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19/05/2008 | FRANCE | N°06/01529

France | France, Cour d'appel de Nancy, 19 mai 2008, 06/01529


COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 1208 / 08 DU 19 MAI 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 01529
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY,
R. G. no 04 / 05362, en date du 22 mai 2006,

APPELANTE :

CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés au siège,
11 bis Place Thiers-54703 PONT A MOUSSON
représentée par la SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, avoués à la Cour
Plaidant par Me P

atrice VOILQUE, avocat au barreau de NANCY,

INTIMÉS :
Monsieur Guy Y...

demeurant ... 54703 PONT A MOUS...

COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 1208 / 08 DU 19 MAI 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 01529
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY,
R. G. no 04 / 05362, en date du 22 mai 2006,

APPELANTE :

CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés au siège,
11 bis Place Thiers-54703 PONT A MOUSSON
représentée par la SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, avoués à la Cour
Plaidant par Me Patrice VOILQUE, avocat au barreau de NANCY,

INTIMÉS :
Monsieur Guy Y...

demeurant ... 54703 PONT A MOUSSON

Madame Odile Z...

demeurant ... 57500 ST AVOLD

représentés par la SCP MERLINGE, BACH- WASSERMANN, FAUCHEUR- SCHIOCHET, avoués à la Cour
plaidants par me Philippe LYON, avocat au barreau de NANCY,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président,
Monsieur Hubert CHOPIN, Conseiller, chargé du rapport,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président,
Monsieur Bertrand MENAY, Conseiller,
Monsieur Hubert CHOPIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. LAUDET- JACQUEMMOZ ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 28 avril 2008 ;

Advenu ladite audience, le Président a informé les parties que le délibéré était prorogé au 19 MAI 2008 :

ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 19 MAI 2008, par M. MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ;
signé par M. MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, et par M. LAUDET- JACQUEMMOZ, greffier présent lors du prononcé ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Par un acte sous seing privé en date du 5 mai 1995, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON a accordé à la SARL SOTREST un prêt professionnel de 150. 000 francs consistant en un crédit de trésorerie remboursable en 84 mensualités au taux de 11, 5 % l'an. Monsieur Guy Y..., gérant de la SARL SOTREST, ainsi que Madame Odile Z... se sont chacun porté caution solidaire de la SARL au profit de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à hauteur de la somme de 170. 000 francs " toutes sommes comprises ".

La SARL SOTREST a été placée en redressement judiciaire le 26 novembre 1997 et ce redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 20 mai 1998. Cette procédure a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 8 octobre 2003.

Par des lettres des 11 et 25 mai 2004, Monsieur Y... et Madame Z... ont été mis en demeure de rembourser le prêt octroyé à la SARL SOTREST en leur qualité de caution solidaire.

Par deux actes d'huissier en dates des 8 et 16 septembre 2004, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Nancy Monsieur Y... et Madame Z... aux fins de les voir, chacun, condamné à lui régler la somme de 25. 916, 33 euros assortie des intérêts au taux légal à compter des dates de mise en demeure respectives, ainsi que de les voir condamner aux dépens et au paiement de la somme de 1. 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Y... et Madame Z... ont conclu au débouté des demandes du CREDIT MUTUEL en faisant valoir en premier lieu que le CREDIT MUTUEL ne justifiait pas de sa déclaration de créance à la procédure de redressement judiciaire de la SARL SOTREST. Ils ont contesté en deuxième lieu la validité de l'acte de cautionnement en invoquant la réticence dolosive dont s'est rendu coupable le CREDIT MUTUEL lors de la souscription de ce cautionnement en omettant d'informer les cautions de la situation particulièrement obérée de la société SOTREST. Ils ont reproché en troisième lieu au CREDIT MUTUEL d'avoir pratiqué un soutien abusif de crédit à l'égard de la SARL SOTREST ayant aggravé la situation financière de celle- ci, et ils ont considéré que le préjudice né de cette faute de l'établissement bancaire était équivalent au montant de leur engagement de caution.

Subsidiairement, Monsieur Y... et Madame Z... ont sollicité la limitation du montant de la condamnation au capital restant dû, soit 18. 024, 75 euros, dès lors que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON s'est abstenue de son devoir d'information annuelle des cautions.

Par jugement contradictoire du 22 mai 2006, le Tribunal de Grande Instance de Nancy a statué ainsi :

- condamne solidairement Monsieur Guy Y... et Madame Odile Z..., en deniers ou quittances, à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de 19. 177, 38 euros, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004 en ce qui concerne Monsieur Y... et à compter du 25 mai 2004 en ce qui concerne Madame Z...,
- autorise la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON à appréhender la somme de 7. 622, 45 euros consignée par Madame Z... entre les mains du CREDIT MUTUEL le 2 mars 1999 à titre d'avance sur les sommes dues au titre de son engagement de caution et dit que cette somme viendra en déduction de la condamnation prononcée ci- dessus,
- déboute la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON du surplus de ses demandes,
- déboute Monsieur Y... et Madame Z... de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamne in solidum Monsieur Y... et Madame Z... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de 1. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamne Monsieur Y... et Madame Z... au paiement des dépens dont distraction au profit de Maître VOILQUE, avocat aux offres de droit.

Le CREDIT MUTUEL a relevé appel de ce jugement. Il formule devant la Cour les demandes suivantes :

- vu les pièces versées aux débats,
- vu les articles 1134, 2011 et 2025 du code civil et l'article L. 621-48 du code de commerce,
- vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nancy du 22 mai 2006,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Y... et Madame Z... des moyens opposés à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL,
- ce faisant, constater que la demande de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON est recevable et fondée,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur Y... et Madame Z... en deniers ou quittances à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de 19. 177, 38 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004 en ce qui concerne Monsieur Y... et à compter du 25 mai 2004 en ce qui concerne Madame Z...,
- statuant à nouveau, condamner Monsieur Y... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de 25. 916, 33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004,
- condamner Madame Z... à régler à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de 25. 916, 33 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2004 en deniers ou quittances et autoriser la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON à appréhender la somme de 7. 622, 45 euros qui avait été consignée par elle le 2 mars 1999,
- déclarer recevable mais totalement infondé l'appel incident formé par Monsieur Y... et Madame Z...,
- débouter Monsieur Y... et Madame Z... de leur appel incident,
- condamner solidairement Monsieur Y... et Madame Z... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 à hauteur de Cour,
- les condamner aux entiers frais et dépens d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la société civile professionnelle BONET, LEINSTER & WISNIEWSKI, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Pour leur part, Monsieur Y... et Madame Z... concluent ainsi :

- déclarer l'appel interjeté par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL recevable mais mal fondé,
- l'en débouter,
- faire en revanche droit à l'appel incident formé par Monsieur Y... et Madame Z...,
- constater que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à l'égard de la SARL SOTREST est éteinte ainsi qu'à l'égard des cautions Monsieur Y... et Madame Z...,
- débouter par conséquent la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,
- condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 25. 000 euros au profit de Monsieur Y... et à hauteur de 25. 000 euros au profit de Madame Z...,

A titre infiniment subsidiaire,
- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné Monsieur Y... au paiement d'une somme de 19. 177, 38 euros et Madame Z... au paiement d'une somme de 19. 177, 38 euros,
- prononcer la déduction de cette somme de celle de 7. 622, 45 euros consignée par Madame Z... au profit de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL,
- constater que Monsieur Y... et Madame Z... ne peuvent être tenus au paiement d'intérêts,
- accorder en tout état de cause à Monsieur Y... et à Madame Z... les plus amples délais de paiement sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil,
- condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL au paiement d'une somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant d'instance que d'appel, lesquels seront recouvrés par la société civile professionnelle MERLINGE & BACH- WASSERMANN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE :

1) Sur la régularité de la déclaration de créance du CREDIT MUTUEL :

Attendu, selon Monsieur Y... et Madame Z..., que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ne justifie pas avoir procédé régulièrement à sa déclaration de créance à la suite de la mise en redressement judiciaire de la SARL SOTREST le 26 novembre 1997 et ne justifie pas, notamment, du pouvoir détenu par le signataire de cette déclaration de créance ;

Attendu que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON verse aux débats, d'une part, le bordereau de sa déclaration de créance du 31 janvier 1998, et d'autre part, un certificat d'irrecouvrabilité établi par Maître B..., mandataire judiciaire, en date du 5 juillet 2005, dans lequel il est indiqué que l'actif disponible ne permettra pas le règlement même partiel de la créance du CREDIT MUTUEL dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société SOTREST ;

Attendu que le CREDIT MUTUEL justifie donc bien de l'existence de sa déclaration de créance, laquelle a par ailleurs été effectuée dans le délai légal en vertu des articles L. 622-24 et R. 622-24 du code de commerce ;

Qu'en outre, cette déclaration de créance a été effectuée par le directeur du CREDIT MUTUEL, Monsieur Didier C..., lequel, en cette qualité, disposait effectivement des pouvoirs pour le faire ;

Qu'il convient au surplus de relever qu'à la suite de cette déclaration de créance intervenue le 31 janvier 1998, aucune contestation n'a été élevée par Monsieur Y..., gérant de la société SOTREST, lequel avait été informé par le mandataire judiciaire de la créance ainsi déclarée par le CREDIT MUTUEL ;

Que de plus, le certificat d'irrecouvrabilité établi le 5 juillet 2005 par Maître B..., mandataire judiciaire, démontre que la créance du CREDIT MUTUEL a été effectivement admise au passif de la société SOTREST, de sorte que cette créance n'est plus susceptible de faire l'objet actuellement de la moindre contestation, son admission ayant en effet un caractère irrévocable tant à l'égard du débiteur principal qu'à l'égard de ses co- obligés ou cautions, lesquels ne peuvent plus en contester ni le principe ni le montant ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la déclaration de créance, laquelle est parfaitement régulière ;

Attendu qu'au vu de tout ce qui précède, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la déclaration de créance ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré de ce chef ;

2) Sur la responsabilité de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à l'égard de Monsieur Y... et de Madame Z... :

Attendu que Monsieur Y... et Madame Z... font valoir :

- que de manière générale, les organismes bancaires ont une obligation de prudence et de discernement lorsqu'ils dispensent des crédits,
- que pèse sur eux un devoir d'information et de conseil à l'égard de la caution dont ils sollicitent l'engagement,
- que leur responsabilité est engagée tant à l'égard du bénéficiaire du crédit que de la caution dès lors qu'une faute est commise,
- qu'en l'espèce, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL avait parfaitement conscience que la situation financière de sa cliente, la société SOTREST, était dégradée, mais qu'elle n'a cependant pas hésité à laisser s'aggraver cette situation en lui accordant un nouveau prêt,
- que la banque, afin de garantir sa créance contre la société SOTREST, a sollicité le cautionnement de Monsieur Y... et de Madame Z... sans les informer de la situation difficile de la société SOTREST,
- que lors de son engagement de caution, Monsieur Y... disposait de faibles ressources, de sorte que le coût du crédit était en inadéquation avec ses facultés financières,
- que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL a donc commis une double faute consistant d'une part au soutien financier abusif de la société SOTREST, et d'autre part à la garantie des engagements de cette société au moyen des cautions de Monsieur Y... et Madame Z... sans informer ceux- ci de la situation de la société SOTREST ;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler que le prêt a été accordé à la société SOTREST le 5 mai 1995 et que la mise en redressement judiciaire de cette société a été prononcée le 26 novembre 1997, soit plus de deux ans et demi après l'octroi du prêt et la souscription des cautionnements ;

Que par ailleurs, il importe également de rappeler que Monsieur Y... était alors gérant de la société SOTREST, de sorte qu'il était parfaitement informé de la situation financière de cette société ;

Qu'à juste titre le tribunal a- t- il retenu qu'il n'était nullement établi qu'au jour de l'octroi du prêt et de la souscription des cautionnements la société SOTREST se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise ;

Qu'à juste titre a- t- il en outre retenu que l'octroi d'un crédit de trésorerie de 150. 000 francs constituait en soi une opération ordinaire de la vie des affaires ;

Attendu qu'en ce qui le concerne, Monsieur Y... n'est pas fondé à prétendre qu'il aurait été victime d'un dol caractérisé par le fait que la banque ne l'aurait pas informé de la situation de la société SOTREST ;

Qu'il convient de rappeler qu'il était le gérant de cette société et que dès lors, si la situation financière de la société était à ce point dégradée lorsque le prêt lui a été consenti, il appartenait à Monsieur Y..., en sa qualité de gérant responsable et avisé, de ne pas souscrire de prêt, mais au contraire de déposer le bilan ;

Qu'à juste titre le tribunal a- t- il relevé qu'il est constant qu'à la date de souscription du prêt le 5 mai 1995, Monsieur Y... avait la qualité de gérant de la société SOTREST, et qu'en cette qualité il avait nécessairement une pleine et entière connaissance de la situation financière de la société, et plus précisément de ses besoins de trésorerie, de sorte qu'il n'est pas fondé à prétendre avoir été victime d'une réticence dolosive de la part de la banque consistant en une absence de renseignement sur la situation financière de la société SOTREST ;

Que vainement Monsieur Y... fait- il état d'un prêt qui lui a été accordé par le CREDIT MUTUEL en mai 1996, alors que ce prêt lui a été octroyé à titre personnel, et non pas à la société SOTREST, de sorte qu'il ne saurait servir de base à une accusation de soutien abusif de la part de la banque ;

Attendu qu'en ce qui concerne Madame Z..., cette dernière soutient également n'avoir pas été informée de la situation de la société SOTREST lors de son engagement de caution ;

Or attendu, ainsi qu'il a été ci- avant rappelé, qu'aucun élément quelconque ne permet de soutenir qu'au jour de la souscription du prêt et des cautionnements, la situation financière de la société SOTREST était irrémédiablement compromise ;

Que Madame Z... n'établit donc en aucune façon qu'elle aurait été trompée par la banque au jour de la souscription de son engagement de caution ;

Qu'il y a lieu de préciser que le 2 mars 1999, Madame Z... a signé avec le CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON une convention aux termes de laquelle il était rappelé qu'elle avait souscrit un engagement de caution au profit de la banque ;

Que cette convention précisait par ailleurs que Madame Z... consignait " dès à présent entre les mains du CREDIT MUTUEL, à titre d'avance, sur les sommes qui lui sont réclamées, une somme de 50. 000 francs qui sera déposée sur un compte bloqué à son nom et porteur d'intérêts, lequel compte ne pourra être débloqué qu'avec l'accord écrit du CREDIT MUTUEL " ;

Qu'ainsi, Madame Z... n'avait alors contesté ni son engagement de caution, ni sa validité et ni le montant des sommes dues par elle au titre de cet engagement ;

Que Madame Z... n'est donc pas fondée à remettre en cause la validité de l'engagement de caution qu'elle a souscrit en toute connaissance de cause ;

Attendu que Monsieur Y... et Madame Z... font encore valoir qu'il existerait une disproportion entre leurs engagements de cautions et leurs facultés de remboursement ;

Attendu que Madame Z... verse aux débats divers éléments relatifs à ses ressources pour l'année 2006 ;

Que cependant Madame Z... ne justifie pas de la situation qui était la sienne lorsqu'elle a souscrit son engagement de caution le 5 mai 1995 ;

Que cela étant, les pièces produites par Madame Z... font apparaître qu'elle a perçu de la Caisse Capimmec, au titre de l'année 2006, la somme de 16. 542 euros, et de la Caisse IREC, au titre de l'année 2006, la somme de 2. 296, 83 euros ;

Que la Caisse de retraite des mines lui a délivré une attestation fiscale pour l'année 2006 indiquant que le montant à déclarer s'élève à la somme de 4. 603 euros ;

Qu'en ce qui concerne la CRAM, le montant à déclarer s'élève à la somme de 2. 927 euros ;

Qu'il en résulte un montant de ressources minimum de 26. 368 euros à l'année, soit une somme mensuelle nette de 2. 197 euros ;

Que Madame Z... n'apporte aucune précision concernant la consistance de son patrimoine et le montant de ses charges ;

Qu'il n'en reste pas moins que les éléments ci- dessus démontrent que Madame Z... est en mesure de faire face à ses obligations et qu'elle ne peut se prévaloir d'une quelconque disproportion entre ses ressources et son engagement de caution, et ce, tant actuellement qu'à l'époque où elle s'est portée caution de la société SOTREST ;

Attendu que Monsieur Y... verse aux débats des justificatifs de ses revenus de l'époque, sans toutefois démontrer qu'il n'aurait pas été en mesure, lors de la souscription de son engagement de caution, de faire face à ses obligations ;

Qu'il convient de rappeler que Monsieur Y... était gérant de la société SOTREST et qu'à ce titre il connaissait parfaitement la situation financière de la société, et que c'est donc en pleine connaissance de cause qu'il a souscrit son engagement de caution ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucune faute quelconque n'est démontrée à l'encontre de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON, et que notamment il n'est pas établi que la banque aurait de quelque façon que ce soit soutenu abusivement la société SOTREST et aurait ainsi précipité les cautions dans une situation financière difficile et inéluctable ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Monsieur Y... et Madame Z... de leur demande en dommages et intérêts ;

3) Sur les sommes dues :

Attendu qu'après avoir relevé que Monsieur Y... et Madame Z... avaient souscrit deux engagements de caution solidaire pour une même dette, le tribunal a fait application des dispositions de l'article 1213 du code civil aux termes duquel : " L'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion " ;

Qu'au visa de ce texte, le tribunal a décidé que les engagements de caution de Monsieur Y... et Madame Z... ne s'additionnaient pas mais restaient limités à la seule somme de 25. 916, 33 euros ;

Qu'il a donc condamné solidairement les cautions à payer au CREDIT MUTUEL la somme de 19. 177, 38 euros ;

Qu'en outre, faisant application des dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, et relevant que le CREDIT MUTUEL ne justifiait pas avoir procédé à l'information des cautions, le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'encontre du CREDIT MUTUEL ;

* *
*

Attendu qu'il y a lieu de rappeler que le 5 mai 1995, Monsieur Y... et Madame Z... ont souscrit, chacun, l'engagement de caution suivant :

" Bon pour cautionnement solidaire dans les termes ci- dessus à hauteur d'un montant de cent soixante dix mille francs (170. 000 F) toutes sommes comprises " ;

Qu'il s'agit donc en l'espèce d'un engagement de caution solidaire de la part de Monsieur Y... et de Madame Z..., et ce, à hauteur de la somme de 25. 916, 33 euros chacun, de telle sorte que chacune des deux cautions est redevable envers la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de la somme de 25. 916, 33 euros, et ce, dans la limite bien entendu de ce que doit le débiteur principal à la banque ;

Qu'il n'est pas contesté en l'espèce que l'engagement de caution souscrit respectivement par Monsieur Y... et par Madame Z... soit un engagement solidaire
Que toutefois, l'article 1213 du code civil régit les rapports des co- débiteurs solidaires entre eux et non pas les rapports entre ces derniers et le créancier ;

Qu'aux termes de ce texte en effet, " l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion " ;

Que c'est donc à tort que le premier juge, au visa de ce texte, a limité la condamnation de chacune des deux cautions à l'égard du créancier, le CREDIT MUTUEL ;

Que le texte précité n'est pas opposable en effet au créancier ;

Qu'il convient en outre de rappeler qu'aux termes de l'article 2302 du code civil (ancien article 2025), " lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette " ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement du chef de la condamnation solidaire des cautions et de condamner chacune d'elles au paiement envers le CREDIT MUTUEL de la somme à hauteur de laquelle elle ont souscrit leur engagement de caution ;

Attendu qu'en ce qui concerne l'information annuelle des cautions, le CREDIT MUTUEL verse aux débats les lettres qui ont été adressées à Monsieur Y... et à Madame Z... conformément aux dispositions de l'article L. 313-33 du code monétaire et financier ;

Qu'ainsi la CAISSE DE CREDIT MUTUEL n'encourt nullement la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Qu'il y a lieu de relever que ces lettres d'information adressées aux cautions indiquent de manière claire et précise le montant des sommes dues, exigibles ;

Qu'en ce qui concerne le taux d'intérêt, il y a lieu de relever que la banque ne réclame pas aux cautions plus que ce que prévoit leur engagement de caution ;

Que ces intérêts ont en l'espèce été calculés conformément au contrat de prêt et sont effectivement dus ;

Qu'il en est de même pour les primes d'assurance et pour l'indemnité conventionnelle, laquelle n'est nullement excessive ;

Que par ailleurs, la dette de la société SOTREST, arrêtée au 31 juillet 2004, s'élève à la somme de 39. 507, 43 euros et que les cautions sont recherchées uniquement à hauteur de leurs engagements respectifs, soit à concurrence de la somme de 25. 916, 33 euros ;

Qu'il y a lieu d'observer que chacun des engagements de caution annexés au contrat de prêt a été souscrit dans les termes suivants : " Bon pour cautionnement solidaire dans les termes ci- dessus à hauteur d'un montant de 170. 000 francs toute somme comprise ", de sorte qu'il est inexact d'affirmer que le taux d'intérêt n'aurait pas été précisé, ce taux étant indiqué dans le contrat de prêt dont les cautionnements font partie intégrante ;

Attendu qu'en ce qui concerne l'argument des cautions tiré de l'acquisition d'une créance détenue par la société SOTREST sur la société GAMMA FLUIDES à hauteur de 300. 000 francs et aux termes de laquelle le CREDIT MUTUEL devenait créancier directement de la société GAMME FLUIDES, Monsieur Y... indique qu'il aurait eu connaissance que certaines sommes auraient été récupérées par la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE et que ces sommes doivent ainsi venir en déduction des sommes dues par les cautions ;

Qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société SOTREST avait " daillisé " à son profit des factures qu'elle avait émises à l'encontre de la société GAMMA FLUIDES ;

Que cette société a été mise en redressement judiciaire le 29 juin 1999 puis en liquidation judiciaire le 18 septembre 2001, procédure qui a été clôturée pour insuffisance d'actif ;

Que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL qui avait alors déclaré sa créance et avait engagé une procédure, ne sera jamais réglée, de sorte que la question d'une éventuelle compensation ne se pose plus ;

Qu'au demeurant, Monsieur Y... affirme, sans en rapporter la moindre preuve, que le CREDIT MUTUEL aurait perçu des sommes dans le cadre de la procédure collective de la société GAMMA FLUIDES ;

Attendu qu'il résulte donc de tout ce qui précède que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL est établie tant en son principe qu'en son montant et que chacune des cautions doit être condamnée à hauteur de ses engagements respectifs à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL la somme de 25. 916, 33 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004 en ce qui concerne Monsieur Y... et à compter du 25 mai 2004 en ce qui concerne Madame Z... ;

Attendu, en ce qui concerne la demande de délais de paiement formulée par Monsieur Y... et Madame Z..., qu'il y a lieu de relever qu'elle n'est étayée par aucune pièce, que la créance est ancienne et que les cautions ont bénéficié de larges délais de paiement à la faveur de la durée de la procédure ;

Qu'il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur Y... et Madame Z... de leur demande de délais de paiement ;

Attendu qu'il est équitable d'allouer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL, en cause d'appel, la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur Y... et Madame Z... succombant en leurs prétentions devant la Cour, supporteront les entiers dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable et bien fondé l'appel principal de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON ;

Déclare recevable mais mal fondé l'appel incident de Monsieur Y... et de Madame Z... ;

Les en déboute ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur Y... et Madame Z..., en deniers ou quittances, à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de DIX NEUF MILLE CENT SOIXANTE DIX SEPT EUROS ET TRENTE HUIT CENTIMES (19. 177, 38 €) et ce avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004 en ce qui concerne Monsieur Y... et à compter du 25 mai 2004 en ce qui concerne Madame Z... ;

Statuant à nouveau :

Condamne Monsieur Y... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de VINGT CINQ MILLE NEUF CENT SEIZE EUROS ET TRENTE TROIS CENTIMES (25. 916, 33 €) avec les intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2004 ;

Condamne Madame Z... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON, en deniers ou quittances, la somme de VINGT CINQ MILLE NEUF CENT SEIZE EUROS ET TRENTE TROIS CENTIMES (25. 916, 33 €) avec les intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2004 et autorise la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON à appréhender la somme de SEPT MILLE SIX CENT VINGT DEUX EUROS ET QUARANTE CINQ CENTIMES (7. 622, 45 €) qui avait été consignée par Madame Z... le 2 mars 1999 à titre d'avance sur les sommes dues par elle en vertu de son engagement de caution, ladite somme venant en déduction de la condamnation ci- dessus mise à la charge de Madame Z... ;

Condamne solidairement Monsieur Y... et Madame Z... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PONT A MOUSSON la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme toutes les autres dispositions du jugement déféré non contraires au présent arrêt ;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Monsieur Y... et Madame Z... aux entiers dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle d'avoués LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 06/01529
Date de la décision : 19/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nancy


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-19;06.01529 ?
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