Grosse + copie
délivrées le
à
3e chambre sociale
ARRÊT DU 21 Septembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02539 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NEYI
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT
N° RG21501821
APPELANTE :
Société [5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Quentin JOREL de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DU GARD
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Mr [P] [N] (Représentant de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 16/06/22
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 JUIN 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Monsieur [G] [H] a été embauché à compter du 1er octobre 2003 au sein de la société [5], en qualité de maçon coffreur.
Le 1er juin 2015, alors qu'il prenait son poste de travail à 8h00, Monsieur [G] [H] a déclaré avoir été victime d'un accident sur son lieu de travail à 8h02, survenu dans les circonstances suivantes : 'pour aider un compagnon à franchir un relevé béton avec une brouette, a soulevé celle-ci avec la main gauche car il tenait une mallette dans la droite et a ressenti alors une vive douleur au bras gauche'; cet accident lui a occasionné une 'douleur latérale bras gauche suite à effort de soulèvement, impotence fonctionnelle à explorer' diagnostiquée le jour-même par le Docteur [D] [V] aux termes du certificat médical initial.
Le 4 juin 2015, la société [5] a établi la déclaration d'accident du travail, en y annexant un courrier de réserves.
Le 5 juin 2015, la caisse d'assurance maladie du Gard a pris en charge d'emblée l'accident susvisé au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Le 8 juin 2015, la caisse d'assurance maladie du Gard a annulé la notification de prise en charge du 5 juin 2015, et a procédé à une nouvelle instruction du dossier compte tenu des réserves émises par la société [5].
Le 12 juin 2015, la caisse d'assurance maladie du Gard a considéré que les réserves émises par l'employeur étaient irrecevables pour défaut de motivation, et a dès lors décidé de prendre en charge d'emblée l'accident du 1er juin 2015 au titre de la législation professionnelle.
Le 30 juillet 2015, la société [5] a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable, motif pris du non-respect du principe du contradictoire par la caisse dans le cadre de l'instruction du dossier.
Le 29 octobre 2015, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault en contestation d'une décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.
Le 24 février 2016, la commission de recours amiable a rejeté la demande en inopposabilité formée par l'employeur.
Suivant jugement contradictoire du 3 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault a déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Monsieur [G] [H] le 1er juin 2015.
Le 26 avril 2017, la société [5] a interjeté appel de cette décision.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/02539, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 16 juin 2022.
La société [5] a sollicité l'infirmation du jugement, en demandant à la cour de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Monsieur [G] [H] le 1er juin 2015.
La caisse d'assurance maladie du Gard a sollicité la confirmation du jugement, et a demandé à la cour de rejeter les demandes formées par la société [5].
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, 'I.- La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur. (...) III.- En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant la décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.'
Les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
A défaut d'instruction de la caisse en présence de réserves motivées de l'employeur, la décision de prise en charge de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est inopposable à celui-ci.
En l'espèce, par courrier du 4 juin 2015, la société [5] a émis les réserves suivantes quant à l'accident dont a déclaré avoir été victime Monsieur [G] [H] le 1er juin 2015 :
'Sans préjudice de l'exercice ultérieur de nos droits, nous formulons les plus expresses réserves quant au caractère professionnel de cet accident pour les raisons suivantes :
L'accident du salarié se serait produit alors qu'il venait tout juste de débuter sa semaine de travail (lundi 1er juin 2015 à 8h02).
En effet, à peine quelques minutes après avoir débuté sa prestation, le salarié s'est plaint de douleur au niveau du bras gauche.
Le salarié accédait à son poste de travail, en portant une mallette d'outillage et ses outils. Il se serait plaint alors, d'une douleur à son bras gauche qui serait intervenue sans choc ni chute.
Ainsi, l'ensemble de ces circonstances laisse à penser que le salarié a, en réalité, été victime d'un accident domestique au cours du week-end qui a précédé la reprise du travail.
Nous contestons donc que la lésion évoquée par le salarié ait un quelconque lien avec le travail.'
Les réserves de la société [5], formulées en temps utile, émettent clairement un doute sur la matérialité des faits allégués par le salarié, et remettent en cause les circonstances de temps et de lieu de l'accident litigieux.
Ces réserves motivées au sens des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, imposaient à la caisse d'assurance maladie du Gard de procéder à une instruction préalable du dossier, par l'envoi d'un questionnaire à l'employeur et à la victime ou par l'ouverture d'une enquête, avant de prendre en charge l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle, la cour rappelant qu'au stade de la recevabilité des réserves l'employeur n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien fondé.
Il s'ensuit qu'en prenant en charge d'emblée l'accident du travail déclaré le 1er juin 2015 par Monsieur [G] [H], sans ouvrir une instruction préalable, la caisse d'assurance maladie du Gard n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, en sorte que la décision de prise en charge litigieuse doit être déclarée inopposable à la société [5].
Le jugement querellé sera donc infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu le 3 avril 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault ;
Statuant à nouveau ;
Déclare inopposable à la société [5] la décision de la caisse d'assurance maladie du Gard relative à la prise en charge d'emblée au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident dont a été victime Monsieur [G] [H] le 1er juin 2015 ;
Condamne la caisse d'assurance maladie du Gard aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 21 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT