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15/12/2022 | FRANCE | N°21/02700

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 décembre 2022, 21/02700


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 DECEMBRE 2022



N° RG 21/02700 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E324







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 20/00147

20 octobre 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANTE :



S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES, prise en son agence E

NGIE COFELY sise [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel ANDREO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG









INTIMÉ :



Monsieur [O] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Maxime J...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/02700 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E324

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 20/00147

20 octobre 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES, prise en son agence ENGIE COFELY sise [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel ANDREO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉ :

Monsieur [O] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Maxime JOFFROY substitué par Me LIPP de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 13 Octobre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 15 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [O] [C] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société COFATECH SERVICES filiale du Groupe GAZ DE FRANCE, à compter du 14 mai 2007, en qualité de technicien d'exploitation, niveau 6, échelon 2.

La société COFATECH SERVICES a été absorbée par la société SUEZ ENERGIE SERVICES, exerçant sous le nom commercial ENGIE COFELY.

A compter du 02 avril 2010, Monsieur [O] [C] est affecté à l'agence Lorraine dans son établissement d'[Localité 6]. Au dernier état de ses fonctions, il occupait le poste de responsable d'équipe d'exploitation sur le réseau de chaleur d'[Localité 6], dépendant de l'agence de Lorraine, en qualité de Cadre II, position A, coefficient 75.

Par courrier du 02 décembre 2019, Monsieur [O] [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 décembre 2019.

Par courrier du 03 janvier 2020, Monsieur [O] [C] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 05 octobre 2020, Monsieur [O] [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- de condamnation de la société ENGIE ENERGIE SERVICES à lui verser les sommes suivantes :

- 44 455,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 10 000,00 euros en réparation du préjudice moral subi compte tenu des circonstances particulièrement vexatoires de la rupture,

- 17 782,29 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,

- 23 464, 53 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 20 octobre 2021, lequel a :

- déclaré recevables et bien fondées les demandes formulées par Monsieur [O] [C],

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [O] [C] est sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- condamné par conséquent la société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à Monsieur [O] [C] les sommes suivantes :

- 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison des conditions particulièrement vexatoires de la rupture,

- 15 143,17 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,

- 23 464,43 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 700,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- donné acte à Monsieur [O] [C] de ce que sa demande relative à la rémunération variable due au titre de l'exercice 2019 est devenue sans objet,

- ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois de chômage, en l'espèce 2 mois,

- rappelé en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, que la présente décision est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 3 441,63 euros,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile et ordonné la société ENGIE ENERGIE SERVICES de consigner les sommes visées ci-dessus auprès de la caisse des dépôts et des consignations, au plus tard à l'échéance du délai imparti à la partie succombant, ajoutant que la consignation devient sans objet dès que la présente décision acquiert l'autorité de la chose jugée,

- débouté la société ENGIE ENERGIE SERVICES de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société ENGIE ENERGIE SERVICES aux dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par la société ENGIE ENERGIE SERVICES le 12 novembre 2022,

Vu l'appel incident formé par Monsieur [O] [C] le 05 avril 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société ENGIE ENERGIE SERVICES déposées sur le RPVA le 05 juillet 2022, et celles de Monsieur [O] [C] déposées sur le RPVA le 05 avril 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 septembre 2022,

La société ENGIE ENERGIE SERVICES demande :

- de déclarer son appel principal recevable et bien fondé,

- de déclarer l'appel incident de Monsieur [O] [C] recevable mais mal fondé,

- d'infirmer le jugement entrepris dans les limites de l'appel principal,

*

Et statuant à nouveau :

- de dire et juger que le licenciement de Monsieur [O] [C] repose sur une faute grave,

- de débouter Monsieur [O] [C] de l'ensemble de ses fins et prétentions,

- de condamner Monsieur [O] [C] à lui verser une indemnité de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens.

Monsieur [O] [C] demande :

- de juger mal fondé l'appel interjeté par la société ENGIE ENERGIE SERVICES,

- de débouter la société ENGIE ENERGIE SERVICES de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- de juger recevable et bien fondé son appel incident,

*

- d'infirmer le jugement rendu le 20 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Epinal en ce qu'il a :

- fixé à 25 000,00 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- fixé à 15 143,17 euros brut l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,

- fixé à 700,00 euros l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*

- de confirmer pour le surplus le jugement rendu le 20 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Epinal,

*

Statuant à nouveau :

- de condamner la société ENGIE ENERGIE SERVICES à lui verser

les sommes suivantes :

- 44 455,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- 17 782,29 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus,

- 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

- 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- de condamner la société ENGIE ENERGIE SERVICES aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 05 juillet 2022, et en ce qui concerne le salarié le 05 avril 2022.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 03 janvier 2020 est ainsi rédigée :

« (') Nous vous exposons les faits fautifs que nous avons relevés à votre encontre et qui motivent notre décision pour les raisons suivantes.

Lors de cet entretien, nous avons évoqué avec vous les faits suivants qui se sont déroulés au sein de la chaufferie de la Justice le 28 novembre 2019 :

Vous étiez présent sur le site de la chaufferie de la Justice. Vous avez alors interpellé, Monsieur [N] [Y], chargé d'affaires travaux Engie Cofely, en lui demandant quelles actions allaient être mises en place pour assurer la sécurité du chantier en cours. Monsieur [Y] ne vous a alors pas apporté de réponse concrète en termes de délai ou d'action.

Vous vous expliquez avoir trouvé inacceptable ce manque d'information et avoir décidé de continuer votre échange avec Monsieur [Y] au sein du local de Liaison.

Vous avez alors reposé la question à Monsieur [Y] qui vous a tourné le dos.

Vous nous informez l'avoir alors saisi physiquement par l'épaule pour qu'il vous fasse face et vous apporte des explications en lui posant à plusieurs reprises et de façon énervée la question: « Que comptes-tu faire pour le chantier ' ».

Vous faites également remonter le fait d'avoir exprimé lors de cet échange au sein du local de liaison, votre mécontentement à devoir régulièrement repasser derrière lui lors de ses chantiers: « tu fais chier ».

Lors de votre entretien disciplinaire, alors accompagné de Monsieur [A] [F], nous vous avons demandé s'il y avait eu des injures ou des menaces ou des gestes physiques déplacés.

Au cours de votre entretien disciplinaire du 12 Décembre 2019, vous avez informé Monsieur [D] et Madame [M], que Monsieur [E] [Z] et Monsieur [I] [L] avaient été témoins lors de votre altercation sur le chantier et dans le local de liaison avec Monsieur [Y].

Comme évoqué lors de cet entretien, nous avons sollicité le témoignage des collaborateurs en complément des faits remontés par Monsieur [N] [Y] lors de son entretien préalable le jeudi 12 décembre 2019 concernant une éventuelle mesure de sanction pouvant aller jusqu'au licenciement suite à votre altercation. Lors de ces entretiens, il a été révélé que votre comportement envers Monsieur [Y] a été violent et irrespectueux. Monsieur [Y] a d'ailleurs déposé une main courant à votre encontre. En effet, il en ressort des informations de Monsieur [Y], corroborées par les témoins que :

Vous avez attrapé Monsieur [N] [Y] par l'épaule en le secouant et lui avait tenu sur un ton agressif des propos grossiers. Monsieur [N] [Y] a essayé de se dégager pour quitter le local de liaison à plusieurs reprises mais vous l'avez coincé entre le mur et la porte de sortie avec votre corps, l'empêchant de sortir, tout en lui infligeant des coups d'épaules en répétant de façon colériquement : « Dis-moi ce que tu vas faire ».

Monsieur [Y] est alors resté stoïque, surpris et paralysé par la violence de votre comportement et des propos insultants que vous avez eu à son encontre. Il a d'ailleurs tenté de vous calmer au travers des mots suivants : « Si c'est la bagarre que tu cherches, tu ne l'auras pas ». Monsieur [Y] a alors craint pour sa santé physique.

L'ensemble des collaborateurs présents lors de cette altercation et Monsieur [Y] s'accordent sur la perte de votre sang froid, la démesure de votre réaction et la violence de votre comportement. Vous n'avez d'ailleurs pas hésité à inviter à déjeuner à plusieurs reprises des membres de votre équipe suite à l'altercation pour tenter de minimiser les évènements.

Nous sommes au regret de constater ces comportements fautifs et nous ne pouvons les accepter. Incarnant un encadrant de l'entreprise, vous avez un devoir d'exemplarité.

Vos réponses apportées lors de l'entretien afin de nous communiquer votre version des faits, n'ont pas fait évoluer notre avis concernant votre comportement et ces faits du 28 novembre 2019.

Ce type de comportement violent ne sont pas tolérables au sein d'Engie Cofely. A ce jour, vos collaborateurs craignent pour leur sécurité physique. Nous ne pouvons prendre le risque que de tels faits se reproduisent.

Nous vous rappelons une note de communication datant d'avril 2018 de [B] [H], Directeur Générale de Engie Cofely : « Récemment, des comportements tout à fait inacceptables ont été perpétrés par des collaborateurs d 'ENGIE Cofely en plusieurs endroits.

Je tenais à vous rappeler que nous sommes tous, en tant que collaborateurs d'ENGIE Cofely, une vitrine de l'entreprise et des valeurs qu'elle porte.

Je ne saurais tolérer des agissements mettant en péril l'intégrité, l'image de notre entreprise et la pérennité de nos contrats. Je compte sur chacun d'entre vous pour adopter en toutes circonstances un comportement professionnel et respectable au travail.

Je ne manquerai pas de sanctionner avec la plus extrême sévérité tout comportement en contradiction avec ces principes (agissement sexiste, violence, agressions verbales et/ou physiques, non-respect d'autrui, attitudes inconvenantes ...).

Je vous demande expressément de faire de même. Je compte sur vous. Bien cordialement, [B] [H] »

Dans ce contexte et pour les motifs explicités précédemment, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave . (...)».

La société ENGIE renvoie à plusieurs attestations qu'elle cite, pour souligner que les faits reprochés sont établis.

Elle indique qu'ils sont gravement fautifs.

M. [O] [C] explique que les faits qui lui sont reprochés s'inscrivent dans le cadre de tensions existantes entre le service exploitation, auquel il appartient, et le service travaux (PDE), le service exploitation n'étant jamais consulté sur les projets de travaux, ni sur les modalités de réalisation, ni sur le calendrier ; le service exploitation est en permanence contraint de modifier les plannings et de gérer le mécontentement des clients, des sous-traitants et des techniciens.

Il poursuit en indiquant que le manager d'actifs n'est pas intervenu pour régler ces difficultés qui étaient connues et dont il était fait état dans son entretien d'évaluation de janvier 2019.

M. [O] [C] précise que le jour des faits, sur le chantier, il a constaté des problèmes de sécurité pour les équipes de l'entreprise et les sous-traitants, qui procédaient à des réglages sur une chaudière ; il a demandé à M. [Y] ce que ce dernier comptait faire, qui lui à répondu « ça peut te foutre ' » ; il a alors appelé la directrice de la sécurité, qui a elle-même appelé M. [Y], qui a procédé à un balisage sommaire de la zone dangereuse ; à l'arrivée de M. [Y] dans le local de liaison, alors que lui-même s'y trouve, M. [Y] lui tourne volontairement le dos ; il le prend alors par l'épaule afin qu'il lui fasse face, souhaitant avoir une conversation sur ce qu'il vient de se passer.

Il conteste les accusations de violences et d'intimidation décrites dans la lettre de licenciement.

Il estime qu'il existe des différences entre les premières déclarations de M. [Y] et l'attestation de ce dernier rédigée le 08 janvier 2021, et qu' « il est clairement tenté une réécriture de l'histoire et de faits qui ne sont pas retranscrits dans la lettre de licenciement, ni dans les éléments antérieurs ».

Il ajoute que les déclarations de M. [Z] dans la pièce 5 de l'employeur sont contradictoires avec les déclarations de M. [Y] ; il ajoute que M. [Z], récemment rétrogradé après un entretien avec lui-même, a manifestement cherché à lui porter préjudice en déformant les faits.

M. [O] [C] indique également que M. [L] conteste la relation qu'il aurait faite de la scène, telle qu'elle apparaît dans le compte-rendu de son entretien à ce sujet, rédigé par la hiérarchie, et qu'il n'a pas signé.

Il estime enfin que l'entreprise est fautive de ne pas avoir pris des mesures pour résoudre les problèmes d'organisation qu'elle connaissait.

Motivation

Il ressort des écritures et pièces des parties que les faits reprochés, qui ont eu lieu dans un local situé sur un chantier, ont impliqué l'intimé et M. [N] [Y], en présence de deux témoins : M. [E] [Z] et M. [I] [L].

Il résulte des pièces produites aux débats, notamment:

- pièce 2 de la société ENGIE ' mail de M. [N] [Y] du 28 novembre 2019, dénonçant les faits reprochés à son supérieur

- pièce 3 de la société ENGIE ' main-courante de M. [N] [Y] du 02 décembre 2019, concernant les faits dénoncés

- pièce 4 de la société ENGIE ' compte-rendu d'entretien du 12 décembre 2019 de M.[N] [Y] par la hiérarchie, sur les faits reprochés

- pièce 5 de la société ENGIE ' compte-rendu d'entretien du 19 décembre 2019, par la hiérarchie, de M. [E] [Z], sur les faits reprochés

- pièce 6 de la société ENGIE ' attestation de M. [N] [Y] du 08 janvier 2021 sur les faits reprochés

- pièce 8 de la société ENGIE ' compte-rendu d'entretien avec la hiérarchie de M. [I] [L], sur les faits reprochés, en date du 19 décembre 2019

- pièce 53 de M. [O] [C] ' attestation de M. [I] [L] sur les faits reprochés

- pièce 70 de M. [O] [C] ' attestation de M [I] [L], critiquant notamment la pièce 8 précitée de la société ENGIE

ainsi que des explications de M. [O] [C] dans ses écritures en pages 16 et 17, sur ces faits,que les faits suivants sont établis : M. [O] [C] a saisi son collègue par l'épaule pour l'obliger à lui faire face, et lui a dit que M. [N] [Y] le faisait « chier » parce qu'il devait finir ses chantiers (pièce 53 précitée).

Il n'est en revanche pas établi qu'il lui ait donné des coups d'épaule et lui ait bloqué la sortie en se tenant devant la porte, car si M. [N] [Y] et M. [E] [Z] l'affirment, M. [O] [C] le conteste ; et M. [L], qui, dans la pièce 70 du salarié, critique ce qui est relaté dans le compte-rendu de son entretien en pièce 8 de l'employeur, qui n'est effectivement pas signé, comme l'intimé le fait valoir, ne fait pas état de coup d'épaule et de sortie bloquée, ni dans le compte-rendu en pièce 8, ni dans son attestation en pièce 70, le compte-rendu en pièce 8 indiquant d'ailleurs : « [I] [L] dit que [O] [C] n'a pas fait barrière ».

M. [O] [C] produit en pièce 22, à l'appui de son argumentaire de contextualisation des faits, sur les difficultés récurrentes entre le service dont il avait la charge et le service de M. [N] [Y], son entretien d'appréciation 2018, établi le 14 janvier 2019.

Il y est indiqué :

- « ( ') Le contexte interne demanderait à évoluer afin de lui permettre de travailler en sérénité au quotidien. Conscient de cette problématique, [O] continue malgré tout à faire profiter à PDE d'un haut niveau d'implication, prenant à sa charge des dossiers normalement gérés par PDE. Au vu de son professionnalisme, il reste le seul garant de la bonne tenue de ces installations » (paragraphe rédigé par son supérieur hiérarchique)

- « [O] évolue dans un contexte compliqué de par la mauvaise communication avec PDE et notamment le manager d'actifs. Malgré tout, il continue de mener à bien ces missions pour permettre un bon fonctionnement des installations. Il dépasse même cette attente car il intervient également sur des dossier qui pourrait être à la charge de PDE ('), il continue à communiquer les informations vers PDE et vers ses équipes. Pourvu que cette tension ne gâche pas cette belle dynamique. » (paragraphe rédigé par son supérieur hiérarchique)

- « [O] est mis sous tension dans sa relation avec PDE mais il garde un niveau de communication élevé pour le bien de l'entreprise et de ses clients. Sa posture est inspirante pour son équipe dans ce contexte parfois difficile afin de garder la même qualité de services ». (paragraphe rédigé par son supérieur hiérarchique).

Il est ainsi établi, comme le fait valoir M. [O] [C] dans ses conclusions, que la hiérarchie connaissait les difficultés auxquelles il était confronté, difficultés dont était responsable le service DPE.

La société ENGIE ni ne soutient ni ne démontre avoir tenté de remédier à ce qu'elle qualifie elle-même dans le document précité de « tensions », tout en soulignant le professionnalisme de M. [O] [C] qui « garde un niveau de communication élevé pour le bien de l'entreprise » (pièce 22 précitée).

Cette même pièce démontre que M. [O] [C] était très bien considéré par sa hiérarchie, et reconnu comme un très bon élément.

La société ENGIE ne fait valoir aucun antécédent disciplinaire de la part de M. [O] [C].

Dans ces conditions, les faits reprochés à M. [O] [C], et dans les limites de ce qui est établi par l'employeur au terme des développements précédents, ne justifiaient pas la mesure de licenciement prononcée, ce dernier ayant été dès lors à juste titre reconnu sans cause réelle et sérieuse par le jugement critiqué, qui sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture

- sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [O] [C] soutient que son salaire de référence est d'un montant de 4041,43 euros, incluant la part variable de sa rémunération.

La société ENGIE soutient que le salaire de référence calculé par le conseil des prud'hommes est correct.

Motivation

Le salaire de référence pour le calcul des indemnités dues en cas de licenciement doit intégrer tous les éléments de salaire, en ce compris la part variable de celui-ci.

Le bulletin de paie de décembre 2019 de M. [O] [C] qu'il produit en pièce 60, indique un cumul annuel brut de 47957,02 euros, auquel il convient de rajouter 540,12 euros déduits en avril 2019 au titre d'un arrêt maladie, soit un cumul annuel total de 48 487,14 euros, et un salaire mensuel moyen de 4040,59 euros.

C'est donc sur cette base que sera calculée l'indemnité de préavis.

La société ENGIE ne conteste pas les modalités de calcul présentées par M. [O] [C] dans ses conclusions, en référence à la convention collective applicable.

Il sera donc fait droit à sa demande à hauteur de 4040,59 euros x 4 = 16 162,38 euros, outre 1616,24 euros au titre des congés payés afférents.

- sur l'indemnité de licenciement

A défaut de motivation de la demande de réformation du jugement sur ce point par l'appelante, et l'intimé en demandant la confirmation, le jugement sera confirmé.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au soutien de sa demande, M. [O] [C] explique que s'il a retrouvé un emploi de responsable d'exploitation, avec un contrat à durée indéterminée, le 20 janvier 2020, cet emploi lui impose deux heures de route par jour pour s'y rendre et revenir chez lui, il n'a plus en charge de grosses structures complexes comme auparavant, il supervise 6 personnes et non plus 14 et a perdu des avantages comme l'épargne salariale et les primes d'intéressement.

Il ajoute subir une perte de confiance qu'il a du mal à reconquérir depuis son licenciement.

La société ENGIE fait valoir que l'intéressé a retrouvé du travail un mois après son licenciement, qu'il bénéficie d'un véhicule de fonction, qu'il ne travaille plus dans le cadre d'un forfait annuel en jour mais sur une base hebdomadaire de 35 heures et qu'en conséquence la comparaison n'est pas pertinente, et qu'il compare son ancienne rémunération annuelle de 2019 (47 957,02 euros bruts) incluant sa prime variable de 5 025 euros bruts, avec sa nouvelle rémunération annuelle de 46 550 euros bruts hors prime sur objectif (de potentiellement 8 % de sa rémunération annuelle brute), ce qui fausse la comparaison.

Elle ajoute avoir fait des simulations qui conduisent à un écart favorable à M. [O] [C] de plus de 3 000 euros bruts.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux intégrés à l'article, dont le second concerne les entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.

En l'espèce, M. [O] [C] ne conteste pas les éléments mis en avant par la société ENGIE, ni sa simulation en pièce 41, aboutissant à un écart en sa faveur de 3711,21 euros par an entre son ancien emploi et son nouvel emploi.

Compte tenu des éléments mis en avant par l'appelante, de l'ancienneté du salarié, et des éléments que ce dernier fait valoir, le jugement sera confirmé en son quantum.

Sur la demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture

M. [O] [C] fait valoir avoir été convoqué à 7h45 pour se voir remettre une lettre de licenciement, alors qu'il rentrait tout juste d'arrêt maladie.

Il ajoute que la direction a informé toute l'agence, par un mail envoyé à 11h45, de son licenciement pour « violence verbale et physique » ; les clients et partenaires ont été prévenus des motifs du licenciement.

La société ENGIE explique avoir pris la peine, en sus de la notification par voie recommandée, d'inviter la salarié à un rendez-vous le 03 janvier 2020 pour l'informer de vive voix de la décision prise, et récupérer ainsi les effets mis à sa disposition à titre professionnel ; à la suite de cette entrevue, un courriel a été diffusé aux équipes encadrantes, à 11h45, puis aux collaborateurs de l'agence, à 16h32, afin de les informer du départ de M. [O] [C] ; elle indique avoir insisté sur le fait que, nonobstant la qualité d'un salarié, des agissements de violence verbale et physique n'avaient pas leur place au sein de l'entreprise ; elle estime qu'il ne s'agit pas de méthodes de communication particulièrement vexatoires.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le mail visé dans les écritures est produit en pièce 28 du salarié et 38 de l'employeur ; il est envoyé par M. [K] [G] à plusieurs adresses, toutes internes ; il a été transféré à d'autres adresses internes par M. [J] [W], notamment à des collègues de M. [O] [C] puisque l'on retrouve le nom de M. [I] [L] et ce lui de M. [E] [Z].

M. [I] [L] l'a transféré à M. [O] [C] le 07 janvier 2020.

Ce message est le suivant :

« L'année 2020 démarre difficilement. (') je m'étais permis de placer l'année 2019 sous le signe du respect et de la tolérance et j'avais rappelé à cette occasion un proverbe persan : « Il n'y a rien de plus intolérable que l'intolérance ». (') Ce principe n'a pas été respecté et un comportement individuel de l'un d'entre nous, ayant fait acte de violence verbale et physique, nous a conduit à la sanction la plus grave, le licenciement. Ainsi [O] [C] ne fait plus de nos effectifs depuis ce matin. C'est une décision terrible, douloureuse mais la violence verbale et/ou physique n'a pas sa place chez Engie Cofely (') Je vous remercie d'en informer vos managers. »

En adressant un message désignant nommément M. [O] [C], en indiquant qu'il a été licencié pour des faits de violence, et ce en rappelant les principes de tolérance qui avaient été édictés l'année précédente, pour préciser ensuite que M. [O] [C] ne les avait pas respecté, la société ENGIE a outrepassé ses prérogatives de direction, ce message dépassant les limites de la stricte information organisationnelle, et a porté atteinte à l'image de l'intimé, lui causant un préjudice moral.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société ENGIE sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 1500 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 20 octobre 2021, en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [O] [C] est sans cause réelle et sérieuse et abusif,

- condamné par conséquent la société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à Monsieur [O] [C] les sommes suivantes :

- 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison des conditions particulièrement vexatoires de la rupture,

- 23 464,43 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- donné acte à Monsieur [O] [C] de ce que sa demande relative à la rémunération variable due au titre de l'exercice 2019 est devenue sans objet,

- ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois de chômage, en l'espèce 2 mois,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile et ordonné la société ENGIE ENERGIE SERVICES de consigner les sommes visées ci-dessus auprès de la caisse des dépôts et des consignations, au plus tard à l'échéance du délai imparti à la partie succombant, ajoutant que la consignation devient sans objet dès que la présente décision acquiert l'autorité de la chose jugée,

- débouté la société ENGIE ENERGIE SERVICES de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société ENGIE ENERGIE SERVICES aux dépens de l'instance ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à M. [O] [C] :

- 16 162,38 euros (seize mille cent soixante deux euros et trente huit centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1616,24 euros (mille six cent seize euros et vingt quatre centimes) au titre des congés payés afférents,

- 1500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à M. [O] [C] 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance en appel ;

Condamne la société ENGIE ENERGIE SERVICES aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02700
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.02700 ?
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