ARRÊT N° /2022
PH
DU 06 OCTOBRE 2022
N° RG 21/02615 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3VF
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
19/00515
13 octobre 2021
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
Madame [J] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Franck MICHELET de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
Etablissement Public PÔLE EMPLOI GRAND EST pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, substituée par Me TREDAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : STANEK Stéphane,
WILLM Anne-Sophie
Greffier lors des débats :RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 16 Juin 2022 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 29 Septembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; date à laquelle le délibéré a été prorogé au 06 Octobre 2022 ;
Le 06 Octobre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [J] [R] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST, à compter du 23 septembre 2009, en qualité de conseiller personnel, au sein de l'agence de [Localité 5].
Madame [J] [R] réside à [Localité 4], et a postulé à plusieurs reprises sur des postes au sein de l'agence de [Localité 4] sans que l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST n'y donne de suite favorable.
A compter du 21 octobre 2013, Madame [J] [R] a été affectée provisoirement sur l'agence de [Localité 4] dans le cadre d'une mission d'accompagnement, qui a pris fin le 31 décembre 2015.
A compter du 01 décembre 2017, Madame [J] [R] a été définitivement affectée à l'agence de [Localité 4], suite à sa candidature sur un poste de conseiller emploi.
Par requête du 21 novembre 2019, Madame [J] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de :
- dire et juger que l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST a commis une faute dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail,
- condamnation de l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST à lui payer :
- 9 534,71 euros au titre de l'indemnisation matérielle du coût du trajet,
- 4 570,22 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation du temps de trajet,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement vexatoire et abusif,
- 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST a demandé de déclarer Madame [J] [R] prescrite dans ses demandes.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 13 octobre 2021, lequel a :
- dit et jugé que Madame [J] [R] est prescrite dans ses demandes,
- débouté Madame [J] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens respectifs.
Vu l'appel formé par Madame [J] [R] le 02 novembre 2021,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Madame [J] [R] déposées sur le RPVA le 27 janvier 2022, et celles de l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST déposées sur le RPVA le 26 avril 2022,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 mai 2022,
Madame [J] [R] demande :
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 13 octobre 2021,
- de dire et juger l'action de Madame [J] [R] non prescrite,
- de dire et juger Madame [J] [R] recevable et bien fondée en toutes ses fins, demandes et prétentions,
- de dire et juger que l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST a commis une faute dans le cadre de l'exécution du contrat de travail de Madame [J] [R],
- en conséquence, de condamner l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST à payer à Madame [J] [R] les sommes de :
- 9 534,71 euros au titre de l'indemnisation matérielle du coût du trajet,
- 4 570,22 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation du temps de trajet,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement vexatoire et abusif,
- 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST aux entiers dépens de l'instance.
L'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST demande :
- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 13 octobre 2021 en ce qu'il a :
- dit et jugé que Madame [J] [R] est prescrite dans ses demandes,
- débouté Madame [J] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 13 octobre 2021 en ce qu'il a :
- débouter l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens respectifs,
*
- y ajoutant et statuant à nouveau,
- de déclarer irrecevable Madame [J] [R] en l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, de débouter Madame [J] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu'ils ne sont pas fondés,
- de condamner Madame [J] [R] à verser à l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Madame [J] [R] déposées sur le RPVA le 27 janvier 2022, et de celles de l'établissement public POLE EMPLOI GRAND EST déposées sur le RPVA le 26 avril 2022.
Sur la prescription de l'action de Madame [J] [R] :
POLE EMPLOI GRAND EST indique que Madame [J] [R] a été dans un premier temps affectée à l'agence de [Localité 5], du 23 septembre 2009 au 1er septembre 2017, date à compter de laquelle elle a été affectée définitivement à l'agence de [Localité 4] (pièce n° 10 de l'intimée).
Avant d'obtenir satisfaction, Madame [J] [R] avait auparavant vainement candidaté à quatre reprises sur des postes de cette agence.
POLE EMPLOI GRAND EST indique que la date du quatrième refus a été notifié à Madame [J] [R] le 21 octobre 2016.
L'employeur fait valoir que, dès lors, en application de l'article L.1471-1 du code du travail, le délai de prescription de deux ans de ses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail, en l'espèce relatives au rejet de ses demandes de mobilité, courrait à partir de cette date, de sorte qu'à la date de la requête qu'elle a introduite auprès de la juridiction prud'homale, le 21 novembre 2019, son action se trouve prescrite.
POLE EMPLOI GRAND EST fait également valoir que si l'article 2238 du code civil prévoit que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation (...) », ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce, puisqu'aucune médiation ou conciliation n'a été convenue entre les parties, la saisine par Madame [J] [R] de la commission nationale paritaire de conciliation (CNPC) ne saurant en tenir compte.
Madame [J] [R] indique avoir vainement demandé à son employeur de l'affecter à l'agence de [Localité 4] à quatre reprises, le dernier refus lui ayant été notifié le 21 octobre 2016 (pièce n° 20 de l'appelante).
Finalement, elle obtenait satisfaction et était affectée à l'agence de son choix le 1er septembre 2017 (pièce n° 33).
Cependant, estimant que les précédents refus qu'elle avait essuyés étaient illégitimes, elle a saisi le 23 octobre 2017 la CPNC (pièce n° 34 de l'appelante).
Le 9 octobre 2018, elle était informée par la CNPC que celle-ci n'entendait pas donner de suite favorable à sa contestation (pièce n° 36 de l'appelante).
C'est dans ces conditions, qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 29 novembre 2019, afin notamment que son employeur soit condamné à l'indemniser de ses frais et temps de trajets pour la période du 4 janvier 2016 au 31 août 2017.
Madame [J] [R] fait valoir que la prescription d'une action en responsabilité résultant d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime.
Elle fait valoir que l'intégralité de son préjudice causé par les refus successifs de la muter ne pouvait être connu d'elle que le 1er septembre 2017, date à laquelle elle sa mutation à [Localité 4] a été effective.
Elle fait également valoir que sa saisine de la CNPC a suspendu le délai de prescription jusqu'au 9 octobre 2018, de sorte que le délai de prescription ne s'achevait qu'au 16 août 2020.
Motivation :
L'article L. 1471-1 du code du travail dispose que « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »
En l'espèce, Madame [J] [R] réclamant notamment l'indemnisation de ses temps et frais de transport entre son lieu de résidence à [Localité 4] et son lieu de travail à [Localité 5], ne pouvait connaître le montant des sommes dues à ces titres qu'à partir de la date où elle a cessé d'effectuer les trajets entre ces deux villes, soit le 1er septembre 2017, date de son affectation à [Localité 4].
Dès lors, la date de prescription de l'action relative à ces demandes était atteinte le 2 septembre 2019, la requête de la salariée ayant été introduite le 29 novembre 2019, postérieurement à cette date.
Il n'est pas contesté que la CNPC ne prévoit pas dans ses dispositions que sa saisine a pour effet de suspendre le délai de prescription prévu à l'article L. 1471-1 du code du travail.
L'article 2238 du code civil prévoit cette suspension dans le cas où « les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».
L'article 1528 du code de procédure civile dispose que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats ».
Il ressort de cet article que la médiation ou la conciliation implique la participation active des parties à la résolution du conflit, avec l'aide d'un médiateur devant lequel elles doivent se présenter. La médiation ou la conciliation impliquent en outre nécessairement la neutralité du médiateur qui ne peut rendre de décision sur le fond du conflit.
La CNPC n'a pas pour objet de se poser en médiateur entre l'employeur et le salarié pour les aider à résoudre par eux-mêmes le conflit qui les oppose, mais a pour objet, si elle se saisit du conflit, de rendre un avis écrit par lequel elle prend position sur le fond du conflit, ce qui exclut par conséquent qu'elle puisse avoir un rôle de médiation ou de conciliation aux sens des articles 1528 du code de procédure civile et 2238 du code civil.
En conséquence, la cour constate que l'action introduite par Madame [J] [R] est prescrite, le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail ayant été atteint au jour où Madame [J] [R] a saisi le conseil de prud'hommes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
Les deux parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.
Madame [J] [R] sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y AJOUTANT
Déboute POLE EMPLOI GRAND EST et Madame [J] [R] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [J] [R] aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages