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13/12/2022 | FRANCE | N°22/00833

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 13 décembre 2022, 22/00833


ARRÊT N° /2022

SS



DU 13 DECEMBRE 2022



N° RG 22/00833 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6R5







Pole social du TJ de REIMS

19/501

25 février 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MARNE prise en la personne de s

on représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [Z] [E], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation







INTIMÉE :



S.A.S. [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit s...

ARRÊT N° /2022

SS

DU 13 DECEMBRE 2022

N° RG 22/00833 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6R5

Pole social du TJ de REIMS

19/501

25 février 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MARNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [Z] [E], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

S.A.S. [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence BELLEC de la SARL BELLEC & ASSOCIES, substitué par Me Mathilde LEVASSEUR, avocats au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 09 Novembre 2022 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 13 Décembre 2022 ;

Le 13 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [U] [R] est salarié de la SAS [5] depuis septembre 1995 en qualité d'opérateur plastique.

Le 22 mars 2019, il a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, mentionnant comme nature de la maladie « epitrochléite bilatérale- atteinte nerveuse bilatérale des nerfs médians et cubital des membres supérieurs » accompagnée d'un certificat médical initial établi par le docteur [P] [M] faisant état de « atteinte nerveuse bilatérale médian+ cubital au niveau coude D+G ( ') D+G main D+G » daté du 19 décembre 2019.

Par courrier du 4 avril 2019, la caisse a informé la SAS [5] de la réception de la déclaration de maladie professionnelle, indiquant que le dossier est instruit au titre d'une épitrochléite gauche.

Par courrier du 5 avril 2019, la caisse a demandé à monsieur [U] [R] de revoir le docteur [M] afin qu'il rectifie la date du certificat médical et afin de « revoir avec lui à quel intitulé du tableau 57 des maladies professionnelles ces demandes se réfèrent ou s'il s'agit d'une demande hors tableau (') la notion d'atteinte nerveuse est trop floue ».

Le docteur [M] a adressé à la caisse un nouveau certificat médical initial daté du 19 décembre 2018 mentionnant « épicondylites latérales (épitrochléites) bilatérales, paresthésies et douleurs en face interne des 2 mains, de l'annulaire et de l'auriculaire à G et à D, bilan en cours ».

Il a enfin adressé à la caisse un nouveau certificat médical daté du 18 décembre 2018, reçu par la caisse le 11 juin 2019 et portant une mention complémentaire datée du 20 juin 2019, partiellement illisible, mentionnant « epitrochléite G (' EMG), épitrochléite D atteinte 4e 5e doigt (') G+D, nerf cubital+médian bilatéral G+D, compression (') à l'EMG, nerfs radial G+D au poignet, nerfs cubital G+D au coude ».

Par courrier du 23 juillet 2019, la caisse a informé la SAS [5] de la fin de l'instruction du dossier au titre de la maladie « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude gauche » et de sa possibilité de consulter le dossier.

Par courrier du 13 août 2019, la caisse a informé la SAS [5] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie « tendinopathie des muscles épi trochléens du coude gauche » de monsieur [U] [R].

La SAS [5] a contesté cette décision par-devant la commission de recours amiable.

Par décision du 12 décembre 2019, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Le 30 décembre 2019, la SAS [5] a saisi le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Reims d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement RG 19/501 du 25 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Reims a :

- reçu la SAS [5] en son recours,

- jugé que la décision de prise en charge par la CPAM de la Marne, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée le 22 mars 2019 (siège des lésions : coude gauche) par monsieur [U] [R] est inopposable à son employeur, la SAS [5],

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 5 avril 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 9 novembre 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

La caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 7 octobre 2022 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims en date du 25 février 2022.

Statuant à nouveau,

- déclarer qu'elle a respecté la procédure d'instruction et le principe du contradictoire,

- déclarer qu'elle n'a pas failli à son obligation d'information,

- déclarer que la procédure d'instruction est régulière,

- juger que l'affection déclarée par monsieur [R] correspond à celle visée par le tableau 57B des maladies professionnelles,

- déclarer que la maladie déclarée par monsieur [R] revêt un caractère professionnel,

- déclarer que c'est à juste titre qu'elle a instruit la demande de reconnaissance du caractère professionnel d'une tendinopathie d'insertion des muscles épi trochléens mentionné au tableau n°57B,

- déclarer que la société [5] ne remet pas en cause les conditions relatives au délai de prise en charge du tableau n°57B,

- déclarer que monsieur [R] réalise les travaux du tableau n°57B,

- déclarer que la condition relative à la liste limitative des travaux du tableau n°57B est remplie,

- déclarer que la saisine d'un CRRMP est sans fondement,

- déclarer qu'aucun CRRMP ne pourra être saisi sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale,

- confirmer ainsi le caractère professionnel de la maladie de monsieur [R] en date du 19 décembre 2018,

Par conséquent,

- confirmer la décision du 13 août 2019 de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie déclarée par monsieur [R].

- déclarer que la décision du 13 août 2019 de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie déclarée par Monsieur [R] est opposable à la société [5].

- confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 12 décembre 2019.

La SAS [5], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 31 octobre 2022 et a sollicité ce qui suit :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Reims rendu le 25 février 2022, qui a :

Reçu la société [5] en son recours

Jugé que la décision de prise en charge par la CPAM de la MARNE au titre de la législation sur les risques professionnels, de la maladie déclarée le 22 mars 2019 (siège des lésions : coude gauche) par Monsieur [U] [R] est inopposable à son employeur, la SAS [5]

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamné la CPAM de la MARNE aux entiers dépens

- débouter la CPAM de la MARNE de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la CPAM de la MARNE au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la CPAM de la MARNE aux entiers dépens liés à la présente instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2022 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, il est rappelé qu'une demande tendant à voir « déclarer » n'est pas une prétention au sens des article 4 et 954 du code de procédure civile de telle sorte qu'il n'y sera pas répondu.

Sur l'opposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle :

Aux termes de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Aux termes d'une jurisprudence constante, la charge de la preuve de la vérification des conditions prévues au tableau des maladies professionnelles concerné pèse sur la caisse qui est subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé (cass. civ. 2e 30 juin 2011 n° 10-20148, 13 mars 2014 n°13-10316).

La maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun des tableaux (Cass. civ.2e 17 mai 2004 n° 03-11968, 22 septembre 2011 n°10-21950, 21 janvier 2016 n°14-29419) et la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs

Par ailleurs, les indications figurant sur le certificat médical doivent correspondre au libellé de la maladie du tableau (Cass. civ. 2e 9 juillet 2015 n°14-22606, 4 mai 2016 n°15-18059, 25 janvier 2018 n°16-28519), sans pour autant que soit exigé une correspondance littérale, dans la mesure où il appartient au juge de vérifier si la pathologie déclarée est au nombre des pathologies désignées par le tableau (Civ. 2e 21 janvier 2016 n° 14-28901, 9 mars 2017 n°16-10017, 14 mars 2019 n°18-11975, 23 juin 2022 n° 21-10631). Si le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial est différent de celui figurant au tableau, il appartient aux juges du fond de rechercher si l'avis favorable du médecin conseil à la prise en charge de cette pathologie était fondé sur un élément médical extrinsèque lorsque tous les éléments constitutifs de la maladie visée au tableau ne résultent pas du certificat médical initial(Civ.2e, 22 octobre 2020 n° 19-21.915 pour l'objectivation par IRM d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs du tableau 57A, 7 novembre 2019 n° 18-21.742 et 12 mai 2021 n° 20-14.871 pour le caractère primitif du cancer broncho-pulmonaire du tableau n°30 bis).

-oo0oo-

En l'espèce, la caisse fait valoir que seul le médecin conseil est habilité à déterminer la pathologie dont est atteint l'assuré au regard des tableaux et à vérifier si les conditions médicales du tableau sont remplies. Elle ajoute que le certificat médical initial rectifié précisait de manière claire le siège et la nature des lésions, à savoir une épitrochléite bilatérale, cette maladie étant identique à une tendinopathie des muscles épitrochléens. Elle précise qu'aucun examen complémentaire n'est nécessaire pour établir le diagnostic, un examen clinique étant suffisant. Elle ajoute qu'elle a respecté le principe du contradictoire en notifiant à l'employeur la déclaration de maladie professionnelle, le délai complémentaire d'instruction, et la lettre de consultation du dossier.

Elle fait également valoir qu'il résulte des questionnaires adressés à l'employeur et au salarié que monsieur [R] effectue des travaux comportant de nombreuses saisies ou manipulation d'objets des deux mains, des mouvements de rotation et des mouvements de flexion et rotation du poignet. Elle ajoute que le tableau ne mentionne aucun repère chiffré relatif aux durées et fréquences quotidiennes d'exposition.

Elle fait enfin valoir que la liste des travaux étant remplie, il n'y avait pas lieu à saisine du CRRMP.

La SAS [5] fait valoir que la caisse a pris en charge la maladie « tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens du coude gauche » alors que le certificat médical initial ne fait pas référence à une tendinopathie. Elle ajoute que plusieurs pathologies du tableau 57 font référence aux muscles épitrochléens et qu'elle n'a pas pu connaitre la pathologie exacte instruite jusqu'au moment de la clôture de l'instruction, de telle sorte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté. Elle indique que l'avis du médecin conseil à lui seul ne permet pas de dire une pathologie conforme au libellé du tableau. Elle ajoute que ledit médecin conseil ne se réfère à aucun élément médical extrinsèque.

Elle fait également valoir que la caisse n'apporte pas la preuve de l'exécution, par son salarié, des mouvements prévus au tableau. Elle ajoute qu'elle a complété deux questionnaires, relatifs aux travaux comportant des mouvements de rotation du poignet, aux travaux comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou manipulations d'objets et aux travaux comportant des mouvements de flexion ou de rotation du poignet, seules les 1ère et 3e situations étant visées au tableau. Elle précise que son salarié n'effectue pas de travaux nécessitant une rotation du poignet, et qu'il effectue des mouvements de flexion et rotation du poignet moins d'une heure par jour et moins d'un jour par semaine. Elle indique que ces travaux ne sont pas réalisés de manière habituelle mais que la situation se présentait une fois tous les deux mois et que monsieur [R] n'était pas systématiquement à ce poste. Elle ajoute que l'agent assermenté de la caisse ne s'est pas déplacé dans l'entreprise pour observer les conditions de travail de monsieur [R] et ne peut prendre en compte exclusivement les réponses de ce dernier.

Elle fait enfin valoir que la caisse aurait dû saisir le CRRMP pour avis, et qu'en l'absence de saisine, la décision de prise en charge lui est inopposable.

-oo0oo-

Sur la désignation de la maladie :

Les maladies visées par le tableau n°57 B des maladies professionnelles sont les suivantes :

-Tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial

- Tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens.

- Hygromas : épanchement des bourses séreuses ou atteintes inflammatoires des tissus sous-cutanés des zones d'appui du coude (forme aiguë- forme chronique)

- Syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne confirmé par électroneuromyographie (EMG).

La maladie retenue par la caisse est une « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude gauche ».

La déclaration de maladie professionnelle mentionnait « epitrochléite bilatérale- atteinte nerveuse bilatérale des nerfs médians et cubital des membres supérieurs ».

Le certificat médical initial mentionnait « atteinte nerveuse bilatérale médian+ cubital au niveau coude D+G »

Le courrier d'information de l'employeur mentionnait « épitrochléite gauche »

Le questionnaire adressé à l'employeur faisait mention, en sa page 5, d'une « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude gauche »

Le certificat médical initial rectifié mentionnait « épicondylites latérales (épitrochléites) bilatérales, paresthésies et douleurs en face interne des 2 mains, de l'annulaire et de l'auriculaire à G et à D ».

Un certificat médical du 18 mars 2018 rédigé par le docteur [P] [M] mentionnait « une épitrochléité bilatérale et une atteinte nerveuse bilatérale des nerfs médian et cubital ».

Le dernier certificat médical initial mentionnait clairement une épitrochléite gauche.

Le médecin conseil précisait dans le colloque médico-administratif qu'il était en accord avec le diagnostic figurant sur le certificat médical initial.

Il résulte de ce qui précède que malgré les errances du médecin ayant rédigé le certificat médical initial, monsieur [R] est atteint d'une épitrochléite gauche, diagnostic confirmé par le médecin conseil.

Par ailleurs, la caisse produit aux débats un mail du docteur [W], médecin conseil, qui confirme expressément que « l'épitrochléite est la même chose qu'une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens ».

Si la SAS [5] prétend que le tableau n°57 des maladies professionnelles mentionne deux pathologies distinctes faisant référence aux muscles épitrochléens (tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens, et syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne confirmé par électroneuromyographie), elle ne produit aux débats aucun élément médical permettant de prétendre que le terme « épitrochléite » désignerait une maladie distincte de la tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens ou nécessitant un élément constitutif ou de diagnostic supplémentaire. Dès lors, le médecin conseil pouvait confirmer le diagnostic sans recourir à un élément extrinsèque.

De plus, la SAS [5] ne conteste pas le fait que la maladie prise en charge par la caisse sous le libellé « tendinopathie des muscles épitrochléens » correspond bien à la maladie du tableau « tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens ».

Enfin, si la SAS [5] prétend que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, force est de constater que dès le courrier de la caisse du 4 avril 2019, elle était informée de l'instruction du dossier au titre d'une maladie « épitrochléite gauche » et dès l'envoi du questionnaire, elle était informée de l'instruction du dossier au titre d'une tendinopathie des muscles épitrochléens.

Dès lors, en l'absence de doute sur la nature et le siège de la maladie, la SAS [5] ne pouvait se méprendre sur la nature de la maladie déclarée et est mal fondée à solliciter l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au regard de sa désignation.

Sur l'exposition au risque :

Le tableau n° 57B des maladies professionnelles comporte une « liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies » qui, pour la maladie « tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens » est la suivante : « travaux comportant habituellement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet ou des mouvements de pronosupination ».

Le mouvement d'adduction de la main et du poignet est le mouvement consistant à écarter la main de la ligne du corps, vers l'extérieur.

Le mouvement de flexion de la main et du poignet est le mouvement consistant à rapprocher la paume de la main de la face ventrale de l'avant-bras

La pronation est le mouvement de l'avant-bras et de la main consistant à tourner la paume de la main vers l'arrière du radius (la paume regarde en arrière ou vers le sol, le pouce est tourné vers l'intérieur)

La supination est un mouvement de l'avant-bras et de la main de telle sorte que le radius tourne autour de son axe longitudinal (la paume « regarde » en avant ou vers le haut, et le pouce est tourné vers l'extérieur).

La pronosupination est le mouvement associant supination et pronation.

Dans son questionnaire adressé à l'employeur et au salarié, la caisse les invite à évaluer le temps journalier moyen et le nombre moyen de jours par semaine de réalisation des travaux suivants :

- tous travaux comportant des mouvements de flexion et rotation du poignet

- tous travaux comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou manipulations d'objets

- tous travaux comportant des mouvements de flexion et rotation du poignet

Dans son questionnaire, monsieur [R] indique qu'il est opérateur sur presse d'injection plastique et que ses fonctions sont les suivantes : « charger et décharger les 4 presses (boulons, inserts'), ébarbage (couper les bavures de plastique), emballage sur les conteneurs (2x1 m au maximum, 120 à 130 kg minimum), rangement des conteneurs avec tire pales », et ce à une cadence, gérée par un robot, d'une pièce toutes les 3 secondes. Il estime réaliser les trois mouvements plus de 3 heures par jour, indiquant notamment, pour les mouvements de rotation du poignet « travail avec un foret qu'il faut visser pour permettre le passage d'un axe de fixation », pour les mouvements de manipulations d'objets « utilisation d'outils pour corriger les bavures sur les pièces (cutter, forets, pinces) » et pour les mouvements de flexion et rotation du poignet « pour retirer les bavures de caoutchouc ».

La SAS [5] décrit pour sa part le poste de travail de monsieur [R], opérateur de finition, ainsi qu'il suit : « récupérer la pièce déposée sur le tapis, contrôle visuel et conditionnement dans le bac ou container ». Il estime que son salarié n'effectue qu'exceptionnellement des mouvements de flexion et rotation du poignet, en indiquant qu'ils ne concerneraient qu'une seule référence sur la totalité des produits, mais ne décrit pas le produit concerné. Il indique qu'il ne fait aucun mouvement nécessitant des rotations du poignet mais qu'il fait, plus de 3 heures par jour et plus de 3 jours par semaine, des mouvements de saisies manuelles et/ou de manipulations d'objets, et joint des photos.

Cependant, il résulte de la description par l'employeur du poste de travail de monsieur [R] qu'il limite ses fonctions à la manipulation de pièces contrôlées visuellement et occulte ses interventions réalisées sur les pièces.

Les photos qu'il produit aux débats montrent par ailleurs que le fait de saisir une pièce nécessite un mouvement de supination suivi d'un mouvement de pronation pour procéder au contrôle visuel.

Monsieur [R] saisissant une pièce toutes les trois secondes, le mouvement de pronosupination est réalisé de manière habituelle tout au long de la journée de travail.

Dès lors, monsieur [R] effectue de manière habituelle les travaux mentionnés dans la liste limitative du tableau n°57.

En conséquence, il n'y avait pas lieu à saisine du CRRMP et la décision du 13 août 2019 de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie « tendinopathie des muscles épi trochléens du coude gauche » de monsieur [U] [R] est opposable à la SAS [5].

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La SAS [5] succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement RG 19/501 du 25 février 2022 du pôle social du tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne du 13 août 2019 de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude gauche » de monsieur [U] [R] est opposable à la SAS [5],

DEBOUTE la SAS [5] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SAS [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par madame Clara TRICHOT-BURTÉ, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 22/00833
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;22.00833 ?
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