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26/01/2023 | FRANCE | N°22/00920

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 26 janvier 2023, 22/00920


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 277 /23 DU 26 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00920 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6XP



Décision déférée à la Cour :

Saisie sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de METZ (n° 20/34) rendu suite à l'appel du jugement (n° 2018/396) du 31 mai 2018 du tribunal de Grand

e Instance de METZ par arrêt (n° 282 F-D) de la Cour de Cassation en date du 30 mars 2022



DEMANDERESSE A LA SAISINE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE GRAN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 277 /23 DU 26 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00920 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6XP

Décision déférée à la Cour :

Saisie sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de METZ (n° 20/34) rendu suite à l'appel du jugement (n° 2018/396) du 31 mai 2018 du tribunal de Grande Instance de METZ par arrêt (n° 282 F-D) de la Cour de Cassation en date du 30 mars 2022

DEMANDERESSE A LA SAISINE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE GRAND EST EUROPE

Ayant son siège [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège,

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Monsieur [T] [H],

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 5], de nationalité française, domicilié [Adresse 4]

Représenté par Me Cécile GEORGEON-ROOS, avocat au barreau de NANCY

Madame [G] [P] épouse [H],

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 5], de nationalité française, domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Cécile GEORGEON-ROOS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 26 Janvier 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre de prêt du 14 août 2008 acceptée le 27 août 2008, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne, aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Epargne Grand Est Europe (ci après la Caisse d'Epargne), a consenti à M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] (ci-après les époux [H]) un prêt immobilier d'un montant de 250 000 euros remboursable sur une durée de 300 mois au taux conventionnel de 4,95% l'an et au taux effectif global (TEG) de 5,04%, ayant pour objet de financer l'acquisition de leur résidence principale.

Par un premier avenant du 21 janvier 2012, les parties ont convenu d'un report de trois échéances, avec un taux effectif global de 4,899 %, et, par un second du 16 décembre 2013, d'un report de deux échéances avec un taux effectif global de 5,097 %.

Le rapport d'expertise privée du 14 décembre 2015 sollicitée par les époux [H] a conclu à l'existence de plusieurs erreurs affectant le calcul du TEG, et notamment au calcul des intérêts sur une année de 360 jours et à l'absence de prise en compte de frais liés au prêt.

-o0o-

Par acte d'huissier en date du 26 janvier 2016, les époux [H] ont fait assigner la Caisse d'Epargne devant le tribunal de grande instance de Metz afin de voir prononcer la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels du contrat de prêt du 27 août 2008 et de ses avenants et d'y substituer les intérêts au taux légal, au regard d'irrégularités affectant l'offre de prêt et d'erreurs dans le calcul du TEG.

La Caisse d'Epargne a conclu à l'irrecevabilité des demandes des époux [H] pour cause de prescription, et subsidiairement au débouté.

Par jugement en date du 31 mai 2018, le tribunal de grande instance de Metz a :

- déclaré recevable et bien fondée la fin de non-recevoir opposée par la Caisse d'Epargne au titre de la prescription s'agissant du contrat de prêt initial du 27 août 2008,

En conséquence,

- déclaré irrecevables les prétentions des époux [H] au titre de l'offre de prêt initiale du 27 août 2008,

- déclaré recevable mais mal fondée la fin de non-recevoir opposée par la Caisse d'Epargne au titre de la prescription s'agissant des avenants des 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013,

En conséquence,

- déclaré nulles et de nuls effets les clauses de stipulation des intérêts conventionnels des avenants du 20 janvier 2012 et du 16 décembre 2013,

- ordonné en conséquence la substitution au taux conventionnel de 4,899% pour l'avenant signé le 20 janvier 2012 et au taux conventionnel de 5,097% pour l'avenant signé le 16 décembre 2013 par le taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants soit 0,04 % à compter du 5 mars 2012 et ce, pour toute la durée ultérieure du prêt sans révision en fonction de l'évolution du taux légal,

- condamné la Caisse d'Epargne prise en la personne de son représentant légal à régler aux époux [H] la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels des avenants et les intérêts au taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012,

- condamné la Caisse d'Epargne prise en la personne de son représentant légal à remettre aux époux [H] pour chacun des deux avenants un nouvel échéancier prenant en compte désormais le taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et à défaut, passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

- condamné la Caisse d'Epargne prise en la personne de son représentant légal à régler aux époux [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse d'Epargne de sa demande formée au de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Epargne prise en la personne de son représentant légal aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a constaté que la lecture de l'offre du 27 août 2008 permettait aux époux [H] de comprendre que les intérêts avaient été calculés sur la base d'une année dite lombarde et correspondait au point de départ du délai quinquennal de prescription, déterminant la prescription de l'action introduite par les époux [H] le 26 janvier 2016 tendant à la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels prévue au contrat. Il a jugé que les avenants modifiant le TEG emportaient novation et faisaient courir à leurs dates respectives un nouveau délai de prescription, de sorte que les époux [H] étaient recevables en leurs demandes tendant à la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels prévue aux avenants.

Sur le fond, le tribunal a relevé la prohibition de l'année lombarde et a constaté que les deux avenants prévoyaient le calcul du taux d'intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours. Il a jugé que les époux [H] avaient été privés de la possibilité de recevoir une information leur permettant de comprendre et de comparer les coûts qu'ils devraient supporter, et qu'ils n'avaient pas consenti au coût global du prêt (peu important l'absence de surcoût d'intérêts ou l'équivalence des calculs ou d'un prétendu seuil en deçà duquel la nullité ne pourrait être prononcée). Il a prononcé la nullité de la clause de stipulation d'intérêts sur le fondement des articles L. 313-2 du code de la consommation et 1907 du code civil, invoqués par les époux [H].

-o0o-

Le 2 juillet 2018, la Caisse d'Epargne a formé appel du jugement.

Par arrêt en date du 27 février 2020, la cour d'appel de Metz a :

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamné la Caisse d'Epargne à payer aux époux [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Epargne aux dépens d'appel,

- débouté les parties de toute autre demande.

La Caisse d'Epargne a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 27 février 2020 en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré nulles les stipulations d'intérêts des avenants du 20 janvier 2012 et du 16 décembre 2013, et ordonné, en conséquence, la substitution au taux conventionnel de 4,899 % pour l'avenant du 20 janvier 2012 et au taux conventionnel de 5,097 % pour l'avenant du 16 décembre 2013 par le taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants, soit 0,04 % à compter du 5 mars 2012, puis condamné la Caisse d'Epargne à payer aux époux [H] la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels des avenants et les intérêts au taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012, en la condamnant, sous astreinte, à remettre aux emprunteurs un nouvel échéancier :

- en violation des dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, en ce que l'inexactitude du TEG mentionné dans l'avenant d'un prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l'emprunteur,

- en violation de l'article 1er du décret n°2012-182 du 7 février 2012, ensemble l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, en ce que l'article 1er du décret n° 2012-182 du 7 février 2012 a fixé à 0,71 % le taux légal de l'intérêt pour l'année 2012, applicable à tout calcul s'y référant du 1er janvier au 31décembre de l'année en cours,

- en violation de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, en ce que le taux légal imposé au prêteur après annulation du taux conventionnel doit être celui applicable au jour du versement de chaque échéance et doit donc obéir, pendant toute la phase d'amortissement, aux variations auxquelles la loi le soumet.

Par arrêt en date du 30 mars 2022, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2020 entre les parties par la cour d'appel de Metz, et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyé devant la cour d'appel de Nancy.

La Cour de Cassation a jugé que la cour d'appel avait statué en violation des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, en ce que la mention d'un TEG erroné dans l'avenant d'un prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Par déclaration reçue au greffe le 15 avril 2022, la Caisse d'Epargne a saisi la cour d'appel de Nancy afin de voir infirmer le jugement du 31 mai 2018 en ce qu'il :

- a déclaré nulles et de nuls effets les clauses de stipulation des intérêts conventionnels des avenants du 20 janvier 2012 et du 16 décembre 2013, ordonné la substitution au taux conventionnel de 4,899 % pour l'avenant du 20 janvier 2012 et au taux conventionnel de 5,097 % pour l'avenant du 16 décembre 2013, par le taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants soit 0,04 % à compter du 5 mars 2012 et ce pour toute la durée ultérieure de prêt sans révision en fonction de l'évolution du taux légal,

- l'a condamnée à régler aux époux [H] la différence entre les intérêts déjà perçus et les intérêts au taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012,

- l'a condamnée à remettre aux époux [H] pour chacun des deux avenants un nouvel échéancier prenant en compte le taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

- l'a condamnée à payer aux époux [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-o0o-

Dans ses dernières conclusions transmises le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Caisse d'Epargne, appelante, demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande

instance de Metz le 31 mai 2018,

Statuant à nouveau,

- de déclarer irrecevables les demandes formées par les époux [H],

Subsidiairement,

- de déclarer ces demandes mal fondées et de les rejeter,

Plus subsidiairement encore, s'il était considéré qu'une déchéance du droit aux intérêts

était encourue,

- de prononcer une déchéance partielle à hauteur du trop perçu dont le montant doit être

établi par l'emprunteur,

En tout état de cause,

- de condamner les époux [H] in solidum à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Au soutien de ses demandes, la Caisse d'Epargne fait valoir en substance :

- que l'ensemble de l'action engagée par les époux [H] doit être déclarée prescrite :

* que c'est à la date d'émission de l'offre ou en tout état de cause le 27 août 2008, que doit être placé le point de départ de l'action fondée sur une éventuelle irrégularité de l'offre de prêt, de sorte que ladite action devait être engagée avant le 27 août 2013 ; que le contrat est précis et contient toutes les indications permettant de déterminer le mode de calcul des intérêts ;

* que les avenants des 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013 qui s'incorporent à l'offre initiale ne pouvaient venir modifier le point de départ du délai de prescription puisque ces avenants aboutissaient simplement à la suspension de mensualités et à la modification du montant de celles-ci, et en aucun cas ne comportaient une modification sur le mode de calcul de la clause d'intérêt ; qu'ils n'emportent aucune novation de l'engagement et qu'il existe un point de départ unique de la prescription de l'action relative à la critique du calcul du TEG ;

- subsidiairement, que les époux [H] sont irrecevables à agir en déchéance du droit aux intérêts, tant en raison du caractère nouveau de la demande subsidiaire que du fait de la prescription de cette prétention tardive, et qu'en tout état de cause, l'infirmation du jugement n'étant pas demandée, aucune prétention n'est soumise à la juridiction d'appel :

* que s'agissant d'un prêt immobilier, la sanction a toujours été prévue par le texte ; que la demande de déchéance facultative du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (réduisant la portée de l'acte) constitue une demande nouvelle à hauteur de cour qui est irrecevable en ce qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'annulation de la clause ayant pour effet l'anéantissement rétroactif de l'acte ; que la sanction de déchéance est relative à l'exécution de la convention quand la nullité initialement demandée vise à son anéantissement ; que les fins de non recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause ;

* que si la cour considérait qu'il convenait de différer le point de départ de la prescription des avenants à la date de conclusion de ceux-ci, elle n'en constaterait pas moins que la prescription reste acquise, faute pour les emprunteurs d'avoir agi en déchéance du droit aux intérêts dans les 5 ans qui leur étaient impartis ; que l'action en justice introduite le 26 janvier 2016 n'a pas le même objet et ne peut avoir d'effet interruptif de l'action en déchéance du droit aux intérêts ;

- à titre infiniment subsidiaire,

* qu'il n'existe aucune erreur tant sur le TEG que sur le taux conventionnel ; que la clause 30/360 est régulière, dans la mesure où les intérêts sont remboursés en échéances constantes et selon une périodicité mensuelle équivalent au rapport 30,41666 (mois normalisé/365) ; qu'il n'existe aucune erreur dans le calcul du TEG en ce que l'octroi du prêt n'était pas conditionné à la souscription d'une assurance, Mme [H] n'étant pas assurée, et que l'offre de prêt stipulait clairement que l'emprunteur avait fait le choix volontaire de ne pas souscrire l'assurance proposée par le prêteur , de sorte que son coût n'était pas connu au jour de la signature de l'offre ; que l'assurance incendie n'était pas conditionnée à l'octroi du prêt ;

* que les emprunteurs n'ont pas usé de la faculté de bénéficier d'une période de préfinancement, le bien immobilier ayant été acquis sans travaux, de sorte qu'aucun intérêt intercalaire n'a été facturé ; qu'à supposer l'intégration d'une période de préfinancement, l'erreur qui en résulterait serait en faveur des emprunteurs et qu'en tout état de cause, les emprunteurs ne justifient pas d'un préjudice résultant de la perte de chance de contracter auprès d'un autre établissement à un meilleur taux.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 27 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [H], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour sur le fondement des articles 1907 du code civil, L. 313-1, L. 313-2, R.313-1du code de la onsommation et L. 312-33 devenu L. 341-64 du code de la consommation :

- de rejeter l'appel de la Caisse d'Epargne,

- de faire droit à leur appel incident,

- de dire et juger que leur demande est recevable et fondée, y compris en ce qui concerne le prêt initial du 14 août 2008,

En conséquence

- d'ordonner la déchéance des clauses de stipulation des intérêts de l'offre de prêt initiale ainsi que de l'avenant,

- de dire et juger que la Caisse d'Epargne, prise en la personne de son représentant légal, perd son droit à leur réclamer des intérêts,

- de condamner la Caisse d'Epargne, prise en la personne de son représentant légal, à leur régler les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels depuis le 14 août 2008, et subsidiairement à compter de l'avenant,

A titre infiniment subsidiaire,

- d'ordonner la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion la plus faible que fixera le juge,

- de condamner la Caisse d'Epargne, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens, outre à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, les époux [H] font valoir en substance :

- qu'ils sont fondés à solliciter à présent la déchéance de la clause d'intérêts, comme tous les co-contractants dont les contrats de prêts ou avenants ont été consentis par des organismes de crédit avant l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

- que le point de départ de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts correspond à la signature du contrat de prêt initial et que la prescription a été interrompue par l'action en justice engagée aux fins d'annulation de la clause de stipulation d'intérêts ;

- qu'il s'agit d'une demande nouvelle recevable en ce qu'elle tend aux mêmes fins que la nullité de la clause d'intérêts ; que la Caisse d'Epargne ne peut se prévaloir de l'irrecevabilité de la demande nouvelle qui n'a pas été soulevée devant la cour d'appel de Metz ;

- que le contrat prévoit que les intérêts sont calculés selon 1/12 ème d'année (360/30), quel que soit le nombre de jours du mois civil de l'échéance, ce que met en évidence l'analyse financière produite aux débats ; qu'ils n'étaient pas en mesure d'apprécier l'incidence financière du calcul d'intérêts sur 360 jours ; que la seule base de calcul internationale des intérêts sur l'année civile est en jours exacts sur l'année civile ; que le taux de période défini à l'article R. 313-1 du code de la consommation n'est pas un taux périodique de calcul des intérêts ; qu'un prêt à mensualité constante (la mensualité constante étant celle qui permet un calcul des intérêts en nombre de jours exacts sur année civile) peut voir ses intérêts calculés selon un nombre de jours exacts sur l'année civile tout en ayant un taux de période établi sur une période unitaire permettant le calcul du TEG proportionnel ; que le rapport d'expertise met en évidence que le calcul de la Caisse d'Epargne est incorrect, en ce que les intérêts sont calculés selon des mois de 30 jours, ou en douzièmes d'années, et non en nombre de jours exacts, donc sur la base du mois normalisé ;

- que la souscription d'une assurance-décès et d'une assurance incendie était imposée par le prêteur comme condition de souscription du prêt sanctionnée par la déchéance du terme ; que la banque avait l'obligation d'intégrer le coût des assurances du prêt et incendie dans le calcul du TEG ; que la banque n'a pas intégré dans le calcul du TEG les intérêts intercalaires de la période de préfinancement de 36 mois ; que la différence de TEG en résultant atteint la décimale.

-o0o-

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l'action fondée sur le caractère erroné du TEG

Il y a lieu de constater au préalable que les époux [H] font état dans leurs écritures de ce que les avenants consentis les 21 janvier 2012 et 16 décembre 2013 n'emportent pas novation et sont régis par les mêmes conditions générales que l'offre de prêt initiale.

L'article 1271 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à la date de signature des avenants, dispose que ' la novation s'opère de trois manières : 1° Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte (...). '

Or, selon l'article 1273 du code civil, la novation ne se présume pas et la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

Aussi, la novation suppose une modification substantielle de l'obligation et l'intention de nover, qui doit résulter d'actes positifs non équivoques, et la charge de la preuve de l'intention de nover pèse sur celui qui l'invoque.

En l'espèce, le contrat de prêt consenti le 27 août 2008 a prévu le remboursement du crédit total sollicité à hauteur de 250 000 euros en 300 mensualités de 1 454,20 euros au taux nominal fixe de 4,95% l'an et au TEG de 5,04% comprenant les frais de garantie évalués à 2 229 euros, après une période de préfinancement de 36 mois.

Il est expressément indiqué que les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.

Or, il ressort des pièces de la procédure que par un avenant du 21 janvier 2012 à effet du 5 février 2012, les parties sont convenues d'un report de trois échéances avec maintien du taux d'intérêt de 4,950% , emportant modification du taux effectif global stipulé comme 'calculé sur la base des seules échéances, frais et accessoires à compter de la date d'effet de l'avenant ' et comprenant les frais d'avenant (160 euros).

De même, par un second avenant du 16 décembre 2013 à effet du 5 janvier 2014, les parties ont convenu d'un report supplémentaire de deux échéances avec maintien du taux d'intérêt de 4,950%, emportant modification du taux effectif global à 5,097 % stipulé comme ' calculé sur la base des seules échéances, frais et accessoires à compter de la date d'effet de l'avenant ' et comprenant les frais d'avenant (160 euros).

La clause concernant le calcul des intérêts a été reprises dans les deux avenants.

En outre, les avenants ont prévu expressément qu'il ' n'est apporté aucune autre modification aux conditions et stipulations du contrat d'origine, lesquelles conservent leur plein effet, sans novation au sens de l'article 1271 et suivants du code civil, ni dérogation, les parties voulant que le présent acte forme un tout avec celui précédemment signé. '

Aussi, il en résulte que les parties ont convenu de la modification des modalités de remboursement de la dette par le seul report d'échéances en fin d'amortissement prévu initialement, ce qui n'emporte pas la conclusion de deux nouveaux contrats.

Par ailleurs, elles ont expressément indiqué que les avenants formaient un tout avec le contrat de prêt consenti le 27 août 2008.

Dans ces conditions, il en résulte que les parties n'ont pas entendu substituer à l'obligation originaire issue du contrat de prêt consenti le 27 août 2008 une nouvelle obligation ressortant des avenants de réaménagement signés les 21 janvier 2012 et 16 décembre 2013.

Dès lors, il en résulte que la signature des avenants n'a pas eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription de l'action relative au calcul du TEG.

L'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2222 du code civil tel que résultant de la réforme issue de la loi du 17 juin 2008.

En outre, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global dont se prévalent les époux [H], résultant d'une part du défaut de prise en compte du coût des assurances-décès et incendie, et d'autre part, du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année bancaire de 360 jours.

En effet, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

En l'espèce, il ressort des conditions particulières de l'offre acceptée le 27 août 2008 conformes au tableau d'amortissement, que ' le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant, des primes d'assurances de la phase de préfinancement ', de sorte que le TEG est évalué à 5,04% au regard des sommes détaillées comme suit :

- coût total sans assurance/accessoires : 186 260 euros (intérêts),

- frais de dossier : 0 euros,

- frais de garantie (évaluation) : 2 229 euros,

- déterminant un taux de période de 0,42%.

Aussi, il résulte de la seule lecture de l'offre de prêt que les coûts des assurances décès-invalidité et incendie, ainsi que les éventuels intérêts intercalaires correspondant à la période de préfinancement n'étaient pas compris dans l'assiette de calcul du TEG.

Dans ces conditions, les époux [H] pouvaient constater à l'examen de la teneur de la convention signée le 27 août 2008 l'existence des griefs affectant l'assiette de calcul du TEG dont ils se prévalent, de sorte que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action fondée sur le caractère erroné du TEG se situe au 27 août 2008.

Dès lors, le délai de prescription de cinq ans était expiré à la date de l'acte introductif d'instance du 26 janvier 2016.

Par ailleurs, les époux [H] soutiennent que l'année dite lombarde de 360 jours a été privilégiée par la banque, et non l'année calendaire (365 jours), comme base de calcul des intérêts conventionnels, en violation du code de la consommation.

En l'espèce, le contrat de prêt, à l'instar des deux avenants, prévoit que ' durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés (...) au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours '.

Or, il y a lieu de constater que conformément à la clause d'intérêts, le tableau d'amortissement annexé à l'offre de prêt prévoit le paiement d'échéances numérotées par périodes de douze mois, jusqu'à 300 mois, de sorte que s'agissant d'un prêt à remboursement strictement mensuel (sans considération de la durée exacte du mois concerné ou de jours exacts de l'année), les emprunteurs pouvaient constater dès cet instant que le quotient 30/360 jours était nécessairement équivalent à celui de 30,41666 (mois normalisé correspondant à 365/12) sur 365 jours, sans effectuer de calcul.

Au surplus, ce simple constat pouvait être aisément confirmé en procédant à une vérification sommaire d'une échéance par le calcul suivant : capital restant dû x 4,95% x (30/360) équivalent à capital restant dû x 4,95% x (30,41666/365).

Aussi, il ressortait de la lecture de l'offre du 27 août 2008 et du tableau d'amortissement, dont la compréhension ne nécessitait pas de compétences particulières, que les intérêts n'étaient pas calculés en considération de la durée exacte du mois concerné ou des jours exacts de l'année considérée.

Dès lors, le délai de prescription de cinq ans concernant le grief allégué par les époux [H] tiré du calcul du taux d'intérêts sur une durée de 360 jours était expiré à la date de l'acte introductif d'instance du 26 janvier 2016.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions des époux [H] au titre l'offre de prêt initiale du 27 août 2008, et infirmé en ce qu'il a déclaré mal fondée la fin de non recevoir opposée par la Caisse d'Epargne au titre de la prescription des avenants des 21 janvier 2012 et 16 décembre 2013 et en ce qu'il a déclaré nulles et de nuls effets les clauses de stipulation des intérêts conventionnels des avenants, ordonné la substitution du taux légal au taux conventionnel, condamné la Caisse d'Epargne à rembourser aux époux [H] le différentiel d'intérêts en résultant et à leur remettre un nouvel échéancier.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les époux [H] qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, et seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

CONSTATE que la signature des avenants n'a pas eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription de l'action relative au calcul du TEG,

DECLARE irrecevable les prétentions de M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] au titre des avenants consentis les 21 janvier 2012 et 16 décembre 2013,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] in solidum aux dépens,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions ayant déclaré irrecevables les prétentions de M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] au titre du contrat de prêt initial du 27 août 2008,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [T] [H] et Mme [G] [P] épouse [H] in solidum aux dépens, en ce compris les dépens de l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 27 février 2020.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en treize pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00920
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;22.00920 ?
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