Grosse + copie
délivrées le
à
3e chambre sociale
ARRÊT DU 21 Septembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00296 - N° Portalis DBVK-V-B7B-M7S3
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2016 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON
N° RG21300320
APPELANTE :
Association [4] ET L'ORIENTATION '[4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Annabel MONTELS-ESTEVE de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON
INTIMES :
Monsieur [M] [G]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Représentant : Me Marie-madeleine SALLES, avocat au barreau D'AVEYRON
CPAM DE [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Mr [TF] [E] (Représentant de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 27/04/22
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 JUIN 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSÉ DU LITIGE
L'association [5], qui devait devenir l'association [4], a embauché Mme [M] [G] en qualité d'animatrice socio-éducative selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 1994.
En novembre 2007, le Dr [PB] intégrait l'association au poste de médecin dans la perspective de créer un service de pré-orientation d'accompagnement pour personnes handicapées adultes. Mme [M] [G] rejoignait ce service de pré-orientation Sesame courant 2009.
Le 11 janvier 2011, le contrôleur du travail écrivait à l'employeur en ces termes :
« Le 7 janvier 2011 à 14 heures, nous nous sommes rencontrés en présence de M. CONNES, président ; M. le Dr [R], médecin du travail. Nous avons évalué :
' les mesures prises par vous-même visant à améliorer l'organisation et l'environnement au travail ;
' les mesures qui assurent un soutien adéquat de la direction aux salariés victimes de stress.
Plusieurs décisions ont été prises :
1. Une mission sera donnée à deux psychologues formés à la victimologie. Ils devront travailler sur les ressentis des salariés et appréhender les relations individuelles. Ils interviendront dans le ou les groupes où les individus sont en souffrance. Chacun pourra les rencontrer individuellement. Au préalable, ces deux professionnels auront rencontré le médecin du travail.
2. Une procédure de recrutement d'un responsable des ressources humaines va être lancée. Ce recrutement devrait être effectif d'ici la fin du premier trimestre 2011. Au préalable, l'équipe de direction définira, dans les prochaines semaines, le profil de poste du DRH.
3. Les élections des délégués du personnel seront organisées courant février 2011.
4. Un CHSCT sera constitué au cours de l'année 2011 et au plus tard fin du premier trimestre 2012, ceci, compte tenu de l'évolution du nombre de salariés.
5. Aucune sanction ne sera prise à l'encontre des salariés, ceci, eu égard à la situation conflictuelle
existante.
6. Une coordinatrice a été recrutée début décembre 2010. Son rôle, son positionnement dans l'équipe SESAME et ses attributions ont été clairement évoqués par vous-même lors de réunions collectives. Les rôles précis de cette personne ainsi que celui du médecin devront être reprécisés dans le temps pour être parfaitement compris par les intéressées elles-mêmes et par l'équipe dans son ensemble.
7. Mme le Dr [PB] participe à nouveau aux réunions de synthèse dont les organisations incombent à la coordinatrice.
8. Les délégués du personnel sont convoqués à une réunion mensuelle prévue par les dispositions de l'article L. 2315-8 du code du travail.
9. Une réunion dite « de bilan », identique à celle du 7 janvier 2011, sera organisée début avril 2011.
Une copie de ce courrier est adressée à M. le Dr [R], médecin du travail et aux délégués du personnel. »
Le 2 février 2011, le médecin traitant de la salariée établissait un certificat initial de maladie professionnel ainsi rédigé :
« Hors tableau. Syndrome anxio-dépressif réactionnel à une souffrance ressentie au travail. »
Le 17 juin 2011, l'agent enquêteur a rédigé le rapport suivant :
« I ' Observations diverses :
Le médecin prescripteur est le Dr [P] à [Localité 9]. Le médecin du travail est le Dr [R] à [Localité 9]. Mme [G] occupe un poste d'animatrice socio-éducative, depuis le 1er février 1994. Un certificat médical initial a été établi le 2 février 2011 : Demande de reconnaissance de maladie professionnelle hors tableau, pour syndrome anxio-dépressif et souffrance ressentie au travail. Le dernier jour de travail est le 1er février 2011. Mme [G] était toujours en arrêt, le jour de notre entretien.
II ' Déclarations de Mme [G] :
Mme [G] explique qu'elle occupe un poste d'animatrice socio-éducative, pour deux services de l'établissement : le CRP et la pré orientation. Depuis son entrée dans la structure, le travail s'était toujours déroulé normalement et en bonne coopération entre les différentes équipes, éducatives, médicales et administratives. Mme [G] explique que tout a commencé en début d'année 2010, par des relations dégradées avec le médecin de l'établissement. Les décisions de ce médecin impactent les activités des services éducatifs et du service animation. Le travail en collaboration est pourtant essentiel, dans l'intérêt des stagiaires. Parallèlement, de mauvaises relations se sont instaurées entre Mme [FV] et M. [GM], deux responsables de service. Mme [G] qui travaillait dans l'équipe de Mme [FV], a été rapidement concernée par ces problèmes de personnes. « Nous nous sommes opposés par rapport à l'organisation du travail et la situation est vite devenue pénalisante pour la bonne réalisation de nos missions ». « Dans les mois qui ont suivi, les conditions de travail se sont fortement dégradées ; je me trouvais dans l'incapacité de mener à bien mes activités ». « Je subissais une forme de harcèlement : le médecin méprisait ma fonction ; elle m'agressait parfois verbalement et me mettait plus bas que terre ». « Elle frappait du poing sur la table au cours des réunions d'équipe : elle nous stressait, au point que nous n'osions même plus nous exprimer ». Mme [G] déclare avoir informé la direction de cette situation : « J'ai envoyé un mail d'alerte à M. [U], en lui précisant que cette situation m'empêchait de mener à bien mon activité ». L'assistante sociale de l'équipe, Mlle [W], a demandé une médiation à la direction le 13 juillet 2011. Elle expliquait qu'il n'y avait plus de communication entre le médical et les personnes du service et que cela empêchait de travailler dans des conditions acceptables. « Cela n'a servi à rien ; aucune solution n'a été apportée ». Mme [G] indique que la situation a continué de se dégrader dans les mois suivants : « J'étais en situation de ne pas pouvoir remplir mes missions ; je ressentais un stress important qui se répercutait sur mon état de santé ». « Je perdais le sommeil, j'avais des angoisses répétées et un mal être général s'installait ». Au mois d'août 2010, Mme [FV] a annoncé que la direction avait décidé de se passer de ses services : « J'ai ressenti une totale incompréhension, doublée d'un fort sentiment d'injustice ». « Cette situation a accentué les problèmes de communication : Des clans se sont créés dans l'établissement, surtout après la mise en place du comité de soutien, en faveur de Mme [FV] ». « Certains collègues opposants, exerçaient des pressions, ne nous parlaient plus, ou nous provoquaient ». Mme [G] indique que cette situation était pesante ; elle n'arrivait plus à y faire face ; elle perdait sa motivation et se sentait démunie, dans ses relations quotidiennes avec les stagiaires. À partir du mois de septembre 2010, le médecin n'a plus participé aux réunions d'équipe. Au départ de Mme [FV], c'est M. [U] le directeur qui l'a remplacée : « Il n'y avait plus de cohérence dans l'équipe ; c'était n'importe quoi dans le travail ». « Je m'étais fortement investie jusque-là, pour arriver à une réelle efficacité dans mon travail ; il me semblait que tout s'effondrait ; je ressentais une forte souffrance, avec un sentiment de gâchis ». « Au cours des réunions et des échanges avec le comité de direction, nous avons essayé d'exprimer cette souffrance, en expliquant nos difficultés professionnelles et notre mal être ». « Le directeur ne nous entendait pas ; nous ne comprenions pas ses choix et il ne les expliquait pas ; nous étions dans le flou le plus total ; personne ne nous soutenait et ne prenait en compte nos problèmes ». Mme [G] explique que son état psychologique se dégradait de plus en plus :
« Cette tension professionnelle avait des incidences sur ma vie personnelle, avec des répercussions sur ma vie de famille et de couple : je passais des heures au téléphone avec mes collègues, les problèmes du travail occupaient toute ma vie ». « J'avais des idées noires, des phobies de revenir au travail et de rencontrer certaines personnes ». « Ces problèmes me rongeaient et j'avais du mal à réagir ». Mme [G] explique que cette situation a duré jusqu'à la fin de l'année. Elle se trouvait en situation de ne plus pouvoir animer, car elle devait composer avec des gens qui participaient à son mal être. Elle ajoute que la veille du repas de Noël, elle était dans un tel contexte psychologique, qu'elle a ressenti le besoin de s'enfermer dans son bureau et de rédiger une lettre dans laquelle elle affirmait ses points de vue et exprimait son découragement : « il me fallait écrire pour gérer mon mal être et évacuer le trop plein émotionnel ». Elle me donne copie de cette page : Annexe I. Mme [G] explique avoir été reçue par le médecin du travail à cette période : Le Dr [R] a voulu l'arrêter ; elle a refusé par conscience professionnelle et respect des actions entreprises avec les stagiaires. Elle ajoute que le fait déclenchant qui l'a obligée à se rendre chez son médecin et à arrêter le travail, est le refus d'une formation qui pourtant, lui avait été promise : « Le directeur m'avait assurée que je participerai à une formation gestes et postures ; c'était pour moi un espoir, me permettant d'échapper un peu au quotidien stressant ». « Le lundi 31 janvier 2011, j'ai appris par téléphone que je n'étais pas retenue, j'étais effondrée ». « J'ai vécu ça comme une sanction, suite à ma participation au comité de soutien ». « Par la suite, j'ai rencontré M. [U] et je lui ai dit qu'il m'avait totalement démolie ; je suis revenue à mon bureau, j'ai pris mes affaires personnelles et j'ai quitté l'établissement ». Le Dr [P] a prescrit un arrêt de travail à compter du 2 février 2011.
III ' Déclarations des représentants de l'employeur :
M. [O] confirme l'affectation de Mme [G], sur un poste d'animatrice socio-culturelle depuis 1994. Le dernier jour de travail est bien le 1er février 2011. M. [U] confirme que l'établissement a effectivement connu, entre le mois d'août 2010 et l'arrêt de travail de Mme [G], une période difficile de fonctionnement dans les services concernés. Le départ de Mme [FV] était un choix de l'équipe de direction, justifié et nécessaire dans le contexte de l'époque. Pour sa part, compte tenu de tous les détails des dossiers, M. [U] a été amené à prendre des décisions tranchées, qui ont pu parfois, ne pas correspondre aux appréciations des uns ou des autres. Certaines actions sont actuellement en phase juridique, il ne peut donc pas communiquer comme il le souhaiterait, sur le fond de ces dossiers. M. [U] évoque un climat relationnel dégradé dans l'entreprise, ainsi que des ressentis divers, chez certains collaborateurs. Toutefois, concernant les déclarations de Mme [G], M. [U] tient à apporter les précisions suivantes :
' Aucun fait de harcèlement envers cette salariée n'a été rapporté à la direction.
' Les positions prises par le Dr [PB], le médecin de la structure, étaient totalement justifiées : il en allait de sa responsabilité médicale. Ses décisions étaient nécessairement tranchées ; elles pouvaient parfois ne pas être comprises par tous, mais elles restaient incontestables.
' Le refus de stage de formation n'est en aucun cas une sanction envers Mme [G] : il s'agissait simplement d'une participation différée, qui a été expliquée et motivée.
M. [U] évoque un fait particulier et personnel, survenu au mois de juillet 2010 : Le mari de Mme [G] a eu accident, lors d'un séjour aux États-Unis, qui a nécessité une hospitalisation puis un rapatriement. L'équipe de direction de l'établissement a aidé sa collaboratrice, en lui apportant un soutien matériel important (mise en contact avec des médecins spécialistes et conseils financiers). Malgré des résultats positifs et des avis rassurants, Mme [G] est restée dans un fort climat émotionnel tout au long de cette période, avec du mal à appréhender simplement la réalité. M. [U] fait le parallèle avec le fonctionnement perturbé du service à l'automne 2010 et les réelles capacités de Mme [G] à gérer une situation ponctuellement difficile. Concernant le contexte général et la situation particulière de Mme [G], MM. [O] et [U] n'ont pas d'autres précisions à apporter. »
L'audit réalisé du 12 avril au 1er juillet 2011 était ainsi conclu :
« L'audit social a révélé un certain nombre de dysfonctionnements tant structurels qu'organisationnels. Une bonne partie d'entre eux sont imputables à l'histoire de l'établissement et à une relative sédimentation des professionnels et de leurs pratiques. L'établissement s'est installé dans un fonctionnement sans culture du contrôle et sans suffisamment se doter d'outils méthodologiques structurant ses actions. Le rythme du changement repéré semble en décalage avec les mutations de l'environnement social et juridique. L'évolution des problématiques des publics accueillis n'a pas été accompagnée à sa juste mesure par une mutation interne institutionnelle permettant d'adapter les pratiques professionnelles à sa mission médico-sociale. Le management des professionnels n'a pas su faire face de manière satisfaisante et anticipatrice aux enjeux et mouvements sociaux qui ont traversé l'établissement afin d'en protéger les acteurs. L'analyse des conditions de travail a mis en exergue une souffrance avérée qui nécessite la mise en chantier au plus vite d'actions correctrices et préventives ainsi que la mise en place d'indicateurs du climat social. La régulation des pratiques doit venir interroger chaque professionnel au même titre que l'institution dans son ensemble quant à la réalisation de ses missions afin que celui-ci apporte aux stagiaires des prestations les plus adaptées à l'actualité de leurs attentes et besoins. Une approche systémique, globale et intégrative doit guider la coordination des outils nécessaires aux processus de changement, et ce afin de garantir le déploiement d'une ergonomie structurelle, au sein de l'établissement, adaptée aux missions et objectifs que celui-ci s'est fixé. »
Le 14 décembre 2011 le médecin conseil a estimé que la salariée présentait un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail ou de gain justifiant son classement dans la catégorie 1et la caisse lui a attribué une pension à compter du 1er février 2012.
La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 15 juin 2012.
Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 13] a rendu le 2 juillet 2012 l'avis suivant :
« Mme [G] [M] a effectué le 4 mars 2011 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre du quatrième alinéa de l'article L. 461-l. Elle a fourni à l'appui de cette demande un certificat du Dr [P] du 2 février 2011 : « Syndrome anxio-dépressif réactionnel à une souffrance ressentie au travail. » Le dossier est soumis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour maladie caractérisée entraînant une incapacité permanente $gt; à 25 %. Le CRRMP de [Localité 13] statue ce jour sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [G] [M] au titre du 4e alinéa pour une maladie caractérisée entraînant une incapacité permanente supérieure à 25 %. Mme [G] est animatrice socio-éducative dans la même entreprise depuis 1994. Elle a fourni un certificat médical initial du Dr [P] du 2 février 2011 mentionnant un syndrome anxio-dépressif réactionnel à une souffrance ressentie au travail. Dans les éléments mentionnés par Mme [G], nous notons, à partir de début 2010, l'évocation de relations dégradées entre différentes personnes de l'établissement et notamment entre deux responsables du service, le licenciement de sa responsable hiérarchique directe ayant, semble-t-il, abouti à la formation de deux « clans » dans l'établissement, le remplacement de cette responsable par le directeur et finalement le refus d'une formation qu'elle espérait juste avant son arrêt. Le directeur, quant à lui, évoque donc une période de fonctionnement difficile en 2010 avec un climat relationnel dégradé dans l'entreprise. Le médecin du travail, le Dr [R], évoque également des relations sociales difficiles et très conflictuelles dans l'établissement ayant conduit à un audit diligenté par une injonction de la Direecte et qui aurait mis en exergue une souffrance au travail avérée à laquelle était exposée une partie importante des salariés de l'établissement. Il mentionne également une inaptitude à tout poste de travail dans l'entreprise concernant Mme [G]. Dans les éléments fournis, nous avons également une expertise du Dr [Y] qui met en évidence l'absence d'antécédents notables sur le plan psychiatrique et conclut à l'existence d'un syndrome psychotraumatique sévère dont l'origine est tout à fait compatible avec les dires de la patiente à savoir : « une situation professionnelle très difficile et conflictuelle ». Au total, au vu des éléments fournis, il semble donc que les relations sociales difficiles et conflictuelles de l'établissement dans lequel travaillait Mme [G], aient effectivement entraîné, chez elle, un syndrome anxio-dépressif réactionnel à cette situation. Le CRRMP de [Localité 13] conclut donc à l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par Mme [G] et ses conditions de travail habituelles. Le comité reconnaît le lien essentiel et direct entre l'exposition professionnelle et la pathologie. La pathologie présentée par Mme [G] [M] peut être reconnue comme maladie professionnelle au titre du quatrième alinéa de l'article L. 461-1. »
Le 31 juillet 2012, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge la maladie constatée le 2 février 2011 au titre de la législation relative aux risques professionnels.
L'employeur a contesté cette décision le 28 septembre 2012 et, le 8 février 2013, la commission de recours amiable a rendu la décision suivante :
« Il a été constaté que la maladie professionnelle n'était inscrite dans aucun des tableaux. Le praticien conseil a donc été interrogé afin de savoir si le taux d'incapacité prévisionnel serait supérieur à 25 %, cet avis conditionnant l'interrogation du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ce praticien a répondu le 30 juin 2011 que l'état de santé de Mme [G] n'était pas stabilisé. Un refus de prise en charge de la maladie en cause lui a donc été notifié le 21 juillet 2011 après délai complémentaire et clôture d'instruction, dûment notifiés aux parties. La jurisprudence autorisant la réouverture de ce type de dossier après stabilisation de l'état de santé de l'assurée, la CPAM a, après demande de l'assurée sociale, interrogé à nouveau le praticien conseil sur le même objet. Ce dernier a indiqué le 26 avril 2012 que l'état de santé de Mme [G] était cette fois stabilisé à la date du 31 janvier 2012 et justifiait l'attribution d'une incapacité permanente partielle de plus de 25 %. Ceci conditionnant la saisine du CRRMP, la caisse a informé le 2 mai 2012 l'association[4]n que le dossier était transmis au CRRMP, et qu'elle pouvait demander la communication des pièces du dossier.
L'association soutient en premier lieu, à l'appui de son recours, qu'elle n'a pas été en mesure de présenter sa position en temps utile puisque dès lors que la CPAM avise le même jour l'employeur qu'elle transmet le dossier au comité, et que les pièces peuvent, à sa demande, lui être communiquées ; il en résulte, selon la jurisprudence, que le caractère contradictoire de la procédure tel que prévu à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, n'a pas été respecté (Cass. Civ. 15 mars 2012). Or, la commission précise que ceci n'est pas le principe consacré par la jurisprudence citée. Cet arrêt précise en effet que le contradictoire n'est pas respecté, lorsque la caisse informe qu'elle transmet le dossier en précisant que l'employeur avait la possibilité de demander les pièces et qu'elle réalise effectivement cette transmission le même jour. Il est ainsi rappelé dans l'espèce citée, que la CPAM a informé l'employeur le 27 avril 2012 et que le comité avait reçu le dossier dès le lendemain. Le seul fait que la caisse informe l'employeur qu'elle transmet le dossier au CRRMP et que les pièces peuvent à sa demande lui être communiquées, ne suffit donc pas à constater le non-respect du contradictoire. Il est ainsi nécessaire pour l'employeur de rapporter la preuve de la date de réception du dossier par le CRRMP. En l'espèce, la commission constate que l'avis du CCRMP de [Localité 8] mentionne la date de réception du dossier qui est le 9 mai 2012. Il est donc constant que la caisse n'a pas adressé le dossier au CRRMP le jour où elle a informé l'association de ce qu'elle transmettait celui-ci, mais plus tard. L'employeur ayant reçu le courrier du 2 mai, le 4 mai 2011, disposait d'au moins 4 jours pour transmettre ses observations. En réalité le délai laissé à l'association a été bien plus long puisque le CRRMP ne s'est réuni que le 2 juillet 2012, et l'employeur de Mme [G] était à même de transmettre ses remarques à la CPAM qui n'aurait pas manqué de les faire suivre au CRRMP. La commission estime dès lors comme mal fondé ce premier moyen.
Il est ensuite invoqué que la caisse ne rapporterait pas la preuve du lien entre la maladie et le travail ainsi que d'agissements agressifs au sein de l'association. Il est toutefois utile de rappeler qu'il n'est pas nécessaire que soit reconnus des agissements agressifs pour que soit reconnue une maladie professionnelle. L'organisme de sécurité sociale ne statue pas en matière correctionnelle et n'est donc pas apte à qualifier le harcèlement professionnel. Seul est analysé l'impact des conditions de travail sur la santé de l'assuré social. En l'espèce, l'agent assermenté a interrogé Mme [G] mais également le représentant de son employeur qui a précisé que l'association avait « effectivement connu, entre le mois d'août 2010 et l'arrêt de travail de Mme [G], une période difficile de fonctionnement dans les services concernés ». Il ajoute que « M. [U] a été amené à prendre des décisions tranchées, qui ont pu parfois, ne pas correspondre aux appréciations des uns ou des autres ». Il reconnaît enfin « un climat relationnel dégradé dans l'entreprise, ainsi que des ressentis divers, chez certains collaborateurs ». Il est ensuite constant que le CRRMP a estimé, au vu du dossier, que la maladie médicalement constatée le 2 février 2011, était en relation avec « une situation professionnelle très difficile et conflictuelle ». Sans non plus qualifier les faits à l'origine de la pathologie ' ce qui ne relève pas de sa compétence ' le CRRMP a donné un avis clair, net et précis. Lorsque qu'un avis d'expert présente ces qualités, il s'impose aux parties. Il est également constant que la présente commission ne dispose pas du pouvoir de désigner un nouveau CRRMP, pouvoir réservé au magistrat de la sécurité sociale. Dès lors, c'est à bon droit que la caisse a accordé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie constatée le 2 février 2011, compte tenu de l'avis ci-avant exprimé par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Par ces motifs,
La commission de recours amiable, réunie le 8 février 2013, ne peut accueillir favorablement la demande de l'association [4]. »
Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, Mme [M] [G]. a saisi le 2 octobre 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 6], lequel, par jugement rendu le 23 septembre 2016, a :
dit n'y avoir lieu à ordonner le sursis à statuer ;
déclaré l'action non-prescrite ;
dit que la maladie professionnelle déclarée par la salariée et médicalement constatée le 2 février 2011 est due à la faute inexcusable de l'employeur ;
fixé au maximum légal la majoration de la rente servie à la salariée par l'organisme de sécurité sociale ;
avant-dire droit sur les préjudices,
ordonné une expertise médicale confiée au Dr [A] [AU], psychiatre, expert auprès la cour d'appel de Montpellier, demeurant [Adresse 2] avec pour mission, les parties régulièrement convoquées par courrier recommandé avec accusé de réception et leurs conseils par lettre simple dont la date figurera sur le rapport d'expertise :
1) se faire remettre l'entier dossier médical de la salariée et, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ;
2) en prendre connaissance ;
3) procéder à l'examen de la salariée, et recueillir ses doléances ;
4) décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé, avant et après la déclaration d'accident du travail, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués ;
5) décrire précisément les lésions dont la victime reste atteinte et qui sont strictement imputables à l'accident du travail ;
6) fournir de façon circonstanciée, tous éléments permettant au tribunal d'apprécier :
' l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la salariée avant consolidation en quantifiant ce poste de préjudice sur une échelle de 1 à 7 ;
' l'existence d'un préjudice d'agrément, soit l'empêchement, partiel ou total, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ;
7) dire, en conformité avec l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, quelles conséquences, au regard des séquelles subies, peuvent en résulter en termes de perte ou de diminution de possibilités de promotion professionnelle ;
8) indiquer si, avant la date de consolidation de son état de santé, la salariée s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire notamment constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d'hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et dans l'affirmative en faire la description et en quantifier l'importance ;
9) fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;
10) établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans cette mission ;
dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne, et déposera son rapport dans les trois mois de la saisine à compter de l'acceptation de la mission ;
dit qu'en cas d'empêchement, il sera procédé au remplacement de l'expert par simple ordonnance sur requête ;
dit que les frais d'expertise seront avancés par la CPAM de [Localité 6] ;
désigné le président de la juridiction pour surveiller les opérations d'expertise.
dit que l'affaire sera rappelée la première audience utile dès réception du rapport de l'expert aux fins qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices complémentaires ;
dit que conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale les sommes allouées à la salariée dans le cadre de l'instance seront avancées par la CPAM de [Localité 6] qui en récupérera le cas échéant le montant auprès de l'employeur ;
condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
Cette décision a été notifiée le 3 janvier 2017 à l'association [4] qui en a interjeté appel suivant déclaration et lettre recommandée du 17 janvier 2017.
Suivant jugement du 24 février 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 6] a déclaré inopposable à l'employeur la décision du 31 juillet 2012 de prise en charge par la CPAM de [Localité 6] de la maladie déclarée par la salariée au titre de la législation professionnelle.
Par arrêt du 20 janvier 2021, la cour de céans a :
joint les procédures inscrites sous les numéros 17/296 et 17/342 sous le numéro 17/296 ;
ordonné avant dire droit la transmission sur diligences de la CPAM de [Localité 6] du dossier médical de la salariée au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de [Localité 13] aux fins de se prononcer sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie diagnostiquée le 2 février 2011 et l'activité professionnelle ;
dit que ce comité adressera son avis motivé au greffe de la cour et à chacune des parties, lesquelles seront convoquées en suite de la réception de cet avis ;
réservé les demandes.
Suivant ordonnance du 15 février 2021, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] a été désigné en remplacement de celui de [Localité 13] qui a fusionné avec le comité de [Localité 10].
Par avis du 1er février 2022, le CRRMP région [Localité 11] a rendu l'avis suivant :
« Assurée née en 1959 présentant selon le certificat médical initial du Dr [P] en date du 02.02.2011 : « Syndrome anxio-dépressif réactionnel à une souffrance ressentie au travail ». La cour d'appel de Montpellier ordonne avant dire droit la transmission sur diligences de la CPAM de [Localité 6] du dossier médical de Mme [M] [G] au CRRMP de [Localité 7] aux fins de se prononcer sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie diagnostiquée le 02/02/2011 et l'activité professionnelle. Le comité est interrogé au titre du 7e alinéa pour affection non-inscrite dans un tableau de maladies professionnelles et entraînant un taux prévisible d'incapacité permanente au moins égal à 25 %. La profession exercée est celle d'animatrice socio-culturelle. Il existe des relations dégradées dans l'entreprise. Une attitude globale à la confusion des rôles et à l'absence de lâcher prise, dans lesquels l'assurée est enrôlée, et le diligentement d'un audit. Le rapport du Dr [Y] conclut à l'absence d'antécédents et la présence d'un syndrome psycho traumatique sévère à rapprocher d'une situation professionnelle très difficile et conflictuelle. Le 2 juillet 2012, le CRRMP de [Localité 13] a reconnu l'origine professionnelle suite à un rapport motivé. Le 8 février 2013 suite à la saisie employeur, la CRA a maintenu la prise en charge à la vue dudit rapport. Une invalidité catégorie I depuis le 01/02/2012, parce que l'assurée ne peut reprendre son travail à temps plein.
À la vue des éléments fournis au sujet de l'intéressée, il ressort que l'épuisement émotionnel, développé sur une longue période, la perte d'estime de soi et la perte de repères, accompagnés de troubles somatiques attestent de l'origine professionnelle. En conséquence, le comité retient un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée. »
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles l'association [4] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter la salariée et la caisse de l'ensemble de leurs demandes ;
condamner la salariée à lui verser une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la salariée aux éventuels dépens.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles Mme [M] [G] demande à la cour de :
débouter l'employeur de son appel ;
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter l'employeur de sa demande nouvelle en appel tendant à écarter tout lien de causalité entre la pathologie contentieuse et la profession exercée ;
dire que sa maladie est d'origine professionnelle ;
condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
condamner l'employeur aux dépens de l'instance d'appel.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son représentant aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] demande à la cour de :
lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice, tant en ce qui concerne la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qu'en ce qui concerne les réparations complémentaires visées aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, condamner l'employeur à lui rembourser, conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 précités, la majoration de rente et les préjudices personnels alloués à la victime ;
rejeter toute demande éventuelle de condamnation à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
mettre les entiers dépens à la charge de la partie perdante.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le caractère professionnel de la maladie
L'employeur conteste le caractère professionnel de la maladie constatée le 2 février 2011. Il se plaint tout d'abord de ce que la caisse ne l'a pas informé de la date de transmission du dossier au deuxième CRRMP et de la possibilité de le consulter au préalable.
Mais, si en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional et si cette information précise la date à laquelle s'effectuera cette transmission, il en va autrement en cas de désignation d'un second CRRMP par la juridiction, l'employeur ayant été parfaitement informé du contenu du dossier dans la cadre du débat judiciaire ainsi que de la saisine de ce second CRRMP par l'arrêt avant dire droit ce qui lui permettait d'adresser à ce dernier toutes observations utiles.
Sur le fond, l'employeur fait valoir que la salariée invoque des relations dégradées liées à un conflit qui opposait en réalité trois salariées dont elle-même et Mme [V] [FV] au Dr. [T] [PB], que ce point résulte des pièces versées aux débats qui font également apparaître qu'après le départ de Mme [V] [FV] la situation s'est améliorée. Il affirme que le rapport d'audit, les attestations établies par Mmes [M] [G] et [J] [H] dans le cadre du contentieux prud'homal, ainsi que celles établies par Mme [C] [X] et M. [K] témoignent du bon fonctionnement du service et qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre la maladie constatée le 2 février 2011 et les faits allégués n'est pas établi dans les rapports entre la salariée et l'employeur.
La cour retient qu'une maladie non-désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. En conséquence, une telle maladie ne peut être reconnue que s'il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la victime, une maladie plurifactorielle ne pouvant donc être reconnue comme professionnelle du seul constat qu'elle constitue une cause directe de l'affection.
En l'espèce, la salariée se plaint d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel constaté médicalement le 2 février 2011 et qui devait conduire à une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. Ce taux n'étant pas contesté, il convient de rechercher s'il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la salariée.
Pour contester ce lien direct et essentiel retenu par les deux CRRMP, l'employeur ne produit aucune pièce médicale, mais il fait valoir qu'après le départ de Mme [V] [FV] la situation s'est améliorée et que le bon fonctionnement du service serait établi par le rapport d'audit ainsi que par les attestations de Mme [C] [X] et de M. [K].
Mais, le rapport d'audit indique au contraire en conclusion que l'analyse des conditions de travail a mis en exergue une souffrance avérée qui nécessite la mise en chantier au plus vite d'actions correctrices et préventives ainsi que la mise en place d'indicateurs du climat social. La lettre du 11 janvier 2011 adressée par le contrôleur du travail relatant la décision de mettre en place cet audit relevait elle-même une situation conflictuelle et l'absence de CHSCT. Enfin, le rapport de l'agent enquêteur du 17 juin 2011 fait état de ce que l'employeur lui-même évoquait un certain climat relationnel dégradé dans l'entreprise.
Au vu de ces éléments, et en l'absence de reprise dans les écritures de l'employeur de l'allégation de cause extérieure présentée à l'agent enquêteur de la caisse tenant à un accident survenu au préjudice du mari de la salariée, il apparaît que l'affection dont a souffert la salariée était bien en lien direct et essentiel avec son travail habituel, étant relevé qu'il est indifférent à ce stade que la souffrance psychique de la salariée, objectivée médicalement et non-contestée, tienne à une faute de l'employeur dans l'organisation du travail ou bien au contraire aux positions professionnelles inadaptées adoptées par la salariée, dès lors que le travail, tel que réalisé concrètement et habituellement par cette dernière, s'est bien révélé directement et essentiellement pathogène.
En conséquence, il convient de retenir le caractère professionnel de la maladie constatée le 11 janvier 2011.
2/ Sur la faute inexcusable
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur en vertu des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La conscience du danger doit être appréciée objectivement, par rapport à la connaissance des devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie dès lors que cette dernière, non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la salariée et a entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur en soit une des causes nécessaires pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres causes, fautives ou pas, auraient concouru au dommage.
La salariée expose qu'elle a été victime d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des relations professionnelles conflictuelles avec sa supérieure hiérarchique de fait, le Dr [T] [PB]. Elle produit des attestations de témoin dont elle cite les extraits suivants :
' M. [EA] [N], formateur :
« J'ai eu la chance de côtoyer en Mme [G] une collègue joyeuse, chaleureuse, ouverte, généreuse, dynamique et dynamisante, passionnée par sa mission et surtout très solide et équilibrée. Elle s'épuisait de plus en plus dans de multiples démarches pour exprimer son incompréhension et son mal-être au travail, son fort sentiment d'injustice. J'ai ainsi vu passer, à mon grand regret, l'état de santé moral et psychique de Mme [G] de joyeuse dynamique et entreprenante à triste, angoissée, ayant des périodes très perturbées, des idées noires ['] Mme [G] m'a témoigné à plusieurs reprises qu'elle était choquée par le comportement du médecin ['] qui en plus traitait Mme [G] de manière hautaine, dédaigneuse, sans considération pour son engagement, ses efforts et son travail » « Mme [G] s'est épuisée avec ses collègues à alerter à plusieurs reprises le directeur ou le président pour qu'ils interviennent' Désespérés de voir les choses bouger en interne nous avons participé ensemble à la création d'une section syndicale dans l'espoir de faire entendre cette souffrance à l'extérieur' » « Pour moi il est impossible de ne pas faire le lien entre les défaillances de management lors de cette période, le laisser faire et l'absence de réaction adaptée de la part de la direction face à une souffrance devenue évidente, le mépris ou l'absence de réponse et de clarté cherchant avant tout à protéger la direction aux dépens de la santé du personnel et de Mme [G]. »
' M. [I] [ZH], employé :
« Les positions tranchées et non discutables du médecin (Dr [PB]) heurtent l'ensemble de l'équipe pédagogique » « La direction à nouveau couvre le médecin. Nous avons souvent demandé en DP/CE au directeur d'intervenir, mais il n'y a jamais eu de réunion entre les collaborateurs de SESAME et lui-même. Il a choisi de laisser pourrir la situation, de laisser se dégrader le climat au détriment de la santé physique et morale du personnel. La direction est responsable de ne pas avoir agi pour débloquer le fonctionnement, d'avoir fait des promesses, non mises en application »
' Mme [FV], formatrice coordinatrice :
« [Mme [PB]] lors des réunions de synthèse de l'équipe SESAME que j'animais n'avait de cesse de remettre en cause l'activité APA ['] cette attitude s'accompagnait d'un comportement désobligeant et parfois humiliant vis-à-vis de Mme [G] (impatience quand Mme [G] prenait la parole, remise en cause de ses observations sur les capacités physiques des stagiaires, etc.) » « Je me suis employée à trouver une solution pour que Mme [G] puisse dans l'intérêt des stagiaires reprendre normalement son travail. J'ai signalé la situation au directeur M. [U] lors de nos réunions ['] Au fil du temps et en dépit de mes démarches auprès de la direction rien ne changeait dans la situation de Mme [G]. ['] Je décidais de rencontrer encore une fois le médecin et d'alerter une nouvelle fois le directeur [U] sur la tournure de gravité que prenait la situation professionnelle de Mme [G]. »
' M. [D] [AM] :
« J'ai quitté l'équipe de pré-orientation le 8 avril 2011, trop de souffrance et d'injustice. Je ne me sentais plus en capacité de continuer à travailler dans de telles conditions ni de poursuivre une quelconque relation professionnelle avec le médecin. »
' Mme [SN] [VA], psychologue du travail :
« Il y avait souvent une opposition entre Mme [PB] et Mme [G] ['] cette opposition a parasité, freiné le travail de l'équipe, et a souvent minimisé voire invalidé le travail de Mme [G]. À l'issue des réunions, seul l'avis de Mme [PB] était retenu ['] Le travail de Mme [G] a souvent été remis en cause lors de ces réunions par le médecin. Mme [G] nous confiait souffrir de ces propos qu'elle vivait comme un rejet de sa place. J'ai ressenti une non prise en compte du travail, de la souffrance de Mme [G], le directeur ne prenant en compte que la seule position de Mme [PB]. »
' M. [WD] [F], stagiaire en formation :
« J'ai pu constater une dégradation du relationnel entre l'équipe de pré-orientation et le médecin du centre. Malgré cette problématique, la direction n'a visiblement rien entrepris afin de résoudre cette situation »
' [B] [W], assistante de service social :
« Les dysfonctionnements se sont installés et aggravés, accentuant la souffrance des collègues et le désarroi des stagiaires. Pourtant, l'équipe a alerté la direction à plusieurs reprises :
' demande de médiation pour une parole plus apaisée en juin 2010 ;
' 08.12.2010, j'envoie un mail au directeur concernant le fonctionnement déstructuré de l'équipe, malgré mes nombreuses alertes, la direction n'a apporté aucune réponse. »
' M. [L] [S], éducateur sportif :
« Le médecin ne prenait pas en considération les propos de Mme [G] qui présentait l'organisation de la sortie spéléo. Il imposait un comportement agressif, répondait avec mépris à Mme [G]. J'ai pensé au cours de la réunion que le directeur [Z] [U] allait intervenir dans un souci d'apaisement, cela n'a pas été le cas. Au contraire il a soutenu les propos et l'attitude du médecin. »
L'employeur répond que la faute qui lui est reprochée doit être caractérisée avant le 2 février 2011, date à laquelle l'affection a été médicalement constatée, alors même que les attestations produites par la salariée concernent des périodes imprécises. Il explique que quelques semaines après l'évaluation effectuée en mars 2010 il a été amené à constater les agissements répétés de Mmes [V] [FV], [M] [G] et [J] [H] s'opposant de concert au Dr [T] [PB] et à ses prérogatives médicales notamment en la blâmant de ne pas violer le secret médical auquel elle était astreinte. L'employeur fait valoir que c'est dans ce contexte qu'avant l'été 2010 il a pris une première mesure en demandant au Dr [T] [PB] de ne pas participer aux réunions du SESAME.
L'employeur ajoute que Mme [V] [FV] a été mise à pied le 4 octobre 2010 puis licenciée le 20 octobre 2010, ce qui a conduit à la constitution d'un comité de soutien regroupant 19 salariés sur 57 dont Mmes [M] [G] et [J] [H], que le 1er décembre 2010, une nouvelle coordinatrice, Mme [C] [X] a été recrutée et que le Dr [T] [PB] a alors réintégré les réunions pluridisciplinaires auxquelles le directeur a été constamment présent.
La salariée demande le bénéfice de la présomption irréfragable de faute inexcusable posée par l'article L. 4131-4 du code du travail en expliquant que dès le 10 février 2010 elle avait adressé à M. [Z] [U] un courriel ainsi rédigé :
« Je souhaiterais vous rencontrer pour vous exprimer la difficulté et la souffrance que cela génère et qui déteint sur mon état général, d'une situation en lien avec le travail qui occasionne des conditions défavorables à la réussite. Je serai à 2isa vendredi toute la journée. Je me rendrai disponible pour un rendez-vous. »
L'article L. 4131-4, dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2018, disposait que :
« Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé. »
L'employeur n'articule aucun moyen opposant à la présomption légale et la cour retient que dans le contexte de l'espèce tel que décrit par les témoins précités, le rapport d'audit ainsi que le rapport de l'agent enquêteur de la caisse, le courriel du 10 février 2010 adressé au directeur explicitait suffisamment le risque psychosocial qui s'est matérialisé un peu moins d'un an plus tard et qu'ainsi le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour la salariée.
Il sera relevé surabondamment que l'employeur explique lui-même que quelques semaines après l'évaluation effectuée en mars 2010 il a constaté les agissements répétés de Mmes [V] [FV], [M] [G] et [J] [H] s'opposant de concert au Dr [T] [PB], qu'il connaissait donc ce conflit, ainsi que son intensité, bien avant le 2 février 2011, et que dès lors, il avait, ou à tout le moins il aurait dû avoir conscience de la souffrance au travail que pouvait ressentir la salariée, souffrance qui a été directement constatée par les nombreux témoins précités ainsi que par son médecin traitant et par le médecin du travail. En effet, l'employeur aurait dû appréhender le vif conflit qui opposait la salariée au Dr [T] [PB] non seulement en recherchant le bien fondé de la position de chacune des parties afin de se ranger du côté de celle qui lui apparaissait être la meilleure, comme lui permet son pouvoir de direction, mais en recherchant si ce violent conflit n'avait pas engendré un risque psychosocial spécifique et en mettant en 'uvre les moyens de prévention adéquates avant que le risque ne se matérialise pas, comme il envisagera de le faire que tardivement à compter du 7 janvier 2011. Il apparaît que durant l'année 2010, l'employeur a nettement pris le parti du Dr [T] [PB] dont la position lui semblait légitime, ce qui n'encourt pas en soi la critique, mais qu'il n'a cherché à adopter des mesures de protection qu'au profit de cette dernière, sans veiller à la santé et à la sécurité de l'autre partie au conflit, ce qui constitue un manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle il était tenu envers la salariée en vertu des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail alors même qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était soumise du fait du conflit qui l'opposait au Dr [T] [PB], conflit duquel elle ne parvenait manifestement pas à s'abstraire et que, ce faisant, il a commis une faute inexcusable, cause nécessaire de la maladie professionnelle.
3/ Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie
La caisse demande à la cour de condamner l'employeur à lui rembourser, conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la majoration de rente et les préjudices personnels alloués à la salariée.
L'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'il appartient à la caisse d'avancer les réparations et que ces dernières n'ont pas encore été fixées.
Mais la majoration de la rente a déjà été ordonnée par le jugement entrepris qui sera confirmé sur ce point et la liquidation du préjudice n'est pas nécessaire pour statuer sur le principe de garantie de la caisse par l'employeur. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de la caisse.
4/ Sur les autres demandes
Il convient d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute l'association [4] de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne l'association [4] à payer à Mme [M] [G] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne l'association [4] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT