Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02201 - N° Portalis DBVK-V-B7B-ND6G
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 MARS 2017
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE L'HERAULT
N° RG21501794
APPELANT :
Monsieur [C] [H]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Stéphanie JAUVERT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMEES :
EARL [12]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentant : Me Francis TOUR de la SCP THEVENET, TOUR, avocat au barreau de MONTPELLIER
MSA DU LANGUEDOC SCE CONTENTIEUX POLE FONCTIONNEL
[Adresse 14]
[Adresse 11]
[Localité 3]
[10]
Service contentieux
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentant : Me Francis TOUR de la SCP THEVENET, TOUR, avocat au barreau de MONTPELLIER
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 JUIN 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Monsieur [C] [H] a été embauché par la société (earl) [12] à compter du 24 août 2011, en qualité d'ouvrier agricole (ouvrier qualifié - niveau III - échelon 1).
Le 19 avril 2013, il a déclaré une maladie professionnelle, à savoir une épicondylite au coude droit, médicalement constatée par le Docteur [E] [W] aux termes d'un certificat médical initial établi le 12 avril 2013.
Le 12 juin 2013, la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc a pris en charge cette maladie au titre du tableau n°39 B des maladies professionnelles du régime agricole.
L'état de santé de Monsieur [C] [H] a ensuite été déclaré consolidé au 1er janvier 2014, avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 2%. Monsieur [C] [H] a contesté ce taux, un recours étant actuellement pendant à ce titre devant le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne.
Le 22 janvier 2015, Monsieur [C] [H] a saisi la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc d'une procédure amiable en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l'EARL [12], dans la survenance de sa maladie professionnelle déclarée le 19 avril 2013.
Le 8 juillet 2015, la commission des rentes de la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc a constaté l'échec de cette procédure amiable en dressant un procès-verbal de carence.
Le 26 octobre 2015, Monsieur [C] [H] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'EARL [12] dans la survenance de la maladie professionnelle susvisée, outre l'indemnisation de ses préjudices en résultant après mesure d'expertise médicale.
Suivant jugement contradictoire du 27 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault a débouté Monsieur [C] [H] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Le 13 avril 2017, Monsieur [C] [H] a interjeté appel de cette décision.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/02201, a été appelée pour la première fois à l'audience du 10 mars 2022, puis à été renvoyée à une audience ultérieure aux fins de mise en cause de la compagnie d'assurance de l'EARL [12], à savoir la compagnie [10], sur demande de la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc.
Les débats se sont déroulés le 9 juin 2022.
Monsieur [C] [H] a sollicité l'infirmation du jugement, en demandant à la cour de reconnaître la faute inexcusable de l'EARL [12] dans la survenance de sa maladie professionnelle. Il a, par ailleurs, demandé à la cour de :
- condamner l'EARL [12] au paiement d'une provision d'un montant de 2 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
- ordonner la majoration de son indemnité au maximum ;
- surseoir à statuer sur la liquidation de ses préjudices dans l'attente de la fixation définitive de son taux d'incapacité permanente partielle et ordonner avant dire droit une expertise médicale pour l'évaluation desdits préjudices ;
- lui donner acte de ce qu'il sollicitera ultérieurement sur la base du rapport d'expertise judiciaire à intervenir la condamnation de son employeur à indemniser l'intégralité des préjudices subis ;
- déclarer la décision opposable à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc qui devra faire l'avance des sommes dues dans le cadre de la procédure ;
- condamner l'EARL [12] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'EARL [12] a sollicité la confirmation du jugement, et a demandé en conséquence à la cour de débouter Monsieur [C] [H] de l'intégralité de ses demandes. A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, elle a sollicité la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des préjudices subis par le salarié, sans pour autant être condamnée au paiement d'une provision. Enfin, elle a demandé à la cour de réserver les dépens en fin d'instance.
La compagnie d'assurance [10], intervenante forcée en qualité d'assureur de l'EARL [12], a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de débouter Monsieur [C] [H] de ses demandes. Elle a également demandé à ce que la décision lui soit déclarée opposable, et à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise soit ordonnée afin d'évaluer les préjudices du salarié en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, sans allocation de la moindre provision au profit Monsieur [C] [H] , outre la réservation des dépens en fin d'instance.
La caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc, pour sa part, s'en est rapportée à la justice quant à l'existence ou non d'une faute inexcusable de l'EARL [12] dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [C] [H]. En cas de reconnaissance d'une telle faute, la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc a sollicité :
- un sursis à statuer dans l'attente de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne relative au taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [C] [H] ;
- la déclaration de la décision commune et opposable à la compagnie [10] ;
- la déclaration de la décision commune et opposable à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc, laquelle sera chargée du versement des indemnités allouées à Monsieur [C] [H] en réparation de ses préjudices ;
- la mise en oeuvre avant dire droit d'une expertise judiciaire aux fins d'évaluation des préjudices de Monsieur [C] [H] ;
- la condamnation de l'EARL [12] au remboursement des sommes que la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc aura été amenée à avancer dans le cadre de la procédure, en ce compris les frais d'expertise.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I.- Sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'EARL [12]
Il résulte des dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale que lorsque l'accident ou la maladie professionnelle est dû(e) à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur en vertu des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale susvisé lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La conscience du danger doit être appréciée objectivement, par rapport à la connaissance des devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.
En outre, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie professionnelle dont celui-ci est atteint. Il suffit, en effet, qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
La survenance de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peut toutefois caractériser à elle seule l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur. Il appartient à la victime qui la recherche, de démontrer que les éléments constitutifs de cette faute sont réunis.
En l'espèce, il ressort des éléments versés au dossier que Monsieur [C] [H] était amené à réaliser des tâches variées dans le cadre de son contrat de travail, consistant notamment en de la manutention de plants (salade etc...), de caisses et de plateaux (ramassage au sol, manipulation, conduite de chariots élévateurs pour les déplacer), ainsi qu'en de la livraison (chargement et déchargement de palettes chez des clients), l'ensemble de ces missions engendrant manifestement des mouvements répétés de préhension et d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de supination et pronosupination exposant donc Monsieur [C] [H] aux risques prévus au tableau n°39 B des maladies professionnelles du régime agricole, à savoir notamment à l'épicondylite droite dont il souffre, laquelle a été reconnue par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc.
Monsieur [C] [H] prétend alors que la pathologie dont il est atteint est due à la faute inexcusable de l'EARL [12].
S'agissant incontestablement d'une problématique liée à la manutention de charges au sens des dispositions des articles R 4541-1 et R 4541-2 du code du travail, l'existence d'une faute inexcusable de l'EARL [12] dans la survenance de la maladie professionnelle susvisée doit s'apprécier à l'aune de ses obligations découlant non seulement des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, mais également de celles découlant des dispositions des articles R 4541-3 et suivants du même code, en vertu desquelles l'employeur doit prendre les mesures d'organisation appropriées ou utiliser les moyens appropriés, notamment des équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs.
Aux termes de l'article R 4541-4 du code du travail, lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée notamment en raison de la configuration des lieux où cette manutention est réalisée, l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de l'opération.
L'employeur doit notamment, à ce titre, en application de l'article R 4541-5 du code du travail, organiser les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en oeuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible.
En outre, lorsque la manutention manuelle de charges ne peut être évitée, l'employeur doit, en application de l'article R 4541-8 du code du travail, fournir aux salariés concernés une information sur les risques encourus lorsque la manutention manuelle de charges n'est pas exécutée d'une manière techniquement correcte, et doit leur faire bénéficier d'une formation adéquate à la sécurité pour exécuter de telles opérations, au cours de laquelle les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.
Au cas d'espèce, à l'examen des éléments versés aux débats et notamment du compte rendu d'enquête contradictoire établi par un agent spécialisé en prévention des risques professionnels de la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc, il apparaît que Monsieur [C] [H] devait déplacer, charger et décharger chez des clients des palettes pesant de 450 kg à plus de 620 kg à l'aide d'un transpalette manuel, la plupart du temps sur un sol en mauvais état, irrégulier ou glissant, et notamment auprès de clients qui n'étaient pas équipés de quai de déchargement ou qui n'aidaient nullement à la tâche.
Selon les recommandations de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de l'institut national de recherche et de sécurité (INRS), le transpalette manuel est un outils inadapté pour évoluer sur des sols en mauvais état, irréguliers ou glissants, et ce d'autant plus lorsque la capacité maximale de chargement est atteinte, à savoir 600 kg, ce qui contraint le salarié qui l'utilise dans ces conditions à adopter une posture asymétrique et à engager des efforts démesurés pour l'élévation de la charge et le roulage de celle-ci, l'exposant donc aux risques des pathologies dites 'd'effort', telle que l'épicondylite dont souffre Monsieur [C] [H].
Or, d'une part, l'employeur reconnaît, devant l'agent spécialisé de la caisse, que le poids des palettes manipulées par Monsieur [C] [H] au moyen du transpalette manuel pouvait excéder le poids maximal prévu par les recommandations de la CNAM et de l'INRS, et que le salarié était parfois contraint d'intervenir sur des sols inégaux chez certains clients dépourvus de tout équipement.
D'autre part, il n'apparaît nullement que l'EARL [12] ait mis à la disposition de Monsieur [C] [H] une aide mécanique adaptée afin de faciliter la livraison des palettes chez les clients, ni que l'employeur ait organisé le poste de travail du salarié en y affectant une seconde personne pour pallier aux difficultés rencontrées et dont il avait connaissance.
En outre, il n'est nullement avéré que Monsieur [C] [H] ait reçu une information sur les risques encourus, dus au port et à la manutention de charges ainsi qu'aux moyens de manutention à poussée et à traction manuelle, ni une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution des opérations précitées portant notamment sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité celles-ci. La prétendue mise à disposition du document unique et le prétendu affichage d'une note pratique sur la prévention des risques, dans un des bureaux de l'EARL [12], non démontrés par l'employeur, sont en tout état de cause des moyens insuffisants pour prévenir des dangers encourus par les salariés.
L'ensemble de ces constatations traduit donc un manquement de l'EARL [12] à son obligation légale de prévention, de protection et de sécurité à laquelle elle était tenue envers Monsieur [C] [H], et implique non seulement que l'employeur avait conscience du danger auquel était exposé le salarié, mais aussi qu'il n'a pas pris les mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité de Monsieur [C] [H].
Ce manquement de l'EARL [12] revêt donc le caractère d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [C] [H] le 19 avril 2013, à savoir l'épicondylite droite prise en charge par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc au titre du tableau n°39B des maladies professionnelles du régime agricole.
Le jugement querellé sera en conséquence infirmé.
II.- Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur
1/ Sur la demande de majoration de l'indemnité en capital
Conformément aux dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, le salarié qui a été victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle lié(e) à la faute inexcusable de l'employeur est fondé à demander la majoration :
- de sa rente, le montant de cette majoration étant fixé de telle sorte que la rente allouée à la victime ne puisse excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'une incapacité totale ;
- ou de son indemnité en capital, dont le montant ne peut dépasser celui de ladite indemnité.
En l'espèce, un taux d'incapacité permanente partielle de 2% a été attribué à Monsieur [C] [H], outre une indemnité en capital.
La contestation de ce taux d'incapacité permanente partielle est actuellement pendante devant le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne.
Compte tenu de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle déclarée le 19 avril 2013, et sans qu'il ne soit nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne devant intervenir relativement au taux d'incapacité permanente partielle, Monsieur [C] [H] est bien fondé à percevoir la majoration maximale de son indemnité en capital, laquelle suivra l'évolution de son taux d'incapacité, notamment en cas d'aggravation de son état de santé, dans la limite des plafonds fixés par les dispositions susvisées, et sera avancée par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc selon les dispositions réglementaires applicables, cette caisse en récupérant ensuite le capital représentatif auprès de l'EARL [12].
B.- Sur la demande de liquidation des préjudices après mesure d'expertise avant dire droit, et sur la demande de provision
En application des dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration du taux de son indemnité en capital, Monsieur [C] [H] peut prétendre à la réparation des préjudices suivants : souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément et préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, étant rappelé que l'indemnisation est versée par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc qui en récupère ensuite le montant auprès de l'employeur, l'EARL [12].
Par ailleurs, il est acquis, depuis la décision 2010-8 QPC du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime puisse demander la réparation complémentaire de l'ensemble des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, la caisse devant encore en faire l'avance sans distinguer selon que ces réparations correspondent aux chefs de préjudice énumérés à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ou se rapportent à d'autres chefs de préjudices.
En conséquence, afin d'évaluer l'intégralité des préjudices subis par Monsieur [C] [H], il convient de surseoir à statuer sur l'évaluation de ses préjudices et d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale en désignant à cet effet un médecin expert qui aura pour mission de se prononcer et d'évaluer les chefs de préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
En outre, la cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments médicaux, Monsieur [C] [H] n'apportant aucun commencement de preuve de l'existence des préjudices qu'il invoque, en sorte qu'il sera débouté de sa demande de provision.
Enfin, les frais d'expertise seront également avancés par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mixte ;
Infirme le jugement rendu le 27 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sciale de l'Hérault ;
Statuant à nouveau ;
Dit que la maladie professionnelle déclarée le 19 avril 2013 par Monsieur [C] [H], à savoir l'épicondylite droite qui a été prise en charge par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc au titre du tableau n°39B des maladies professionnelles du régime agricole, est due à la faute inexcusable de l'EARL [12] ;
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la demande de majoration de l'indemnité en capital dans l'attente de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne à intervenir quant à la contestation du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [C] [H] ;
Fixe au maximum la majoration de l'indemnité en capital servie à Monsieur [C] [H], laquelle suivra l'évolution de son taux d'incapacité, et invite la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc à procéder conformément à la réglementation, en avançant la dite majoration et en récupérant ensuite le capital représentatif auprès de l'employeur, l'EARL [12], laquelle est condamnée en tant que de besoin à lui rembourser les montants ainsi avancés ;
Sursoit à statuer sur l'évaluation des préjudices ;
Ordonne avant dire droit une expertise médicale ;
Commet pour y procéder :
Docteur [T] [Y]
[Adresse 13]
[Adresse 5]
[Localité 6]
qui aura pour mission de :
- convoquer les parties et leurs conseils ;
- se faire communiquer et prendre connaissance du dossier médical et de l'ensemble des documents médicaux qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, concernant Monsieur [C] [H] ;
- procéder à l'examen de Monsieur [C] [H] et recueillir ses doléances ;
- décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé avant et après la survenance de sa maladie professionnelle déclarée le 19 avril 2013 (épicondylite droite), les lésions occasionnées par celle-ci et l'ensemble des soins qui ont dû être prodigués ;
- décrire précisément les lésions dont la victime reste atteinte ;
- évaluer les préjudices personnels mentionnés à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, déterminer l'incidence professionnelle et fournir de façon circonstanciée tout élément permettant à la cour d'apprécier :
* si avant la date de consolidation de son état de santé, la victime s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire, notamment constitué par une incapacité fonctionnelle temporaire ou partielle par le temps d'hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et, dans l'affirmative, d'en faire la description et d'en quantifier l'importance ;
* l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime en distinguant celles subies avant la consolidation et après celle-ci, en quantifiant l'importance de ce préjudice sur une échelle allant de 1 à 7 ;
*l'étendue de son préjudice esthétique en distinguant celui subi avant la consolidation et après celle-ci, en quantifiant l'importance de ce préjudice sur une échelle allant de 1 à 7 ;
*l'existence d'un préjudice d'agrément soit l'empêchement pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une ou des activités sportives ou de loisir ;
*l'existence d'un préjudice d'établissement, si la victime subit ou non une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et dans quelle mesure ;
*donner plus généralement tout élément permettant d'apprécier les préjudices actuels et futurs et certains subis par Monsieur [C] [H] ;
- rechercher également les préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne ;
Dit que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il aura imparti, avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat du greffe de la présente cour dans les trois mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;
Dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du président de la chambre sociale ;
Désigne le président de la chambre sociale pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tous les incidents relatifs à cette mesure ;
Déboute Monsieur [C] [H] de sa demande de provision ;
Dit que l'EARL [12] devra rembourser à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc le montant des sommes dont celle-ci sera amenée à faire l'avance en application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, dont les frais d'expertise ;
Dit que les parties seront convoquées par le secrétariat greffe de la présente juridiction après dépôt du rapport d'expertise ;
Déclare l'arrêt commun et opposable à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc ;
Déclare l'arrêt commun et opposable à la compagnie d'assurance de l'EARL [12], à savoir la compagnie [10], intervenante forcée ;
Réserve les autres demandes, dont celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 14 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT