Grosse + copie
délivrées le
à
3e chambre sociale
ARRÊT DU 29 Juin 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02464 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NESY
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 MARS 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER
N° RG21401688
APPELANTE :
SARL [J] [B] PAYSAGE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me SOUVANNAVONG substituant Me Marie BARDEAU FRAPPA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
MSA DU LANGUEDOC SCE CONTENTIEUX POLE FONCTIONNEL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Mme [K] [D] (Représentante de la MSA) en vertu d'un pouvoir du 06/06/22
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 MAI 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
M. Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL [J] [B] PAYSAGE est une société spécialisée dans l'aménagement et la création de jardins immatriculée en 2004, elle est affiliée à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc.
Le 20 novembre 2012, le cabinet en charge de la comptabilité de la SARL [J] [B] PAYSAGE adressait à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc une lettre ainsi rédigée :
« Notre client M. [J] vient de faire opposition au prélèvement du 26/11/2012 auprès de sa banque suite à l'émission de votre facture du 16/11/2012 d'un montant de 17 801,39 € correspondant au 3e trimestre 2012. Les assiettes mentionnées sur votre facture intègrent à tort des heures supplémentaires pour le 3e trimestre 2012. De plus, le salarié [F] [T] est un apprenti et non un salarié/ouvrier. Nous demandons l'annulation de toute émission de majoration retard suite à l'erreur de calcul de la MSA. Notre client souhaite payer ses cotisations après rectification. »
Le 3 septembre 2013, la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc répondait en ces termes :
« Nous donnons suite à la lettre recommandée adressée par votre agence comptable le 20/11/2012 concernant le bordereau d'appel de cotisations sur salaires du 3e trimestre 2012 pour lequel sont contestées l'intégration des heures supplémentaires ainsi que le statut de M. [F] [T] au sein de votre entreprise. Concernant la REM RDF, les montants saisis sur le 36 trimestre 2012 pour chacun de vos salariés étaient erronés mais étant déclaratifs, la MSA les a pris en compte pour le calcul de la Réduction Fillon. Or cette REM RDF incluait effectivement les heures supplémentaires sur votre déclaration des salaires et ce pour l'ensemble de vos salariés. Finalement, nous avons régularisé cette erreur et une nouvelle facture rectificative vous sera adressée prochainement. Merci d'en tenir informé l'agent comptable responsable de votre dossier. De même concernant votre salarié, M. [F]
[T] a bien été codifié comme apprenti mais les montants REM et SMIC RDF avaient été renseignés à tort sur la déclaration des salaires. Enfin, nous savons que vous ne souhaitez pas régler vos cotisations avant l'émission rectificative du mois d'octobre, mais nous attirons votre attention sur le fait qu'aucune remise de majoration de retard ne pourra être faite tant que vous n'aurez pas réglé les cotisations à titre principal. À ce sujet, merci de prendre contact avec notre service contentieux pour échelonner les paiements au 04 67 34 80 18. »
La caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc a émis le 20 juin 2014 une contrainte à l'encontre de M. [B] [J] à titre personnel pour une somme de 154,15 € relative à l'année 2013.
Le 12 août 2014, la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc a mis en demeure la SARL [J] [B] PAYSAGE, par lettre reçue le 20 août 2014, d'avoir à lui régler la somme de 19 187,73 € se décomposant en un principal de 17424,43 € et des majorations/pénalités pour 1 756,30 € concernant le 3e trimestre 2012 et le 3e trimestre 2013.
La caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc a émis le 18 septembre 2014 une contrainte, reçue le 26 septembre 2014, portant sur une somme de 19 180,73 € concernant le 3e trimestre 2012 et le 3e trimestre 2013 (soit 17 424,42 € au titre des cotisations salarié et 1 756,30 € au titre des majorations de retard) au visa de la mise en demeure du 12 août 2014.
Formant opposition aux deux contraintes précitées, M. [B] [J], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de gérant de la SARL [J] [B] PAYSAGE, a saisi le 1er octobre 2014 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault, lequel, par jugement rendu le 27 mars 2017, a :
déclaré irrecevable l'opposition formée par M. [B] [J] à l'encontre de la contrainte du 20 juin 2014 éditée à son encontre ;
déclaré recevable la contrainte [sic] formée par M. [B] [J], en qualité de gérant de la SARL [B] [J] PAYSAGE ;
validé ladite contrainte à hauteur de 8 739,65 € sans préjudice des frais de notification qui restent à la charge de la partie opposante ;
débouté les parties opposantes du surplus de leurs demandes ;
rappelé qu'en application des dispositions de l'article R. 725-10 du code rural et de la pêche maritime, le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Cette décision a été notifiée le 28 mars 2017 à la SARL [J] [B] PAYSAGE qui en a interjeté appel suivant déclaration du 28 avril 2017.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la SARL [J] [B] PAYSAGE demande à la cour de :
à titre principal,
dire la contrainte infondée ;
annuler la contrainte ;
débouter l'intimée de l'intégralité de ses demandes ;
condamner l'intimée au paiement de la somme de 5 301,06 € à titre de remboursement de cotisations indûment perçues ;
condamner l'intimée au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
condamner l'intimée à lui payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire,
ordonner une mesure d'expertise afin de clarifier le calcul et le montant des cotisations avec comme mission pour l'expert :
'entendre les parties et tous sachants et se faire remettre tous documents utiles ;
'déterminer et chiffrer le montant des cotisations réellement dues sur la période de 2008 à 2014 ;
'déterminer l'ensemble des versements effectués pour la même période ;
'vérifier sur l'intimée est créancière de quelque montant que ce soit sur la période litigieuse ;
'd'une manière générale, établir le compte entre les parties.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par sa représentante selon lesquelles la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc demande à la cour de :
déclarer l'appel recevable mais mal fondé ;
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;
condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera tout d'abord relevé que M. [B] [J] n'a pas interjeté appel en son nom personnel et que dès lors le jugement en cause n'est pas entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'opposition formée par M. [B] [J] à l'encontre de la contrainte du 20 juin 2014 le concernant à titre personnel.
1/ Sur les demandes de remboursement de l'indu et de dommages et intérêts
La SARL [J] [B] PAYSAGE soutient que pour les années 2008 à 2014 la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc a calculé des cotisations et pénalités pour la somme de 248 707,44 €, somme qu'elle ne conteste qu'à hauteur des pénalités et majorations de retard de 1 034,55 € pour le troisième trimestre 2012 et de 721,75 € pour le troisième trimestre 2013. Aussi, ne se reconnaît-elle débitrice que de la somme de 246 951,14 € sur la période allant de 2008 à 2014, soutenant qu'il ressort des relevés bancaires qu'elle a réglé sur la même période la somme de 252 252,20 €. Elle réclame en conséquence le remboursement d'un indu de 5 301,06 €.
La société sollicite ainsi le remboursement d'une somme de 5 301,06 € qui serait composée de majorations de retard indues à hauteur de 1 034,55 € et de 721,75 € et de prélèvements bancaires indus pour 3 544,76 €, cette dernière somme ayant varié ainsi :
' année 2008 ;écart : - 8 599,10 € ;
prélèvement indu : 8 599,10 € ;
' année 2009 ;écart : - 4 161,46 € ;
prélèvement indu : 12 760,56 € ;
' année 2010 ;écart : - 2 827,10 € ;
prélèvement indu : 15 587,66 € ;
' année 2011 ;écart : - 3 953,35 € ;
prélèvement indu : 19 541,01 € ;
' année 2012 ;écart : 11 561,01 € ;
prélèvement indu : 7 980,00 € ;
' année 2013 :écart : 5 221,01 € ;
prélèvement indu : 2 758,99 € ;
' année 2014 ;écart : - 785,77 € ;
prélèvement indu : 3 544,76 €.
Il convient d'examiner successivement le différentiel entre les sommes appelées et les sommes prélevées puis les majorations de retard des troisièmes trimestres 2012 et 2013.
1-1/ Sur le différentiel entre les sommes appelées et les sommes prélevées
Concernant les prélèvements bancaires contestés, la caisse soulève la prescription triennale de la demande formulée le 10 juin 2016 concernant les cotisations antérieures à l'année 2014 par application de l'article L. 725-7 II du code rural et de la pêche maritime qui dispose que la demande de remboursement des cotisations mentionnées au I se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.
La société répond qu'elle contestait les sommes réclamées depuis 2010 et que la caisse a partiellement fait droit à ses réclamations en procédant à des remboursements le 28 novembre 2012 et le 10 février 2015 et encore au cours de la présente procédure de sorte qu'elle a tacitement renoncé à la prescription.
La cour retient que l'article 2251 alinéa 2 du code civil dispose que la renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription et que les circonstances de l'espèce n'établissent nullement une telle volonté dès lors que les remboursements effectués faisaient suite à des discussions relatives à la ventilation des heures supplémentaires sur plusieurs salariés, à des calculs de réduction dégressive « Fillon » et à leur base de calcul, au statut de salarié attribué à un apprenti et à une application des taxes CCD FAFSEA un salarié en CDI, mais nullement à une contestation portant sur une différence entre les sommes appelées et les sommes prélevées.
Dès lors, il apparaît que la demande n'est pas prescrite concernant les cotisations versées à partir du 10 juin 2013 et donc concernant le solde d'écart invoqué pour un montant 3 544,76 € au 31 décembre 2014.
La caisse soutient encore que la demande excède l'objet du litige fixé par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense, objet du litige qui en l'espèce se limiterait à une opposition à contrainte.
Mais l'article 4 alinéa 2 du code de procédure civile dispose in fine que l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En l'espèce, la demande de compte entre les parties se rattache par un lien suffisant à l'opposition à contrainte au titre de la compensation et se trouve dès lors recevable.
Sur le fond, les relevés bancaires produits par la société ne permettent pas de retracer les années concernées par les sommes prélevées et ainsi les écarts entre les sommes appelées et prélevées ne constituent nullement des indices d'erreurs.
De plus, le compte proposé par la société, qui a déjà été reproduit, ne débute pas à zéro en 2004, année d'immatriculation de la société, mais en 2008, et aucun élément produit ne permet d'écarter que la somme de 8 599,10 € prélevée en 2008 au-delà des sommes appelées ne correspondait pas effectivement à des dettes relatives aux années 2004 à 2007. Il en est de même pour chaque année et ainsi, faute de présenter un compte débutant à zéro, les calculs produits par la société qui aboutissent à un indu de 3 544,76 € au 31 décembre 2014 sont inopérants, tout comme l'écart de 785,77 € relevé en 2014 entre les sommes appelées et les sommes prélevées se borne à indiquer que des prélèvements effectués courant 2014 concernaient pour partie des sommes appelées antérieurement, ce qui est naturel.
1-2/ Sur les majorations de retard
Concernant les majorations de retard des troisièmes trimestres 2012 et 2013, la caisse fait valoir qu'il appartenait à la société de solliciter une remise devant la commission de recours amiable avant de saisir le juge d'une telle demande.
La cour retient que la société ne soutient nullement qu'elle aurait sollicité une remise amiable des majorations de retard ni qu'elle aurait saisi la commission de recours amiable à ce propos. Dès lors, elle ne peut engager directement cette discussion à l'occasion de la contestation d'une contrainte sans démontrer qu'elle se serait effectivement acquittée sans retard du principal motivant les majorations, ou que ce principal n'aurait pas été dû.
En l'espèce, la société ne conteste plus les sommes appelées et se contente d'affirmer qu'elles ont été régulièrement payées par prélèvements et que ces derniers ont même excédé les montants appelés, mais cette affirmation ne repose sur aucun élément du dossier comme il vient d'être dit. En conséquence les majorations de retard des troisièmes trimestres 2012 et 2013 apparaissent fondés sur des retards effectifs au vu des éléments produits par la caisse.
Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise laquelle ne saurait suppléer une carence probatoire, la société sera déboutée de sa demande de remboursement de prélèvements indus et partant de dommages et intérêts de ce chef, les erreurs reconnues par la caisse ne manifestant aucune mauvaise foi et ayant été corrigées sans retard à la suite d'un dialogue loyal.
2/ Sur la contrainte
La caisse fait valoir que la société a procédé au paiement du solde de la contrainte querellée par chèque du 2 septembre 2017 d'un montant de 8 739,65 €, soit la somme retenue par le premier juge au titre des 3e trimestres des années 2012 et 2013.
La société n'articule aucun moyen, autre que la compensation, opposant à cette dette qu'elle a réglée concernant les périodes précitées.
Au vu du point n° 1, il y a lieu d'écarter toute compensation et ainsi il convient de valider la contrainte à hauteur de 8 739,65 €, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise.
3/ Sur les autres demandes
Il convient d'allouer à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL [J] [B] PAYSAGE supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Rappelle que le jugement en cause n'est pas entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'opposition formée par M. [B] [J] à l'encontre de la contrainte du 20 juin 2014 le concernant à titre personnel.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
Déboute la SARL [J] [B] PAYSAGE de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne la SARL [J] [B] PAYSAGE à payer à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne la SARL [J] [B] PAYSAGE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT