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21/11/2022 | FRANCE | N°21/02944

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 novembre 2022, 21/02944


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 21 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02944 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4M6



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 19/01294, en date du 24 août 2021,



APPELANTE :

Madame [R] [S], née [U]

née le 31 janvier 1956 à [Localité 7] (88)

d

omiciliée [Adresse 1]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/011691 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY

Représentée pa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 21 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02944 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4M6

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 19/01294, en date du 24 août 2021,

APPELANTE :

Madame [R] [S], née [U]

née le 31 janvier 1956 à [Localité 7] (88)

domiciliée [Adresse 1]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/011691 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY

Représentée par Me Laurent MORTET de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d'EPINAL, substitué par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [T] [Z]

né le 24 mai 1954 à [Localité 9] (BELGIQUE)

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 21 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur FIRON, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [U] veuve [S] et Monsieur [T] [Z] se sont rencontrés en août 2009, ont emménagé ensemble en novembre 2015 puis ont conclu un pacs en 2016. Le couple s'est séparé à la fin de l'année 2017.

Le 16 décembre 2013, Madame [S] a vendu par acte notarié à Monsieur [Z] une maison située au [Adresse 3] cadastrée section ZB n°[Cadastre 5] au prix de 28000 euros.

Madame [S] a par ailleurs consenti par acte notarié du 28 avril 2017 une donation au profit de Monsieur [T] [Z] portant sur la nue-propriété de trois parcelles en nature de pré, verger et terrain situées au lieudit [Localité 11] cadastrée Section ZA, numéro [Cadastre 4], au lieudit [Localité 12] cadastrée Section ZL numéro [Cadastre 6] et au lieudit [Localité 11] cadastré Section ZA, numéro [Cadastre 2].

Par acte d'huissier du 24 juin 2019, Madame [S] a fait assigner Monsieur [Z] devant le tribunal de grande instance d' Épinal aux fins de voir :

- condamner Monsieur [Z] à lui payer la somme de 20000 euros en remboursement des prêts consentis par elle,

- prononcer la nullité du contrat de vente en date du 16 décembre 2013,

- prononcer la nullité de l'acte de donation du 28 avril 2017,

- ordonner, le cas échéant, la compensation des sommes dues par Monsieur [Z] avec les sommes qui viendraient à être mises à la charge de Madame [S] à la suite de l'annulation de la vente et de l'acte de donation,

- condamner Monsieur [Z] à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire du 24 août 2021, le tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré recevable Madame [S] en sa demande de prononcé de la nullité de la vente du 16 décembre 2013,

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de la vente notariée conclue le l6 décembre 2013 de l'immeuble situé au [Adresse 3] cadastré section ZB n°[Cadastre 5],

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de l'acte de donation notariée du 28 avril 2017 sur la nue-propriété de la parcelle de pré située au lieudit [Localité 11] cadastrée Section ZA, numéro [Cadastre 4], de la parcelle de pré et verger située au lieudit [Localité 12] cadastrée Section ZL numéro [Cadastre 6], et du terrain situé au lieudit [Localité 11] cadastré Section ZA, numéro [Cadastre 2],

- débouté Madame [S] de sa demande de condamnation de Monsieur [Z] à lui payer la somme de 20000 euros,

- débouté Monsieur [Z] de sa demande de condamnation de Madame [S] à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné Madame [S] à payer à Monsieur [Z] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [S] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la demande en nullité de la vente formée par Madame [S] était recevable dès lors que celle-ci a publié son assignation

conformément à l'article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1995 et que le service de la publicité foncière n'a pas refusé le dépôt de l'assignation litigieuse. Les premiers juges ont écarté le moyen soulevé par Monsieur [Z] en considérant que si l'assignation publiée par le service de la publicité foncière et de l'enregistrement d'[Localité 8] ne contient ni les références cadastrales, ni la contenance de l'immeuble, aucun texte ne sanctionne de nullité le défaut de ces mentions.

Le tribunal a jugé que Madame [S] ne démontrait pas son état de dépendance à l'égard de Monsieur [Z] (le seul état de veuvage ne pouvant caractériser cette dépendance), ni le comportement abusif de ce dernier, ni même l'avantage manifestement excessif qu'il aurait tiré de la vente, de sorte qu'elle n'établit pas que son consentement à la vente du 16 décembre 2013 a été vicié. Le tribunal en a jugé de même concernant l'acte de donation du 28 avril 2017.

Les premiers juges ont en outre débouté Madame [S] de sa demande de remboursement des sommes d'argent, estimant qu'elle ne démontrait pas d'impossibilité morale justifiant l'absence de preuve par écrit, ni la remise effective de la somme alléguée à Monsieur [Z]. Ils ont considéré que les pièces produites aux débats ne permettaient pas d'établir l'existence du prêt allégué par Madame [S].

Enfin, le tribunal a débouté Monsieur [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, considérant que la seule procédure initiée par Madame [S] n'était pas suffisante à démontrer la faute de cette dernière, et que Monsieur [Z] ne rapportait pas la preuve de l'existence du dommage dont il aurait été victime.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 16 décembre 2021, Madame [R] [U] veuve [S] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 1er août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [R] [U] veuve [S] demande à la cour de :

- dire et juger Madame [S], recevable et fondée en son appel, à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire d'Epinal en date du 24 août 2021,

- infirmer cette décision, en ce qu'elle a :

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de la vente notariée conclue le 16 décembre 2013 et concernant l'immeuble situé au [Adresse 3], cadastré section ZB n°[Cadastre 5],

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de l'acte de donation notariée du 28 avril 2017, sur la nue-propriété de la parcelle de pré, située au lieudit [Localité 11] cadastrée section ZA, numéro [Cadastre 4], de la parcelle de pré et verger située au lieudit [Localité 12], cadastrée section ZL n°[Cadastre 6], et du terrain situé au lieudit [Localité 11] cadastré section ZA, n°[Cadastre 10],

- débouté Madame [S] de sa demande de condamnation de Monsieur [Z], à lui payer une somme de 20000 euros,

- condamné Madame [S] à payer à Monsieur [Z] une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

En conséquence,

- vu l'article 1360 du code civil, condamner Monsieur [Z] à payer à Madame [S] la somme de 20000 euros, en remboursement des prêts consentis, par virements

bancaires successifs effectués au profit de l'intimé,

- vu les articles 1130 et suivants du code civil, dire et juger nuls et de nul effet, le contrat de vente en date du 16 décembre 2013 et de donations régularisées le 28 avril 2017, conclus entre Madame [S] et Monsieur [Z],

- ordonner, sur le fondement des articles 1347 et suivants du code civil, le cas échéant, la compensation des sommes dues par Monsieur [Z] avec les sommes qui viendraient à être mises à la charge de Madame [S] à la suite de l'annulation des contrats litigieux,

- débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes, formulées tant à titre principal, reconventionnel que subsidiaire,

- condamner Monsieur [Z] au versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 4 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [T] [Z] demande à la cour, au visa des articles 1240, 1359 et 1130 et suivants du code civil, de :

- débouter Madame [S] de toutes ses demandes à l'encontre de l'intimé,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de la vente notariée conclue le 16 décembre 2013 de l'immeuble situé au [Adresse 3] cadastré section ZB n°[Cadastre 5],

- débouté Madame [S] de sa demande en nullité de l'acte de donation notariée du 28 avril 2017 sur la nue-propriété de la parcelle de pré située au lieudit [Localité 11] cadastrée Section ZA, numéro [Cadastre 4], de la parcelle de pré et verger située au lieudit [Localité 12] cadastrée Section ZL numéro [Cadastre 6], et du terrain situé au lieudit [Localité 11] cadastré Section ZA, numéro [Cadastre 2],

- débouté Madame [S] de sa demande de condamnation de Monsieur [Z] à lui payer la somme de 20000 euros,

- condamné Madame [S] à payer à Monsieur [Z] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [S] aux dépens.

A titre subsidiaire,

- condamner Madame [S] à payer à Monsieur [Z] une indemnité de 161154,44 euros au titre de travaux réalisés,

- condamner Madame [S] à payer à Monsieur [Z] une somme de 30950,00 euros au titre du prix de vente et des frais notariés,

En tout état de cause,

- condamner Madame [S] à payer à Monsieur [Z] la somme de 3000 euros conformément à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [S] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 19 septembre 2022 et le délibéré au 21 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [R] [U] veuve [S] le 1er août 2022 et par Monsieur [T] [Z] le 4 mai 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022 ;

* Sur la nullité de la vente et de la donation

L'article 901 dispose que 'pour une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.'

Il est précisé, au titre du régime général du contrat, par les articles 1108 et 1109 du code civil dans leur rédaction applicable le 16 décembre 2013 que la validité d'une convention est soumise, notamment, au consentement de la partie qui s'oblige, qui n'est pas valable s'il est entaché par l'erreur, la violence ou le dol.

L'article 1112 du code civil dans sa version applicable à l'époque énonçait 'Il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes '. Toutefois, la jurisprudence admettait sous l'empire de ce texte que la violence puisse résulter de l'exploitation de circonstances, de la contrainte économique, de l'exploitation d'une situation de dépendance économique, d'une situation de harcèlement - ajoutant que le vice de violence devait être apprécié en considération de la personne s'en déclarant victime. Cette évolution jurisprudentielle a été entérinée par l'ordonnance n°2016-131, à l'origine du nouvel article 1143 selon lequel 'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouvait son co-contractant à son égard obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif'.

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, 'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.

Madame [R] [U] veuve [S] soutient que Monsieur [T] [Z] a profité de la relation sentimentale déséquilibrée qu'ils entretenaient pour obtenir qu'elle se dépossède à son profit de ses propriétés immobilières. Outre l'état de solitude dans lequel elle se trouvait, elle fait valoir, s'agissant de la vente de son domicile, que le prix était sans rapport avec sa valeur réelle et qu'il n'a été précédé d'aucun compromis, la privant ainsi de toute faculté de rétractation ; s'agissant de la donation de la seule nue-propriété de terrain que Monsieur [T] [Z] a continué d'en profiter après leur séparation sans lui verser de contre-partie. Elle soulève également qu'elle n'est pas la première femme envers qui Monsieur [T] [Z] agit ainsi.

Monsieur [T] [Z] conteste ces explications. Le témoignage de son ex-épouse est la manifestation de sa rancoeur. S'agissant de la vente, le prix correspondait à la valeur du bien, ce que le notaire avait constaté lorsqu'il l'a visité, il a d'ailleurs dû financer d'importants travaux de réhabilitation et l'absence de compromis n'a aucunement lésé Madame [R] [U] veuve [S] puisqu'elle ne disposait pas d'une faculté de rétractation en sa qualité de vendeur. S'agissant de la donation de l'usufruit de terrains d'une valeur limitée, elle l'a réalisée en toute connaissance de cause et regrette désormais son geste en raison de la séparation.

S'agissant de Madame [R] [U] veuve [S], la cour observe qu'elle ne conteste pas avoir fait la rencontre de Monsieur [T] [Z] en 2009 alors qu'il s'était montré intéressé par la maison de celle-ci alors en vente et qu'ils ont noué une relation affective début 2010, étant précisé qu'elle était veuve depuis la fin de l'année 2004, soit depuis environ 5 ans au moment de leur rencontre.

L'appelante ne verse aucune pièce de nature à démontrer qu'au moment de la rencontre et durant leur relation sentimentale, elle se trouvait dans un état de fragilité dû au décès de son époux ou de sa solitude ou sous l'emprise psychologique de son compagnon ; aucune dépendance, affective, psychologique ou économique, n'est caractérisée.

La réalité de la situation de violence à l'origine de la souscription des actes alléguée par Madame [R] [U] veuve [S] doit être appréciée par rapport à la victime et non par rapport à celui qui en serait l'auteur, de telle sorte que les agissements de Monsieur [T] [Z] à l'égard de sa précédente compagne sont indifférents - étant ajouté que l'arrêt de la cour d'appel de Liège ne retient pas d'abus commis par celui-ci à l'égard de son épouse qui au contraire est condamnée à lui payer certaines sommes.

S'agissant de la vente réalisée le 16 décembre 2013, il convient de relever que l'absence d'avant-contrat n'a pas privé Madame [R] [U] veuve [S] d'une faculté de rétractation que la loi, en sa qualité de vendeuse, ne lui reconnaissait pas. S'agissant du prix, qui se réfère davantage à l'objet du contrat qu'au consentement, il sera constaté que si le bien avait été évalué pour les besoins de la succession de son défunt mari à la somme de 60000 euros et que Madame [R] [U] veuve [S] verse deux attestations de proches assurant de son bon entretien, Monsieur [T] [Z] verse une attestation en sens contraire, des photographies montrant un bien vétuste et les justificatifs des importants travaux de réhabilitation qu'il a fait réaliser qui confortent l'attestation datée du 12 décembre 2012 du notaire qui a réalisé la vente estimant le bien entre 30000 et 35000 euros, compte-tenu de sa situation géographique et de son état d'entretien, mentionnant l'absence d'isolation entre la toiture et l'habitation, un mur pignon à refaire, des menuiseries en simple vitrage, l'absence de chauffage central, un système électrique dépourvu de fusible, des problèmes apparents et importants d'humidité dans les chambres, la salle de bain et les WC et une configuration créant des problèmes thermiques et humides, nécessitant d'importants travaux pour le rendre habitable. Dans ces conditions, le prix de 28000 euros est certes avantageux pour l'acquéreur mais n'est pas déséquilibré. Il n'est donc pas démontré que le consentement de Madame [R] [U] veuve [S], qui avait d'elle-même mis en vente son domicile avant sa rencontre avec Monsieur [T] [Z] et avait tout loisir de la consentir à d'autres et pour un autre prix, a été vicié.

Concernant la donation authentique reçue le 28 avril 2017, outre les arguments généraux développés par Madame [R] [U] veuve [S] tendant à la relation déséquilibrée et à sa faiblesse qui ont été écartés, celle-ci soulève uniquement le fait qu'après la séparation et alors qu'elle bénéficiait toujours de l'usufruit sur les terrains, Monsieur

[T] [Z] a continué de les occuper sans l'indemniser. Ce seul élément, largement postérieur à la donation, n'est pas de nature à caractériser, chez la donatrice, un vice de consentement au moment où elle a consenti à l'acte.

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a débouté Madame [R] [U] veuve [S] de ses demandes de nullité de ces deux actes.

** Sur la demande de remboursement de prêt

Madame [R] [U] veuve [S] prétend avoir prêté une somme d'au moins 25000 euros à son ex-compagnon, qui ne lui a remboursé que 5000 euros. Bien que le montant excède 1500 euros, elle fait valoir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité morale d'exiger un écrit. Elle ajoute qu'elle verse ses relevés de comptes étayant ses affirmations et que deux témoins ont assisté à des appels téléphoniques de Monsieur [T] [Z] qui reconnaissait lui devoir 20000 euros.

Monsieur [T] [Z] qui admet lui avoir viré 5000 euros au moment de la séparation, somme qu'il indique lui avoir versé pour lui permettre de refaire sa vie alors qu'il ignorait qu'elle avait rencontré une autre personne, conteste l'existence d'un prêt.

Il résulte de la combinaison de l'article 1360 du code civil et du décret n°80-533 du 15 juillet 1980 que l'acte juridique portant sur une valeur excédant 1500 euros doit être prouvé par écrit, néanmoins cette règle reçoit exception à l'article 1361 en cas d'impossibilité morale de se procurer un écrit. L'article 1362 permet également de suppléer l'absence d'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Si Madame [R] [U] veuve [S] et Monsieur [T] [Z] ont entretenu une relation amoureuse durant plusieurs années, aucune pièce ne permet d'établir une relation d'emprise qui aurait empêché celle-ci de solliciter la rédaction d'un écrit à l'occasion des prêts qu'elle affirme avoir consentis, d'autant plus que la vie commune n'a débuté qu'en 2015. En outre, elle était avant même sa relation avec Monsieur [T] [Z] en contact avec un notaire pour ses besoins, comme cela résulte du courriel rédigé par celui-ci, et elle y a eu recours, en cours d'union, à au moins deux reprises, de telle sorte qu'elle n'était pas dénuée de toute source d'information et de conseil. Enfin, les parties ont souscrit un partenariat civil de solidarité le 25 juillet 2016 nécessitant une convention écrite à l'occasion de laquelle Madame [R] [U] veuve [S] avait tout loisir de faire régulariser l'absence d'écrit antérieur. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que le premier juge n'a pas retenu l'impossibilité morale.

Madame [R] [U] veuve [S] verse aux débats des relevés de compte lesquels valent commencement de preuve par écrit.

Ces relevés font état :

- d'un virement sur le compte de Monsieur [T] [Z] de 2500 euros le 23 septembre 2013,

- d'un deuxième virement du même montant en date du 10 octobre 2013,

- d'un troisième virement de 4500 euros en date du 5 décembre 2013.

Madame [R] [U] veuve [S] verse, pour conforter ces éléments, deux témoignages de proches indiquant avoir entendu une conversation téléphonique sur haut-

parleur au cours de laquelle Monsieur [T] [Z] promettait de lui verser 20000 euros, l'un des témoins datant la conversation du mois d'octobre 2017. Néanmoins, la cause de cet engagement - et notamment l'existence d'un prêt - n'est nulle part évoquée par ceux-ci et ces témoignages ne peuvent dès lors permettre de conforter le commencement de preuve par écrit qui, en tout état de cause, ne porte que sur la somme de 9500 euros. Par ailleurs le courrier accompagnant le versement des 5000 euros précise uniquement 'ci-joint les 5000 euros convenus', sans faire référence à la cause de ce versement, ni à l'existence d'une dette subsistante, ne pouvant dès lors démontrer les affirmations de Madame [R] [U] veuve [S]. De la même manière, le témoignage de l'ex-épouse de Monsieur [T] [Z], avec lequel la séparation a manifestement été houleuse, n'évoque aucun fait personnellement constaté concernant l'existence du prêt allégué et ne peut conforter les relevés bancaires.

Madame [R] [U] veuve [S] échouant à démontrer l'existence d'un prêt dont Monsieur [T] [Z] lui devrait le remboursement, c'est à juste titre qu'elle a été déboutée de ses demandes par le premier juge.

*** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement de première instance qui condamne Madame [R] [U] veuve [S] aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner Madame [R] [U] veuve [S], qui n'est pas reçue en son recours, aux dépens de la procédure d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à Monsieur [T] [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme qu'il est équitable de fixer à 1500 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal le 24 août 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Madame [R] [U] veuve [S] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Madame [R] [U] veuve [S] à payer à Monsieur [T] [Z] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de

procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur FIRON, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : J.-L. FIRON.-

Minute en dix pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02944
Date de la décision : 21/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-21;21.02944 ?
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