COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 15 décembre 2016
N 2016/ 00753
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REMISE A L'AGRASC
DECISION :
Confirmation
A R R E T No
prononcé en audience publique le quinze décembre deux mil seize par Madame ISSENJOU, président
PERSONNE MISE EN EXAMEN :
X...Patrick
né le 11 mai 1962 à COURBE VOIE
Domicilié ...-34000 MONTPELLIER
Mandat de dépôt du 26 mai 2016
Libre sous contrôle judiciaire par ordonnance du 22 septembre 2016
mis en examen du chef d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en FRANCE en récidive-emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié en récidive-exécution d'un travail dissimulé
Ayant pour avocat Maître MONTFORT, 15 Boulevard des Arceaux-34000 MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats, du délibéré :
Madame ISSENJOU, Président
Monsieur COMMEIGNES et Monsieur DARPHIN, conseillers,
régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame VIGINIER lors des débats et monsieur BELLANGER lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Madame BRIGNOL, substitut général lors des débats.
Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.
DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 17 novembre 2016 ont été entendus :
Madame ISSENJOU, Président, en son rapport
Madame BRIGNOL, substitut général, en ses réquisitions
Maître MEDICO substituant Maître MONTFORT, avocat de la personne mise en examen s'en rapporté au mémoire déposé et a eu la parole en dernier.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Le 18 août 2016, le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Montpellier a rendu une Ordonnance de saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire de Patrick X....
Cette ordonnance a été notifiée à la personne mise en examen et à son conseil le 18 août 12016.
Par déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en date du 25 août2016, Maître GIORGI, substituant Maître NGUYEN PHUNG Avocat, a fait connaître sa volonté d'interjeter appel de ladite ordonnance.
Par avis et télécopies en date du 05 septembre 2016, le procureur général a notifié à la personne mise en examen et à ses avocats la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître NGUYEN PHUNG, avocat, a déposé au nom de X...Patrick le 16 novembre 2016 à 14 heures 55, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Vu l'article 99-2 du Code de procédure pénale, qui ne prévoit pas d'appel contre cette ordonnance au sens de l'article 186 du Code de procédure pénale, mais la possibilité de déférer à la Chambre de l'instruction par " requête " cette ordonnance, selon les modalités prévues à l'article 186 alinéa 4.
L'acte d'appel doit donc être déclaré régulier et recevable.
AU FOND
Le 4 mai 2016 des fonctionnaires de police en mission de lutte contre le travail dissimulé opéraient le contrôle de trois individus, Mekki C..., Abdelhalim C...et Yahya D..., tous trois de nationalité marocaine, qui étaient en train d'enduire le mur d'une maison sise 8 rue Louis FIGUIER à Montpellier qui était en chantier.
Mekki C...présentait un passeport en cours de validité et, bien que dépourvu de toute autorisation lui permettant d'exercer une activité professionnelle, déclarait travailler pour la société PAM gérée par Patrick X....
Après avoir décliné leur identité Abdelhalim C...en possession d'un passeport en cours de validité et Yahya D...dépourvu de document administratif, tentaient de prendre la fuite mais étaient rattrapés par les policiers.
Abdelhalim C...qui devait lui aussi indiquer travailler pour la société PAM gérée par Patrick X...était reconnu par l'un des enquêteurs comme ayant pris la fuite lors d'un précédent contrôle de chantier opéré à Pignan le 22 avril 2016.
En effet le 22 avril 2016, après avoir constaté que 6 individus étaient affairés à effectuer diverses tâches de maçonnerie dans une maison en chantier sise avenue de Courmonterral à Pignan, les policiers avaient procédé au contrôle de Ahmed E..., Amine H..., Mustafa F..., Abdellah G..., les nommés Brahim C...et Abdelhalim C...parvenant à fuir en abandonnant divers papiers établis à leur nom.
Les quatre personnes interpellées déclaraient travailler pour la société PAM ou pour la société MTD X...toutes deux gérées par Patrick X....
Les investigations menées auprès de l'URSSAF montraient que Brahim C..., Abdelhalim C..., Mekki C...et Yahya D...n'avaient pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche.
Par ailleurs il était constaté que Patrick X...ne versait plus les cotisations dues à l'URSSAF et au RSI.
L'un des employés de Patrick X...dénonçait les conditions de travail que celui-ci imposait à ses salariés ainsi que ses pratiques consistant à verser de manière régulière des salaires au " chef de chantier " Lekbir C...que celui-ci reversait en espèces aux ouvriers non déclarés.
Brahim C...qui avait été blessé en chutant du toit de l'immeuble lors de sa fuite le 22 avril, était entendu et déclarait travailler depuis 2012 pour Patrick X...lequel lui avait donné dans le passé consigne de fuir en cas de contrôle, était venu à son chevet pour l'inviter à expliquer ses blessures par un accident domestique et avait alors élaboré des stratagèmes pour récupérer les papiers perdus, ces indications étant au demeurant confirmées par Said C...présent lors de cette entrevue.
Brahim C...et Said C...présentaient par ailleurs Lekbir C...qui avait conduit le premier nommé à l'hôpital après l'accident comme le recruteur pour le compte de Patrick X...de main d'oeuvre étrangère démunie de titre de travail.
Brahim C...précisait enfin que lui et sa famille occupaient un logement appartenant à Patrick X...qui avait refusé de lui établir un bail et qui prélevait directement sur son salaire les loyers.
Said C...confirmait que Patrick X...avait donné aux ouvriers non déclarés instruction de fuir en cas de contrôle.
Les perquisitions menées en présence de Patrick X...placé en garde à vue, à son domicile, dans ses entrepôt et bureau, conduisaient les enquêteurs sur la piste de trois appartements propriétés du gardé à vue, occupés d'une part par des personnes titulaires ou non de bail qui indiquaient aux policiers n'avoir jamais obtenu de quittances de loyer, d'autre part par trois hommes de nationalité Bangladaise en situation irrégulière sur le territoire français, enfin par Brahim C..., sa femme et leur enfant, tous trois également en situation irrégulière en France.
Aux termes de plusieurs auditions, Patrick X...devait reconnaître non sans difficultés employer les nommés Brahim C...et Mekki C...depuis 2013, Abdelhalim C...et Yahya D...depuis mai 2015 ainsi que Ahmed E...qui étaient tous cinq démunis de titre de travail et qui pour les quatre premiers n'avaient pas été déclarés.
Il était à la tête de deux SCI constituées d'appartements qu'il louait de sorte qu'il percevait des loyers totalisant 5470 € par mois.
Il était propriétaire d'un bateau, de deux véhicules et d'un quad, estimait le montant de son chiffre d'affaires au titre de l'année 2015 à 300 000 euros pour chacune des sociétés SARL PAM et Patrick X...MTD, mais disait ignorer son endettement auprès des organismes sociaux.
À l'issue de leurs investigations les enquêteurs relevaient : " Durant toute sa garde à vue, Monsieur X...a surfé entre déni et mensonge, et sous son air de quinquagénaire débonnaire et timide, se cache un esclavagiste du XXI ème siècle, exploitant sous toutes ses formes la précarité et la misère de ses salariés et locataires ".
Mis en examen le 26 mai 2016, Patrick X...reprenait les déclarations faites aux enquêteurs tout en faisant observer que l'appartement dans lequel se trouvaient les " locataires " bangladais en situation irrégulière était loué par ses soins au gérant du snack situé au rez-de-chaussée de l'immeuble.
Il était placé en détention provisoire.
La poursuite des investigations a permis de découvrir au domicile du mis en examen des seaux contenant des pièces de monnaie, d'or et d'argent, le tout évalué à la somme de 148 500 € ainsi qu'une somme de 23 400 € et de mettre en évidence d'autres faits susceptibles de recevoir une qualification pénale (D 92).
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Selon ordonnance en date du 18 août 2016, le magistrat instructeur, au visa des articles 131-21, 131-21 alinéa 9 du Code pénal, 706-141 à 706-147, 706-153, 706-154, 706-156 du Code de Procédure Pénale, a procédé à la saisie pénale des sommes inscrites au crédit de comptes bancaires dont est titulaire Patrick X..., soit :
- auprès de la banque BNP PARISBAS, un solde créditeur de 7080, 50 € ;
- auprès de ALLIANZ BANQUE, un solde créditeur de 5219, 55 € ;
- auprès de la banque Société Générale, sur un compte Plan Epargne Logement, le solde créditeur au 12 août 2016 de
15 768, 27 €.
Le conseil du mis en examen a formé appel le 25 août 2016 de cette ordonnance.
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Monsieur le Procureur Général requiert confirmation de l'ordonnance déférée.
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Dans son mémoire régulièrement déposé le conseil de Patrick X...relève que la période de prévention s'étend du 1er janvier 2013 au 4 mai 2016 et fait valoir que les sommes inscrites au crédit des comptes bancaires du mis en examen proviennent de placements réalisés antérieurement au 1er janvier 2013 de sorte que les saisies opérées ne sont pas légitimes.
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SUR QUOI :
Patrick X...a été mis en examen des chefs d'aide à séjour irrégulier, de travail dissimulé et d'emploi de salariés étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France et ce en état de récidive légale.
Outre des peines d'emprisonnement et d'amende, il encourt en application des articles L 8224-3 et L 8256-3 du code du travail la peine complémentaire de confiscation dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 131-21 du Code pénal.
Selon l'article 131-21 du Code pénal, la confiscation porte sur tous les biens qui ont servi à commettre l'infraction, sur ceux qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction.
Selon l'alinéa 9 de l'article 131-21 du Code pénal, la confiscation peut être également ordonnée en valeur. Elle peut être exécutée sur tous les biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.
Au cas d'espèce les sommes objets de l'ordonnance de saisie pénale totalisent 28 068, 32 €.
L'infraction de travail dissimulé imputé au mis en examen entre le 1er janvier 2013 et le 4 mai 2016 est en lien avec l'embauche irrégulière de cinq personnes.
Le procès verbal cote D 63 enseigne que la masse salariale régulièrement déclarée par Patrick X...aux organismes compétents sur la base de quatre salariés s'établit à 21 804 € par trimestre soit 5451 € par salarié, cette somme conditionnant le montant des cotisations sociales dues.
La période au cours de laquelle les personnes visées dans la prévention (Messieurs C..., E..., et D...) ont été irrégulièrement embauchées par Patrick X...s'étale sur 12 mois et plus (tableau synoptique D 17).
Il s'en déduit que les droits éludés, au préjudice des organismes sociaux, du fait de l'embauche des cinq " salariés " non déclarés ne peuvent que s'établir à un montant supérieur à celui totalisant les sommes qui ressortent de l'ordonnance de saisie pénale.
C'est donc à juste titre que le premier juge a décidé comme il l'a fait.
En effet, sans qu'il soit nécessaire d'établir un lien de causalité direct ou indirect avec les infractions commises ou de caractériser le caractère illégal de l'origine des sommes incriminées, les dispositions de l'alinéa 9 de l'article 131-21 du Code pénal autorisent la confiscation en valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, dès lors que la valeur des biens saisis n'excède pas le montant estimé du produit de celles des infractions qui peuvent donner lieu à confiscation.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 131-21 du code pénale ; les articles 99, 99-2, 186, 194 à 200, 207, 212 et 217, 706-141 à 706-147, 706-148 à 706-149, 706-150 à 706-152, 706-53 à 706-158 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable.
AU FOND
Le dit mal fondé.
Confirme l'ordonnance déférée.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,