ARRÊT N° /2022
PH
DU 10 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/02358 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3DL
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy
20/00146
21 septembre 2021
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
Madame [K] [R] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Hélène STROHMANN, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
S.E.L.A.S. ASCAGNE Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la «SASU MS DENTAL » prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 6]
[Localité 4]
Non comparante ni représentée
SELARL ML CONSEILS Es qualité de mandataire liquidateur de la SASU MSDENTAL prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne-sophie RAMOND substituée par Me JORIO, avocates au barreau de PARIS
Association UNEDIC DELEGATION AGS (CGEA D'[Localité 10]) Prise en la personne de sa directrice nationale, Madame [N] [J].
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Eric SEGAUD substitué par Me DUMINIL de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : BRUNEAU Dominique
Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 09 Septembre 2022 tenue par BRUNEAU Dominique, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 Novembre 2022 ;
Le 10 Novembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.
Mme [K] [R] épouse [M] (ci-après Mme [K] [M]) a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société MS Dental, à compter du 02 janvier 2013, en qualité de chargée de missions, statut cadre.
A compter du 01 novembre 2016, Mme [K] [M] a été promue au poste de directrice des collectivités pour l'ensemble du groupe MS Dental ;
Sa rémunération mensuelle moyenne brute était de 5807 euros.
La convention collective nationale des du négoce en fournitures dentaires s'applique au contrat de travail.
Par courrier du 05 mars 2020, présenté le 06 mars 2020 et avisé le 07 mars 2020, puis remis en main propre le 09 mars 2020, Mme [K] [M] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 mars 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.
Mme [K] [M] a été placée en arrêt de travail à compter du 13 mars 2020 et a informé son employeur du fait qu'elle ne serait pas en mesure de se rendre à son entretien préalable fixé au 16 mars 2020.
Par courrier du 23 mars 2020, Mme [K] [M] a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 22 avril 2020, Mme [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de :
- dire et juger que son licenciement pour faute grave est dénué de causes réelles et sérieuses,
- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société MS Dental aux sommes de :
- 17 421,00 euros d'indemnité de préavis,
- 1742,10 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 10 394,53 euros de par son ancienneté au sein de la société MS Dental,
- 3 000,00 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 46 456,00 euros de dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 3 000,00 euros pour non-respect de l'obligation de sécurité résultat incombant à l'employeur,
- ordonner sous astreinte de 100 euros par jour, passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, la société ML Conseils ès qualité de mandataire liquidateur de la société MS Dental à produire les documents de fin de contrat conformes à la décision rendue, outre les chiffres d'affaires réalisés par Mme [K] [M] pour l'année 2019,
-réserver les droits de Mme [K] [M] sur les commissions à percevoir depuis le 1er janvier 2019,
-condamner les défendeurs aux entiers dépens de l'instance.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 21 septembre 2021 qui a:
- dit et jugé que le licenciement de Mme [K] [M] pour faute grave est justifié,
- débouté Mme [K] [M] de toutes demandes MAIS,
- ordonné à la société Ascagne administrateur judiciaire de la société MS Dental, et à la société MS Conseils liquidateur judiciaire, de remettre à Mme [K] [M] les documents concernant les chiffres réalisés par Mme [K] [M] pour l'année 2019 sans astreinte,
- réservé les droits de Mme [K] [M] sur les commissions à percevoir depuis le 1er janvier 2019,
- débouté la société Ascagne administrateur judiciaire de la société MS Dental, et à la société MS Conseils liquidateur judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté les parties de leurs demandes formulées au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré le présent jugement opposable au CGEA-AGS d'[Localité 10], dans la limite de sa garantie conformément aux dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,
- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs.
Vu l'appel formé par Mme [K] [M] le 30 septembre 2021,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Mme [K] [M] déposées sur le RPVA le 27 avril 2022, celles de la société ML Conseils déposées sur le RPVA le 27 janvier 2022, et celles du CGEA d'[Localité 10] déposées sur le RPVA le 16 février 2022,
La société Ascagne n'est pas représentée à l'instance,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 juin 2022,
Mme [K] [M] demande à la cour:
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 21 septembre 2021,
- de dire et juger que son licenciement pour faute grave est dénué de causes réelles et sérieuses,
- en conséquence, de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société MS Dental aux sommes de:
- 17 421,00 euros d'indemnité de préavis,
- 1742,10 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 10 394,53 euros de par son ancienneté au sein de la société MS Dental,
- 3 000,00 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 46 456,00 euros de dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 3 000,00 euros pour non-respect de l'obligation de sécurité résultat incombant à l'employeur,
- de déclarer opposable au CGEA AGS la décision à intervenir,
- d'ordonner sous astreinte de 100,00 euros par jour, passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, la société ML Conseils ès qualités de mandataire liquidateur de la société MS Dental à produire les documents de fin de contrat conformes à la décision rendue, outre les chiffres d'affaires réalisés par Mme [K] [M] pour l'année 2019,
- de réserver ses droits sur les commissions à percevoir depuis le 1er janvier 2019,
- de débouter la société ML Conseils et la société MS Dental de leurs demandes reconventionnelles vis-à-vis de Mme [M],
- de condamner les défendeurs aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
La société ML Conseils demande à la cour:
Sur l'appel principal :
- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement de Mme [K] [M] pour faute grave est justifié,
- débouté Mme [K] [M] de toutes demandes,
*
Sur l'appel incident :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- ordonné à la société Ascagne administrateur judiciaire de la société MS Dental, et à la société MS Conseils liquidateur judiciaire, de remettre à Mme [K] [M] les documents concernant les chiffres réalisés par Mme [K] [M] pour l'année 2019 sans astreinte,
- réservé les droits de Mme [K] [M] sur les commissions à percevoir depuis le 1er janvier 2019,
- débouté la société Ascagne administrateur judiciaire de la société MS Dental, et à la société MS Conseils liquidateur judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté les parties de leurs demandes formulées au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré le présent jugement opposable au CGEA-AGS d'[Localité 10], dans la limite de sa garantie conformément aux dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail,
- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs.
*
Statuant à nouveau,
- de débouter Mme [K] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner Mme [K] [M] au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le CGEA d'[Localité 10] demande à la cour:
A titre principal :
- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy,
- de débouter Mme [K] [M] de ses demandes,
*
A titre subsidiaire :
- de donner acte au CGEA des limites légales et jurisprudentielles de sa garantie,
*
En tout état de cause, de mettre à la charge de tout autre que le CGEA les dépens.
SUR CE, LA COUR ;
La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la société ML Conseils le RPVA le 27 janvier 2022 et le CGEA d'[Localité 10] le 16 février 2022, et par Mme [K] [M] le 27 avril 2022.
- Sur la régularité de la procédure de licenciement.
Mme [K] [M] expose que la procédure de licenciement dont elle a été l'objet est irrégulière en ce que la décision de l'employeur de rompre le contrat état prise dès avant l'entretien préalable, cette volonté s'étant manifestée par le retrait de son véhicule de fonction en violation des stipulations de son contrat de travail.
La société MS Dental et le CGEA d'[Localité 10] soutiennent que l'employeur était contractuellement en droit de demander la restitution du véhicule d'autant qu'une mise à pied conservatoire a été prononcée, et qu'en tout état de cause Mme [M] est repartie après l'entretien avec le véhicule.
Il ressort des dispositions des articles 11 et 14 du contrat liant les parties que l'employeur est fondé à solliciter à tout moment, et non pas au seul cas d'un licenciement, la restitution du matériel détenu par la salariée, les dispositions de l'articles 14 spécifiques au statut du véhicule de fonction visent expressément 'la demande de restitution de l'entreprise ou la rupture du présent contrat de travail'; par ailleurs, ces disposition précisent que la restitution doit être effectuée 'sur simple demande', et ne prévoient aucune modalité relative pour y procéder.
Il convient de rappeler que cette demande de restitution était consécutive à une mise à pied conservatoire, et que cette décision de l'employeur ne démontre pas à elle seule que celui-ci avait pris la décision de licencier antérieurement à l'entretien préalable.
Dès lors, la demande sera rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
- Sur la violation de l'obligation de sécurité.
Mme [K] [M] expose que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en tentant de lui imposer la restitution de son véhicule de fonction le jour même de la notification de la mise à pied conservatoire ; que par ailleurs la société MS Dental a procédé à de nombreux licenciements de cadres de façon 'violente', ces circonstances lui causant un préjudice certain.
Sur le premier point, il convient de relever que la demande de restitution du véhicule de fonction qui a été formulée à l'occasion de la notification de la mise à pied conservatoire était, ainsi qu'il a été évoqué précédemment, conforme aux dispositions contractuelles, et qu'enfin Mme [K] [M] a pu repartir avec ledit véhicule.
Sur le second point, à supposer établi que d'autres salariés ont été licenciés pour faute grave dans le seul but de 'faire des économies d'échelle', Mme [K] [M] ne démontre pas le préjudice personnel et direct que ces faits lui auraient causés.
Dès lors, il convient de rejeter cette demande.
- Sur la demande au titre des commissions.
Mme [K] [M] expose qu'elle bénéficiait contractuellement d'une rémunération variable fondée sur le montant de ses ventes ; qu'elle ne dispose pas des données lui permettant d'établir une demande précise à ce titre pour l'année 2019, et sollicite que soit donné injonction à la société MS Dental de communiquer tout document permettant ce chiffrage.
La société MS Dental soutient que la base de rémunération alléguée par Mme [M] est erronée.
Il ressort des dispositions de l'article 6 du contrat de travail, qui n'ont pas été remises en cause par les avenants ultérieurs, que Mme [K] [M] percevait, outre sa rémunération fixe, une 'part variale' sous forme de commissions 'correspondant à 1% du chiffre d'affaires HT de ses ventes facturées et encaissées si marge supérieure à 28 %' ;
Cette clause est claire ; elle concerne bien les ventes réalisées par Mme [M] elle-meme et non celles de la société dans son ensemble.
Dès lors, la demande est fondée et il y sera fait droit ; la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
- Sur le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.
Par lettre du 23 mars 2020, la société MS Dental a notifié à Mme [K] [M] son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants:
1. Avoir, s'agissant d'une soumission de marché pour la CPAM de Paris, d'une part fait preuve d'insubordination en faisant remarquer que la tâche sollicitée ne vous incombait pas, et d'autre part en refusant de déposer le dossier au motif que certaines pièces ne vous avaient pas été fournies alors qu'elles n'étaient pas obligatoires pour déposer le dossier ;
2. Avoir, dans le cadre d'une candidature pour un marché avec le CMS de [Localité 9], communiqué un dossier contenant de nombreuses erreurs ;
3. Avoir fait preuve d'insubordination en ne répondant pas ou partiellement à des demandes de votre hiérarchie ;
4. Avoir sollicité le remboursement de frais injustifiés ;
5. Avoir utilisé son téléphone portable à des fins personnelles ;
6. Ne pas avoir respecté les horaires de travail en vaquant à ses activités personnelles durant ces périodes ;
7. Avoir utilisé son ordinateur portable à des fins personnelles ;
8. Avoir engagé la société à des dépenses sans l'accord de la direction.
1. Sur les griefs relatifs au marché avec la CPAM de Paris.
En premier lieu, la société MS Dental reproche à Mme [K] [M] d'avoir fait preuve d'insubordination en mettant en cause les instructions qui lui ont été données.
Il ressort d'un échange de courriel entre Mme [K] [M] et son supérieur hiérachique (pièce n° 11 du dossier de la société) que celui-ci a, par courriel du 18 février 2020, donné à la salariée des instructions pour la préparation du dossier de soumission à un appel d'offre ; que le 19 février 2020, Mme [M] a, en préambule, répondu: ' 1. Je ne suis pas certaine de bien comprendre ta demande, ma fonction n'étant pas gestionnaire administrative' ; qu'il ne ressort pas de cette phrase un refus d'effectuer le travail demandé, mais une interrogation sur le contenu de celui-ci ; qu'au demeurant, Mme [M] indique dans la suite de ce courriel qu'en réalité le travail sollicité a déjà été effectué par ses soins.
Dès lors,ce grief n'est pas établi.
En second lieu, la société MS Dental reproche à Mme [K] [M] d'avoir refusé de soumissionner au motif qu'elle ne disposait pas des attestations sociale et fiscale pour le dossier alors que celles-ci ne sont pas exigibles au moment de la soumission mais à la signature du marché.
Toutefois, il ressort des dispositions des articles L 2141-1 et suivants du code de la commande publique que si ces documents ne sont pas exigibles à l'étape de la présentation du dossier à l'autorité organisant le marché, l'entreprise doit, dans le document de présentation, attester sur l'honneur qu'elle respecte ses obligations fiscales et sociales.
Il ressort du dossier (pièces n° 9 et 10 du dossier de Mme [M]) que la salariée a sollicité à plusieurs reprises des services compétents de l'entreprise les éléments lui permettant de prendre au nom de l'entreprise cet engagement, et qu'elle n'a pu les obtenir dans le délai fixé pour le dépôt du dossier ; dès lors, elle était fondée à refuser d'apposer sa signature sur un document comprenant des énonciations pour laquelle elle n'avait pas la certitude de leur veracité.
Le grief n'est donc pas établi.
2. Sur le grief relatif aux erreurs commises dans le cadre d'une candidature pour un marché avec le CMS de [Localité 9].
La société MS Dental reproche à Mme [K] [M] d'avoir, dans le cadre d'une soumission de marché public, préparé un dossier contenant de nombreuses erreurs, en particulier le numéro SIRET de l'entreprise, le chiffre d'affaire de celle-ci ainsi que les noms des collaborateurs appelés à intervenir en cas d'obtention du marché.
Mme [K] [M] soutient que la société ne démontre pas que le document produit au dossier correspond à l'exemplaire qui a été communiqué dans le cadre de la réponse à l'appel d'offre.
Il convient en effet de constater que la société ne démontre pas que le document qu'elle apporte au dossier (pièce n° 12 de son dossier) correspond au document final adressé à l'autorité organisatrice du marché.
Dès lors, le grief n'est pas démontré.
3. Sur le grief relatif à l'insubordination en ne répondant pas ou partiellement à des demandes de la hiérarchie.
La société reproche à Mme [K] [M] d'une part d'avoir répondu avec retard à des demandes de rapports, et d'autre part d'avoir contesté les demandes effectuées par le supérieur hiérarchique dans le dossier concernant le marché de la CPAM de Paris.
Sur le premier point, la société s'appuie sur un courriel adressé par M. [V] [Z] indiquant qu'il n'a pas reçu les rapports d'activité de ses collaborateurs ; toutefois, il convient de constater que ce courriel est adressé à plusieurs salariés, sans que soit caractérisé un reproche spécifique concernant Mme [M].
Sur le second point, ce reproche rejoint le premier point du premier grief.
Dès lors, le grief n'est pas établi.
4. Sur le grief relatif au remboursement de frais injustifiés.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils exposent que Mme [M] a sollicité le remboursement de frais d'hotels et de restauration qui sont en réalité des frais personnels.
Mme [M] conteste ce grief.
Sur les frais d'hôtel, la société MS Dental et la Selarl ML Conseils reprochent à Mme [K] [M] d'avoir sollicité le remboursement de deux nuitées d'hôtel à [Localité 7] les 10 et 29 janvier 2020 pour un total de 220 euros alors que la société n'avait pas de client dans cette région; ils apportent sur ce point la copie de l'agenda Outlook de Mme [M] pour le mois de janvier 2020.
Toutefois, il convient de relever que ce document est totalement vierge, alors que Mme [K] [M] justifie (pièces 48 et 49 de son dossier) s'être rendue pour des raisons professionnelles, ce qui n'est pas contesté par les intimés, à [Localité 8] les 8 et 9 janvier 2020 et au siège de la société à [Localité 11] les 27 et 28 janvier 2020 ; ce document ne peut être retenu à titre probatoire.
Dès lors, la société MS Dental et la Selarl ML Conseils ne démontrent pas que les frais dont il s'agit correspondaient à des frais personnels de Mme [M].
Sur les frais de restauration, la société MS Dental et la Selarl ML Conseils reprochent à Mme [M] d'avoir sollicité le remboursement de deux plateaux repas commandés par 'Emma P' dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de la fille de l'appelante ; celle-ci expose que la commande a été prise et réglé sur un compte au nom de sa fille par commodité.
La seule mention sur le ticket 'Deliveroo' du nom de la fille de Mme [K] [M] n'est pas un élément suffisant pour démontrer que ces repas n'entraient pas dans les frais professionnels exposés par la salariée, peu important que le compte sur lequel la commande a été prise ne soit pas établi à son nom.
Le grief n'est donc pas établi.
5. Sur l'utilisation personnelle du matériel professionnel.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils exposent que Mme [K] [M] a utilisé, au mépris des dispositions de son contrat de travail, son téléphone portable professionnel à titre personnel ; elle apporte au dossier (pièce n° 31 de son dossier) des captures d'écran faisant état d'échanges de messages dont la teneur est de façon non équivoque étrangère aux activités professionnelles de la salariée.
L'article 11 du contrat de travail prévoit que l'utilisation à titre personnelle du matériel remis au salarié est interdite sauf autorisation préalable expresse de l'employeur.
Mme [K] [M] ne conteste pas avoir utilisé le téléphone portable professionnel à titre personnel, et ne démontre pas en avoir obtenu l'autorisation.
Le grief est donc établi.
6. Sur le non respect des horaires.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils exposent que Mme [K] [M] a, le 5 février 2020, consacré sa journée à des activités personnelles, en l'espèce d'aller prendre en charge un chiot à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile, et non à l'entreprise ; elle produit au dossier (pièce n° 31 de son dossier) une capture d'écran.
Mme [K] [M] conteste ce reproche, soutenant qu'en réalité elle répondait à son époux qui l'informait du déroulement du voyage de l'animal.
Il ressort de ce document qu'il ne peut être déterminé avec certitude de la teneur des messsages y figurant que Mme [M] participait à ce voyage.
Dès lors, le grief n'est donc pas établi.
7. Sur l'utilisation de l'ordinateur de la salariée à titre personnel.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils exposent que Mme [K] [M] s'est rendue à la réunion de travail, au cours de laquelle il lui a été notifiée sa mise à pied conservatoire, avec son ordinateur personnel au lieu de son ordinateur professionnel.
Mme [K] [M] conteste ce reproche.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils n'apportent aucun élément à l'appui du grief.
Celui-ci n'est donc pas établi.
8. Sur l'engagement de dépenses sans l'autorisation de la direction.
La société MS Dental et la Selarl ML Conseils reprochent à Mme [K] [M] d'avoir signé un contrat sans avoir eu l'aval de sa direction ; elle produit au dossier (pièce n° 16 de son dossier) une facture établie par la société Doubletrade visée par la société MS Dental.
Mme [K] [M] soutient qu'elle a régulièrement signé ce contrat.
En premier lieu, la société MS Dental et la Selarl ML Conseils n'apportent aucun élément sur les procédures contractuelles qui avaient cours à l'époque de cette facture dans l'entreprise.
En second lieu, il ressort d'un échange de courriels en date du 15 juillet 2019 entre Mme [K] [M] et le service comptable de la société que celui-ci lui indique qu'elle peut 'faire le nécessaire pour le contrat [Doubletrade] ; que ce courriel (pièce n° 41 du dossier de Mme [M]) est adressé en copie à la directrice financière de la société.
Dès lors, le grief n'est pas établi.
Au regard de ce qui précède, il convient de constater que seul le grief établi est celui relatif à l'utilisation personnelle du téléphone portable professionnel.
Il convient de relever que, sur plusieurs années durant lesquelles Mme [K] [M] a exercé ses activités dans l'entreprise, la société MS Dental et la Selarl ML Conseils ne produisent qu'un échange de sept messages de nature personnelle sur deux journées ; qu'elles ne démontrent pas que la salariée a pu comme elles le prétendent effacer les messages à distance après la remise du téléphone à l'employeur.
L'utilisation très ponctuelle du téléphone professionnel pour un usage personnel, à supposer qu'il puisse justifier une mesure disciplinaire, est insuffisant à justifier une mesure de licenciement.
Dès lors, il convient de dire le licenciement de Mme [K] [M] par la société MS Dental sans cause réelle et sérieuse ;
La décision entreprise sera infirmée sur ce point.
- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur le préavis.
Conformément aux dispositions de l'article 35 de la convention collective applicable, le préavis concernat un salarié de catégorie 'cadres' est de trois mois ;
Au regard de sa rémunération mensuelle moyenne brut, il convient de faire doit à la demande à hauteur de 17421 euros outre la somme de 1742, 10 euros au titre des congés payés y afférent ;
Lesdites sommes seront inscrites au passif de la procédure collective de la société MS Dental.
- Sur l'indemnité de licenciement.
Au regard de la rémunération mensuelle moyenne brut et de l'ancienneté de Mme [M] dans l'entreprise, ainsi que des dispositions de l'article 37 de la convention colllective applicable, il sera fait droit à la demande à hauteur de 8129,80 euros, et cette somme sera inscrite au passif de la procédure collective de la société MS Dental.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [K] [M] avait 7 ans et 2 mois d'ancienneté dans l'entreprise ;
Conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande à hauteur de 8 mois de salaire, soit la somme de 46 456 euros ; cette somme sera inscrite au passif de la procédure collective de la société MS Dental.
- Sur la demande au titre du préjudice moral.
Mme [K] [M] expose que les circonstances du licenciement sont particulièrement vexatoires et que, consécutivement à cet évènement, elle a été placée en congé maladie.
Toutefois, Mme [M] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande sera rejetée.
Il sera donnée acte au CGEA d'[Localité 10] des limites légales et réglementaires de sa garantie.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] [M] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; il sera fait droit à cette demande, et la SELARL ML Conseil ès qualités sera condamnée à payer à ce titre la somme de 4000 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement rendu le 21 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a:
- ordonné à la société Ascagne administrateur judiciaire de la société MS Dental, et à la société MS Conseils liquidateur judiciaire, de remettre à Mme [K] [M] les documents concernant les chiffres réalisés par Mme [K] [M] pour l'année 2019 sans astreinte,
- réservé les droits de Mme [K] [M] sur les commissions à percevoir depuis le 1er janvier 2019,
L'INFIRME pour le surplus ;
DIT le licenciement de Mme [K] [M] par la société MS Dental sans cause réelle et sérieuse ;
FIXE au passif de la société MS Dental la somme de 17421 euros (dix sept mille quatre cent vingt et un euros) au titre du préavis outre la somme de 1742, 10 euros (mille sept cent quarante deux euros et dix centimes) au titre des congés payés y afférent ;
FIXE au passif de la société MS Dental la somme de 8129,80 euros (huit mille cent vingt neuf euros et quatre vingt centimes) au titre de l'indemnité de licenciement ;
FIXE au passif de la société MS Dental la somme de 46 456 euros (quarante six mille quatre cent cinquante six euros) au titre de l'indemnité pour cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
Y ajoutant:
DIT que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
CONDAMNE la SELARL ML Conseil ès qualités à payer à Mme [K] [M] la somme de 4000 euros (quatre mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
DIT que le Centre d'études et de gestion de l'AGS d'[Localité 10] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code ;
DIT qu'il ne devra s'exécuter, toutes créances confondues, qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et sur présentation d'un relevé présenté par le mandataire judiciaire ;
DIT que la garantie du Centre d'études et de gestion de l'AGS d'[Localité 10] est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail ;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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