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31/05/2022 | FRANCE | N°21/01708

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 31 mai 2022, 21/01708


ARRÊT N° /2022

SS



DU 31 MAI 2022



N° RG 21/01708 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZVW







Pole social du TJ de REIMS

19/00256

28 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



S.A.S. [6] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au

siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno ZILLIG de la SCP LAGRANGE ET ASSOCIÉS, substitué par Me Andreas GARCIA TRULA, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Organisme URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège s...

ARRÊT N° /2022

SS

DU 31 MAI 2022

N° RG 21/01708 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZVW

Pole social du TJ de REIMS

19/00256

28 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.S. [6] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno ZILLIG de la SCP LAGRANGE ET ASSOCIÉS, substitué par Me Andreas GARCIA TRULA, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Organisme URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yves SCHERER de la SCP YVES SCHERER, substitué par Me Emmanuelle CAPPELLETTI, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier :Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 27 Avril 2022 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 31 Mai 2022 ;

Le 31 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS [6] a fait l'objet de la part de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) CHAMPAGNE-ARDENNE d'une vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.

Par lettre du 17 octobre 2018, l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE a communiqué à la SAS [6] ses observations relatives aux points suivants :

1. cotisations- rupture forcée du contrat de travail avec limites d'exonération- cas Mme [H] [L] (redressement de 23 006 €)

2. avantages en nature : cession de véhicule- cas de Mme [H] [L] (redressement de 15 803 €)

3. cotisations patronales dues au titre de la pénibilité (redressement de1 820 €)

4. rappels de salaires suite à décision de justice (plafond régularisateur (redressement de 8 176 €)

5. CSG/CRDS : assujettissement lié au domicile fiscal : salariés détachés au Maroc (redressement de 15 578 €)

6. Migrant : cotisation maladie des non-résidents- salariés détachés au Maroc (crédit de 7 899 €)

7. frais professionnels non justifiés- indemnité de repas versée hors situation de déplacement (redressement de 1 085 €)

8. frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement versées aux salariés détaché au Maroc (redressement de 9 417 €)

9. cotisations- rupture conventionnelle du contrat de travail- limite d'exonération- cas de M. [F] (redressement de 42 327 €)

10. CSG CRDS indemnités transactionnelles (redressement de 981 €)

11. indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations : cas M.[B] et M. [P] (redressement de 5 346 €)

12. indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations- préavis (redressement de 168 122 €)

13. primes versées à l'occasion de la médaille d'honneur du travail (redressement de 10 509 €)

14. réduction générale des cotisations : règles générales (redressement de 1 211 €)

15. versement transport AOM SYTRAL (redressement de 700 €)

16. taux régime local Alsace Moselle (redressements de 131 € et 111 €)

17. versement transport AOM [Localité 5] [Localité 8] PROVENCE (redressement de 1 475 €, 2 273 €, 2 994 €, 1 829 €, 1 797 €, 1 924 € et 1 395 €)

et a conclu à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires d'un montant total de 310 093 €.

Par courrier du 17 novembre 2018, la SAS [6] a contesté le redressement au regard des chefs de redressement n° 8, 11 et 12.

Par courrier du 30 novembre 2018, l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE a maintenu l'intégralité du redressement.

Une mise en demeure datée du 31 décembre 2018 a été notifiée par l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE à la SAS [6], aux fins de recouvrement de la somme de 321 149 €, dont 339 452 € de cotisations et 25 724 € de majorations, après déduction d'un versement de 44 027 €.

Une mise en demeure datée du 1er février 2019 lui a été notifiée aux fins de recouvrement de la somme de 260 € au titre de majorations complémentaires pour l'année 2016.

Par courrier du 27 février 2019, la SAS [6] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE en contestation des chefs de redressement n° 8, 11 et 12.

Le 28 juin 2019, la SAS [6] a saisi le tribunal de grande instance de Reims d'une contestation à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 26 septembre 2019, la commission de recours amiable a maintenu l'ensemble des chefs de redressement.

Le 18 décembre 2019, la SAS [6] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Reims.

Par jugement RG 19/256 du 28 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Reims a :

- ordonné la jonction des procédures n° 19-256 et 19-488 sous le n° 19-256,

- déclaré recevables les recours formés par la SAS [6],

- débouté la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société [6] à payer à l'URSSAF Champagne Ardenne la somme totale de 321 149 € au titre de la mise en demeure du 31 décembre 2018 outre les majorations de retard complémentaires à parfaire jusqu'à complet paiement du principal,

- condamné la société [6] à payer à l'URSSAF Champagne Ardenne la somme totale de 1 000 € pour frais irrépétibles,

- condamné la société [6] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 5 juillet 2021, la SAS [6] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

A l'audience du 19 janvier 2022, l'affaire a été renvoyée au 27 avril 2022 à la demande des parties, date à laquelle elle a été plaidée.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS [6], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues par voie électronique au greffe le 26 avril 2022 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims en ce qu'il a :

débouté la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société [6] à payer à l'URSSAF Champagne Ardenne la somme totale de 52.125 € au titre de la mise en demeure du 31 décembre 2018 outre les majorations de retard complémentaires à parfaire jusqu'à complet paiement du principal,

condamné la société [6] à payer à l'URSSAF Champagne Ardenne la somme totale de 1.000 € pour frais irrépétibles,

condamné la société [6] aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- déclarer son recours recevable et bien fondé,

- dire que la décision explicite de rejet datée du 25 octobre 2019 est mal fondée,

- annuler les chefs de redressement n° 8, 11 et 12,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

L'URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE, représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 15 avril 2022 et a sollicité ce qui suit :

- déclarer recevable mais non fondé l'appel de la SASU [6],

En conséquence,

- débouter la SASU [6] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement du Pôle social du Tribunal Judiciaire de Reims du 28 mai 2021,

- condamner la SAS [6] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2022 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur le bien-fondé du rappel de cotisations :

Sur le chef de redressement n° 8 « frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement versées aux salariés détachés au Maroc » :

Aux termes de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au présent litige, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Toutefois, ne constituent pas un revenu d'activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels.

Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale (NOR: SANS0224282A), les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Aux termes de l'article 2 du même arrêté, l'indemnisation des frais professionnels s'effectue soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé, l'employeur étant tenu de produire les justificatifs y afférents, soit sur la base d'allocations forfaitaires sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, cette condition étant réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

Aux termes de l'article 5 4° du même arrêté, relatif aux indemnités de grand déplacement, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel, les indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant des indemnités de mission du groupe I allouées aux personnels civils et militaires de l'Etat envoyés en mission temporaire à l'étranger, ces montants devant supporter un abattement de 15% en cas d'affectation entre 3 mois et 2 ans sur un même lieu de travail et un abattement de 30% en cas d'affectation entre 2 et 6 ans, aucune déduction des indemnités de l'assiette des cotisations sociales n'étant possible au-delà de six ans.

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En l'espèce, la SAS [6] fait valoir que les salariés concernés ont une double résidence justifiant le versement de l'indemnité de grand déplacement. Concernant monsieur [Y], elle indique qu'il est salarié détaché depuis le 2 novembre 2015, et n'est donc pas dans une situation de détachement de longue durée. Elle précise que le contrat de bail qu'il a signé prévoit un loyer de 584 € alors que l'indemnité de déplacement versée est de 550 €. Elle ajoute qu'elle produit ses avis d'imposition en France pour 2017, 2018 et 2019 et ses taxes d'habitation en France pour 2018 et 2019 prouvant qu'il a une résidence en France, de telle sorte que les frais de logement au Maroc sont des frais supplémentaires.

Concernant monsieur [C], elle indique qu'il est salarié détaché depuis le 1er février 2017 et n'est donc pas dans une situation de détachement de longue durée. Elle précise que le contrat de bail qu'il a signé prévoit un loyer de 1762,20 € alors que l'indemnité de déplacement versée est de 1200 €.

Elle fait également valoir que la limite d'exonération des indemnités forfaitaires est de 175 €/jour pour un déplacement au Maroc, soit 5 250 €/mois, avec abattements de 15% ou 30% selon la durée d'affectation à l'étranger du salarié, montant supérieur à l'indemnité versée.

L'URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE fait valoir que plusieurs salariés ont été détachés pour travailler dans une succursale de la SAS [6] à [Localité 9] au Maroc et bénéficiaient chaque mois d'une indemnité de grand déplacement, alors que cette succursale était devenue leur lieu de travail habituel. Elle ajoute que ces salariés louaient des résidences sur place et n'étaient donc pas empêchés de regagner leur résidence de telle sorte qu'ils n'étaient pas en situation de grand déplacement.

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Il résulte de la lettre d'observations que monsieur [Y] et monsieur [C] ont le statut de salarié de la SAS [6] détachés au sein de la succursale de [Localité 9] depuis, respectivement le 2 novembre 2015 pour y exercer la fonction de « chargé de formation/recrutement », et le 1er février 2017 pour y exercer la fonction de « responsable commercial » et qu'ils perçoivent une allocation forfaitaire dite de grand déplacement.

Cependant, pour bénéficier d'une indemnité de grand déplacement, le salarié doit effectivement se trouver en situation de déplacement professionnel.

Concernant monsieur [Y], la SAS [6] produit aux débats le contrat de bail conclu par le salarié au Maroc outre des avis d'imposition attestant d'une résidence en France. Elle ne conteste cependant pas l'affectation pérenne de son salarié dans sa succursale de [Localité 9], lieu qui était devenu son lieu exclusif de travail.

Dès lors, il convient de considérer que monsieur [Y] ne se trouve pas en situation de grand déplacement et il importe peu que, pour des considérations personnelles, il ait souhaité conservé un bien immobilier en France.

Concernant monsieur [C], la SAS [6] produit aux débats le contrat de bail conclu par le salarié au Maroc. Elle ne conteste cependant pas l'affectation pérenne de son salarié dans sa succursale de [Localité 9], lieu qui était devenu son lieu exclusif de travail.

Dès lors, il convient de considérer que monsieur [C] ne se trouve pas en situation de grand déplacement.

Ce chef de redressement sera validé à hauteur de 9 417 € et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les chefs de redressement n°11 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations : cas M. [B] et M. [P] » et n°12 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations- préavis » :

Aux termes de l'article L242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées dernier alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, à savoir la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts, sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Néanmoins, ces sommes ne sont pas soumises à cotisations sociales si l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice'causé par la perte de l'emploi (civ. 2e 12 juillet 2018, n° 17-23.345) et ne constituent pas des éléments de salaire (notamment une indemnité de préavis ou de congés payés).

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En l'espèce, la SAS [6] fait valoir que l'URSSAF indique dans la lettre d'observations avoir consulté les dossiers de licenciement, de telle sorte qu'elle a bien eu accès aux lettres de licenciement au moment du contrôle.

Concernant monsieur [P], elle indique qu'il a été licencié pour cause réelle et sérieuse et a été en arrêt de travail pendant toute la durée du préavis de telle sorte qu'il n'aurait pu percevoir d'indemnité compensatrice de préavis. Elle ajoute que 96% de ses demandes étaient indemnitaires, qu'il réclamait 90 000 € de dommages-intérêts pour rupture injustifiée, préjudice du fait de l'exécution déloyale de son contrat de travail, absence de préservation de la santé, non-respect des obligations conventionnelles des articles 25 et 32 de la CCN, alors que l'indemnité transactionnelle s'est élevée à la somme de 12 000 €.

Concernant monsieur [B], elle indique qu'il a expressément accepté, dans le protocole transactionnel, son licenciement pour faute grave et a de fait abandonné ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de salaires au titre de la mise à pied conservatoire. Elle ajoute que ledit protocole précise que l'indemnité est versée en réparation du préjudice allégué.

Concernant les autres salariés, elle fait valoir qu'elle produit aux débats les lettres de licenciement et que les protocoles prévoient que les salariés acceptent les termes de leur licenciement, ne contestent pas le solde de tout compte et que l'indemnité est versée notamment en réparation du préjudice social du fait de son licenciement.

L'URSSAF sollicite le rejet des débats des lettres de licenciement produites pour la première fois à hauteur d'appel.

Concernant monsieur [P], elle indique qu'il a été licencié pour absence prolongée suite à maladie, qu'un protocole a été signé, que le salarié a contesté ce protocole devant le conseil de prudhommes, et que les parties ont mis un terme amiable au litige. Elle ajoute que sans décision prud'homale, la société ne peut soutenir que le salarié ne pouvait percevoir d'indemnité compensatrice de préavis compte-tenu de son arrêt maladie, et que cette indemnité est due en vertu de dispositions d'ordre public. Elle estime que le protocole n'est pas rédigé dans des termes clairs et précis et sans ambiguïté.

Concernant monsieur [B], elle indique qu'à aucun moment dans le protocole il n'est clairement indiqué que la rupture du contrat de travail restait un licenciement pour faute grave. Elle sollicite le rejet des débats de la lettre de licenciement produite pour la première fois à hauteur d'appel.

Concernant les autres salariés, elle fait valoir que les protocoles sont tous rédigés sur le même modèle. Elle ajoute qu'il ne peut pas être considéré que les termes des protocoles ne sont clairs, précis, sans ambigüité, ni que la rupture du contrat restait un licenciement pour faute grave et que l'indemnité transactionnelle ne comportait aucune indemnité de préavis et de licenciement. Elle précise que les protocoles ne font pas explicitement mention que les salariés ont été licenciés pour faute grave et que l'employeur maintenait sa position concernant la faute grave.

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L'URSSAF indiquant dans sa lettre d'observations (page 9) avoir consulté les dossiers de licenciement et faisant expressément référence aux lettres de licenciement des deux salariés concernés (pages 33 et 34), elle en avait eu connaissance avant la clôture du contrôle et la SA [7] est bien fondé à les produire aux débats.

Aux termes de la transaction conclue les 26 mai et 8 juin 2017 entre la société et monsieur [P],

- le salarié était en arrêt maladie sans lien avec l'activité professionnelle depuis le 3 février 2015 et a été licencié le 15 octobre 2015 au motif de « la désorganisation engendrée par l'absence et la nécessité de le remplacer de façon définitive »

- le salarié avait signé un protocole d'accord le 16 novembre 2015, qu'il a contesté le 29 janvier 2016,

- la salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 13 octobre 2016, réclamant le prononcé de la nullité du protocole du 16 novembre 2015, une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (45 000 €), une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis et divers dommages-intérêts complémentaire (45 000 €)

- le protocole ne vaut pas reconnaissance du bienfondé des prétentions de l'autre partie et le paiement de l'indemnité ne peut être considéré comme une reconnaissance quelconque d'une responsabilité directe au titre des préjudices allégués 

- le salarié reconnaît être rempli de tous ses droits nés ou à naître relatif au paiement de tous les salaires, accessoires de salaire, bonus, remboursement de frais, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de préavis, indemnité de licenciement ou de quelque nature que ce soit ( ') et renonce expressément à tous droits et toutes actions au titre de l'exécution ou la rupture de son contrat de travail.

La seule formulation de demandes devant le conseil de prud'hommes, qui ne seraient de surcroit recevables qu'en cas de prononcé de la nullité d'un premier protocole transactionnel, ne permettent pas de présupposer de leur bien-fondé. Cela est d'autant plus vrai pour les seules demandes salariales formulées (indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis) que monsieur [P] était en arrêt de travail depuis de longs mois au moment du prononcé du licenciement.

L'employeur apporte dès lors la preuve suffisante du caractère indemnitaire des sommes versées.

Aux termes de la transaction conclue le 23 décembre 2016 entre la société et monsieur [B],

- le salarié a été licencié pour faute grave le 23 septembre 2014

- il a saisi le conseil de prud'hommes le 22 septembre 2016 - le salarié accepte les termes de son licenciement signifié par lettre du 23/09/2014

- la société a versé à monsieur [B] son solde de tout compte récapitulant tous les salaires, accessoires et toutes sommes et indemnités légales et conventionnelles dues au titre de son contrat de travail et au titre de la rupture de ce contrat

- la société lui verse une somme de 9 000 € en réparation du préjudice allégué, en contrepartie des déclarations et renonciations prévues au protocole et pour mettre un terme à la procédure.

La transaction mentionnant expressément que monsieur [B] a été licencié pour faute grave, qu'il accepte les termes de son lettre de licenciement, qu'il a perçu un solde de tout compte récapitulant tous les salaires, accessoires et toutes sommes et indemnités légales et conventionnelles dues au titre de son contrat de travail et au titre de la rupture de ce contrat et que l'indemnité transactionnelle est versée en contrepartie du préjudice allégué, aucun élément ne permet d'affirmer que cette indemnité transactionnelle inclut quelconque élément constitutif de salaire, étant rappelé qu'un licenciement pour faute grave exclut tout préavis.

L'employeur apporte dès lors la preuve suffisante du caractère indemnitaire des sommes versées.

Concernant les autres salariés, il importe peu que les protocoles transactionnels soient rédigés sur le même modèle.

Chaque protocole fait référence à la lettre de licenciement (à laquelle l'URSSAF a eu accès pendant la procédure de contrôle) et mentionnait très clairement que le salarié « accepte les termes de son licenciement tels qu'ils lui ont été signifiés par la lettre de licenciement du (') ».

Par ailleurs, il prévoit expressément que le salarié ne conteste pas son solde de tout compte incluant notamment les indemnités légales et conventionnelles dues au titre de la rupture de ce contrat.

Enfin, l'indemnité transactionnelle est expressément versée à titre de dommages intérêts pour préjudice social résultant notamment du marché de l'emploi et dès lors un préjudice consécutif au licenciement.

Dès lors, aucun élément ne permet d'affirmer que l'indemnité transactionnelle versée à chaque salarié inclut quelconque élément constitutif de salaire et l'employeur apporte dès lors la preuve suffisante du caractère indemnitaire des sommes versées.

Au vu de ce qui précède, les indemnités versées aux salariés compensaient un préjudice subi par eux et n'entraient pas dans l'assiette des cotisations sociales.

Le redressement sera infirmé de ces chefs, soit à hauteur de 5 346 € et 168 122 €.

Sur la demande reconventionnelle :

Aux termes de la lettre d'observations du 17 octobre 2018, l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE a notifié à la SAS [6] 17 chefs de redressement dont seuls les chefs n° 8, 11 et 12 ont été contestés.

A défaut de contestation, les autres chefs de redressement sont aujourd'hui définitifs.

Par ailleurs, la lettre d'observations portait sur la somme de 310 093 € de cotisations alors que la mise en demeure du 31 décembre 2018 portait sur la somme de 321 149 €, dont 339 452 € de cotisations et 25 724 € de majorations, après déduction d'un versement de 44 027 €. La SAS [6] ne conteste pas cette différence de montants et l'URSSAF, en sollicitant la confirmation du jugement, sollicite la confirmation de la condamnation de la SAS [6] au titre des montants de la mise en demeure.

Par ailleurs, la SAS [6] déclare, dans sa lettre de saisine de la commission de recours amiable et dans ses conclusions, avoir réglé la somme de 130 156 €, ce que l'URSSAF ne conteste pas.

Dès lors,

- la SAS [6] est redevable de la somme de 339 452 € en cotisations et contributions dont à déduire les chefs de redressement annulés de 5 346 € et 168 122 €, soit un total de 165 984 €, outre les majorations de retard et les majorations de retard complémentaires sur cette somme de 165 984 €

- elle a réglé les sommes de 44 027 € et 130 156 € soit 174 183 €

Aux termes de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale alors applicable, les majorations de retard sont, d'un montant de de 5% du montant des cotisations et contributions, soit en l'espèce 8 299 €.

En conséquence, le compte entre les parties s'établit comme suit :

- 165 984 € de cotisations

- 8 299 € de majorations

- les majorations complémentaires

dont à déduire le versement de 174 183 €, de telle sorte que la SAS [6] est créditrice de la somme de 100 € qui devra être compensée avec les majorations de retard complémentaires sur la somme de 165 984 €.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Au vue de l'issue du litige, chacune des parties conservera ses propres dépens à sa charge et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS [6] aux dépens de première instance et a attribué à l'URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 19/256 du 28 mai 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Reims en ce qu'il a validé le chef de redressement n° 8 « frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement versées aux salariés détachés au Maroc » d'un montant de 9 417 €,

INFIRME le jugement RG 19/256 du 28 mai 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Reims pour le surplus,

Statuant à nouveau,

ANNULE les chefs de redressement n°11 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations : cas M. [B] et M. [P] » et n°12 « indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations- préavis » de montants de 5 346 € et 168 122 €,

DIT que la SAS [6] bénéficie d'un crédit de 100 € sur l'URSSAF de CHAMPAGNE ARDENNES au titre du contrôle ayant donné à la lettre d'observations du 18 octobre 2018 et la mise en demeure n°0004618427 du 31 décembre 2018,

CONDAMNE la SAS [6] à verser à l'URSSAF de CHAMPAGNE-ARDENNE les majorations de retard complémentaires sur la somme de 165 984 € qui était due au titre du contrôle ayant donné à la lettre d'observations du 18 octobre 2018 et la mise en demeure n°0004618427 du 31 décembre 2018,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties conservera à sa propre charge les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric Henon, Président de Chambre et par Madame Clara Trichot-Burté, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 21/01708
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;21.01708 ?
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