ARRÊT No PHDU 20 OCTOBRE 2006 R.G : 05/03284 Conseil de Prud'hommes de NANCY1077/200418 novembre 2005COUR D'APPEL DE NANCYCHAMBRE SOCIALEAPPELANT :MEURTHE ET MOSELLE HABITAT (précédemment OPAC de Meurthe et Moselle) pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social 12/16 rue de Serre54010 NANCYReprésenté par Maître Eric FILLIATRE (Avocat au Barreau de NANCY)INTIMÉ :Monsieur Pierre BARBIERLieudit MoruccioBOTACCINA20129 BASTELICACCIA CORSEReprésenté par Maître Patrice BUISSON (Avocat au Barreau de NANCY)COMPOSITION DE LA COUR :Lors des débats et du délibéré,Président de Chambre :
Madame SCHMEITZKYConseillers :
Madame MAILLARD
Madame SUDREGreffier présent aux débats :
Mademoiselle FRESSEDÉBATS :
En audience publique du 8 septembre 2006 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 20 octobre 2006 ;
A l'audience du 20 octobre 2006, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur X..., né le 18 juillet 1967, a été engagé à compter du 14 février 1989 par l'OPAC de Meurthe-et-Moselle, en qualité d'agent de
bureau dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.
Il a été embauché définitivement à compter du 15 avril 1989 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide-comptable, catégorie I - niveau 2, au coefficient 205.
Par contrat du 28 février 1996, il a été élevé au coefficient 278.
Par avenant du 17 décembre 1996, il a été promu chargé de travaux - catégorie II - niveau I, coefficient 330 ; il était précisé dans cet avenant que Monsieur X... devait effectuer une permanence pendant deux semaines consécutives du vendredi 17 heures au vendredi 8 heures, et reprendre son poste à la régie pendant les deux semaines suivantes, du lundi au jeudi soir, étant précisé que les jours de repos pour les deux semaines de permanence seraient cumulés à la fin de la quinzaine de permanence les samedi et dimanche.
La moyenne des douze derniers salaires mensuels bruts de Monsieur X... s'est élevée à 1 776,58 ç.
La relation de travail était régie par le décret du 17 juin 1993 portant règlement statutaire des personnels ne relevant pas du statut de la fonction publique territoriale employés par les offices publics d'aménagement et de construction et par les accords collectifs d'entreprise.
La société occupait habituellement au moins onze salariés.
Par courrier du 6 septembre 2004, Monsieur X... s'est vu affecter au sein du service comptabilité en qualité de responsable de la cellule fournisseurs, chargé de la saisie et du suivi des factures.
Par suite de son refus de rejoindre ce nouveau poste, Monsieur X... a, dans un premier temps, été convoqué le 15 septembre 2004 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire fixé au 22 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire ; il s'est vu notifier par lettre du 23 septembre 2004 une mise à pied de huit jours jusqu'au 28 septembre suivant.
Monsieur X... a été licencié par lettre du 20 octobre 2004 pour faute grave pour son refus réitéré de prendre sa nouvelle affectation.
Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le 28 octobre 2004 le Conseil de Prud'hommes de NANCY de demandes aux fins de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de rappel d'indemnités d'astreinte.
Par jugement du 18 novembre 2005, le Conseil de Prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'OPAC de Meurthe-et-Moselle à payer à Monsieur X... :
- 429 ç à titre de rappel de salaire sur la mise à pied,
- 3 846,94 ç à titre d'indemnité de préavis,
- 384,69 ç à titre de congés payés afférents,
- 23 090,16 ç à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 14 596,32 ç à titre de rappel d'indemnités d'astreinte.
Le Conseil de Prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire sur ces sommes et a condamné l'OPAC de Meurthe-et-Moselle à verser à Monsieur X... une indemnité de procédure de 200 ç, le déboutant du surplus de ses demandes.
L'OPAC de Meurthe-et-Moselle, aux droits duquel succède l'organisme Meurthe et Moselle Habitat, a régulièrement interjeté appel.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 8 septembre 2006, dont elles ont repris les termes à l'audience. MOTIVATION- Sur le licenciement
L'employeur, sauf abus, peut procéder unilatéralement à un changement des conditions de travail ; il ne peut en revanche modifier le contrat de travail sans solliciter au préalable l'accord du salarié.
La lettre de licenciement mentionne :"Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.En effet, vous
vous obstinez à ne pas prendre vos nouvelles fonctions au sein du Service Comptabilité en qualité de Responsable de la Cellule "Fournisseurs" chargé de la saisie et du suivi des factures depuis le 15 septembre 2004.Malgré nos multiples lettres et sommations vous enjoignant à prendre ce nouveau poste qui en ce qui vous concerne n'emportait qu'une simple modification de vos conditions de travail, vous avez persisté à refuser de prendre votre nouveau poste.A l'issue de notre entretien du 28 septembre en présence du Directeur Général Adjoint, Monsieur Eugène Y..., vous avez clairement fait part de votre souhait d'être licencié. Vous avez d'ailleurs, à plusieurs reprises, demandé à ce qu'une procédure soit engagée.Entre-temps, malgré nos nombreux rappels, vous vous êtes présenté régulièrement dans l'entreprise depuis le 1er octobre 2004 en refusant de prendre votre poste au Service Comptabilité, en vous promenant dans les couloirs du siège de l'OPAC et en discutant avec le Personnel. Vous avez en conséquence perturbé la bonne marche des Services.Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 15 octobre ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute.Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de présentation de cette lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement. (Sic)
L'office de Meurthe et Moselle Habitat affirme que la nouvelle affectation de Monsieur X... ne constitue qu'un changement de ses conditions de travail s'imposant au salarié et ressortant du pouvoir de direction de l'employeur de sorte que le refus réitéré de Monsieur X... de rejoindre son poste caractérise la faute grave visée dans la lettre de licenciement.
Monsieur X... soutient au contraire que sa nouvelle affectation
emporte modification de son contrat de travail nécessitant son accord.
Il ressort des éléments du dossier que Monsieur X... a été affecté au service de comptabilité par suite de la suppression de son poste résultant de la réorganisation de la permanence sécurité confiée à une seule personne à temps plein.
Bien que l'office de Meurthe et Moselle Habitat affirme, qu'outre sa rémunération, la qualification de Monsieur X... demeurait inchangée, il apparaît cependant que la qualification, devant s'entendre comme l'emploi précédemment occupé par Monsieur X..., était modifiée dans le cadre de sa nouvelle affectation, puisqu'il passait d'un poste de responsable de permanence à celui de déclaré responsable de la cellule "fournisseurs" chargé de la saisie et du suivi des factures.
En dépit des multiples demandes sur la définition et les caractéristiques de son nouveau poste émises par Monsieur X... dans ses différents courriers, l'office Meurthe et Moselle Habitat ne fournit aucune fiche de description exacte de poste le concernant. Il apparaît au contraire que les propositions faites par les représentantes de l'employeur, Mesdames Gerbelli et Colin, sur les perspectives et l'évolution de la carrière de Monsieur X... dans son nouveau poste lors de l'entretien préalable du 22 septembre 2004 ont été contredites par Monsieur Schnitzler lors d'un second entretien tenu le 28 septembre 2004 en présence de Mesdames Gerbelli et Colin, ce qui n'est contredit par aucun élément. L'employeur ne démontre par conséquent par aucune pièce que l'intéressé aurait conservé un poste de responsabilité au sein de sa nouvelle affectation, comme c'était le cas dans le cadre de ses précédentes fonctions.
Outre le changement dans le contenu de ses tâches au sein du service
de comptabilité consistant en la saisie et le suivi de factures, il apparaît de plus que cette nouvelle affectation s'accompagnait d'un changement complet des horaires de travail de Monsieur X... dont l'emploi précédent se déroulait sur deux phases de quinzaine, dont l'une hors de la régie, alors que dans le cadre de son nouvel emploi, l'intéressé était astreint à un horaire hebdomadaire classique de 39 heures à prendre selon des plages fixes journalières.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la nouvelle affectation de Monsieur X... doit s'analyser en une modification de son contrat de travail qui devait nécessairement requérir son accord, et ce nonobstant le maintien de sa rémunération qui ne suffit pas à lui seul à caractériser un simple changement des conditions de travail.
En cas de refus du salarié de la modification de son contrat de travail, il appartient au juge de rechercher si le motif de cette modification constitue une cause réelle et sérieuse.
Or, en l'espèce, l'office Meurthe et Moselle Habitat ne donne aucune explication sur les motifs l'ayant conduit à procéder à la suppression du poste de Monsieur X..., étant observé qu'en cas de raison économique à l'origine de la suppression de poste du salarié, il appartient à l'employeur de respecter les dispositions de l'article L. 321-1-2 du Code du Travail, ce qui n'a pas été le cas.
Il apparaît, pour toutes ces raisons, que le licenciement de Monsieur X... doit être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse.
Le préjudice subi de ce chef par ce dernier, compte tenu de son âge, de son ancienneté et de la persistance de son chômage jusqu'au moins au 30 juin 2005, sera réparé par l'allocation d'une somme que la Cour est en mesure de fixer à 20 000 ç.
Les conditions d'application de l'article L.122-14-4 du Code du Travail étant remplies, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des indemnités de chômage
effectivement payées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois.
Le jugement devra être infirmé en ce sens.- Sur le rappel de salaire de la mise à pied
C'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à cette réclamation dès lors que le licenciement est jugé non seulement comme dénué de faute grave mais aussi comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.- Sur les indemnités de rupture
Les montants de l'indemnité de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement n'étant pas discutés et étant exactement fixés au regard des dispositions du décret du 17 juin 1993, le jugement sera confirmé.- Sur le rappel des astreintes
Monsieur X... sollicite la confirmation du jugement sur l'octroi d'un rappel d'astreintes en vertu de l'accord collectif d'entreprise signé le 13 janvier 2000, à raison d'un rappel de 2/30ème de son salaire de base sur 26 semaines annuelles de 1999 à 2003.
L'organisme Meurthe et Moselle Habitat s'oppose à cette réclamation compte tenu des modalités particulièrement avantageuses de rémunération au profit du salarié rémunéré sur la base d'un salaire mensuel complet pour l'accomplissement une quinzaine sur deux d'une permanence à assurer depuis son domicile.
L'article 3 de l'accord sus-visé stipule que les agents appelés à monter les permanences téléphoniques de sécurité, astreinte du vendredi soir au jeudi, perçoivent une indemnité d'astreinte égale à 2/30ème du salaire brut de base.
Il apparaît cependant que ces dispositions visant les agents appelés à intervenir du vendredi au jeudi ne concernent pas Monsieur X... désigné non comme agent, mais comme responsable permanent une
quinzaine sur deux de la permanence de sécurité du vendredi 17 heures au vendredi 8 heures, et bénéficiant d'un salaire brut mensuel de 10 489,41 francs incluant à l'évidence la période consécutive de quinzaine durant laquelle il assure depuis son domicile la permanence de sécurité.
Par ailleurs, le règlement applicable à compter du 1er juin 1997 prévoyant le versement d'une compensation de rémunération de 2/30ème en faveur des responsables et agents ne concerne que ceux intervenant à titre ponctuel en remplacement des responsables en titre. Cette interprétation du texte est corroborée par le fait que le nom de Monsieur X... ne figure pas en mentions dactylographiées sur la liste des responsables concernés par ce règlement, son nom ainsi que celui de Monsieur Schmitt, autre responsable en titre, ayant été rajoutés à la main au bas du document.
C'est par conséquent à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de rappel d'astreintes de Monsieur X... dont il devra être débouté.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il sera alloué la somme globale de 1 000 ç à Monsieur X... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.PAR CES MOTIFSLa COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement déféré, statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que le licenciement de Monsieur Pierre X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE l'organisme Meurthe et Moselle Habitat à lui payer :
- 20 000 ç (VINGT MILLE EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 000 ç (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DÉBOUTE Monsieur X... de sa demande de rappel d'astreintes ;
ORDONNE le remboursement par l'organisme Meurthe et Moselle Habitat à l'organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à Monsieur X... par suite de son licenciement dans la limite de six mois ;
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré ;
CONDAMNE l'organisme Meurthe et Moselle Habitat aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du vingt octobre deux mil six par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.LE GREFFIER
LE PRÉSIDENTMinute en sept pages