La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2009 | FRANCE | N°08/8587

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1e chambre section d, 24 juin 2009, 08/8587


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1e Chambre Section D
ARRET DU 24 JUIN 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 08587

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JANVIER 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 02 / 250

APPELANTS :

Madame Micheline X... épouse A... prise tant en son nom personnel qu'es qualité d'héritière de feue Madame Valentine X... épouse Y... née le 02 Juillet 1927 à NARBONNE (11100)... 31000 TOULOUSE représentée par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de Me Philippe CLEMENT, av

ocat au barreau de NARBONNE

Madame Marie-France X... prise tant en son nom personnel qu'es quali...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1e Chambre Section D
ARRET DU 24 JUIN 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 08587

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JANVIER 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 02 / 250

APPELANTS :

Madame Micheline X... épouse A... prise tant en son nom personnel qu'es qualité d'héritière de feue Madame Valentine X... épouse Y... née le 02 Juillet 1927 à NARBONNE (11100)... 31000 TOULOUSE représentée par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de Me Philippe CLEMENT, avocat au barreau de NARBONNE

Madame Marie-France X... prise tant en son nom personnel qu'es qualité d'héritière de feue Madame Valentine X... épouse Y... née le 29 Juin 1944 à MONTPELLIER (34000) de nationalité Française... 30000 NIMES représentée par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de Me Philippe CLEMENT, avocat au barreau de NARBONNE

Monsieur Armand X... pris tant en son nom personnel qu'es qualité d'héritier de feue Madame Valentine X... épouse Y... né le 25 Février 1929 à NARBONNE (11100) de nationalité Française... 11120 MOUSSAN représenté par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de Me Philippe CLEMENT, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEES :

ASSOCIATION SYNDICALE D'ECOULEMENT DE LA PLAINE DE LIVIERE, prise en la personne de son président en exercice domicilié ès qualité au siège social Domaine du Grand Boutes 11100 NARBONNE représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assistée de la SCP GOUIRY-MARY-CALVET-BENET, avocats au barreau de NARBONNE

SA COMURHEX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social Site du Tricastin 26700 PIERRELATTE représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assistée de la SCP PECH DE LACLAUSE-GONI-CAMBON, avocats au barreau de NARBONNE

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 22 Mai 2009

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 MAI 2009, en audience publique, Monsieur Georges TORREGROSA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Mathieu MAURI, Président de Chambre Monsieur Georges TORREGROSA, Conseiller Madame Luce BERNARD, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

ARRET :

- contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président de Chambre, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'indivision X..., héritière de Calixte Y... estime être propriétaire des sources de LA MAYRAL dans la plaine de Livière à NARBONNE selon jugement du tribunal civil de Narbonne du 7 juillet 1890, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 22 janvier 1891 et arrêt de la Cour de Cassation du 21 mars 1892.
Par convention du 20 octobre 1943 régulièrement renouvelée, l'indivision X... a autorisé la SA COMURHEX à prendre de l'eau pour sa consommation.
Courant 2000 les consorts X... ont constaté que le canal de LA MAYRAL avait été dévié et que des propriétaires agricoles pompaient de l'eau avec l'autorisation de la COMURHEX.
Par ordonnance de référé du 27 mars 2001 une expertise a été ordonnée Et confiée à M. B....
L'expert qui a déposé son rapport le 12 novembre 2001 indique que les travaux ont été réalisés dans le cadre de l'aménagement de la plaine de Livière en concertation avec les organismes d'Etat concernés, suite à un arrêté préfectoral du 6 novembre 1998 demandant à la COMURHEX de prendre des mesures pour arrêter toute pollution. Il note que les consorts X... ont été oubliés lors de cette concertation. Il ajoute que M. C... arrose plus de terres qu'il en a le droit et qu'il existe une confusion de la part de celui-ci dans la mesure où seuls les consorts X... sont à même de lui donner l'autorisation de pomper les eaux de LA MAYRAL.
Par acte d'huissier en date du 7 février 2002, Micheline X... épouse A..., Claude X..., Marie-France X..., Armand X..., Valentine Y... veuve X..., ont fait assigner la SA COMURHEX pour qu'au visa des articles 1134 et suivants du code civil, avec exécution provisoire, elle soit condamnée :- au paiement d'une astreinte de 10 000 € pour chaque infraction constatée à savoir laisser pomper de l'eau par une tierce personne au contrat,- au paiement d'une somme de 22 900 € à titre de dédommagement pour la violation des accords contractuels,- au paiement de la somme de 116 166, 15 € au titre de la consommation d'eau non prise en considération.

Ils demandaient qu'à l'initiative de l'une ou l'autre des parties et aux frais de la COMURHEX des réunions se tiennent à chaque début de trimestre pour procéder au contrôle des volumes d'eau effectivement consommés.
Ils sollicitaient la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2002 la SA COMURHEX a fait appeler en intervention forcée l'Association Syndicale d'Ecoulement de la Plaine de Livière, chargée d'exécuter les travaux de cuvage et de faucardement des cours d'eau, fossés et canaux pour l'écoulement de la Plaine de la Livière.
Les deux instances ont été jointes.
Dans leurs conclusions récapitulatives no 2 signifiées le 4 août 2005, les consorts X... maintiennent leurs demandes initiales en portant à la somme de 290. 396 € l'indemnisation au titre de la consommation d'eau non prise en compte. Ils poursuivent en outre la condamnation de la SA COMURHEX à détruire les barrages et martelières édifiés par celle-ci ces dernières années pour faciliter les pompages et arrosages par gravitation et drainage des personnes n'ayant aucun droit et en fraude de la convention et ce sous astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification du jugement à venir.
Les consorts X... font valoir qu'il est constant que la COMURHEX a laissé des tiers procéder à des pompages d'eau au mépris de leurs droits.
Les consorts X... soutiennent qu'ils sont bien les ayant-droit de Calixte Y... et versent aux débats les actes en justifiant.
Ils rappellent qu'il ressort des décisions de justice rendues que si D... est propriétaire des parcelles, les eaux et sources de LA MAYRAL sont la propriété exclusive de Calixte Y... en vertu d'actes d'inféodation.
Ils relèvent que le courrier de la COMURHEX en date du 13 avril 2005 leur adressant les nouvelles conditions d'achat applicables à tous les contrats en cours constitue une reconnaissance explicite des relations contractuelles et de leurs droits.
Les consorts X... soulèvent le défaut de qualité de la SA COMURHEX pour poursuivre la déchéance de l'inféodation pour inexécution des obligations d'entretien, celle-ci n'étant pas partie à l'acte. Ils soutiennent que de toute façon les obligations d'assainissement et d'écoulement ont été remplies, ce qui a été reconnu par le jugement de 1890.

Les consorts X... soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention de l'Association Syndicale et concluent au rejet des demandes. Ils relèvent l'absence de convention entre eux et soutiennent que le syndicat qui, en réalisant les travaux d'aménagement de la plaine de Livière, n'a fait que remplir sa mission, n'est pas fondé à se retourner contre eux. Ils poursuivent condamnation solidaire avec la SA COMURHEX au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives la SA COMURHEX soulève l'irrecevabilité de l'action en application des articles 122 et 15 du Code de Procédure Civile, les consorts X... ne justifiant pas être propriétaires des parcelles où sont situées les sources.
Au fond, la SA COMURHEX soulève la nullité des conventions en application des articles 1128 et 1108 du code civil, les consorts X... au regard des dispositions de l'article L. 215-2 in fine du code de l'environnement ne pouvant se prévaloir d'un droit de propriété sur les sources de LA MAYRAL à défaut d'activité économique exercée grâce à celles-ci. Elle relève qu'il s'agit d'une nullité absolue pour défaut d'objet, les paiements ne pouvant valoir ratification.
La SA COMURHEX poursuit la déchéance et la résolution des droits invoqués, les consorts X... n'ayant pas exécuté les obligations d'entretien imposées par les actes d'inféodation. Elle soutient que son action, par voie d'exception, est recevable.
La SA COMURHEX sollicite à titre reconventionnel, au visa des articles 1235, 1376, 1377 et 1378 du code civil, le remboursement des redevances versées depuis le 10 mai 1978. A ce titre elle demande la somme provisionnelle de 152 450 € et une expertise.
A titre infiniment subsidiaire, la SA COMURHEX conclut au débouté.
Elle fait valoir qu'elle a rempli ses obligations en versant la redevance en contrepartie de son droit de puisage et soutient que les travaux sont conformes aux stipulations contractuelles et ont été ordonnés par les services de l'Etat. Elle ajoute, s'agissant du pompage par les tiers qu'elle n'est pas chargée de la police des eaux et que les consorts X... ont accordé des droits de puisage à certains propriétaires.
La SA COMURHEX sollicite la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions récapitulatives signifiées le 6 juin 2005, l'Association Syndicale d'Ecoulement de la Plaine de Livière soutient qu'elle a pris en charge l'obligation qui incombait depuis l'origine aux consorts X... d'aménager la plaine de Livière. Elle sollicite une expertise aux fins d'évaluation des travaux réalisés en leurs lieu et place et demande la somme provisionnelle de 500 000 € outre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 / 01 / 07, le Tribunal de Grande Instance de Narbonne a déclaré irrecevable l'exception soulevée par la COMURHEX relative à la propriété des parcelles invoquée par les consorts X....
Les consorts X... ont été déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de COMURHEX ; La société COMURHEX a été déboutée de sa demande reconventionnelle à l'encontre des consorts X..., tout comme l'Association Syndicale d'écoulement de la plaine de la Livière.

Les consorts X... ont relevé appel de façon régulière et non contestée. Ils ont conclu en dernier lieu le 15 mai 2009 et demandent à la Cour de :

- constater leur incontestable droit de propriété sur les sources de LA MAYRAL, par actes d'inféodation et par acquisition de la prescription ;
- constater la validité des conventions de pompage qui depuis 1943 permettent à la COMURHEX de puiser ;
- constater l'accomplissement des travaux conditionnant l'inféodation ;
- confirmer l'impossibilité de détruire des ouvrages relevant de l'intérêt public et de la protection du territoire ;
- infirmer en jugeant que la COMURHEX a de manière fautive laissé des tiers pomper l'eau de LA MAYRALE ;
Il est donc demandé à la cour de bien vouloir, au visa de l'article 1134 du code civil,
Confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur l'exécution de la convention de puisage et sur les demandes annexes,
Condamner la société COMURHEX à payer une astreinte de 10. 000 € pour chaque infraction constastée dûment à savoir le fait de laisser pomper de l'eau par une tierce personne au contrat.
Condamner la société COMURHEX à payer à titre de dédommagement pour la violation des accords contractuels la somme de 22. 900 €. Condamner la société COMURHEX à payer au titre de la consommation d'eau non prise en considérations la somme de 290. 396 €.

Dire et juger qu'à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, et aux frais de la COMURHEX, les parties se réuniront contradictoirement à chaque début de trimestre pour procéder au contrôle des volumes d'eau effectivement consommés.
Déclarer irrecevable l'action de l'association syndicale.
En tout état de cause la débouter intégralement de ses réclamations.
Condamner l'association syndicale au paiement d'une somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu du caractère extrême mauvaise foi et abusif des demandes.
Condamner la COMURHEX solidairement avec l'association syndicale d'écoulement de la plaine de Livière à payer aux consorts X... 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux dépens et inclure dans ces dépens le coût des procès-verbaux de constat d'huissier.
La COMURHEX, intimée, a conclu le 20 mai 2009, en formant appel incident, et demande à la cour de bien vouloir :
A titre principal
Déclarer irrecevable l'action des consorts X... en application des articles 122 et 15 du code de procédure civile.
Subsidiairement
Dire les conventions signées par les parties inexistantes pour défaut d'objet et application des articles 1108 et 1128 du code civil.
En vertu de l'article 1134 du code civil, les dire infondées, les droits s'étant éteints par l'effet de la déchéance ou par résolution liée à l'inexécution des obligations.
Faire droit à l'exception de nullité de la concluante et annuler les conventions de puisage en application des articles 1235, 1376, 1377, 1378 du code civil.

Condamner les demandeurs à verser la somme de 152. 450 € de provision sur la somme due au titre de la restitution des sommes indûment perçues.

Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

- relever l'ensemble des sommes perçues annuellement par les consorts X... depuis le 10 mai 1978 au titre de la consommation d'eau consécutive au pompage dans le canal de Cadariege.
- effectuer le calcul des intérêts sur les sommes ainsi versées entre le jour du versement et le jour du dépôt du rapport de l'expert.
A titre infiniment subsidiaire,
Rejeter comme non fondées les prétentions des consorts X... ;

Condamner les appelants aux dépens et au paiement de 10. 000 € au titre des frais irrépétibles ;
L'association syndicale d'écoulement de la Plaine de Livière a conclu le 4. 02. 09 en demandant à la cour de bien vouloir réformer dans sa totalité le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne le 25. 01. 07.
Les demandes des consorts X... seront rejetées et l'action de l'association visant à leur faire supporter le coût des travaux sera déclarée fondée.
Une mesure d'expertise sera ordonnée pour chiffrer le coût des travaux effectués depuis 1995 par l'association et directement liés aux obligations imposées par les actes d'inféodation des 14. 11. 1604 et 7. 2. 1630.
Une provision de 500. 000 € est réclamée, outre 5. 000 € au titre des frais irrépétibles.
SUR CE
Attendu qu'il suffit de se reporter à l'assignation initiale des consorts X... pour relever que l'indivision des héritiers X... s'estime :
" Propriétaire des sources de la Mayrale "
En vertu de décisions de justice du tribunal civil de Narbonne (07 / 07 / 1890), confirmé par la cour de Montpellier (22 / 01 / 1891) et par la cour de cassation (21 / 03 / 1892) ;
Attendu qu'une mise en perspective historique est seule susceptible d'établir la nature exacte des droits que tiennent les consorts X... du sieur Y... (partie aux procès susvisés et leur auteur), le sieur Y... les tenant lui même de l'abbé Z... selon acte d'inféodation en date de 1604 et 1630 ; Attendu que la thèse des consorts X... est à cet égard et en substance contenue dans les conclusions qui furent déposées par l'avoué E... devant le tribunal civil de Narbonne en 1890, pour le compte de Calixte Y..., et dans les actes d'inféodation dont copie non contestée est versée aux débats ;

Attendu qu'ainsi, et selon lettres patentes émanant du Roi (28 / 02 / 1604), les trésoriers généraux de France de la charge de Montpellier inféodèrent aux sieurs F... et G... (qui cédèrent ensuite leurs droits à l'abbé Z...) ;
" Toutes et chacune des terres vagues et vaines inondées et inutiles à présent à sa majesté, à elle appartenant dans le Terroir de Livière, ensemble celles dont les particuliers peuvent avoir fait le délaissement actuel ou tacite, et ce jusqu'à la quantité de 15 cent cétérées trois carterées, avec obligation, entre autres charges, de faire l'écoulement le plus promptement qu'il sera possible à leur coût et dépens, à quelque somme qu'il puisse monter, sans que sa majesté soit tenue de fournir autre chose, et après de les bien et dûment entretenir en bon père de famille " ;
Attendu que le Roi faisait droit à la requête présentée par Mathurin F... et Jean G..., pour qu'il leur fut donné en inféodation
" Toutes et chacune des terres vaines, vacquens, inondées d'eaux pluviales et autres naissantes et croupissantes au Terroir de Livière... ensemble de celles dont il a été fait délaissement actuel ou tacite par les particuliers, à la charge pour eux de payer certaines censives, droits d'entrée et albergue, et de tarir et écouler ledit Terroir inondé et perdu, à leurs frais et dépens "
Attendu qu'il s'agissait donc d'inféodation portant sur des terres appartenant à sa majesté, ou délaissées par des particuliers, le problème de l'eau constituant une charge du féodataire qui devait égoutter les Terres objet de l'inféodation et pour cela pouvoir
" Ouvrir et caver dans les prés et possessions des particuliers par lesquelles il conviendra de faire passer les canaux, fossés, aiguilles, dresser ponts et chaussées pour faire l'écoulement des dites eaux en les dédommageant des dites ouvertures... " ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que l'inféodation constitue un tout indivisible où l'intérêt du féodataire consistait à pouvoir exploiter les terres du Roi ou celles délaissées par les particuliers, l'eau ne constituant pas un avantage mais au contraire une charge puisqu'il convenait que le féodataire égoutte les terres considérées, avec la possibilité de traverser les terres " aboutissantes " appartenant à des riverains pour rejoindre l'Aude, ce qui constituait une prérogative afférente à sa qualité de féodataire ;
Attendu que la circonstance que l'eau soit devenue en elle même un avantage agricole (CF la Submersion des champs par M. D... pour lutter contre le phylloxera) ou industriel (CF les conventions passées avec les auteurs de la COMURHEX) ne modifie en rien ce canevas juridique initial qui ne permet nullement aux X... d'invoquer une autre qualité que celle de féodataire des terres, avec obligation d'égoutter les dites terres inféodées, et non pas de " maîtres " ainsi que l'énonçait dans ses conclusions le sieur Y... à la fin du dix-neuvième siècle (page7) ;
Attendu que l'avis du professeur H... n'est d'ailleurs pas autrement commenté, où il énonce le 30. 06. 04 :
" Contrairement à ce qui est écrit dans le mémoire " conclusions pour Calixte Y... ", et en suivant en cela les règles de l'ancien droit, la " propriété pleine et entière sur les eaux naissant en Livière et sur les canaux creusés " et les terres n'est pas la propriété pleine et entière du code civil. Certes les terres en question étaient aliénables par exception aux règles de l'Edit de Moulins de Février 1566, car appartenant au petit domaine (leur revenu était modique et leur exploitation fort dispendieuse). Néanmoins, on est en présence d'une véritable concession opérée par le Roi qui conservait le domaine éminent. De sorte, les preneurs en avaient la propriété incommutable à condition de remplir les obligations prévues par les contrats d'inféodation, parfaitement explicites sur ce point. C'est effectivement ce que l'on peut appeler, mais de manière impropre, " propriété " pour parler des droits des preneurs du contrat d'inféodation ; car il manquait alors un attribut de la propriété : l'exclusivité " ;

Attendu que la cour est donc amenée à rechercher si les X... sont à ce jour non seulement investis de la mission consistant à écouler les eaux, mais avant tout et surtout féodataires des terres ;
Et attendu qu'à cet égard, et alors que Calixte Y... était lors de son procès propriétaire de la métairie de TAURA (CF le plan contemporain des conclusions de Me E..., versé aux débats par les consorts X...), force est de constater qu'au jour de l'assignation dans le présent débat, les X... reconnaissent qu'ils ont plus aucun titre foncier sur les terres susceptibles d'être comprises dans le périmètre de l'inféodation autrefois concédée, dont les parcelles où naissent les sources ;
Attendu qu'au terme d'un processus qui n'est pas datable avec précision, mais qui est constant à a date de l'assignation initiale, les X... ne sont plus propriétaires et ne combattent nullement les titres dont se prévalent les propriétaires actuels de la zone autrefois inféodée, et se bornant à revendiquer la propriété " Des sources de la Mayriale... et des eaux qui naissent du Terroir de la Livière... "
Mais attendu que n'étant à l'évidence plus pourvus d'un quelconque titre grevant tout ou partie de ce terroir, ils ne sont plus féodataires de ces terres, ce qui rend sans objet la charge indivisible que constituait-pour le féodataire-l'obligation d'assécher en canalisant les eaux vers l'Aude, avec prérogatives pour ce faire de traverser les terres voisines ;
Attendu qu'ils ne peuvent suppléer la cessation de fait de l'inféodation des terres par la théorie de la prescription que, non sans habilité et prudence, l'avoué E... avait soutenue au subsidiaire, en affirmant que les travaux étaient apparents et exécutés par les auteurs de Y... depuis 1604 et 1630 ;
Mais attendu qu'en aucun cas la prescription n'a pu bénéficier au féodataire, à qui manquait la pleine propriété de terres seulement concédées par le Roi, ainsi que l'a précisé l'analyse ci dessus reprise du professeur H... ;
Attendu qu'ainsi, en creusant et en entretenant les canaux en qualité de féodataire, les auteurs des consorts X... n'ont pas agi animus domini, mais en cette seule qualité de féodataire ;
Attendu que ne peut donc être retenue à leur profit la prescription acquisitive des canaux et de l'eau qui y coule, même si cette analyse a permis à Calixte Y... de faire juger qu'il jouissait d'un droit de propriété sur les canaux de captage et d'écoulement, décision de la Cour d'appel de Montpellier en date du 22. 01. 1891, confirmée par la cour de cassation, mais qui n'a aucune autorité de chose jugée par rapport à a COMURHEX qui ne tient pas ses droits de M. D... ;

Attendu qu'en l'état des écritures régulièrement communiquées et à la date de l'assignation, les sources revendiquées et l'eau qui en découle relèvent du droit commun régi par les articles 642 et suivants du code civil, et les consorts X... qui ne sont plus féodataires de tout ou partie du terroir de la Livière ne peuvent invoquer un droit de disposer des eaux qui n'était qu'une charge de l'inféodation, ou une prescription acquisitive à titre de propriétaires sur des canaux que leurs auteurs n'ont pas pu construire animus domini ;
Attendu que c'est une irrecevabilité qui s'impose de leur demande principale, sans qu'ils soit nécessaire d'examiner les travaux effectués par l'association syndicale d'écoulement de la plaine de Livière, que la COMURHEX a assignée en intervention forcée aux fins de contester que les consorts X... aient continué, comme leurs auteurs ont pu le faire, à prendre en charge les travaux d'entretien ;
Attendu que s'agissant de la demande d'expertise de l'association, qui estime avoir accompli à la place des consorts X... les charges d'entretien des canaux qui leur incombaient en vertu des actes d'inféodation, elle est fondée sur l'article 1142 du code civil, alors que force est de constater qu'aucune disposition contractuelle ne lie les consorts X... et l'association ;
Attendu que cette demande est donc radicalement irrecevable, à supposer en toute hypothèse que l'association puisse plaider en lieu et place de l'Etat Français, seule entité juridique susceptible d'avoir recueilli les actes d'inféodation de 1604 et 1630, qui relevaient de la souveraineté du Roi de France, et de pouvoir s'en prévaloir ;
Attendu que la Cour est saisie des écritures régulièrement communiquées, où la COMURHEX ne formule qu'à titre subsidiaire une demande en nullité des conventions signées avec les consorts X... ;
Attendu que tant la demande de provision que d'expertise n'ont pas à être examinées, dès lors qu'il est jugé au principal que leur demande initiale est irrecevable à défaut de qualité à agir sur le fondement des actes d'inféodation ou de la prescription ;
Attendu que la cour n'estime pas que les conditions soient réunies qui permettent de faire supporter à l'une ou l'autre des parties des frais irrépétibles qui auraient été engagés, a fortiori d'estimer que l'une ou l'autre partie ait agi abusivement et mérite à ce titre sanction de dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel des consorts X..., régulier en la forme ;
Au fond, les en déboute et faisant droit à l'appel incident de COMURHEX, statue à nouveau, en infirmant le premier juge en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception soulevée par la COMURHEX
Dit et Juge que l'action initiale des consorts X... est irrecevable, dès lors qu'ils ne sont plus féodataires des terres dépendant du terroir de la Livière et qu'ils ne peuvent opposer sur les canaux et les eaux qui y coulent une quelconque prescription acquisitive, faute d'animus domini ;
Les déboute en conséquence de toutes leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à examen des demandes subsidiaires de COMURHEX ;
Confirme s'agissant du débouté de l'association syndicale d'écoulement de la plaine de la Livière ;
Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles en premier ressort ou en appel.
Condamne les consorts X... aux entiers dépens, à l'exception de ceux afférent à l'intervention forcée de l'association en premier ressort et en appel, qui resteront à la charge de COMURHEX ;
Alloue aux avoués de la cause le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1e chambre section d
Numéro d'arrêt : 08/8587
Date de la décision : 24/06/2009

Analyses

SERVITUDE - PUISAGE - Exercice

Le demandeur reconnaissant ne plus avoir de titre foncier sur les terres entrant dans le périmètre de son inféodation ne peut être reconnu propriétaire des sources dont il avait la charge d'assurer l'écoulement dans la dite inféodation. Il ne peut pas non plus être reconnu propriétaire sur le fondement de la prescription acquisitive du fait que l'entretien, charge de l'inféodation, fut effectué en qualité de féodataire et donc dépourvu d'animus domini. Les sources revendiquées et l'eau qui en découle relèvent donc du droit commun régi par les articles 642 et suivants du code civil


Références :

articles 642 et suivants du code civil

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne, 25 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2009-06-24;08.8587 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award