RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT No 187/07 DU 24 JANVIER 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01829
Saisie en application de l'article 914 du Nouveau Code de Procédure Civile d'une requête aux fins de déféré,
ENTRE :
la Société BAHNBEDARF SCHELL, sise Allensteinerstrasse 33 à D 56596 NEUWIED (ALLEMAGNE) GmbH au capital de 511 300 €, inscrite au Registre de l'Amtsgericht Neuwied sous le numéro hrb 2244 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour
assisté de Maître Xavier OSTER, avocat au barreau de STRASBOURG
DEMANDERESSE à la requête aux fins de déféré déposée le 28 juin 2006, suite à une ordonnance rendue le 13 juin 2006 par le Président de la Chambre Commerciale chargée de la mise en état,
D'UNE PART,
ET :
S.C.P. BIHR & LE CARRER, demeurant 19 bis Boulay de la Meurthe à EPINAL 88000, es-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation de la SA SCIERIE VOSGIENNE SCHELL,
représentée par la SCP CHARDON - NAVREZ, avoués à la Cour
assisté de Maître LASSERONT, avocat au barreau d' EPINAL,
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2006, en audience publique devant la Cour composée de Monsieur MOUREU, Président de Chambre, Madame POMONTI, Conseiller, Madame DELTORT, Conseiller, qui a fait le rapport,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame BOUÇORRA ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 24 JANVIER 2007 date indiquée à l'issue des débats, par Madame POMONTI, Conseiller, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
signé par Madame POMONTI, Conseiller, par suite d'un empêchement du Président, conformément à l'article 456 du Nouveau Code de Procédure Civile, et par Madame BOUÇORRA , greffier présent lors du prononcé ;
BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE :
Vu la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 17 juin 2003 concernant la SA SCIERIE VOSGIENNE SCHELL, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 22 juillet 2003 qui a désigné la SCP BIHR & LE CARRER en qualité de mandataire liquidateur ;
Vu la déclaration de créance adressée par la société de droit allemand BAHNBEDARF SCHELL GMBH le 4 novembre 2003 pour le montant de73 412,94 € à titre chirographaire, représentant des dommages-intérêts pour préjudice commercial ;
Vu l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du Tribunal de Commerce d'EPINAL le 30 septembre 2004 qui, selon la proposition du mandataire liquidateur, a admis la créance de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH à hauteur de 12.324,43 € à titre chirographaire et a rejeté le surplus de la créance, soit 61.088,51 €.
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH le 13 décembre 2004 ;
Vu l'ordonnance de Monsieur le Président de chambre, faisant fonction de conseiller de la mise en état de la deuxième chambre commerciale de la Cour d'Appel de NANCY du 13 juin 2006 déclarant l'appel irrecevable ;
Vu la requête en déféré de cette ordonnance déposée par la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH le 28 juin 2006 ;
Vu les moyens et prétentions de l'appelante exposés dans ses conclusions du 28 juin 2006 tendant à la recevabilité de l'appel et au renvoi de l'affaire à la mise en état ;
Vu les moyens et prétentions de la SCP BIHR & LE CARRER ès qualité de mandataire liquidateur de la SA SCIERIE VOSGIENNE SCHELL, intimée, exposés dans ses conclusions du 3 octobre 23006, tendant à la confirmation de l'ordonnance du 13 juin 2006 ;
MOYENS DES PARTIES :
Au soutien de son appel la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH fait valoir que :
- le délai d'appel n'a pas commencé à courir dès lors qu'aux termes de l'article 677 du Nouveau Code de Procédure Civile les jugements doivent être notifiés aux parties elles-mêmes ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de Commerce d'EPINAL le 30 septembre 2004 n'a été notifiée qu'à l'avocat mandaté par l'appelante pour effectuer la déclaration de créance,
- la jurisprudence de la Cour de Cassation du 15 décembre 1992 qui interprète strictement les dispositions de l'article 677 du Nouveau Code de Procédure Civile reste d'actualité malgré la nouvelle rédaction de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985 issue du décret du 21 octobre 1994 qui, par dérogation à l'article 677 du Nouveau Code de Procédure Civile prévoit la notification des décisions du juge-commissaire aux parties ou à leur mandataire,
- cette jurisprudence est conforme à l'article 157 du décret du 27 décembre 1985 qui dispose toujours que "le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions....." ce qui implique que le délai d'appel ne commence à courir qu'à compter de la notification de la décision aux parties,
- il convient d'écarter l'application de l'article 682 du Nouveau Code de Procédure Civile qui prévoit que la notification d'un jugement peut être valablement faite au domicile en France d'une partie demeurant à l'étranger car la Cour de Cassation a précisé que l'élection de domicile imposée par les articles 751 ou 899 du Nouveau Code de Procédure Civile n'emporte pas pouvoir pour l'avocat constitué de recevoir les significations de jugement destinés à la partie elle-même,
- en tout état de cause, le délai d'appel de dix jours est augmenté de deux mois en application de l'article 643 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'article 645 du même code précisant que les prorogations de délais prévues s'appliquent dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé,
- il faut et il suffit pour bénéficier de la prorogation du délai d'appel que la partie concernée soit domiciliée à l'étranger, ce qui est le cas en l'espèce ,
- il n'existe aucune disposition dérogatoire à ce texte dans les articles L 620 et suivants du Code de Commerce ou dans le décret du 27 décembre 1985.
La SCP BIHR & LE CARRER, intimée, réplique que :
- les dispositions de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985, qui prévoient que l'ordonnance du juge-commissaire doit être notifiée aux parties ou à leur mandataire, ont été respectées par la notification faite le 7 octobre 2004 à Maître OSTER, avocat de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH, en vertu du mandat dont il est investi, qui en a accusé réception le 11 octobre 2004,
- l'arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 1992 n'est pas transposable au cas d'espèce puisqu'entre temps est intervenu le décret du 21 octobre 1994 qui a modifié la rédaction de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985 en permettant la notification des décisions du juge-commissaire au mandataire des parties,
- il s'agit d'une règle de procédure spéciale énoncée par un texte d'ordre public, dont la validité ne dépend pas de la rédaction de l'article 157 du décret du 27 décembre 1985,
- la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH ne peut, pour s'affranchir des dispositions de l'article 682 du Nouveau Code de Procédure Civile, se référer à celles de l'article 751 du Nouveau Code de Procédure Civile qui ne s'inscrit que dans les règles applicables devant le Tribunal de Grande Instance, alors que la procédure dont la Cour est saisie émane du Tribunal de Commerce,
- étant domicilié en France, le mandataire de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH, ne peut se prévaloir de la prorogation de délai instituée par l'article 643 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS :
L'ordonnance de Monsieur le Président de chambre, faisant fonction de conseiller de la mise en état de la deuxième chambre commerciale de la Cour d'Appel de NANCY du 13 juin 2006, déclarant l'appel de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du Tribunal de Commerce d'EPINAL le 30 septembre 2004 irrecevable, a fait l'objet d'une requête en déféré le 28 juin 2006, soit dans le délai de quinze jours à compter de l'Ordonnance, conformément aux dispositions de l'article 914 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'irrecevabilité de l'appel est fondée sur son caractère tardif.
Les parties sont en désaccord d'une part sur le point de départ du délai d'appel, d'autre part sur la durée du délai d'appel.
- Sur le point de départ du délai d'appel :
L'ordonnance du juge-commissaire du Tribunal de Commerce d'EPINAL du 30 septembre 2004 a été notifiée le 7 octobre 2004 à Maître OSTER, avocat de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH, en vertu du mandat dont il a été investi par cette société.
Il en a accusé réception le 11 octobre 2004, comme en atteste l'avis de réception de la lettre recommandée.
Les dispositions de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985, dans sa rédaction issue du décret no 94-910 du 21 octobre 1994, qui prévoient que l'ordonnance du juge-commissaire doit être notifiée aux parties ou à leur mandataire, ont ainsi été respectées.
L'arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 1992, auquel fait référence la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH, n'est pas transposable au cas d'espèce
puisqu'entre temps est intervenu le décret du 21 octobre 1994 qui a modifié la rédaction
de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985 en permettant la notification des décisions du juge-commissaire au mandataire des parties.
Il s'agit d'une règle de procédure spéciale énoncée par un texte d'ordre public. Plusieurs conséquences en découlent :
- la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui précise que l'élection de domicile imposée par les articles 751 ou 899 du Nouveau Code de Procédure Civile n'emporte pas pouvoir pour l'avocat constitué de recevoir les significations de jugement destinés à la partie elle-même, n'est pas applicable,
- l'application de cet article 73 ne dépend pas de la rédaction de l'article 157 du décret du 27 décembre 1985.
C'est donc à juste titre que l'ordonnance déférée a considéré que le point de départ du délai d'appel se situait au 11 octobre 2004, date de notification de l'ordonnance du juge-commissaire du Tribunal de Commerce d'EPINAL du 30 septembre 2004 à Maître OSTER, avocat de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH.
- Sur la durée du délai d'appel :
L'ordonnance déférée a estimé qu'étant domicilié en France, le mandataire de la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH, ne pouvait se prévaloir de la prorogation de délai instituée par l'article 643 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il résulte de cet article que le délai d'appel de dix jours est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger, l'article 645 du Nouveau Code de Procédure Civile précisant que les prorogations de délais prévues s'appliquent dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé.
Or, l'article 73 du décret du 27 décembre 1985, dans sa rédaction issue du décret no 94-910 du 21 octobre 1994, qui prévoient que l'ordonnance du juge-commissaire peut être notifiée au mandataire des parties, constitue précisément la dérogation visée à l'article 645 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La jurisprudence résultant de l'arrêt de la Cour de Cassation du 26 février 1997 auquel l'appelante fait référence concerne une notification du 16 juin 1992, c'est à dire antérieure à la modification de rédaction de l'article 73 par le décret no 94-910 du 21 octobre 1994, de sorte qu'elle ne s'applique pas à la présente espèce.
L'ordonnance déférée doit donc être confirmée dans son intégralité.
La partie qui succombe doit supporter les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance de Monsieur le Président de Chambre, faisant fonction de Conseiller de la Mise en Etat de la deuxième chambre commerciale de la Cour d'Appel de NANCY du 13 juin 2006 déférée,
CONDAMNE la Société BAHNBEDARF SCHELL GMBH aux dépens d'appel,
AUTORISE la SCP CHARDON & NAVREZ, avoués associés, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Signé : BOUÇORRA Signé : POMONTI
Minute en six pages