La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2022 | FRANCE | N°22/00505

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 novembre 2022, 22/00505


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 21 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00505 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E53D



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 20/03138, en date du 21 décembre 2021,



APPELANT :

Monsieur [Z] [I]

né le 29 mars 1984 à [Localité 5] (54)

domicilié

[Adresse 1]

placé sous le régime de la curatelle renforcée

et assisté par le Service des Préposés M.J.P.N. du Centre Psychothérapique de [Localité 7], pris en la personn...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 21 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00505 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E53D

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 20/03138, en date du 21 décembre 2021,

APPELANT :

Monsieur [Z] [I]

né le 29 mars 1984 à [Localité 5] (54)

domicilié [Adresse 1]

placé sous le régime de la curatelle renforcée

et assisté par le Service des Préposés M.J.P.N. du Centre Psychothérapique de [Localité 7], pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Jean-Luc TASSIGNY, substitué par Me Jean-Marc ROMMELFANGEN, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [C] [P]

exerçant sous l'enseigne 'NET CAR'

domicilié [Adresse 2]

Non représenté, bien que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui aient été régulièrement signifiées par acte de Me [S] [B], Huissier de justice à [Localité 6], en date du 22 mars 2022 par dépôt à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 21 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant facture en date du 8 mai 2018, Monsieur [Z] [I] a acquis le 7 mai 2018 auprès de Monsieur [C] [P], exploitant une entreprise individuelle de vente de véhicules sous l'enseigne Net Car, un véhicule d'occasion de marque Peugeot modèle 206 immatriculé [Immatriculation 4], dont la date de mise en circulation est le 27 juin 2005, avec un kilométrage de 176113, moyennant le prix de 1900 euros.

Le 9 mai 2018, soit deux jours après la vente, à 176399 kilomètres, le véhicule a été déposé à la concession Peugeot de Lunéville suite à l'allumage du voyant de défaut moteur du tableau de bord, à des trous à l'accélération et à des calages du moteur. Celle-ci a notamment constaté que le vehicule n'était pas conforme.

L'assureur protection juridique de Monsieur [Z] [I] a fait diligenter une expertise amiable contradictoire par le cabinet Moisan le 17 juillet 2018. Celui-ci a établi son rapport technique le 18 juillet 2018, concluant que le véhicule Peugeot 208 litigieux présentait un défaut important de conformité par rapport aux caractéristiques de son certificat d'immatriculation, ainsi que de nombreuses défaillances liées à un choc antérieur réparé sommairement avec des pièces de réemploi.

Par jugement du 3 août 2018, le tribunal d'instance de Nancy a placé Monsieur [Z] [I] sous le régime de la curatelle renforcée et désigné le service des préposés MJPN du Centre psychothérapique de [Localité 7] en qualité de curateur.

Par un acte d'huissier en date du 10 décembre 2018, Monsieur [Z] [I], assisté par son curateur, a sollicité en référé une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 15 janvier 2019, le juge des référés de Nancy a ordonné une expertise judiciaire du véhicule Peugeot 206 immatriculé [Immatriculation 4] et commis pour y procéder Monsieur [X] [R].

L'expert a déposé son rapport le 4 mars 2020.

Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 septembre 2020, Monsieur [Z] [I] a, par l'intermédiaire de son conseil, sollicité auprès de Monsieur [C] [P] la résolution de la vente et le remboursement du prix ainsi que des frais exposés.

Par un acte d'huissier du 7 décembre 2020, Monsieur [Z] [I], assisté de son curateur, a assigné Monsieur [C] [P] exerçant sous l'enseigne Net Car aux fins de voir, au visa notamment de l'article 1184 du code civil :

- prononcer la résolution de la vente du véhicule Peugeot 207 en date du 7 mai 2018,

- condamner Monsieur [C] [P] à verser à Monsieur [Z] [I], représenté par son curateur, les sommes suivantes :

* 2054,76 euros TTC au titre du remboursement du prix et des frais de vente,

* 11200 euros en réparation du préjudice de jouissance, outre une indemnisation complémentaire de 400 euros par mois jusqu'à la date de reprise du véhicule par le vendeur,

* 1200 euros au titre du coût de l'expertise judiciaire,

- donner acte à Monsieur [Z] [I] de ce que, contre paiement de ces sommes, il tient à la disposition de Monsieur [C] [P] le véhicule litigieux, la reprise de celui-ci devant être effectuée à la charge et aux frais du défendeur,

- condamner Monsieur [C] [P] aux dépens de la procédure et de la procédure de référé.

Par jugement réputé contradictoire du 21 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule Peugeot modèle 206 immatriculé [Immatriculation 4], conclue le 7 mai 2018 entre Monsieur [C] [P] exerçant sous l'enseigne Net Car, vendeur et Monsieur [Z] [I], acquéreur, en application des dispositions des articles 1184, 1641 et 1644 du code civil,

En conséquence,

- condamné Monsieur [C] [P] à rembourser à Monsieur [Z] [I] la somme de 1900 euros au titre du prix de vente et la somme de 135,76 euros au titre des frais de vente, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2020,

- ordonné la restitution du véhicule Peugeot, modèle 206, immatriculé [Immatriculation 4] à Monsieur [C] [P] et dit qu'il appartiendra à ce dernier de venir le récupérer à ses frais après remboursement du prix de vente et des frais,

- condamné Monsieur [C] [P] à payer à Monsieur [Z] [I] la somme de 1519 euros à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article 1645 du code civil,

- débouté Monsieur [Z] [I] de ses demandes d'indemnisation complémentaire,

- condamné Monsieur [C] [P] à payer à Monsieur [Z] [I] la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [C] [P] au paiement des dépens incluant ceux de reféré et le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 1200 euros,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal s'est appuyé sur les conclusions des deux expertises, concordantes, aux termes desquelles le véhicule Peugeot 206 acquis par Monsieur [Z] [I] est affecté d'une non-conformité à son homologation d'origine ainsi que de multiples déficiences le rendant impropre à la circulation. Il a considéré que cette non-conformité et ces déficiences existaient antérieurement à la vente du 7 mai 2018 et que les conditions de la garantie légale des vices cachés étaient réunies.

Sur la demande de dommages et intérêts, le tribunal a jugé qu'en sa qualité de professionnel de la vente de véhicules, Monsieur [C] [P], exploitant une entreprise de vente de voitures sous l'enseigne Net Car, était tenu de connaître la non-conformité et les vices affectant le véhicule, et qu'il devait en conséquence être condamné à réparer le préjudice indemnisable subi par l'acquéreur.

Le tribunal a refusé d'admettre en revanche le préjudice de jouissance dont Monsieur [Z] [I] demandait réparation, considérant que compte tenu de l'effet rétroactif de la résolution, il était censé n'avoir jamais eu la jouissance du véhicule.

Le tribunal a précisé également que le coût de l'assurance automobile ne constituait pas un préjudice indemnisable dès lors que cette assurance constitue une obligation légale pour tout conducteur d'un véhicule terrestre à moteur.

Il a considéré que seul le préjudice résultant de la nécessité de faire réaliser une expertise amiable puis une expertise judiciaire, puis d'attendre l'issue de celle-ci pour obtenir la résolution de la vente, devait être indemnisé, outre les frais de diagnostic exposés auprès du réparateur automobile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 1er mars 2022, Monsieur [Z] [I] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 16 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Z] [I] demande à la cour de :

- dire et juger son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 21 décembre 2021 en ce que ce dernier avait rejeté sa demande d'indemnisation pour trouble de jouissance recevable et bien fondé,

- réformant dans la mesure utile ledit jugement,

- dire et juger que Monsieur [Z] [I] peut se prévaloir à l'encontre de Monsieur [C] [P] d'un préjudice de jouissance,

- fixer ce dernier arrêté au 31 décembre 2021 à la somme de 16800 euros et condamner en tant que de besoin Monsieur [C] [P] à verser à Monsieur [Z] [I] une indemnisation de ce montant,

- condamner par ailleurs Monsieur [C] [P] à verser à Monsieur [Z] [I] au titre de la procédure d'appel une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Bien que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui aient été régulièrement signifiées le 22 mars 2022, par dépôt en l'étude, Monsieur [C] [P] n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 juillet 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 26 septembre 2022 et le délibéré au 21 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [Z] [I] le 16 mars 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 19 juillet 2022 ;

* Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance

Les chefs du dispositif du jugement critiqué ordonnant la résolution de la vente du véhicule Peugeot modèle 206 immatriculé [Immatriculation 4], conclue le 7 mai 2018 entre Monsieur [C] [P] exerçant sous l'enseigne Net Car, vendeur et Monsieur [Z] [I], acquéreur, en application des dispositions des articles 1184, 1641 et 1644 du code civil et la condamnation Monsieur [C] [P] à payer à Monsieur [Z] [I] la somme de 1519 euros à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article 1645 du code civil ne sont pas contestés, de telle sorte que la résolution pour vices cachés de la vente par un vendeur de mauvaise foi a été définitivement prononcée.

Pour écarter la demande d'indemnisation complémentaire au titre du préjudice de jouissance, le premier juge a retenu que, en raison de l'effet rétroactif de la résolution, Monsieur [Z] [I] était censé n'avoir jamais eu la jouissance du véhicule.

Ce motif ne peut être adopté par la cour. La résolution anéantit les effets du contrat, tels que notamment, pour une vente, le paiement du prix et la délivrance de la chose. Mais contrairement à l'annulation du contrat, prononcée pour des motifs tenant aux conditions de sa formation, la résolution n'a pas pour effet de faire disparaître l'existence de ce contrat. Le principe d'un préjudice de jouissance doit donc être retenu puisque l'expert judiciaire a qualifié le véhicule vendu de non-conforme, au niveau du montage moteur, des roues ne correspondant pas à l'origine et aux caractéristiques données par le constructeur et d'autres vices, liés à des réparations non effectuées dans les règles de l'article, les non-conformités nombreuses le rendant non conforme à son homologation d'origine et impropre à son utilisation.

Pour chiffrer sa demande, Monsieur [Z] [I] rappelle que l'expert judiciaire a évalué ce préjudice de jouissance à la somme mensuelle de 400 euros correspondant au coût de la location d'un véhicule similaire. Il avait sollicité dans son assignation la somme de 11200 euros correspondant à l'immobilisation du véhicule du 9 mai 2018 au 31 octobre 2020 et demande désormais la somme de 16800 euros en arrêtant le compte à la date du jugement, le 21 décembre 2021.

Toutefois, comme pour toute indemnisation, l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance doit permettre la réparation du dommage, et non l'enrichissement du demandeur.

Or, si Monsieur [Z] [I] a agi avec diligence en faisant diligenter une expertise privée puis une expertise judiciaire et en délivrant une assignation au fond face à l'inertie de son vendeur et si son placement sous mesure de protection était de nature à compliquer l'acquisition d'un nouveau véhicule, il n'indique pas si, depuis l'immobilisation du véhicule le 9 mai 2018, il a disposé ou non d'un véhicule de remplacement, ni s'il a acquis un nouveau véhicule, ne produisant au surplus aucune pièce au soutien de cette prétention (attestations...).

Monsieur [Z] [I] ne donne en particulier aucune explication quant à l'usage attendu de ce véhicule (trajets professionnels, familiaux, de loisirs'), et n'indique pas comment il a pu s'en dispenser (aide de sa famille ou d'amis, location ou achat d'un autre véhicule), ni pendant quelle durée et selon quelle fréquence.

Compte tenu de ce qui précède, et étant rappelé qu'il s'agissait de la vente le 7 mai 2018 d'un véhicule mis en circulation en 2005, qui avait parcouru environ 176399 kilomètres, ce préjudice de jouissance sera valablement réparé par l'allocation de la somme de 5000 euros.

Il convient d'infirmer le jugement et de faire droit, dans cette limite, à sa demande d'indemnisation.

** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de laisser les dépens d'appel à la charge de l'intimé, partie perdante.

Il convient également de le condamner à payer à l'appelant une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 1500 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nancy en date du 21 décembre 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] [I] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne Monsieur [C] [P] à payer à Monsieur [Z] [I], assisté de son curateur, 5000 euros (cinq mille euros) en réparation du trouble de jouissance,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [C] [P] aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne Monsieur [C] [P] à payer à Monsieur [Z] [I], assisté de son curateur, 1500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00505
Date de la décision : 21/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-21;22.00505 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award