Société Générale n'impute pas de cotisations d'assurance dans son décompte du 6 mars 2019.

Ainsi au total une somme de 66 718,33 d'intérêts + 1 733,10 = 68 451,43 euros a été payée par la débitrice principale, la SCI Luximmo, et est réputée affectée au règlement du principal de la dette, qui correspond au capital.

Or cette somme de 68 451,43 euros dépasse très largement les 12 échéances échues et impayées de la période du 7 mars 2018 au 7 février 2019 inclus, revendiquées par la SA Société Générale dans son décompte du 6 mars 2019, qui représentent 1 561,32 x 12 = 18 735,84 euros. Dès lors la somme de 68 451,43 euros payée par le débiteur est réputée couvrir notamment la partie en capital des échéances échues et impayées du 7 mars 2018 au 7 février 2019 inclus. De plus la part d'intérêts de ces échéances n'est pas due par Mme [H], compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels. Enfin dans son décompte du 6 mars 2019 la banque ne met pas en compte de cotisations d'assurance au titre de ces 12 échéances impayées.

En définitive, en l'absence de déchéance du terme valable, d'une part, et en raison de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels d'autre part, parmi les créances invoquées dans le décompte arrêté au 6 mars 2019 il ne subsiste aucune créance exigible opposable à Mme [H].

La demande de la SA Société Générale doit être intégralement rejetée, et le jugement infirmé en ce qui concerne la condamnation prononcée contre cette caution.

Toutefois en l'absence de créance sur laquelle s'appliquerait des intérêts, le jugement est confirmé en ce qu'il rejette la demande subséquente de capitalisation des intérêts, par substitution de motifs.

III- Sur les dépens et l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont infirmées.

La SA Société Générale, partie perdante, est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel qu'elle a engagée contre Mme [H], et sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

Il ne paraît pas équitable de faire droit à la demande de Mme [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate l'interruption de l'instance d'appel à l'égard de M. [J] [W] ;

Réserve à statuer sur les dépens de première instance et d'appel dans l'instance opposant la SA Société Générale à M. [J] [W] ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions concernant Mme [M] [H] se disant [S] [H], sauf en ce qu'il a débouté la SA Société Générale de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées ;

Rejette l'ensemble des demandes de la SA Société Générale à l'encontre de Mme [M] [H] se disant [S] [H] ;

Condamne la SA Société Générale aux dépens de première instance, dans l'instance l'opposant à Mme [M] [H] se disant [S] [H] ;

Rejette les demandes de la SA Société Générale et de Mme [M] [H] se disant [S] [H] en indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de la SA Société Générale à l'encontre de Mme [M] [H] se disant [S] [H] ;

Rejette la requête en rectification d'erreur matérielle du jugement concernant le prénom de Mme [M] [H] se disant [S] [H] ;

Rejette la demande de Mme [M] [H] se disant [S] [H] tendant à dire que la SA Société Générale ne peut pas se prévaloir de son engagement de caution ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts conventionnels prévus par le contrat de prêt dans les rapports entre Mme [M] [H] se disant [S] [H] , caution, et la SAS Société Générale, et ce à compter du 31 mars 2012 ;

Dit que, dans les rapports entre Mme [M] [H] se disant [S] [H] et la SAS Société Générale, les paiements effectués par le débiteur principal, la SCI Luximmo, sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, et ce depuis le 31 mars 2012 ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SA Société Générale aux dépens de la procédure d'appel, dans l'instance l'opposant à Mme [M] [H] se disant [S] [H] ;

Rejette les demandes de la SA Société Générale et de Mme [H] en indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01048
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;21.01048 ?
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