COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1e Chambre Section C2
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06908
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUILLET 2014 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN No RG 1203296
APPELANTS :
Monsieur Arnaud X... né le 19 Octobre 1979 à PERPIGNAN de nationalité Française... 66450 POLLESTRES représenté par Me Gilles ARGELLIES, avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant et par Me Florence SAUTREUIL avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES avocat plaidant
Madame Claire Y... née le 31 Octobre 1985 à PERPIGNAN de nationalité Française... 66450 POLLESTRES représentée par Me Gilles ARGELLIES, avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant et par Me Florence SAUTREUIL avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur Gilles X... né le 07 Février 1957 à PERPIGNAN de nationalité Française... 66450 POLLESTRES représentée par Me Sylviane GUIARD, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/ 13165 du 22/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle des MONTPELLIER)
Madame Brigitte Z... épouse X... née le 10 Septembre 1959 à DIJON de nationalité Française... 66450 POLLESTRES représentée par Me Sylviane GUIARD, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/ 13164 du 22/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 19 Août 2015
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 SEPTEMBRE 2015, en chambre du conseil, Madame Sylvie BONNIN ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Madame Sylvie BONNIN, Présidente de chambre Madame Nathalie CHAPON, Conseiller Madame Suzanne GAUDY, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Dominique IVARA
Ministère public : L'affaire a été visée par le ministère public le 26 Mars 2015
ARRET :
- contradictoire
-prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Sylvie BONNIN, Présidente de chambre, et par Madame Dominique IVARA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* EXPOSE DU LITIGE :
Des relations d'Arnaud X... et de Claire Y... est issue A... née le 18 août 2007 reconnue par ses deux parents.
Par assignation en date du 13 août 2012, Gilles X... et Brigitte X..., grands-parents de A..., ont assigné Arnaud X..., fils de ces derniers, et Claire Y... aux fins de voir instaurer à leur profit un droit de visite et d'hébergement sur leur petite-fille.
La procédure a été communiquée à Monsieur le procureur de la République le 4 avril 2014, lequel a émis un avis favorable à la requête.
Compte tenu du jeune âge de l'enfant et de son absence de discernement il n'a pas été fait application de l'article 388-1 du code civil.
Par jugement contradictoire en date du 24 juillet 2014, le juge aux affaires familiales de PERPIGNAN a :
- accordé un droit de visite et d'hébergement à Gilles X... et Brigitte X... sur l'enfant A... comme suit :- hors vacances scolaires : les 3ème fins de semaine de chaque mois le samedi matin, 10 heures au dimanche 18 heures,- pendant les vacances scolaires : une semaine au mois de juillet et une semaine au mois d'août, première moitié les années paires et seconde moitié les années impaires, à charge pour les grands-parents de prendre l'enfant et de la reconduire ou de la faire prendre et reconduire par une personne de confiance à sa résidence habituelle.
- enjoint aux parties de rencontrer un médiateur familial et désigné pour y procéder Sandrine B...,
- débouté chacune des parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration au greffe en date du 9 septembre 2014, Arnaud X... et Claire Y... ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions en date du 12 août 2015, Arnaud X... et Claire Y... demandent à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,- constater que les appelants allèguent et rapportent la preuve de faits constitutifs de motifs graves de nature à exclure l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement au profit des grands-parents paternels, en conséquence :
- de débouter Gilles X... et Brigitte X... de l'intégralité de leurs demandes,
subsidiairement :- ordonner une mesure d'enquête sociale,
en tout état de cause :- condamner Gilles X... et Brigitte X... au paiement de la somme de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions en date du 12 août 2015, Gilles X... et Brigitte X... demandent à la cour de :
à titre principal :- dire qu'ils exerceront un droit de visite et d'hébergement sur leur petite fille comme suit :- hors vacances scolaires : les 3ème fins de semaine de chaque mois du samedi matin 10 heures au dimanche soir 18 heures,- en période de vacances scolaires : une semaine au mois de juillet et une semaine au mois d'août, première moitié les années paires et seconde moitié les années impaires, à charge pour eux de prendre et ramener l'enfant ou de le faire prendre et ramener à son lieu de résidence habituelle,
à titre subsidiaire, avant dire droit :- ordonner une enquête sociale à leur domicile,- dire que cette enquête sera aux frais avancés des parents qui sollicitent cette mesure,- fixer provisoirement dans l'attente du dépôt du rapport par l'enquêteur social, leurs droits sur A... comme suit :- hors vacances scolaires : les 3ème fins de semaine de chaque mois du samedi matin 10 heures au dimanche soir 18 heures,- en période de vacances scolaires : une semaine au mois de juillet et une semaine au mois d'août, première moitié les années paires et seconde moitié les années impaires, A charge pour eux de prendre et ramener l'enfant ou de le faire prendre et ramener à son lieu de résidence habituelle,
très subsidiairement, avant dire droit :- dire que pour une durée maximale de 6 mois, ils verront leur
petite fille A... dans le cadre d'un point rencontre, avec autorisation de sortie des locaux, deux samedis par mois,
- dire qu'à l'issue de ces 6 mois, leurs droits sur leur petite-fille s'exercera comme suit :- hors vacances scolaires : les 3ème fins de semaine de chaque mois du samedi matin 10 heures au dimanche soir 18 heures,- en période de vacances scolaires : une semaine au mois de juillet et une semaine au mois d'août, première moitié les années paires et seconde moitié les années impaires, à charge pour eux de prendre et ramener l'enfant ou de le faire prendre et ramener à son lieu de résidence habituelle,
en tout état de cause :
- enjoindre les parties de rencontrer un médiateur familial,- désigner Sandrine B... à cette fins aux frais avancés d'Arnaud X... et Claire Y...,- condamner solidairement ces derniers au paiement de la somme de 1 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour recours abusif, à la somme de 1. 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le dossier de la procédure a été régulièrement communiqué à Monsieur le Procureur Général le 26 mars 2015, ce dernier ayant indiqué s'en rapporter.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 août 2015.
A... a été entendue en présence de son avocat, conformément à sa demande, en application de l'article 388-1 du code civil. Il a été rendu compte de cette audition aux parties, avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DECISION :
En application de l'article 371-4 du code civil, modifié par la loi du 5 mars 2007 immédiatement applicable, " l'enfant a le droit de retenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul, l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à ce droit. "
Aux termes du deuxième alinéa de ce même article, il est stipulé que le juge aux affaires familiales fixe les relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, si tel est l'intérêt de l'enfant. Ainsi, l'exigence de motifs graves en obstacle à l'exercice de tels droits, n'est plus requise. Seul compte l'intérêt de l'enfant.
L'entretien de relations personnelles des grands-parents avec l'enfant n'implique pas nécessairement l'instauration d'un droit de visite et d'hébergement tel qu'organisé par le premier juge.
Les parents font état d'incidents qui les ont conduit à ne plus amener les enfants A... et son frère E... (issu d'une précédente union de Madame Claire Y...) chez leurs grands parents tels que des mauvais traitements (enfermements dans l'obscurité totale, usage d'une raquette électrique) ou de violentes disputes entre les grands parents ayant abouti à des scènes traumatisantes pour les enfants.
Ils font valoir en outre que Madame Brigitte X... tente de prendre la place de la mère et que Monsieur Gilles X... présente un état dépressif chronique ayant déjà donné lieu à une tentative de suicide.
C'est en l'état de ces constatations que les enfants ont été retirés à la garde de leurs grands parents sur les recommandations d'un psychologue, Monsieur C.... Celui-ci atteste à deux reprises que A... présente des manifestations anxieuses quant il s'agit de se rendre chez les grands parents (pièces 1 et 2 pour le dessin de A... réalisé 12 mois après le dernier contact avec les grands parents).
Il soutiennent qu'ils ne sont pas opposés à toute relation de A... avec les grands-parents et précisent avoir proposé de leur rendre visite avec A... et de les accueillir à leur domicile.
Ils font état de l'absence de conflit de loyauté qui pourrait justifier le comportement anxieux de A... mais d'un sentiment de peur de l'enfant directement en lien avec ce qu'elle a vécu au domicile de ses grands-parents.
Ils suggèrent que la grand mère a fait prendre des photos érotiques d'elle par E..., fils de Claire Y....
Les grands parents utilisent le réseau FACEBOOK pour dénigrer les parents dans leur village. (Pièce 22 et 23) et ont envoyé un courrier injurieux sur le lieu de travail de Monsieur Arnaud X....
Ils décrivent l'état de A..., depuis le prononcé du jugement comme suit : pleurs, cauchemars, peurs qu'on lui " refasse ce qu'on lui avait fait là bas ", et menace de fugue si elle retournait chez ses grands parents ; ils décrivent des manifestations anxieuses, un repli sur soi, difficultés d'apprentissage et de concentration, versant aux débats des extraits du carnet scolaire de l'enfant.
Les grands parents réfutent les allégations de violences avancées par les parents et ne comprennent pas le choix de ces derniers de les couper de leur petite-fille et d'E.... Il indiquent avoir souhaité rétablir le dialogue par toutes les voies amiables possibles.
Ils soutiennent que l'argumentaire des parents relèvent de la calomnie et répondent à ces affirmations par la production de nombreuses attestations affirmant que les petits enfants étaient parfaitement épanouis.
Madame Z... épouse X... exerce depuis 1995 la profession d'assistante maternelle et fait état de la satisfaction des différents parents quant à ses qualités éducatives et affectives. Son agrément est régulièrement renouvelé par les services du conseil général.
Les grands-parents invoquent des allégations mensongères s'agissant des différentes photographies à caractère érotiques qui avaient été prises via l'utilisation du retardateur en étant posé sur un meuble. Ils disent être choqués par le comportement de leur fils qui a conservé les photos érotiques de sa mère.
Il n'appartient pas à la cour de rechercher si A... comme E... ont été victimes, comme le prétendent les appelants de mauvais traitements. Aucune plainte pénale n'a été déposée et aucun signalement ne paraît avoir été adressé aux services de l'aide sociale à l'enfance, étant rappelé au surplus que Madame Brigitte X... exerce la fonction d'assistante maternelle depuis près de vingt ans. Il n'y a pas lieu d'ordonner une enquête sociale qui serait insuffisante à éclairer la cour sur la situation de blocage dans laquelle se trouve A....
Après avoir entendu A... dont les propos ont été restitués aux parties avant l'ouverture des débats, il est apparu que cette petite fille présente une vulnérabilité et un désarroi incontestable face à un conflit d'adultes dont elle devrait être préservée. Si son intérêt commande en effet qu'elle puisse avoir des relations avec ses grands-parents, ce même intérêt doit faire obstacle à son implication dans un conflit qui la dépasse et que doivent impérativement régler parents et grands-parents hors la présence de l'enfant.
La cour constate par ailleurs que les grands-parents ne sont pas privés de toute relation avec A..., dès lors que les appelants proposent d'accueillir les grands-parents à leur domicile ou d'être reçus chez eux avec l'enfant.
C'est dans ce sens que Monsieur C... Vincent, psychologue clinicien en charge du suivi psychologique de A... a établi une attestation en date du 11 mars 2013.
Ce praticien a revu l'enfant très récemment le 3 avril 2015, et a attesté " de manifestations anxieuses, un repli sur soi et une peur envahissante ", A... " disant clairement qu'elle ne veut pas aller chez ses grands-parents ".
Il appartient aux intimés de prendre en compte la situation de blocage, de la comprendre afin de ne pas perturber davantage l'enfant en revendiquant un droit de visite et d'hébergement.
Faute d'accord des appelants en ce sens, il n'y a pas lieu d'ordonner de médiation familiale telle qu'elle est sollicitée par Monsieur et Madame Gilles X.... Cependant, il serait opportun et conforme à l'intérêt de A... que ces derniers prennent attache avec Monsieur Vincent C..., en charge du suivi psychologique de l'enfant, comme l'avait d'ailleurs proposé Monsieur Arnaud X... à ses parents par courrier du 15 avril 2011 (à une époque où les relations entre les parties n'étaient pas encore conflictuelles), ce courrier versé aux débats étant manifestement resté sans suite. Une telle démarche, si elle ne peut s'apparenter à une véritable mesure de médiation familiale, serait de nature à rapprocher les parties dans la prise en compte de l'intérêt de A... et permettre à terme une reprise normale des relations familiales, hors espace judiciaire, étant observé que la proposition de rencontres en lieu neutre ne semble pas adaptée à la problématique familiale et serait insuffisante pour permettre à A... de retrouver confiance et sécurité psychologique.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
CONSTATE que Monsieur et Madame Gilles X... ne sont pas privés de toute relation avec A... en l'état des propositions de Monsieur Arnaud X... et Madame Claire Y... de venir leur rendre visite avec A... ou de les accueillir à leur domicile,
DIT n'y avoir lieu à l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement,
INVITE dès le prononcé du présent arrêt Monsieur et Madame Gilles X... à rencontrer le psychologue en charge du suivi psychologique de A..., les cas échéant en présence de l'enfant et de ses parents,
DIT n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur Gilles X... et Madame Brigitte Z... épouse X... aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile applicables en matière d'aide juridictionnelle.