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05/10/2022 | FRANCE | N°19/02097

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 octobre 2022, 19/02097


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02097 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCRZ



ARRET N°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ - N° RG F 17/00064


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APPELANTE :



Madame [F] [X]

née le 09 Mai 1975 à [Localité 1] (12)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Jacques-Henri AUCHE substituant Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02097 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCRZ

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ - N° RG F 17/00064

APPELANTE :

Madame [F] [X]

née le 09 Mai 1975 à [Localité 1] (12)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Jacques-Henri AUCHE substituant Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Frédéric SALVY de la SARL FREDERIC SALVY AVOCATS, avocat au barreau d'AVEYRON

INTIMEE :

SASU MAUREL AVEYRON

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie Pierre DESSALCES de la SCP DESSALCES & ASSOCIES, du barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par la SELARL RAVINA-THILLIER-RAVINA &ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 01 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE :

Engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2015 en qualité de secrétaire confirmée, Madame [F] [X] a été licenciée le 16 novembre 2016 par son employeur, la société Maurel Aveyron, pour une absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise er nécessitant son remplacement définitif.

Contestant son licenciement et imputant divers manquements à la société Maurel Aveyron, Madame [X] a saisi, le 25 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Rodez lequel, par jugement du 21 février 2019, l'a déboutée de toutes ses demandes.

C'est le jugement dont Madame [F] [X] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les dernières conclusions de Madame [F] [X] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 25 juillet 2019.

Vu les dernières conclusions de la sasu Maurel Aveyron régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 5 septembre 2019.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 1er juin 2022.

SUR CE :

Sur l'exécution du contrat

Madame [X] conclut à la réformation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes visant à faire reconnaître qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral de la part de certains salariés de la société Maurel Aveyron et que cette société n'avait pas respecté ses obligations de loyauté dans l'exécution du contrat et de sécurité en matière de santé. Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice en découlant.

Elle fait valoir qu'elle avait été débauchée de son précédent emploi dans la société Alliance (Nissan) à l'effet d'étoffer le secrétariat commercial de la société Maurel Aveyron mais qu'en réalité elle avait subi la pression permanente de certains salariés, plus précisément Mesdames [C] et [A] épouse [P], qui n'avaient pas permis son intégration dans l'équipe ; que les particularités de fonctionnement de l'entreprise ne lui avaient pas été montrées ; que ses fonctions avaient seulement consisté pendant près de deux mois à préparer des véhicules et faire des saisies; qu'elle avait du insister auprès de l'employeur pour qu'elle soit formée ; que la formation alors dispensée n'avait été qu'approximative ; que dès le début de l'année 2016, Madame [A] s'était montrée vindicative envers elle en lui adressant des 'piques', en lui reprochant d'être venue travailler un samedi matin en heures supplémentaires ou encore, avec Madame [C], en lui complexifiant ses tâches ; que ces agissements avaient eu pour effet de lui faire sentir qu'elle était inutile et dévalorisée ; qu'elle avait continué à faire l'objet de railleries et d'initimitié de certains salariés ; que l'employeur, pourtant averti en décermbre 2015 ainsi que lors d'un entretien s'étant tenu le 5 avril 2016, n'avait pris aucune mesure particulière et n'avait pas mis fin aux difficultés relationnelles qu'elle rencontrait ; que littéralement épuisée par une telle situation, elle avait bénéficié d'arrêts de travail du 9 mai 2016 au 22 novembre 2016 ; que par lettre du 6 octobre 2016, l'employeur l'avait convoquée une première fois à un entretien préalable à licenciement fixé au 13 octobre 2016 ; qu'elle avait alors rappelé dans une lettre du 12 octobre 2016 adressée à l'employeur sa souffrance au travail et son impossibilité de se présenter à l'entretien ; que restée sans nouvelle sur les suites de la procédure de licenciement, elle avait alors interrogé l'employeur dans une lettre du 25 octobre 2016 ; que le 27 octobre 2016, l'employeur l'avait convoquée une seconde fois à un entretien préalable à licenciement fixé au 10 novembre 2016 ; que dans une lettre du 2 novembre 2016, elle avait reproché à l'employeur une volonté de se séparer d'elle sans avoir mis un terme au harcèlement subi et lui avait fait connaître que la décision de la licencier ayant été déjà prise, elle ne se présenterait pas à cet entretien ; que c'est dans ces conditions qu'elle avait été licencié.

Au soutien de ses moyens tirés du harcèlement moral, du défaut d'exécution loyale du contrat et du manquement à l'obligation de sécurité, elle produit aux débats :

- la lettre d'engagement du 24 septembre 2015 remise par la société Maurel Aveyron pour les fonctions de secrétaire confirmée échelon 10 ;

- son contrat de travail du 1er novembre 2015 en qualité de secrétaire confirmée, échelon 10, avec une période d'essai d'un mois avec possibilité de renouvellement d'un mois et l'énumération de ses principales tâches (accueil clientèle, activité de secrétariat, vente de prestations, produits et accessoires, facturation, encaissement, gestion et suivi des dossiers voitures neuves, application des procédures internes qualité, enregistrement et traitement d'opération comptable) ; en annexe de ce contrat figurait la fiche complète des fonctions ;

- ses bulletins de paie remis par la société Maurel Aveyron à compter du 1er novembre 2016 pour un salaire brut de base de 1800€ et 151,57 heures par mois et les bulletins de salaire remis par la société Alliance en 2015 pour un salaire brut de base de 1657€ (hors primes) et 151,57 heures par mois ;

- les attestations de salariés de la société Alliance (Mesdames [K] et [H], Messieurs [L] et [V]) vantant les qualités personnelles et professionnelles de Madame [X] quand elle travailait avec eux dans la société Alliance ;

- ses arrêts de travail et prolongations du 9 mai 2016 au 22 novembre 2016 ;

- une lettre de son médecin traitant du 23 mai 2016 adressant Madame [X] à un confrère pour 'rechute dépressive sans idées suicidaires' et visant son traitement par antidépresseur pour 'diminuer ses angoisses avec cauchemars et blocage complet à l'évocation d'une reprise du travail' ;

- une lettre de son médecin psychiatre du 7 juillet 2016 rapportant l'existence chez Madame [X] d'une 'dépression réactionnelle sévère liée aux conditions de travail' avec nécessité d'augmenter le traitement médicamenteux et de prolonger l'arrêt de travail car 'actuellement incapable de se confronter au milieu pathogène' et un certificat du 1er décembre 2016 délivré par le même spécialiste indiquant qu'elle est 'régulièrement suivie sur le CMP de [Localité 1] depuis le mois de juillet 2014 sur le plan médical et infirmier' ;

- des prescriptions médicales d'antidépresseur datées des 9 mai 2016, 23 mai 2016, 7 juillet 2016, 26 octobre 2016 et 19 avril 2017 ;

- la lettre de l'employeur du 6 octobre 2016 de convocation à l'entretien préalable du 13 octobre 2016 ;

- la lettre du 12 octobre 2016 adressée à l'employeur dans laquelle Madame [X] indiquait ne pas pouvoir se rendre pour raison de santé à l'entretien du 13 octobre 2016. Elle exposait dans cette lettre avoir subi, très rapidement après son embauche et malgré la promesse d'être intégrée à l'équipe, 'la pression permanente de vos collaboratrices qui n'ont jamais souhaité transmettre leur connaissance à l'effet de m'aider à appréhender pleinement mes nouvelles fonctions et son environnement. Je n'ai eu de cesse de subir leur pression répétée ayant eu pour conséquence une dégradation de mon état de santé'. Elle y ajoutait qu'elle s'était rapprochée de son supérieur, Monsieur [R], pour lui faire part de la situation, que malgré les propos rassurants de ce dernier, les collaboratrices en cause avaient continué à agir afin de lui nuire, qu'elle avait alors sollicité un rendez-vous qui s'était tenu le 5 avril 2016 avec le président de la société, Monsieur Maurel, en présence du chef comptable, au cours duquel elle avait exposé 'ma situation, mon malaise, ma souffrance au travail', que le président l'avait rassurée en lui demandant d'attendre un peu afin qu'une solution soit trouvée mais qu'en réalité rien n'avait changé dans le comportement desdites collaboratrices ;

- la lettre du 25 octobre 2016 adressée à l'employeur dans laquelle Madame [X] le sommait de lui faire connaître la suite de la procédure ;

- la lettre de l'employeur du 27 octobre 2016 reportant l'entretien préalable au 10 novembre 2016 en raison de l'impossibilité de la salariée de se présenter au premier entretien ;

- la lettre du 2 novembre 2016 adressée à l'employeur dans laquelle Madame [X] rappelait lui avoir fait part de sa souffrance au travail et reprochait à l'employeur une volonté de se séparer d'elle sans avoir mis un terme au harcèlement subi. Elle y ajoutait que la décision de la licencier ayant été déjà prise, elle ne se présenterait pas à l'entretien du 10 novembre 2016 ;

- la lettre de licenciement du 16 novembre 2016 motivée notamment ainsi : 'Depuis le 9 mai 2016, vous êtes absente, soit depuis plus de 6 mois. Or cette absence prolongée qui désorganise et perturbe le fonctionnement de l'entreprise n'est plus tolérable et nécessite un remplacement définitif sur votre poste...'

- la lettre du 19 novembre 2016 adressée à l'employeur dans laquelle Madame [X], d'une part, contestait son licenciement en rappelant que ses arrêts de travail trouvaient leur cause dans sa souffrance au travail alors que l'employeur n'avait rien fait pour y mettre un terme et, d'autre part, indiquait que son arrêt de travail n'ayant pas été prolongé, elle était contrainte de reprendre le travail pour exécuter son préavis et demandait à l'employeur d'organiser la visite médicale de reprise ;

- la lettre du 21 novembre 2016 dans laquelle l'employeur lui notifiait la dispense d'exécuter son préavis et la rémunération de celui-ci.

Ces éléments pris dans leur ensemble, en ce compris ceux médicaux, laissent présumer une situation de harcèlement moral en ce qu'à son arrivée dans la société Maurel Aveyron puis dans les mois qui avaient suivi, Madame [X] avait alerté son employeur des agissements répétés de deux de ses collègues (absence de formation ou d'adaptation au nouveau poste, refus d'intégration dans l'équipe, remarques désobligeantes) ainsi que de la poursuite de tels agissements malgré l'engagement pris par l'employeur de les faire cesser, ces agissements ayant eu rapidement pour effet un arrêt de travail de plusieurs mois en raison d'un syndrome dépressif sévère ayant abouti au licenciement de la salariée pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Il incombe dès lors à la société Maurel Aveyron, conformément à l'article L 1154-1 du code du travail, de prouver que les agissements ci-dessus ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société Maurel Aveyron, qui soutient n'avoir commis aucun des manquements que lui reproche Madame [X], conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté les demandes de cette dernière.

Elle fait valoir que contrairement à ce qui est affirmé, Madame [X] n'avait pas été débauchée de son précédent emploi mais avait pris l'initiative de se rapprocher de Monsieur [R] (responsable commercial de la société intimée) avec lequel elle avait déjà travaillé dans le passé et avait fait acte de candidature ; que postérieurement à son licenciement, Madame [X] avait demandé une reconnaissance de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie qui avait

rejeté sa demande ; que toutefois, à l'occasion de cette procédure, la société Maurel Aveyron avait appris que Madame [X] présentait un terrain dépressif antérieur à son embauche chez elle pour avoir été victime d'un burn out en 2014 chez son ancien employeur ; que les témoignages des salariés de l'ancien employeur étaient sans portée pour les faits qui se seraient déroulés après le 1er novembre 2015 ; que les éléments médicaux présentés n'établissaient aucun lien de causalaité entre ses conditions de travail dans la société Maurel Aveyron et son arrêt de travail ; que dès son embauche, Madame [X] avait eu connaisance des missions qui lui étaient confiées ; que les autres salariées (Mesdames [C] et [A] épouse [P]) avaient effectué des heures supplémentaires pour lui expliquer les missions dévolues et le fonctionnement de la société ; que Madame [X] avait d'ailleurs elle-même pris plusieurs notes relatives aux procédures internes.

Au soutien de sa défense, la société Maurel Aveyron produit, outre les lettres que Madame [X] a déjà versées aux débats, les pièces suivantes :

- la lettre du 24 janvier 2017 dans laquelle la caisse primaire d'assurance maladie informait l'employeur de la déclaration d'une maladie professionnelle pour dépression établie le 29 novembre 2016 par Madame [X] ;

- la lettre adressée le 21 février 2017 par la société Maurel Aveyron à la caisse primaire d'assurance maladie pour contester l'existence d'un lien de causalité entre l'état de santé et son travail au sein de la société Maurel Aveyron. Dans cette lettre, la société décrivait les tâches confiées à la salariée et leur fréquence, le matériel professionnel utilisé, l'organisation du travail et les mesures prises par l'employeur pour épondre aux doléances de la salariée ;

- la lettre du 13 mars 2017 dans laquelle la la caisse primaire d'assurance maladie notifiait à la société Maurel Aveyron la décision de la caisse de refus de reconnaisance du caractère professionnel de la maladie de Madame [X], cette maladie ne figurant dans aucun des tableaux de maladies professionnelles ;

- les feuilles de pointage de leurs horaires par Mesdames [C] et [D] sur la période de novembre 2015 à mai 2016 montrant le paiement d'heures supplémentaires ;

- les photocopies des notes manuscrites prises par Madame [X] concernant les différentes procédures en interne.

Ces éléments répondent de manière suffisante et ils permettent d'écarter la présomption de harcèlement moral.

En effet, il apparaît au vu des pièces produites par la société Maurel Aveyron que si Madame [X] s'était effectivement plainte auprès de son employeur de la nécessité d'une adaptation à son nouveau poste, pour autant l'employeur n'était pas resté passif sur ce point et avait fait en sorte que les collègues de travail de Madame [X] assurent une telle adaptation comme le révèlent les notes manuscrites dont Madame [X] ne dénie pas être l'auteur. Cette dernière, qui admet avoir reçu une formation à son arrivée dans l'entreprise, ne saurait soutenir que celle-ci aurait été 'approximative' (sic) alors que la teneur des notes manuscrites versées aux débats par l'employeur la contredit sur ce point et qu'au surplus, Madame [X] revendique elle-même devant la cour une expérience sur un tel poste acquise au cours de plusieurs années passées chez son ancien employeur. Elle peut d'autant moins invoquer une formation ou une adaptation approximative que l'existence des heures supplémentaires, ce que reconnait Madame [X], est matériellement établie par les fiches de pointage de Mesdames [C] et [P]. Dans ces conditions, la formation reçue à son arrivée dans la société Maurel Aveyron et qui consistait à l'informer des procédures internes propres à son nouvel employeur sans qu'il n'ait été besoin de lui donner une qualification et un savoir-faire qu'elle détenait déjà, apparaissait suffisante et proportionnée à la situation. Madame [X] n'hésite d'ailleurs pas à se contredire elle-même puisqu'elle soutient aussi, comme il sera vu plus loin sur la cause de son licenciement, que la spécificité du métier de secrétaire confirmée était 'toute relative' et que son poste n'était ni 'essentiel' ni 'indispensable' (cf page 28 de ses conclusions d'appelante).

La circonstance tirée de ce qu'au cours des deux premiers mois, il ne lui aurait été confié que des tâches partielles, en l'espèce la préparation des véhicules et des saisies, ne caractérise aucun manquement de la part de l'employeur dès lors que de telles tâches correspondaient bien aux missions contractuelles de la salariée et qu'une telle situation, qui n'avait été que très provisoire, s'expliquait aisément par sa période d'adaptation à son nouveau poste.

S'agissant des remarques désobligeantes sous forme de 'piques' et le refus d'intégration, si Madame [X] cite les noms de Mesdames [C] et [P], elle ne produit cependant strictement aucune pièce établissant la matérialité des agissements reprochés à ces deux salariées, Madame [X] ne citant très curieusement aucun nom des autres salariés dont elle affirme pourtant qu'eux aussi s'étaient livrés à de tels agissements.

Certes, Madame [X] avait alerté l'employeur mais il est établi que celui-ci n'était pas resté passif en veillant à ce qu'elle recoive toutes les informations nécessaires à l'adaptation à son emploi dans l'entreprise. Le surplus des accusations, non étayé par le moindre élément, confine tout au plus à une simple mésentente entre Madame [X] et ses deux collègues de travail, mésentente non constitutive d'un quelconque manquement de l'employeur.

L'absence de manquement de la part de l'employeur est d'ailleurs corroborée par le fait que le syndrome dépressif constaté en mai 2016, que Madame [X] impute exclusivement aux agissements des salariés de la société Maurel Aveyron, était en réalité préexistant à son embauche dans cette société le 1er novembre 2015 comme le montrent la lettre de son médecin traitant du 23 mai 2016 mentionnant une 'rechute dépressive' et le certificat du 1er décembre 2016 délivré par son médecin psychiatre indiquant qu'elle est 'régulièrement suivie sur le CMP de [Localité 1] depuis le mois de juillet 2014 sur le plan médical et infirmier'. C'est donc avec une certaine mauvaise foi que Madame [X], qui avait tu en justice cet état de santé préexistant à son embauche dans la société Maurel Aveyron, tente d'en imputer l'origine exclusive à cette société.

Les autres éléments médicaux se bornent à reprendre les dires de Madame [X] sur les prétendues conditions de travail dégradées dans la société Maurel Aveyron et ils ne permettent pas davantage de retenir que de telles conditions auraient à tout le moins contribué à une rechute d'un état préexistant. La cour relève d'ailleurs que Madame [X] n'a versé aux débats aucun élément provenant du médecin du travail pourtant seul à même de donner un avis sur son poste et ses conditions de travail.

Pour ces motifs et ceux non contraires des premier juges, la cour considère comme eux que la société Maurel Aveyron n'a commis aucun agissement de harcèlement moral, ni manqué à ses obligations d'exécuter loyalement le contrat et d'assurer la sécurité et la santé de Madame [X].

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la rupture du contrat

Pour obtenir la réformation du jugement et faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [X] soutient pour l'essentiel que la société Maurel Aveyron ne pouvait se prévaloir d'aucune spécificité en terme d'activité puisque l'agglomératiuon ruthénoise comptait plus de 40 concessions automobiles et le département de l'Aveyron plus de 80 concessions ; que la spécificité de son poste de sécrétaire confirmée était toute relative et que ce poste n'était pas un poste essentiel et non indispensable ; qu'il n'était pas démontré que les autres secrétraires ou commerciaux n'étaient pas en mesure d'assurer ses fonctions ; que compte tenu de la taille de l'entrepise comptant plus de 100 salariés, l'employeur était en mesure de trouver un collaborateur compétent connaissant le métier ; que l'employeur avait trouvé une solution en recourant à l'embauche en contrat de travail à durée déterminée de Madame [U] ; que la convention collective faisait obligation de rechercher d'abord des mesures internes ou externes.

La société Maurel Aveyron qui conclut à la confirmation du jugement qui a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse répond que la lettre de licenciement était motivée par la perturbation objective du fonctionnement de l'entreprise résultant d'une absence prolongée justifiant un remplacement définitif ; que le poste de secrétaire confirmé de Madame [X] était un poste clé et essentiel au sein du pôle adminsitratif ; que conformément à ses obligations conventionnelles, la société avait d'abord mis en oeuvre des mesures internes par le remplacement par d' autres salariés et l'accomplissement d'heures supplémentaire et des mesures externes comme le recrutement en contrat de travail à durée déterminée de Madame [U] ; que la société avait licencié sans précipitation.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'Je vous ai convoqué par courrier en date des 6 et 27 octobre 2016 à deux entretiens préalables au licenciement comme le prévoit les articles L 1232-2 du Code du Travail.

Vous ne vous êtes pas présentée à ces entretiens prévus les 13 octobre et 10 novembre 2016.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de 1 mois au ternie duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement :

Depuis le 9 mai 2016, vous êtes absente, soit depuis 6 mois.

Or cette absence prolongée qui désorganise et perturbe gravement le fonctionnement de l'entreprise n'est plus tolérable et nécessite un remplacement définitif sur votre poste.

Votre poste de Secrétaire commerciale est un poste clé de l'entreprise. En effet il est demandé aux vendeurs de développer leur volume d'affaires, les secrétaires commerciales assurant l'intégralité du suivi des dossiers par le biais du bon de commande (commande, suivi des stocks, immatriculation, demande des aides, livraison aux cliente, encaissement, garantie...). La disponibilité de ce poste est essentielle car à ce jour la SAS MAUREL AVEYRON traite environ 100 véhicules neufs par mois pour un montant moyen de 25 000€.

La particularité du poste nécessite savoir-faire et formation, une secrétaire non spécialisée ne peut vous remplacer temporairement, il a été nécessaire de former plusieurs personnes en particulier.

Nous avons donc pris le parti de vous remplacer partiellement et temporairement par Mesdames [I] [A] et [T] [C], basées sur le site de [Localité 1] et Madame [Z] [N], mise à disposition 3 jours par semaine par la SAS MAUREL MILLAU. Ces trois salariées ont dû reprendre votre poste au pied levé.

Nous avons embauché Madame [S] [U] en CDD toujours dans le but de pallier à votre absence.

Il a été nécessaire de réorganiser l'ensemble du service.

Cette situation d'organisation temporaire ne peut perdurer tant pour la satisfaction générale de la clientèle et les ventes que pour l'organisation de l'entreprise. En effet, nous sommes désorganisés, en cas d'absence d'une secrétaire il ne reste qu'une seule salariée expérimentée à même d'effectuer vos missions principales et qui ne peut donc assumer seule cette double charge de travail, la technicité et l'impact financier de votre poste nécessite qu'il soit occupé par une personne à temps plein.

Nous sommes obligés de pourvoir à votre remplacement définitif par la confirmation de l'organisation mise en place depuis votre absence et par le recrutement d'une personne en Contrat à Durée Indéterminée.

Il est donc avéré au vue de ces différents éléments que votre absence prolongée désorganise de manière importante le fonctionnement de la société.

A ce jour, cette situation n'est plus tenable et nécessite désormais votre remplacement définitif.

Au cours du délai-congé, vous pourrez vous absenter pour rechercher un nouvel emploi. Ces heures d'absence seront prises selon les modalités suivantes : Pendant la période de préavis, le salarié est autorisé à s'absenter, en une ou plusieurs fois en accord avec la direction, pour rechercher un emploi pendant 50 heures par mois. Les absences pour recherche d'emploi en période de préavis ne donnent pas lieu à réduction d'appointements sauf en cas de démission.

Au terme du préavis, nous tiendrons à votre disposition votre dernier bulletin de salaire ainsi que vos documente de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, reçu pour solde de tout compte)' [...]

Si la maladie n'est pas en soi une cause légitime de rupture du contrat de travail, l'absence prolongée du salarié ou ses absences répétées peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement serait perturbé et obligeant l'employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié.

Il appartient donc à la société Maurel Aveyron de rapporter la preuve, d'une part, de la perturbation engendrée par le prolongement de l'absence de Madame [X] et, d'autre part, de la nécessité de son remplacement définitif.

Les dispositions conventionnelles applicables ici prévoient en outre que lorsque le bon foctionnement de l'entreprise est perturbé par l'absence temporaire d'un salarié, l'employeur recherche les mesures internes ou les solutions externes adaptées pour assurer la continuité du service et s'il apparait que la continuité du service ne peut-être assurée malgré ces mesures ou s'il n'existe aucune possibilité de remplacement temporaire l'employeur peut être conduit à envisager le remplacement définitif.

En l'espèce et comme l'énonce la lettre de licenciement, le poste de secrétaire administratif de Madame [X] était bien un poste clé au regard de l'activité de concessionnaire automobile exercée par l'employeur. En effet ce poste nécessitait un suivi administratif et commercial permanent et extrêmement rigoureux notamment au regard des formalités indispensables à accomplir pour le compte des clients (enregistrement des commandes et des encaissements, gestion des stocks, livraisons et immatriculation des véhicules...) Bien que ce poste était intégré dans un service administratif et commercial organisé permettant à chacun des salariés de ce service d'aider les autres pour l'accomplissement d'une tâche ponctuelle, il n'en demeurait pas moins que, contrairement à ce que Madame [X] invoque, l'intégralité de son poste réclamait un savoir-faire et une expérience particuliers que n'importe quelle autre secrétaire administratif non spécialisée ne pouvait pas occuper. La société Maurel Aveyron rappelle à bon droit que compte tenu des attributions et des responsabilités confiées ainsi que des qualifications spécifiques reconnues pour cet emploi, la convention collective classe l'emploi de secrétaire confirmé au-dessus des emplois de secrétaire et d'employé administratif. L'argumentation de Madame [X] visant à soutenir que n'importe quel autre collaborateur de l'entreprise aurait pu accomplir l'intégralité de ses tâches sera dès lors écartée.

Le suivi administratif des véhicules (déclaration en préfecture, immatriculation, carte grise etc...) étant indispensable à l'activité normale de l'entreprise, l'absence prolongée ou répétée de Madame [X] était effectivement et objectivement de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise et à entraver lourdement la continuité du service rendu à la clientèle.

Si la société Maurel Aveyron invoque avoir pourvu au remplacement de Madame [X] soit par une répartition des tâches de celle-ci entre d'autres salariés comme Mesdames [C] et [P] au point d'ailleurs qu'elles avaient pu être amenées à accomplir des heures supplémentaires soit par une nouvelle organisation du travail consistant à faire glisser des salariés d'un établissement à un autre et à supposer que de telles mesures internes ne pouvaient pas être maintenues en raison du coût qu'elles auraient engendré, il n'en demeure pas moins que cette société ne justifie pas de l'impossibilité pour elle de recourir à des mesures externes comme par exemple le recours pendant toute l'absence de Madame [X] à un contrat de travail à durée déterminée de remplacement pour l'emploi de secrétaire administratif confirmé. La société Maurele Aveyron ne produit aucune pièce démontrant qu'elle aurait recouru ou tenté de recourir à une telle mesure externe.

Le recours au contrat de travail à durée déterminée de Madame [U] est ici inopérant dans la mesure où cette salariée avait été engagée uniquement pour la durée estivale comme elle l'indique dans son attestation et pour un travail sans aucun rapport avec l'absence et les missions de Madame [X] puisque Madame [U] n'avait été engagée qu'en qualité d'employée administrative pour accomplir des tâches simples (répondre au standard, pointer les factures et renseigner le livre de police...)

Pour ces motifs et contrairement à l'analyse faite par les premiers juges la cour considère que la société Maurel Aveyron ne démontre pas qu'il n'existait aucune autre possibilité de remplacement temporaire de Madame [X].

Le licenciement doit dès lors être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de la faible ancienneté de la salariée au jour de la rupture, du montant de son salaire brut, de son âge (née en 1975), de sa qualification et de son expériences professionnelles, de ce qu'elle a bénéficié d'une indemnisation par pôle-emploi et de ce qu'elle a retrouvé un emploi de secrétaire administrative à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2018 pour un salaire brut mensuel de 1720€ et 152 heures mensuelles, il lui sera alloué la somme de 2000€ à titre à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

L'équité commande d'allouer à Madame [X] la somme de 750€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Rodez du 21 février 2019 en ce qu'il statué sur le licenciement et sur les dépens ;

Statuant à nouveau, dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [F] [X] et condamne la sasu Maurel Aveyron à lui payer les sommes de 2000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 750€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Condamne la sasu Maurel Aveyron aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02097
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.02097 ?
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