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28/09/2022 | FRANCE | N°19/01440

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 28 septembre 2022, 19/01440


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01440 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OBKO



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 30 JANVIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG 17/00477





APPELA

NTE :



Madame [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS de l'AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représentée par Me Florence ROSE, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEES :



Me S...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01440 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OBKO

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 30 JANVIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG 17/00477

APPELANTE :

Madame [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS de l'AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représentée par Me Florence ROSE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Me SELARL DE BOIS D'HERBAUT - Mandataire liquidateur de Société INFORMEX

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me ROY-MAHIEU avocat de la SCP PIERREPONT ROY-MAHIEU avocat au barreau de PARIS

Association CGEA IDF OUEST UNEDIC D

IDF OUEST 164-

[Adresse 2]

92309 [Localité 8] CEDEX

Représentée par Me PANIS avocat pour Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA LABCATAL

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me François-xavier PENIN, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 31 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

La sa Informex a eu pour objet l'activité de promotion médicale auprès des médecins qu'elle a exercée par le biais de délégués (ou visiteurs) médicaux qui sont ses salariés.

C'est ainsi qu'elle a engagé Madame [O] [W] en qualité de délégué médical à temps complet suivant un contrat de travail à durée déterminée du 20 novembre 1996 qui s'est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée.

La salariée a assuré la promotion des produits de la société Labcatal ayant pour objet la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques.

Par lettre du 31 octobre 2016, la société Informex a, d'une part, informé la salariée de son projet de licenciement pour motif économique de tous ses salariés avec impossibilité de reclassement compte tenu de la cessation totale et définitive de son activité et lui a, d'autre part, proposé un contrat de sécurisation professionnelle.

La salariée ayant accepté ce dispositif, la relation de travail a pris fin le 24 novembre 2016.

Par jugement du tribunal de commerce du 30 août 2017,la société Informex a été mise en liquidaton judiciaire et la selarl de Bois Herbaut a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Considérant qu'il existait une confusion d'activité, d'intérêt et de direction entre la société Informex et la sa Labcatal, Madame [O] [W] a attrait ces deux sociétés, le 25 septembre 2017, devant le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire

Par jugement du 2 novembre 2018, rendu au contradictoire du mandataire liquidateur de la société Informex et de l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8], le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit que le licenciement pour motif économique était justifié, a dit que l'obligation de reclassement avait été respectéen que la société Informex n'était pas tenue à la mise en oeuvre d'un ordre de licenciement, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes et a laissé les dépens à la charge de Madame [W].

C'est le jugement dont Madame [W] a interjeté appel une première fois le 27 février 2019 (n°RG 19/1440 ) et une seconde fois le 28 février 2019 (RG n°19/1483

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 mai 2019, les deux affaires ont été jointes pour être instruites et jugées sous le seul n° RG 19/1440.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions n° 3 de Madame [O] [W] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 25 mai 2022.

Vu les dernières conclusions de la selarl de Bois Herbaut en sa qualité de mandataire liquidateur de la sa Informex régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 14 mars 2022.

Vu les dernières conclusions n° 6 de la sas Labcatal régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 25 mai 2022.

Vu les dernières conclusions de l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 11 juillet 2019.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 31 mai 2022.

SUR CE

I - Sur les liens entre la société Informex et la société Labcatal

Madame [O] [W] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il n'avait pas retenu l'existence d'un co-emploi entre ces deux sociétés. Elle soutient pour l'essentiel que pour rejeter ses demandes sur ce point, c'est à tort que le jugement avait retenu la décision d'annulation du refus d'autorisation de licenciement prononcée par le ministre du travail puisqu'elle même n'était pas salariée protégée et qu'elle entendait invoquer le principe de la séparation des pouvoirs entre le juge administratif et le juge judiciaire, qu'en l'espèce, il y avait bien un groupe entre les deux sociétés en ce qu'il existait entre elles des liens capitalistiques, que ces sociétés avaient reconnu former un groupe, qu'il y avait eu immixtion permanente de la société Labcatal dans la gestion économique et sociale de la société Informex avec perte totale d'autonomie de cette dernière, qu'il ressortait de l'ensemble de ses pièces que la société Labcatal avait exercé sur la société Informex un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction à l'égard des salariés de la société Informex, ce qui se tradusait selon elle par l'existence d'un lien de subordination entre elle et la société Labcatal.

Le mandataire liquidateur de la société Informex demande à la cour de confirmer le jugement sur l'existence d'un co-emploi et d'un lien de subordination. Le mandataire liquidateur soutient pour l'essentiel que les relations contractuelles et les liens étroits qui avaient existé entre les deux sociétés s'expliquaient par le cadre législatif et réglementaire régissant l'activité de promotion médicale, que la société Informex avait toujours été le seul employeur en exerçant les prérogatives attachées à cette qualité , qu'il n'existait aucun groupe entre les deux sociétés même si elles pouvaient avoir des intérêts communs et que l'existence d'un groupe n'avait pas été retenue par l'administration.

La société Labcatal demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il avait statué sur les liens entre elle et la société Informex. Elle soutient pour l'essentiel qu'il n'existait pas de co-emploi en raison d'une absence de groupe,d'une absence de confusion d'intérêts, d'activités et de direction au sein d'un groupe et que, susbsidiairement, il n'y avait eu aucune immixtion anormale de sa part dans la société Informex. Elle soutient aussi l'absence de co-emploi en raison de l'absence de lien de subordination par absence de contrôle, direction et sanction de sa part sur Madame [W] laquelle avait agi sous le seul contrôle de la société Informex qui était toujours restée le seul employeur.

L'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] demande à la cour de confirmer le jugement. Elle soutient pour l'essentiel que n'était pas démontrée l'existence d'une véritable immixtion dans la gestion de la société Informex et que la notion de groupe n'avait pas été retenue par l'inspection du travail.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre société que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur , conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que la société Informex et la société Labcatal avaient une communauté d'intérêts économiques en ce que leurs activités étaient complémentaires, la première assurant une activité réglementée de promotion médicale par le biais de ses délégués ou visiteurs médicaux, dont Madame [W], la seconde exerçant une activité, elle aussi réglementée, de fabrication de produits pharmaceutiques.

Leurs relations commerciales s'étaient traduites par la conclusion entre 1976 et 2015 de contrats de prestations de services aux termes desquels la société Informex s'était engagée à assurer la promotion des produits fabriqués par la société Labcatal laquelle en contrepartie s'était engagée à mettre une assistance technique, administrative, comptable et sociale au profit de la société Informex. Ces conventions avaient stipulé que les deux sociétés demeuraient 'des partenaires commerciaux et professionnels indépendants. '

Comme le soutiennent ces deux sociétés, au-delà de cette communauté d'intérêts commerciaux étroits et même si elles avaient pu avoir une minorité d'associés communs pour autant elles étaient toujours restées deux entités juridiques différentes avec leur présidence et leur activité respectives distinctes, leur mode d'organisation et de gestion propre et surtout n'avaient jamais eu de liens capitalistiques entre elles au sens des articles L 2331-1 du code du travail , L233-3 et L 233-16 du code de commerce en sorte qu'il ne peut pas être retenu qu'elles auraient constitué ou appartenu à un groupe. Contrairement à ce qui est soutenu, la société Informex avait continué à fonctionner et n'avait jamais été confrontée à la perte totale de son autonomie d'action.

Le juge peut toujours redonner aux faits leur exacte qualification juridique quelque soit celle retenue par les parties.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par Madame[W] que la société Labacatal, sous couvert des contrats qu'elle avait conclus avec la société Informex tels que ci-dessus rappelés, lui avait adressé directement des directives en matière de vente (qualité, promotion, frais, lieux d'intervention, réorganisation du réseau, outils informatiques... ), avait géré les plans de carrière de Madame [W], ses salaires, ses primes, ses frais professionnels, ses congés, avait procédé aux évaluations professionnelles et déterminé les critères d'appréciation à prendre en compte.

Les interventions permanentes de la société Labcatal n'étaient pas cantonnées à une simple assistance administrative et sociale telle que prévue par les conventions conclues avec la société Informex mais avait visé en réalité tous les aspects de l'exécution de l'activité salariée de MadameTrujillot sans que les sociétés Informex et Labcatal puissent se réfugier, comme elles le font pourtant, derrière les exigences de la réglementation et des certifications propres à leur activité. Sous couvert de ces contrats, la société Labcatal avait dans les faits et de concert avec la société Informex, placée MadameTrujillo dans un lien de subordination juridique en lui donnant des instructions, en surveillant leur bonne exécution et en ayant le pouvoir le cas échéant de la sanctionner . La société Labcatal ne peut dénier avoir eu un pouvoir de sanction, quand bien même n'aurait-elle jamais notifié de sanction disciplinaire dès lors qu'elle avait rappelé par des notes de service son pouvoir d'évaluer négativement la qualité du travail des visiteurs médicaux en cas de non respect de ses instructions.

Il suit de ces constatations que même en l'absence d'un groupe, il avait bien existé, comme l'a d'ailleurs conclu devant la cour MadameTrujillo, un double lien de subordination juridique à savoir, d'une part, celui résultant du contrat de travail conclu le 20 novembre 1996 avec la société Informex et, d'autre part, celui résultant des conditions dans lesquelles la société Labcatal avait donné des ordres à MadameTrujillo , en avait assuré le contrôle et le cas échéant avait détenu le pouvoir de sanctionner tout manquement.

Le jugement sera réformé sur ce point par substitution de motifs.

II- Sur la rupture

Pour obtenir la réformation du jugement en ce qu'il a statué sur la cause du licenciement, Madame [W] demande à la cour à titre principal de dire que la société Informex (33 salariés) et la société Labcatal (plus de 50 salariés) ayant la qualité de co-employeurs, les régles du licenciement collectif (plus de 50 salariés) auraient du être suivies notamment en mettant en place un plan de sauvegarde de l'emploi, que tel n'ayant pas été le cas, son licenciement était frappé de nullité ce qui devait entraîner la solidarité des deux co-employeurs à lui payer des indemnités de rupture.

Elle conclut à titre subsidaire à l'absence de cause réelle et sérieuse. Elle soutient pour l'essentiel qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, que, contrairement à ce qu'avait retenu le jugement, la rédaction du nouvel article L 1233-3 du code du travail issue de la loi du 8 août 2016 n'était pas encore applicable à la date du licenciement, que l'unique motif du licenciement économique était contestable en ce que c'est la société Labcatal qui avait choisi de sa propre initiative de cesser son activité sans y avoir été contrainte par l'ANSM, que le mandataire liquidateur de la société Informex avait reconnu dans une requête aux fins d'être autorisé à transiger que la liquidation judiciaire était consécutive non aux difficultés alléguées par la société Labcatal mais au comportement fautif de celle-ci, qu'il en résultait que la motivation du licenciement économique était erronée et que la véritable cause était le comportement fautif de la société Labcatal, que cette dernière avait repris la production en octobre 2016 ce qui contredisait la lettre de licenciemen, que la cessation de l'activité reposait en réalité sur la faute ou la légéreté blâmable de la société Informex et de la société Labcatal et que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée.

Le mandataire liquidateur de la société Informex conclut à la confirmation du jugement.Il soutient pour l'essentiel qu'il n'y avait pas lieu à mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, que la procédure de licenciement avait été respectée, qu'il n'y avait ni groupe ni co-emploi, qu'il y avait eu cessation totale de l'activité de la société Informex, que cette dernière n'avait commis aucune faute de gestion qui aurait pu concourir à sa mise en liquidation judiciaire, que les deux sociétés avaient respecté leur obligation de reclassement, que les recherches avaient été effectives et que le défaut d'information de la commission paritaire de l'emploi des industries de santé était sans conséquence.

La société Labcatal demande à la cour la confirmation du jugement. Elle soutient que la demande subsidiaire dirigée contre elle par Madame [W] était nouvelle en cause d'appel et était donc irrecevable, qu'en tout état de cause, sa propre responsabilité extracontractuelle ne relevait pas de la compétence prud'homale. Pour le surplus, elle soutient que les deux sociétés ne constituaient pas un groupe, que la société Informex avait bien cessé définitivement son activité le 1er décembre 2016 ce qui consituait un motif économique, que la société Labcatal avait rencontré des difficultés opérationnelles l'ayant contrainte à rompre son contrat avec la société Informex, qu'elle n'avait commis auucne faute ni de légéreté blâmable.

L'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] demande à la cour de débouter MadameTrujillo de toutes ses demandes. Elle considère pour l'essentiel que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse et que l'obligation de reclassement avait été respectée.

La lettre de licenciement du 31 octobre 2016 est ainsi rédigée:

'Nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour le motif économique suivant: En raison de difficultés économiques graves, la société INFORMEX est contrainte de cesser complètement son activité sans qu'il ne soit possible de vous reclasser à ce jour.

En effet, la société INFORMEX est une Société Anonyme dont l'activité réglementée est la fourniture de prestations de promotion médicale de spécialités pharmaceutiques auprès des professionnels de santé (médecins et pharmaciens).

Le contexte de l'activité de visite médicale est spécifique : il s'agit d'une activité réglementée, dans le secteur de la santé publique où l'exclusivité a toute son importance.

Dans ce cadre, la société INFORMEX, qui est l'employeur de 33 Délégués Médicaux, dont vous faites partie, répartis sur le territoire national métropolitain, de 2 Responsables Régionaux, managers des Délégués Médicaux sur le terrain et de 3 employés administratifs chargés du suivi de l'activité des Délégués sur le terrain, fournit ses prestations de promotion médicale à la société LABCATAL, son client unique depuis les années 1970.

La SA LABCATAL rencontre, depuis le 2ème trimestre 2016, de graves difficultés dans son activité qui l'ont contrainte à une suspension totale de sa production et par voie de conséquence de sa commercialisation.

Privée de chiffre d'affaires depuis plus de 6 mois, elle est dans l'obligation économique de réduire drastiquement ses charges, dont celles liées à la promotion médicale, si elle veut revenir sur le marché quant elle sera en mesure de reprendre sa production. C'est ainsi qu'elle a d'abord suspendu le 23 mars 2016 pour une durée de 6 mois le contrat commercial qui la liait à son prestataire INFORMEX. Elle a ensuite été contrainte de le rompre quant elle a constaté que sa situation ne se restaurait pas conformément à ses prévisions et s'aggravait.

Pour faire face aux difficultés économiques engendrées par la situation, qu'elle considérait comme graves mais temporaires, et sauvegarder son activité et ses emplois sur le long terme, la SA INFORMEX a d'abord fait appel au dispositif d'activité partielle, qui lui a été accordé par la DIRECCTE, le 13 mai 2016, pour une durée maximale de 6 mois.

Cette solution alternative et temporaire s'est toutefois révélée insuffisante, puisque la SA LABCATAL, elle-même en situation de difficultés économiques persistante, du fait de la non reprise, à ce jour et pour une durée encore indéterminée, de ses activités industrielles et commerciales, n'a plus les moyens de recourir à la promotion médicale pour promouvoir ses spécialités auprès des professionnels de santé.

Le contexte économique difficile que traverse actuellement l'industrie pharmaceutique et plus particulièrement l'activité de promotion médicale, malmenée par les instances de la santé, explique que les recherches de clientèles nouvelles entreprises par la SA INFORMEX aient échoué et que ses actions de reclassement professionnel n'aboutissent pas.

Privée de ressources, la SA INFORMEX, se voit contrainte d'envisager le licenciement économique de l'ensemble de son personnel, du fait de la cessation complète et définitive de son activité.

Aucun reclassement n'a pu être trouvé à ce jour vous concernant.

Contrat de sécurisation professionnelle :

Dans le cadre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, nous vous proposons le bénéfice du Contrat de Sécurisation Professionnelle. Nous vous remettons ci-joint une documentation d'information établie par Pôle emploi ainsi qu'un dossier d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Nous vous prions de bien vouloir nous retourner, dès réception, le bulletin intitulé « récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle » -Volet 2], qui atteste de la réception de ce document.

Vous disposez d'un délai de 21 jours pour adhérer ou refuser d'adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP).

Ce délai court à compter du vendredi 4 novembre 2016 et expirera le jeudi 24 novembre 2016 au soir.

Les modalités de déroulement de la procédure diffèrent selon que vous adhériez ou non au contrat de sécurisation professionnelle.

-$gt; Vous choisissez d'adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle :

Si vous souhaitez adhérer au dispositif, vous devez remplir et nous retourner le volet 1 et le volet 3 du bulletin d'acceptation.

Si vous adhérez à ce dispositif, votre contrat de travail sera considéré comme rompu d'un commun accord à l'issue de ce délai de réflexion.

Nous vous informons que votre adhésion à ce dispositif vous prive du droit au préavis et à l'indemnité correspondante. Elle sera directement versée par INFORMEX à Pôle Emploi pour financer le dispositif CSP, ce qui, en contrepartie, vous permet de bénéficier d'une meilleure indemnisation par Pôle Emploi, sans différé ni délai de carence.

A l'issue de votre contrat de travail, si vous adhérez à ce dispositif CSP, vous percevrez cependant une indemnité de licenciement calculée sur la base de l'ancienneté que vous auriez acquise si vous aviez effectué votre préavis.

Enfin, toute contestation portant sur la rupture de votre contrat de travail résultant de votre adhésion au CSP se prescrit par 12 mois à compter de cette adhésion. Passé ce délai, aucune contestation ne sera plus possible.

-$gt; Vous refusez d'adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle :

Si vous refusez d'adhérer au dispositif, vous devez remplir et nous retourner le volet 1 du bulletin d'acceptation. Toutefois, sans réponse de votre part au terme du délai de réflexion, nous considérerons que vous refusez d'adhérer à ce dispositif.

Si vous refusez d'adhérer au CSP, votre préavis prendra effet à compter de la date de première présentation de la lettre de notification de votre licenciement qui vous sera alors adressée. La société INFORMEX pourra vous dispenser d'effectuer votre préavis.

Garanties Couverture Santé Prévoyance :

Vous bénéficierez après la rupture de votre contrat de travail d'un maintien des garanties des couvertures santé et prévoyance aux conditions suivantes : maintien sans frais des garanties prévoyance et frais de santé par l'APGIS pour chaque salarié à condition de justifier de son inscription à Pôle Emploi (voir documentation APGIS jointe].

Priorité de réembauchage :

Vous bénéficierez également d'une priorité de réembauchage durant un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail à condition que vous nous informiez, par courrier, de votre souhait d'en user. Dans cette hypothèse, nous vous informerons deout emploi devenu disponible, compatible avec votre qualification actuelle ou toute nouvelle qualification que vous auriez acquise postérieurement à la rupture de votre contrat de travail et dont vous nous aurez informés.

Vous pourrez, dans un délai de 10 jours à compter de votre départ effectif de l'entreprise, nous demander par écrit les critères que nous avons retenus pour fixer l'ordre des licenciements.

Fin de l'activité partielle et fin de la suspension du contrat de travail :

Nous vous informons également que la période d'activité partielle se termine le mercredi 16 novembre 2016 au soir.

A compter de cette date, votre contrat de travail avec INFORMEX ne sera plus suspendu et recommencera à produire tous ses effets.

Si vous avez conclu un contrat avec un autre employeur pendant la période d'activité partielle, comme la loi l'autorise, vous ne pourrez cependant pas honorer vos deux contrats en même temps à l'occasion de la fin de l'activité partielle qui marque la fin de la suspension du contrat qui vous lie avec INFORMEX.

En effet, nous vous rappelons qu'à l'issue de la période d'activité partielle, le travail concomitant pour deux employeurs différents n'est possible qu'à condition que les deux emplois cumulés ne dépassent pas la durée de travail maximale autorisée et que les clauses de vos contrats vous y autorisent.

Cette période, entre la fin de l'activité partielle et, selon l'hypothèse retenue, le début de la prise d'effet de votre CSP, ou la réception de la notification de votre licenciement, est considérée comme une période travaillée et sera rémunérée normalement au salaire habituel.

Toutefois, vous serez dispensée de l'exécution de votre travail pendant cette période.'

Madame [W] soutient à titre principal que son licenciement serait nul au motif que les régles du licenciement collectif d'au moins dix salariés dans une même période de 10 jours n'avaient pas été respectées par la société Informex. Or, dès lors que les sociétés Informex et Labacatal ne constituaient pas un groupe, les effectifs à prendre en compte pour l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi étaient ceux de la société Informex laquelle comptait moins de 50 salariés.

La demande principale dirigée contre la société Infomex fondée exclusivement sur la nullité du licenciement sera par conséquent rejetée.

Il en sera de même de celle dirigée contre la société Labcatal dès lors que Madame [W] bien qu'ayant obtenu la reconnaissance d'un contrat de travail avec la société Labcatal n'a pas pour autant saisi formellement la cour d'une demande aux fins de faire juger que cette société avait rompu ce contrat de travail, le dispositif de ses conclusions d'appelante ne faisant référence qu'au seul licenciement notifié par la société Informex.

Madame [W] soutient à titre subsidiaire que la cessation d'activité de la société Infomex ne pouvait pas consituer un motif économique de licenciement dès lors qu'elle était imputable à une faute de cette société ou sa légéreté blâmable.

Cette demande n'est pas nouvelle en ce qu'elle poursuit les mêmes fins qu'en première instance mais sur un fondement différent.

La lettre de licenciement énonce que les difficultés économiques de la société Informex trouvent leur cause dans le fait que son client unique la société Labcatal avait rencontré des difficultés qui l'avait contrainte à suspendre le 23 mars 2016 pour une durée de 6 mois le contrat commercial qui les liait puis à rompre ce contrat. Il est établi que la résiliation de ce contrat à l'initiative de la société Labcatal est intervenue le 5 septembre 2016.

Dans une requête adressée le 28 novembre 2017 au tribunal de commerce de Nanterre aux fins de l'autoriser à conclure une transaction avec la société Labcatal à hauteur de 75000€ en réparation du préjudice subi par la société Informex à la suite de la résiliation du 5 septembre 2016, le mandataire liquidateur de la société Informex reconnaissait, que les deux sociétés étaient en relation commerciale depuis 1976, date de création de la société Informex, que la société Informex avait pour client unique la société Labcatal, que le contrat qui liait les sociétés avait été rompu sans préavis par la société Labcatal, que la société Labcatal avait fait face à un effondrement de son activité de fabrication de médicament et avait imputé cet effondrement à une injonction de l'ANSM au motif de requalification de ses équipements et de ses process de fabrication, qu'en réalité l'ANSM n'avait nullement interdit à la société Labcatal la production mais lui avait seulement enjoint de prendre des mesures pour assurer la sécurité de la production, que la société Labcatal avait pris l'initiative de cesser temporairment l'activité entre le mois de février 2016 et le mois de novembre 2016 pour réaliser des travaux de contrôle d'accès,de formation de personnel et de revalidation des process existants, que c'est ainsi que la société Labcatal avait finalement résilié le contrat le 5 septembre 2016 sans préavis, que cette rupture avait précipité la société Informex dans une situation l'ayant conduite à cesser son activité, à licencier l'ensemble de son personnel et par suite à régulariser une situation de cessation des paiements ayant abouti à sa liquidation judiciaire.

Ainsi, le mandataire liquidateur avait bien reconnu dans cette requête l'existence d'un préjudice résultant du caractère brutal de la résiliation.

Il est établi ensuite que la société Informex n'avait été créée en 1976 que pour les seuls besoins de la promotion des produits fabriqués par la société Labcatal, que la société Informex n'avait toujours eu comme unique et seul client que la société Labcatal, qu'elle s'était donc placée délibéremment pendant 40 ans sous la dépendance économique de la société Labcatal et que, malgré la suspension provisoire du contrat en mars 2016 puis la rupture brutale du contrat en septembre 2016 par la société Labcatal, ce qui signait l'arrêt de mort de la société Informex, cette dernière, hormis la mise en oeuvre du dispositif de chômage partiel, était restée passive et n'avait entre le mois de mars 2016 et la date des licenciements, intenté aucune action pour retrouver d'autres clients, quitte à demander la levée de la clause d'exclusivité, ou du moins dissuader la société Labcatal de résilier brutalement le contrat.

Cette passivité était d'autant plus coupable que, comme le reconnaissait le mandataire liquidateur dans sa requête ci-dessus et contrairement à ce qu'énonçait la lettre de licenciement, la société Labcatal n'avait pas été contrainte en mars 2016 par l'ANSM à l'arrêt total, fut-il temporaire, de sa production.

En effet, la société Labcatal ne peut pas se retrancher, comme elle le fait, derrière la survenue d'une contamination et l'intervention de l'ANSM, pour expliquer cette situation. Indépendamment de l'origine de la contamination détectée, intentionnelle ou accidentelle, ce problème ne concernait, comme le montre l'injonction de l'ANSM du 4 juillet 2016, qu'une partie de la chaîne de fabrication des produits en sorte que, comme l'invoque la salariée, la société Labacatal n'était pas contrainte dès mars 2016 d'arrêter la totalité de sa production. Ni les lettres de cette agence adressées à la société Labcatal les 16 mars et 27 avril 2016 (lettre annonciatrice d'une injonction à venir) ni l'injonction du 4 juillet 2016 ne la contraignaient à un tel arrêt total.

La société Informex, complétement informée de tous ces paramètres puisque depuis 2011 son président était aussi le directeur général de la société Labcatal, était restée passive sans chercher la moindre solution alternative et n'avait rien fait pour prévenir ou empêcher la situation ci-dessus à l'origine de la cessation d'activité et des licenciements subséquents.

Ces agissements de la part de la société Informex ne constituaient pas de simples erreurs de gestion mais caractérisaient de véritables fautes de gestion ainsi qu'une légéreté blamable de sa part.

Pour ces motifs, il y a lieu de dire, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens, le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de réformer le jugement sur ce point.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée ( 20 ans) dans une entreprise comptant plus de 11 saalriés, du salaire brut mensuel que MadameTrujillo fixe, sans contestation de la part des intimés, à 2785,36€, de son âge (née en 1961) au jour du licenciement peu propice à un reclassement professionnel, de sa situation après la rupture (pôle-emploi et perte de revenus significative, cf ses pièces n°17 et 74), il y a lieu de fixer la créance à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 55000€.

Les créances au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 8356,16€.

Madame [W] qui a fait reconnaître l'existence d'un lien contractuel avec la société Labcatal ne peut rechercher la responsabilité extra contractuelle de cette société au titre de ce même contrat de travail.

Cette demande sera dès lors rejetée.

V - Sur les autres demandes

Il sera statué sur la garantie de l'AGS comme dit au dispositif.

L'équité commande d'allouer à MadameTrujillo la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la sa Informex.

L'équité ne commande pas de faire droit aux autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 30 janvier 2019 en ce qu'il a dit qu'il n'existait pas de contrat de travail entre Madame [O] [W] et la sa Labcatal et en ce qu'il a débouté Madame [O] [W] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail avec la sa Informex,

Statuant à nouveau sur ces points réformés,

Dit qu'un contrat de travail a existé entre Madame [O] [W] et la sa Labcatal depuis le 20 novembre 1996,

Dit que le licenciement de Madame [O] [W] notifié par la sa Informex est sans cause réelle et sérieuse,

Fixe la créance de Madame [O] [W] sur la sa Informex représentée par son mandataire liquidateur, la selarl de Bois Herbaut aux sommes de:

-55000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-8356,16€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la garantie de l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] sera dûe dans la limite du plafond légal en cas d'indisponibilité des fonds détenus par le mandataire liquidateur de la sa Informex et que sa garantie n'est pas due pour les sommes visées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens et éventuelles astreintes.

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ayant rejeté toutes autres demandes et dit n'y avoir lieu à autre indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la sa Labcatal à payer à Madame [O] [W] la somme de 2000€ au

Dit que les dépens resteront à la charge de la sa Labcatal et de la sa Informex représentée par son mandataire liquidateur.

Le greffier Le président

, .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01440
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.01440 ?
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