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05/10/2022 | FRANCE | N°19/02055

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 octobre 2022, 19/02055


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02055 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCPV





ARRET N°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MARS 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS - N° RG F 15/00672








APPELANT :



Monsieur [L] [F]

né le 17 Janvier 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Laurent PORTES substituant Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS





INTIMES...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02055 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCPV

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MARS 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS - N° RG F 15/00672

APPELANT :

Monsieur [L] [F]

né le 17 Janvier 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurent PORTES substituant Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMES :

Maître [L] [N], ès qualité de Mandataire liquidateur de la SASU EASY CONFORT

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Maëva PETIT substituant Me Florence DELFAU-BARDY, avocat au barreau de BEZIERS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alain PORTE substituant Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 01 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur [L] [F] a été engagé par la société Easy Confort en qualité de plombier chauffagiste polyvalent, niveau III, position I, coefficient 210 de la convention collective des ouvriers du bâtiment dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps plein (39 heures) du 2 mai 2012 au 31 juillet 2012. Le motif du recours à ce contrat a été mentionné ainsi : ' hausse d'activité et développement de nouveaux produits'

Par avenant du 31 juillet 2012, les parties au contrat initial ont décidé de le renouveler jusqu'au 31 décembre 2012.

Le 28 décembre 2012, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er janvier 2013 par lequel Monsieur [F] était engagé à temps plein (39 heures) en qualité de climaticien polyvalent niveau III, position I coefficient 210 de la convention collective des ouvriers.

Le 2 septembre 2014, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte en un seul examen en raison du danger immédiat.

Par lettre du 23 septembre 2014, l'employeur a proposé un reclassement au salarié qui l'a refusé et par lettre du 3 octobre 2014, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable, fixé au 16 octobre 2014, en vue de son licenciement pour inaptitude.

Par lettre du 21 octobre 2014, l'employeur l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Invoquant divers manquements de l'employeur et demandant la résiliation judicaire de son contrat de travail ainsi que la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemniataire, Monsieur [F] a saisi, le 17 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de Béziers lequel a prononcé la radiation de l'affaire.

Sur requête du 9 décembre 2015 présentée par Monsieur [L] [F] la réinscription de l'affaire a été ordonnée.

En cours d'instance, la société Easy Confort a été mise en liquidation judiciaire. Maître [L] [N], mandataire liquidateur de la société ainsi que l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] ont été appelés dans la cause.

Le 14 décembre 2016, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement de départage du 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté toutes les demandes des parties.

C'est le jugement dont Monsieur [F] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les dernières conclusions de Monsieur [L] [F] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 24 juin 2019.

Vu les dernières conclusions de Maître [N] mandataire liquidateur de la sasu Easy Confort régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 20 septembre 2019.

Vu les dernières conclusions de l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 21 octobre 2019.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 1er juin 2022.

SUR CE :

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée

Pour faire juger que son contrat de travail à durée déterminée, parce qu'il était irrégulier, devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir la réformation du jugement qui avait rejeté ses demandes de ce chef, Monsieur [F] soutient que le contrat de travail à durée déterminée ne mentionnait pas l'existence d'un accroissement temporaire d'activité, qu'il avait été en réalité engagé dans le cadre du développement continu et permanent de l'entreprise et que d'ailleurs c'est bien parce que l'accroissement d'activité était pérenne que l'employeur l'avait ensuite engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Pour s'opposer aux demandes de l'appelant et obtenir la confirmation du jugement, les intimés répondent que l'embauche en contrat de travail à durée déterminée correspondait à une période où la société avait une forte demande concernant les panneaux photovoltaïques, que le chiffre d'affaires avait alors doublé, que l'accroissement d'activité au jour de la conclusion du contrat à durée déterminée était justifié, qu'il ne s'agissait pas de pourvoir au développement durable et permanent de l'entreprise mais que cet accroissement perdurant, le salarié avait été définitivement engagé.

Selon l'article L1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit comporter l'indication précise du motif pour lequel il a été conclu.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée mentionne dans son intitulé qu'il est conclu 'pour hausse d'activité et développement de nouveaux produits' et dans son article 3 qu'il a 'pour objet l'accomplissement des tâches suivantes résultant d'une hausse de l'activité et du développement de nouveaux produits par la société, le salarié est engagé afin d'aider techniquement la société pour tous les travaux d'installation de nouveaux produits énergie renouvelable.'

Or, de telles mentions ne répondent pas aux exigences du texte susvisé sur la définition précise du motif du recours au contrat de travail à durée déterminée alors que seule la mention selon laquelle le contrat est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité constitue le motif précis requis par ce texte et qu'au surplus, le contrat n'indique pas d'autres circonstances de fait que celles rappelées plus haut concernant les motifs de l'embauche à durée déterminée de Monsieur [F].

Le contrat de travail à durée déterminée étant irrégulier, tout comme son avenant de prolongation qui ne précise rien de plus, la relation de travail est réputée avoir été à durée indéterminée à compter du 2 mai 2012.

La circonstance tirée de ce que les parties avaient conclu ultérieurement un contrat de travail à durée indéterminée ne prive pas le salarié du droit d'obtenir l'indemnité légale de requalification sanctionnant l'irrégularité du contrat de travail à durée déterminée et qui, contrairement à ce qui est soutenu en défense, n'est aucunement liée à la démonstration d'un préjudice.

La créance s'élève de ce chef à la somme de 2026,24€

Sur le rappel de salaires au titre de la classification

Pour obtenir un rappel de salaire au titre de sa classification et la réformation du jugement qui avait rejeté ses demandes de ce chef, Monsieur [F] soutient que bien qu'embauché en qualité de climaticien polyvalent niveau III, position I, coefficient 210 de la convention collective des ouvriers du bâtiment, il avait en réalité exercé les fonctions supérieures de chef d'équipe en sorte qu'il lui était dû un rappel de salaire correspondant à la classification de chef d'équipe, ouvrier, niveau IV, position 2 de ladite convention collective des ouvriers du bâtiment.

Pour s'opposer aux demandes de l'appelant et obtenir la confirmation du jugement, les intimés répondent que les éléments produits par Monsieur [F] n'étaient pas probants, que celui-ci avait exercé les fonctions de climaticien polyvalent niveau III, position I, coefficient 210 telles que prévues par son contrat de travail, que s'il avait effectué un essai dans les fonctions de chef de chantier entre le mois de décembre 2012 et le mois de février 2013 et perçu en contrepartie une prime exeptionnelle, cet essai n'avait toutefois pas étré concluant, qu'à l'issue il avait alors retrouvé ses fonctions contractuelles antérieures, que les fonctions revendiquées avaient été exercées par son supérieur, Monsieur [S], qui était le chef d'équipe.

La convention collective applicable définit les fonctions de climaticien polyvalent niveau III, position I, coefficient 210 comme celles des ouvriers qui exécutent les travaux de leur métier à partir de directives et sous le contrôle de bonne fin, qui sont responsables de la bonne exécution de ces travaux pouvant aussi impliquer la lecture de plans et la tenue de documents d'exécution s'y rapportant.

Dans l'exécution de ces tâches,ils peuvent :

- être assistés d'autres ouvriers, en principe de qualification moindre, les aidant dans l'accomplissement de leurs tâches et dont ils peuvent guider le travail,

- être amenés ponctuellement, sur instructions de l'encadrement, à assumer des fonctions de représentation simple ayant trait à l'exécution de leur travail quotidien, et à transmettre leur expérience, notamment à des apprentis ou à des nouveaux embauchés.

Ils possèdent et mettent en oeuvre de bonnes connaissances professionnelles acquises par formation professionnelle.

La convention collective définit les fonctions de chef d'équipe de niveau IV, position 2 comme celles des ouvriers qui soit réalisent avec une large autonomie les travaux les plus délicats de leur métier, soit assurent de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe.

Dans la limite des attributions définies par le chef d'entreprise, sous l'autorité de leur hiérarchie et dans le cadre des fonctions décrites ci-dessus, ils peuvent assumer des responsabilités dans la réalisation des travaux et assurer de ce fait des missions de représentation auprès des tiers.

Ils possèdent la parfaite maîtrise de leur métier, acquise par la formation professionnelle, initiale ou continue, et/ou une très solide expérience, ainsi que la connaissance de techniques connexes leur permettant d'assurer des travaux relevant de celles-cic.

Ils s'adaptent de manière constante aux techniques et équipements nouveaux, notamment par recours à une formation continue appropriée.

Ils peuvent être appelés à transmettre leur expérience , à mettre en valeur leurs capacités d'animation, au besoin à l'aide d'une formation pédagogique, et à assurer le tutorat des apprentis et des nouveaux embauchés au besoin à l'aide d'une formation pédagogique.

En l'état de ses pièces, Monsieur [F] établit qu'il avait pour habitude dans le cadre de ses fonctions réelles de :

- signer des marchés de travaux ;

- gérer des factures, des chantiers et le matériel à y utiliser ;

- signer les attestations de fin de travaux des chantiers pour les sous-traitants, les attestations de frais supplémentaires au marché de travaux ;

- recevoir des instructions de la part de son employeur qui lui avait dédié une adresse mail professionnelle spécialement dénommée 'chef' et de signer ses mails professionnels ou d'autres documents, à la connnaissance de l'employeur, en visant sa qualité de chef d'équipe ;

- d'être mentionné sur les plannings établis par l'employeur comme ayant la qualité de 'chef' ou de 'responsable technique' ;

- recevoir des instructions de la part de son emplyeur afin de gérer les équipes.

Ces élements matériels sur les fonctions réellement exercées par Monsieur [F] montrent qu'il accomplissait non pas des travaux d'exécution à partir de directives et sous le contrôle de bonne fin ou des travaux consistant ponctuellement, sur instructions de l'encadrement, à assumer des fonctions de représentation simple mais qu'il accomplissait principalement des travaux délicats avec une large autonomie, qu'il assurait de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe, qu'il était à même dans le cadre des chantiers d'assumer des responsabilités dans la réalisation des travaux et d'assurer de ce fait des missions de représentation de l'employeur auprès des tiers.

Ces critères correspondent à ceux prépondérants de la classification conventionnelle de chef d'équipe de niveau IV, position 2, coefficient 270 de la convention collective susvisée.

Si les intimés admettent que Monsieur [F] avait effectivement exercé de telles fonctions, ils ne démontrent pas cependant qu'elles auraient été confiées à titre probatoire au salarié, le versement d'une prime étant très insuffisant à démontrer un accord exprès des parties sur l'existence d'une période probatoire.

Le quantum du rappel de salaire tel qu'il figure en détail aux pièces de Monsieur [F] n'est pas utilement contesté par les intimés.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du rappel de salaires sur classification et la créance sera fixée aux sommes de 9643,55€ au titre du rappel de salaires et de 964,35€ au titre des congés payés y afférents.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, pour obtenir un rappel de salaire au titre des 889,95 heures supplémentaires qu'il aurait accomplies entre le mois de mai 2012 (semaine 18) et le mois de mai 2014 (semaine 22) ainsi que la réformation du jugement qui avait rejeté ses demandes de ce chef, Monsieur [F] produit aux débats ses plannings journaliers avec la mention des heures et des tâches effectuées, la localisation des chantiers, un décompte des heures de travail accomplies dans les locaux de la société au retour des chantiers

(dépôt des clés, débriefing...), un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires effectuées depuis le mois de mai 2012 avec le décompte de toutes les heures réglées et du rappel de salaires afférent ainsi que les témoignages de salariés sur l'existence d'heures supplémentaires non réglées par l'employeur.

Pour s'opposer aux demandes de l'appelant et obtenir la confirmation du jugement sur ce point, les intimés répondent tout d'abord que celui-ci ne pouvait pas valablement fonder ses demandes de rappel de salaires sur de simples annotations réalisées par lui-même et non contre signé de manière contradictoire.

Toutefois, au regard des régles de droit rappelées plus haut, l'argumentation des intimés sur ce point précis est totalement inopérante dès lors qu'en matière d'heures supplémentaires la charge de la preuve ne saurait peser sur le seul salarié et qu'en l'état des éléments que Monsieur [F] a versés aux débats et qui sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, peu important qu'il s'agisse de décomptes unilatéraux établis par le salarié pour les besoins de la cause, il incombe à l'employeur de produire ses propres éléments.

Soutenant que toutes les heures accomplies avaient été payées, le mandataire liquidateur produit aux débats les feuilles de présence, signées par Monsieur [F] et contresignées par l'employeur, mentionnant les heures accomplies par le salarié ainsi que les bulletins de paie. Au vu de ces éléments, le mandataire liquidateur fait observer que Monsieur [F] avait perçu indument 13 heures supplémentaires en 2013 et 8 heures supplémentaires en juin 2014 en sorte que le mandataire liquidateur, appelant incident sur ce seul point, réclame la condamnation de l'appelant à payer cet excédent pour 303,89€.

Il convient de retenir à l'analyse des feuilles de présence, toutes signées par Monsieur [F], et des bulletins de salaires produits par l'employeur que les heures de travail mentionnées sur ces feuilles de présence ont été payées au salarié à l'exclusion toutefois du seul mois de mars 2014 pour lequel le bulletin de salaire mentionne le paiement de 5 heures supplémentaires alors que la feuille de présence mentionne l'accomplissement de 13 heures supplémentaires.

Monsieur [F] ne saurait déduire de cette seule erreur la démonstration que l'ensemble des feuilles de présence qu'il a signées seraient sans effet probant de sa durée du travail.

Il ne peut pas non plus arguer, comme il le fait pourtant, qu'il ne lui aurait pas été demandé, comme prévu au contrat de travail, de transmettre à son supérieur ou au service comptable les feuilles de présence hebdomadaire des heures travaillées alors que la production aux débats par l'employeur de l'ensemble desdites feuilles contredit Monsieur [F] sur ce point.

Si Monsieur [F] produit deus témoignages d'anciens salariés

(Messieurs [G] et [S]) selon lesquels toutes les heures, notamment celles consacrées au retour du fourgon et au passage dans l'entreprise après la fin des chantiers, n'étaient pas payées, il apparait cependant que les feuilles de pointage signées sans réserve par lui contredisent de tels témoignages.

Ainsi, au vu des pièces produites de part et d'autre, Monsieur [F] est seulement créancier de 8 heures supplémentaires non réglées et le surplus de sa demande n'est pas fondé.

Le salarié est créancier de 8 heures supplémentaires accomplies en mars 2014 et non payées. La créance de ce chef sera fixée à la somme de 115,76€ outre la somme de 11,57€ au titre des congés payés y afférents .

L'employeur a réglé 13 heures supplémentaires indues en 2013 et 8 heures supplémentaires indues en juin 2014, il y a lieu de condamner Monsieur [F] à rembourser à la société Easy Confort représenter par son mandataire liquidateur la somme de 303,89€.

Le jugement sera réformé sur ces points.

En revanche, le non paiement de 8 heures supplémentaires n'autorise pas à déduire une intention frauduleuse de la part de l'employeur.

Le jugement qui a rejeté la demande au titre du travail dissimulé sera confirmé.

Sur le harcèlement moral

Pour faire juger qu'il avait été victime de harcèlement moral et obtenir la réformation du jugement qui avait rejeté sa demande de ce chef ainsi que celle au titre du manquement à l'obligation de sécurité, Monsieur [F] soutient avait été continuellement rabaissé et critiqué par son employeur au point que son état de santé avait nécessité un arrêt de travail à compter du 10 juin 2014.

Il produit les témoignages de deux anciens salariés :

- Monsieur [G] rapporte que Messieurs [M] et [T] avaient toujours refusé de payer les heures de retour 'jusqu'à pousser la voix tout en imposant de ramener le fourgon directement à la société , d'y poser les clés et les dossiers clients du jour et de voir notr responsable technique avant de quiiter les lieux.' Monsieur [G] ajoute avoir été le témoin de 'pressions verbales et psychologiques, rabaissements, devant le personnel subis par [L] [F] d'autres employés et moi-même à de nombreuses reprises et ceci par téléphone, convocations sans témoins et verbalement par Monsieur [T]. Nos plannings nous étaient remis bien souvent le lundi matin pour la semaine, celà ne nous permettant aucune flexibilité d'ordre privé (...) J'ai été témoin des différents responsables se moquer de [L] [F] qui était traité de caliméro par Monsieur [T] pendant une réunion lorsqu'il occupait son poste de chargé d'affaires des sous-traitants'

- Monsieur [S] qui rapporte avoir été le témoin 'des multiples pressions morales et psychologiques sur l'ensemble du personnel' Monsieur [S] ajoute :' Les heures de retour de chantier n'étaient pas payées (...) Quand un salarié n'avait pas fini un chantier, mr [T] ainsi que Monsieur [M] l'obligeaient à rester sur place en mettant une forte pression morale au téléphone obligeant le salarié à exécuter les ordres (...) J'ai assisté à des pressions morales sur le fait de mentir à des clients sur beaucopu de critères techniques concernant les chantiers et d'insulte sur les salariés (qui) ne voulaient pas exécuter cet ordre (...) Monsieur [L] [F] était régulièrement traité ed calimero et beaucoup de pressions et d'incapable malgré le sérieux et le professionnalisme de celui-ci. Les salariés recevaient beaucoup de pressions sur leur téléphone personnel le soir et le week-end de la ladirection...'

Toutefois, la teneur de ces témoignages sur les heures de travail a été contredite par les feuilles de présence signées par Monsieur [F] en sorte que leur sincérité est sujette à caution. Pour le surplus, ces témoignages s'ils rapportent l'existence de pressions ne visent cependant pas des faits précis matériellement vérifiables concernant Monsieur [F] et ils s'en tiennent surtout à des considérations générales dissimulant mal le ressentiment de ces témoins à l'égard de leur ancien employeur les privant ainsi de toute objectivité.

Monsieur [F] produit aussi les éléments médicaux et notamment l'attestation du 16 juillet 2014 de son médecin psychiatre qui rapporte avoir eu en consultation Monsieur [F] dans un contexte de dépression réactionnelle à des conflits avec l'employeur, le médecin ajoutant que le patient lui avait relaté des propos méprisants et évoqué le non paiement des heures supplémentaires.

Toutefois, si l'existence d'un syndrome dépressif ne saurait être remise en cause dès lors qu'elle a été médicalement constatée, il n'en demeure pas moins que le médeicn psychiatre n'a fait que reprendre les dires de son patient sur les supposées causes de ce syndrome. Au surplus, le médecin du travail, lors de la déclaration d'inaptitude du salarié constatée le 2 septembre 2014 à l'issue de l'arrêt de travail, avait mentionné que la maladie n'avait pas d'origine professionnelle.

Dans ces conditions, les rares éléments présentés par le salarié au soutien de son accusation de harcèlement moral ne laissent pas présumer l'existence d'un tel harcèlement.

Le jugement qui a rejeté la demande de Monsieur [F] au titre du harcèlement moral et celle au titre du manquement à l'obligation de sécurité sera confirmé.

Sur la résiliation judicaire du contrat

Pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et la réformation du jugement qui a rejeté sa demande de ce chef, Monsieur [F] invoque l'existence de plusieurs manquements graves de l'employeur : le défaut de paiement intégral des heures supplémentaires, le défaut de paiment du salaire correspondant à sa véritbale qualification et le manquement à l'obligation de sécurité.

Les intimés s'opposent à une telle demande pour les motifs déjà exposés précédemment.

Si le non paiement de quelques heures supplémentaires en mars 2014 ne constitue pas un manquement suffisamment grave et si la cour a écarté le grief tiré du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il reste que le fait d'avoir employé de manière régulière Monsieur [F] sur un emploi supérieur à celui pour lequel il avait été engagé contractuellement et de ne pas lui avoir payé le salaire conventionnel correspondant aux fonctions réellement exercées constitue bien un manquement grave et répété, persistant au jour de la saisine initiale du conseil de prud'hommes, et de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail.

Ainsi, réformant le jugement sur ce point, la cour prononcera la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur laquelle résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 21 octobre 2014.

Au jour de la rupture, le salarié avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant plus de 11 salariés. Son salaire brut aurait dû être de 2467,71€ (sur la base de 39 heures contractuelles). Il est né en 1978. Il ne justifie pas de sa situation professionnelle après la rupture. Ces éléments ajoutés aux circonstances de la rupture amènent la cour à fixer sa créance indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 14000€.

A cette créance s'ajoutent celles de 4935,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 493,54€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et 106,05€ au titre du solde de l'indemnité de licenciement.

Sur les autres demandes

Il sera fait droit comme dit aux dispositf aux demandes afférentes à la remise des documents et aux intérêts de droit étant rappelé sur ce dernier point les régles applicables en matière de procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Béziers du 7 mars 2019 en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du harcèlement moral, du travail dissimulé, du certificat d'aptitude à la manipulation des fluides frigorigènes et de la nullité du licenciement,

Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau sur les différents chefs réformés :

-requalifie le contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2012 en un contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette date,

-dit que l'emploi effectivement occupé par Monsieur [L] [F] correspondant à la classification de chef d'équipe, ouvrier, niveau IV, position 2 de ladite convention collective des ouvriers du bâtiment,

-prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 21 octobre 2014,

En conséquence, fixe la créance de Monsieur [L] [F] sur la procédure collective de la sasu Easy Confort représentée par son mandataire liquidateur, Maître [N], aux sommes de :

-2026,24€ au titre de l'indemnité de requalification,

-9643,53€ au titre du rappel de salaire sur classification,

-964,35€ au titre des congés payés y afférents,

-117,76€ au titre des heures supplémentaires de mars 2014,

-11,77€ au titre des congés payés y afférents,

-14000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4935,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-493,54€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

-106,05€ au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

Dit que ces sommes en cas d'indisponibilité des fonds seront garanties par l'Unedic délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 8] dans la limite du plafond légal à l'exclusion de toute somme réclamée au titre des dépens ou astreinte,

Dit, sous réserve des régles applicables aux procédures collectives, que les intérêts sur les sommes allouées sont dûs à compter de la réception par le débiteur de la première demande en justice pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt pour les sommes de nature indemnitaire,

Dit que la sasu Easy Confort représentée par son mandataire liquidateur, Maître [N], devra délivrer à Monsieur [L] [F] le bulletin de paie récapitulatif, l'attestation destinée à pôle-emploi et le certificat de travail rectifiés et conformes à l'arrêt dans le délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt,

Condamne Monsieur [L] [F] à rembourser à la sasu Easy Confort représentée par son mandataire liquidateur, Maître [N], la somme de 303,89€ au titre des heures supplémentaires indues,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la sasu Easy Confort représentée par son mandataire liquidateur, Maître [N].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02055
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.02055 ?
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