ARRÊT N° /2024
SS
DU 29 AOUT 2024
N° RG 23/01566 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGVT
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARLEVILLE MEZIERES
20/00179
21 juin 2023
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
S.A. [4] Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurence BELLEC de la SARL BELLEC & ASSOCIES, substituée par Me Mathilde LEVASSEUR,avocates au barreau de REIMS
INTIMÉE :
URSSAF CHAMPAGNE ARDENNE Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Yves SCHERER de la SCP YVES SCHERER substitué par Me Clarisse MOUTON, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 25 Juin 2024 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 29 Août 2024 ;
Le 29 Août 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens
La SA [4] (la société) a fait l'objet par l'Urssaf Champagne Ardenne (l'Urssaf) d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
Par lettre d'observations du 29 octobre 2019, l'Urssaf lui a communiqué ses observations relatives à 6 chefs de redressement, entraînant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires pour un montant total de 604 345 euros.
Par courrier du 23 janvier 2020, l'Urssaf l'a mise en demeure de lui régler la somme de 24 256 euros de cotisations et majorations de retard (établissement de [Localité 5]).
Le 26 juin 2020, la société a contesté la régularité du contrôle ainsi que cette mise en demeure par la voie amiable.
Par décision du 26 juillet 2020, ladite commission a maintenu l'ensemble des chefs de redressement.
Le 18 septembre 2020, la société a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Charleville Mézières.
Par jugement du 21 juin 2023, le tribunal a :
- déclaré régulière la procédure de contrôle et de mise en recouvrement,
- condamné la société [4] à payer à l'URSSAF Champagne-Ardenne la somme totale de 24 256 euros au titre de cotisations et majorations de retard pour les années 2016 à 2018,
- débouté la société [4] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [4] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [4] aux entiers dépens.
Par acte du 17 juillet 2023, la société a interjeté appel de ce jugement.
Suivant ses conclusions n° 2 notifiées par RPVA le 25 mars 2024, la société demande à la cour de :
- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Charleville Mézières rendu le 21 juin 2023, en ce qu'il a :
- Déclaré régulière la procédure de contrôle et de mise en recouvrement ;
- Condamné la société [4] à payer à l'URSSAF Champagne-Ardenne la somme totale de 24 256 euros au titre de cotisations et majorations de retard pour les années 2016 à 2018 ;
- Débouté la société [4] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société [4] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société [4] aux entiers dépens.
Et, statuant à nouveau :
- déclarer recevable son recours ;
- déclarer nul le contrôle réalisé par l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE ;
- déclarer nulle la lettre d'observations du 29 octobre 2019 ;
- déclarer nulle la lettre de confirmation d'observations faisant suite au contrôle du 24 janvier 2020 ;
- déclarer nulle la mise en demeure du 23 janvier 2020 ;
- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 17 juillet 2020 ;
En conséquence :
- annuler le chef de redressement n° 3 notifié pour un montant de cotisations s'élevant à 333 €;
- annuler les pénalités et majorations afférentes au chef de redressement pour un montant de 29 euros ;
- annuler le chef de redressement n°4 pour un montant de cotisations s'élevant à 11.495 euros ;
- annuler les pénalités et majorations afférentes au chef de redressement n°4 pour un montant de 1.087 euros ;
- annuler la confirmation d'observations sur le chef de redressement n°5 ;
- annuler le chef de redressement n°6 pour un montant de cotisations s'élevant à 7.880euros ;
- annuler les pénalités et majorations afférentes au chef de redressement n°6 pour un montant de 689 euros ;
- annuler la décision administrative du 24 janvier 2020 ;
En tout état de cause :
- condamner l'URSSAF Champagne-Ardenne d'avoir à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- la condamner en tous les frais et dépens liés à la présente instance.
Suivant ses conclusions reçues au greffe le 28 mai 2024, l'Urssaf demande à la cour de :
- juger recevable mais non fondé l'appel de la société [4],
- débouter la société [4] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du pôle social de Charleville Mézières du 21 juin 2023,
- condamner la société [4] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
Motifs
1/ Sur le moyen tiré de la nullité de la mise en demeure
a/ Sur le chiffrage de la mise en demeure :
Il est de jurisprudence constante que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. ( Soc 19 mars 1992, no 88-11.682 , Bull V no 204).
La société soulève la nullité de la mise en en demeure en soutenant que l'agent chargé du contrôle a commis une erreur car la somme totale des cotisations dues (604 345 euros ), n'est pas égale à la somme des cotisations reprise dans les différents tableaux annexés. La somme reprise en première ligne du tableau de synthèse (= 22 207 euros ) n'est mentionnée nulle part dans le développement de la lettre d'observations (point 6), ni dans les annexes. Cette même somme apparaît pourtant également dans la lettre de mise en demeure n° 0004707733. Elle est, selon la société [4], erronée.
Au cas présent, il convient de relever que le décompte final figurant sur la lettre d'observations de 604 345 euros apparait correspondre à la totalisation des montants de redressements propre à chaque établissement et que le montant concernant l'établissement de [Localité 5] de 22 207 euros se retrouve dans la mise en demeure correspondant à cet établissement, dont est saisie la cour dans le cadre du présent recours sauf à constater une erreur d'un euros puisqu'il y est fait mention d'un montant de 22 208 euros qui n'est pas de lui-même de nature à justifier l'annulation de la mise en demeure ( 2e Civ., 13 décembre 2007, pourvoi n° 06-20.543, Bull. 2007, II, n° 265).
Par ailleurs, la société qui se borne à faire état d'une erreur ne fait état d'aucun élément circonstancié quant à la prise en compte des sommes correspondant à cet établissement ni ne fait état d'aucun élément de nature à établir qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, les développements quant aux chefs de redressement contestés attestant du contraire.
La société ne saurait donc être fondée à solliciter l'annulation de la mise en demeure.
b/ sur l'absence d'indication des voies et délais de recours :
La société fait valoir que la mise en demeure qui lui a été adressée ne comportait pas de verso et qu'elle ne disposait pas de l'information sur les délais et voies de recours et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté. Elle s'est résignée à saisir la Commission de Recours Amiable à titre conservatoire sans pouvoir être sûre du délai, déjà méconnu une 1ère fois par l'agent de l'URSSAF dans son courrier du 4 décembre 2019.
Cependant, l'absence de mention ou la mention insuffisante ou erronée, à la supposer établie, sur la notification de la mise en demeure, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, qui a effet de ne pas faire courir le délai de recours (2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 19-12.503, ) ne saurait entrainer la nullité de celle-ci.
2/ sur le moyen tiré de la nullité du contrôle
Il résulte des dispositions de l'article R. 243-59 du code de sécurité sociale que les agents de contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées, notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.
Ce même texte précise que lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail, il est fait mention au procès-verbal d'audition du consentement de la personne entendue. La signature du procès-verbal d'audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l'audition.
*-*-*
La société fait valoir que le représentant exclusif de l'entreprise dans le cadre de ce contrôle était Monsieur [H] [K]. Pourtant, l'agent chargé du contrôle n'a pas hésité un instant à interroger, sans obtenir leur consentement préalable et en l'absence de Monsieur [K], des salariées de l'entreprise. L'agent chargé du contrôle s'est en effet isolé plusieurs heures avec deux salariées et leur a posé des questions sur les points qui seront ensuite objets du redressement et en particulier sur les modalités de calcul de la réduction FILLON, et notamment la prise en compte des temps de douche et de casse-croûte. Aucune trace des auditions n'apparaît dans la lettre d'observations, alors qu'elles sont seules à l'origine du redressement. Aucun procès-verbal d'audition n'a été rédigé. L'employeur n'en a absolument pas eu connaissance, avant, pendant ou après le contrôle. Un tel procédé entraine nécessairement la nullité du contrôle. La nullité du contrôle entraine nécessairement la nullité de toutes lettres d'observations, de lettre de confirmation d'observations faisant suite au contrôle et de toutes mises en demeure postérieures. La Cour de cassation rappelle ainsi que l'employeur est le seul interlocuteur de l'Urssaf en cas de contrôle et que, pour pouvoir interroger un salarié, le représentant de l'URSSAF doit préalablement obtenir un mandat de l'employeur (citant Cass.Civ. 2°, 28 septembre 2023, n°21-21633).
L'URSSAF fait valoir que l'agent de contrôle a parfaitement respecté la procédure applicable qui n'exige pas la présence de l'employeur ni la rédaction d'un procès-verbal dans le cadre de l'application des dispositions de l'article R. 243-59 du code de sécurité sociale distinctes de celles applicables au cas de la recherche d'infraction de travail dissimulé. Elle précise que la jurisprudence invoquée par la société n'est pas applicable en l'espèce.
*-*-*
Au cas présent, il résulte des pièces produites aux débats que Mme [D] responsable RH au sein de l'entreprise a attesté avoir été interrogée par l'agent de contrôle sur les modalités de calcul de la réduction dite Fillon et d'attribution des indemnités de douche et de pause (casse-croute) au sein de l'entreprise, Mme [R], responsable paie, précisant par une autre attestation, avoir été appelée par Mme [D] pour répondre à des questions portant sur ces sujets.
Il s'ensuit que ces éléments se rapportant à des échanges entre l'agent de contrôle et des personnes rémunérées par la société sur la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes dans l'entreprise apparaissent conformes aux prévisions de l'article R. 243-59 du code de sécurité sociale qui n'exigent pas l'établissement d'un procès-verbal, réservé au cas de recherche de travail dissimulé propre aux dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail, et alors que la participation de ces deux salariées à ces échanges est de nature à faire ressortir le consentement de ces dernières, que les attestations produites se bornent sur ce point à des allégations générales non circonstanciées.
Par ailleurs, et la société ne fait état d'aucun élément de nature à établir que l'agent de contrôle s'est fondé sur les déclarations alors qu'au contraire, il résulte des constatations figurant sur la lettre d'observations que l'agent de contrôle s'est fondé sur les pièces examinées en particulier les bulletins de paie comme le confirme l'exemple d'un salarié donné dans le corps de cette lettre et les annexes.
Enfin, la jurisprudence invoquée par la société qui porte sur la communication de documents ne saurait être applicable en l'espèce.
Il s'ensuit que le moyen tiré de la nullité du contrôle n'est pas fondé.
3/ Sur la régularité de la procédure au cours de la période contradictoire :
Selon l'article L. 243-7-1-A du code de sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018, applicable en l'espèce :
A l'issue d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s'il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l'envoi de toute mise en demeure ou avertissement en application de l'article L. 244-2.
La durée de la période contradictoire peut être prolongée sur demande du cotisant reçue par l'organisme avant l'expiration du délai initial, à l'exclusion des situations où est mise en 'uvre la procédure prévue à l'article L. 243-7-2 ou en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.
L'article R. 243-59, III, dans sa rédaction du décret du n°2017-1409 du 25 septembre 2017, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019, précise que la période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée, qui dispose d'un délai de trente jours pour y répondre. La lettre mentionne la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix.
La charte du cotisant contrôle dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 mars 2019 et antérieur à celle du 27 janvier 2020 précise ce qui suit concernant les suites de l'envoi de la lettre d'observations :
« Vous disposez d'un délai de 30 jours, pour faire part de vos remarques, d'éléments nouveaux, de précisions ou compléments que vous jugerez nécessaires ou de votre éventuel désaccord. Vous pouvez également proposer, à l'agent chargé du contrôle, d'ajouter des documents à la liste des documents consultés. Vous avez la faculté de vous faire assister par un conseil de votre choix.
Avant l'expiration du délai initial, et à l'exclusion des situations où est mise en 'uvre la procédure d'abus de droit ou en cas de constat des infractions de travail illégal, vous pouvez demander une prolongation de la durée de la période contradictoire. »
L'article R. 243-59, III, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1050 du 11 octobre 2019 relatif à la prise en compte du droit à l'erreur par les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, applicable à compter du 1er janvier 2020 précise que « La période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée, qui dispose d'un délai de trente jours pour y répondre. Ce délai peut être porté, à la demande de la personne contrôlée, à soixante jours. A défaut de réponse de l'organisme de recouvrement, la prolongation du délai est considérée comme étant acceptée. La lettre mentionne la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix. »
*-*-*
La société fait valoir que la lettre d'observations fait mention de la possibilité de proroger le délai de réponse du cotisant et qu'elle a répondu par l'affirmative et sollicité le bénéfice du délai de 60 jours mentionné également dans le Décret n° 2019-1050 du 11/10/19. Contre toute attente, l'agent chargé du contrôle a refusé de porter le délai à 60 jours et a, de façon totalement arbitraire et sans base légale, reporté le délai à une date de sa convenance. La société a écrit de nouveau pour manifester son étonnement et contester le délai fixé arbitrairement par l'agent chargé du contrôle, mais l'agent chargé du contrôle a en effet maintenu sa position. Étant complètement désabusée par une telle réponse, et ne sachant plus quel délai devait recevoir application, la société [4] n'a pas répondu à la lettre d'observations. L'erreur de l'agent de l'URSSAF quant à la numérotation de l'article sur lequel il fondait son argumentaire, a induit en erreur la société [4]. Elle s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle d'émettre des observations du fait de l'erreur de l'URSSAF. Le contradictoire n'a donc pu être respecté. La procédure est de ce fait irrégulière et, en l'absence de régularisation par l'URSSAF, la nullité du contrôle s'impose.
L'URSSAF fait valoir qu'il y a lieu d'appliquer la réglementation applicable avant le 1er janvier 2020 qui n'imposait pas de durée de prolongation et que la société était informée des dates de réponses aux observations.
*-*-*
En l'espèce, il est constant qu'à la suite de l'envoi de la lettre d'observations du 29 octobre 2019, la société a par courrier du 14 novembre 2019 sollicité la prolongation du délai de trente jours, auquel l'URSSAF a répondu par courrier du 25 novembre 2019 accordant un délai supplémentaire jusqu'au 15 décembre 2019.
Par lettre du 2 décembre 2019, la société se fondant sur les dispositions de l'article L. 243-7-1-A du code de sécurité sociale a exposé s'étonner du délai qui lui était accordé et a entendu disposer d'un délai supplémentaire de trente jours, considérant pouvoir répondre aux observations jusqu'au 29 décembre 2019. L'URSSAF par courrier en réponse du 4 décembre 2019 a exposé maintenir sa position en précisant que l'article L. 243-4-1-A ne faisait mention d'aucune durée minimale.
Il convient de relever qu'à la date d'échange de ces documents, les dispositions applicables qui ont été rappelées posaient comme seul principe celui d'une prolongation de la durée du délai initial de trente jours de réponse aux observations, sans comporter d'indication de délai minimal et la société ne saurait se prévaloir des dispositions issues du décret du 11 octobre 2019 qui n'étaient pas entrées en vigueur au cours des échanges sus mentionnés, étant à cet égard observé que la société ne s'est pas prévalu dans son courrier du 14 novembre 2019 de ces dernières dispositions mais bien de celles de de l'article L. 243-7-1-A du code de sécurité sociale .
Il s'ensuit que malgré l'erreur d'indication de texte figurant sur le courrier du 4 décembre 2019, il ne saurait être fait grief à l'URSSAF d'avoir accordé un délai supplémentaire jusqu'au 15 décembre 2019 qui n'apparaît pas dérisoire et ce alors même que la société n'a pas fait état lors de ses échanges de difficultés matérielles mais a entendu se prévaloir sur le fondement d'un texte bien précis d'une durée minimale non applicable. La société ne saurait pas plus faire état d'une absence de respect du principe du contradictoire dès lors qu'elle était informée du délai qui lui était accordé.
Il s'ensuit que le moyen tiré la nullité du contrôle ne saurait être accueilli.
4/ Sur le bien-fondé des redressements :
a/ Sur le chef de redressement n° 3
Il convient de rappeler qu'un contrat de travail ne peut coexister avec un mandat social qu'en cas d'exécution à titre de contrat de travail de fonctions techniques distinctes exercées dans un rapport de subordination (Soc. 15 juin 2005, no 02-47.320 , Bull V no 201, soc 28 fev. 2006,no 05-42.350; Soc 29 avril 2009, no 08-41.072; Soc; 22 sept. 2011, no 09-72.637), ce qui explique la différence de régime opéré par la jurisprudence au regard des salariés non titulaires d'un mandat social et partant insusceptible d'exercer une fonction de direction dès lors que par un arrêt du 14 mars 2013, la deuxième chambre a jugé que la production d'un écrit ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail lorsqu'il s'agit d'un mandataire social et qu'il appartient dès lors à l'intéressé de rapporter la preuve d'un lien de subordination ( Civ. 2ème , 13 mars 2013, no 12-12.649).
*-*-*
La société rappelle que L'URSSAF soutient que les mandataires sociaux ne sont pas titulaires d'un contrat de travail et donc ne sont pas visés par l'exonération de cotisations sociales sur la prime d'intéressement. Pour justifier de l'absence de lien de subordination vis-à-vis de la société, l'agent a mis en avant le défaut de production du contrat de travail. La société soutient que le Code du travail n'impose pas d'écrit pour le Contrat de travail à Durée Indéterminée et que dès lors, l'URSSAF ne saurait soutenir qu'à défaut de production du contrat de travail, le lien de subordination des mandataires sociaux n'est pas établi. En l'espèce, les mandataires sociaux cumulent contrat de travail et mandat social. En l'espèce, Messieurs [T] et [U] [X] exerçaient une fonction technique distincte de leur mandat social. Leurs principales missions au titre du contrat de travail sont les suivantes . En ce qui concerne [T] [W] :-stratégie, environnement, sécurité, président CSE, stratégie investissements, suivi production sites, orientations achats orientations informatique. En ce qui concerne [U] [W] : stratégie commerciale ; développement et animation commerciale ; communication (Internet, réseaux ...) ; animation bureau études. Messieurs [U] et [T] [W] composent, avec Monsieur [H] [K], le Directoire. Les statuts de la société [4] détaillent le rôle du Conseil de Surveillance et le rôle du Directoire. Ils ont en charge la gestion opérationnelle complète de la société, la politique sociale, les investissements, les finances, la sécurité, l'environnement, le développement, le commercial, le bureau d'études, les recrutements, la présidence du CSE, de la CSSCT, le pilotage des NAO, le juridique, etc' Du fait de leur contrat de travail, ils perçoivent tous les mois un bulletin de salaire. Dans ses écritures, pour rejeter la qualification de salarié de Messieurs [U] et [T] [W], l'URSSAF reproche à la société [4] de ne pas verser de contrat de travail. Or, il convient de rappeler que face à un contrat de travail apparent, il incombe à la partie qui conteste son existence de prouver son caractère fictif (Cass. Soc. 5 décembre 2012, n°11-22769). Ce que ne fait pas l'URSSAF.
L'URSSAF expose que l'agent de contrôle a constaté que les mandataires sociaux, bénéficiaires de le prime d'intéressement n'étaient pas titulaire d'un contrat de travail les plaçant dans un état de subordination à l'égard de l'employeur et les pièces produites n'établissent pas l'existence d'activité et de rémunération au titre du contrat de travail.
*-*-*
Au cas présent dès lors qu'il est constant que les personnes concernées par ce chef de redressement sont des mandataires sociaux, il y a lieu de relever que la production d'un bulletin de salaire ne saurait créer une apparence de contrat de travail et que la preuve de l'exécution de fonctions techniques distinctes exercées dans un rapport de subordination ne saurait résulter de la seule énonciation des taches invoquées par la société qui ne produit aucune autre élément de nature à justifier des conditions effectives d'exercice de ces fonctions en sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
b/ Sur les chefs de redressements n° 4 et n° 5
Les dispositions de l'article R. 243-59-7, dans leur rédaction issue du le décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 applicable au litige, qui reprennent la substance de celles de l'article R. 243-59 du même code relatives à la portée d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement disposent ce qui suit :
Le redressement établi en application des dispositions de l'article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n'ont pas donné lieu à observations de la part de l'organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l'article R. 243-59 dès lors que :
1° L'organisme a eu l'occasion, au vu de l'ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;
2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.
Il importe pour l'application de ces principes que soit établie une identité de situation entre celle du premier contrôle et celle objet du second contrôle (par exemple civ2° 12 mars 2015, no 14-11.421) en particulier de droit comme l'a rappelé l'arrêt du 10 novembre 2022, et que l'organisme de contrôle ait pris sa décision en connaissance de cause (civ2°8 juillet 2010, no 09-15.784), la charge de la preuve incombant à celui qui s'en prévaut, à savoir le cotisant (Soc. 17 décembre 1998, no 97-13.180; civ2°, 15 mars 2012, no 10-17.853, civ2° 20 janvier 2012, no 10-27.291, Civ. 2ème 26 novembre 2015, n° 14-26.017, arrêt publié).
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La société fait valoir qu'en 2010 et 2013, elle a déjà fait l'objet de contrôles au cours desquels, les points relatifs à l'avantage en nature sur les contributions patronales de garantie sociale des chefs et dirigeants d'entreprise ont été examinés par l'URSSAF et à la pension versée à Madame [W]. Aucune observation n'a été opérée par l'URSSAF sur ces deux pratiques de la société [4]. Ces dernières n'ont de plus pas été modifiées depuis 2010 et 2013. Plus précisément en 2010, l'agent de l'URSSAF s'est rendu sur place et a eu accès à une liste non limitative de documents dont notamment ceux sociaux avec les contrats de retraite et prévoyance, les documents comptables et financiers, les documents administratifs et juridiques ainsi que ceux spécifiques aux contrôles pour le compte de l'UNEDIC. En 2013, l'agent de l'URSSAF a également effectué son contrôle sur place et a eu accès à une liste non limitative de documents dont notamment les documents juridiques les documents sociaux avec la DADS des 3 dernières années, les livres de paie annuels, les fiches individuelles de bulletin de paie, la liste des salariés mis en retraite, les détails des calculs individuels des avantages en nature, les notes, documents concernant les modalités d'attribution d'avantages en nature aux salariés (véhicule, logement, nourriture, autres), les documents spécifiques aux contrôles pour le compte de l'UNEDIC, les documents comptables, l'épargne salariale, les contrats de prévoyance et retraite, le documents concernant le Comité d'Entreprise. La société [4] bénéficiait d'un accord tacite quant à ces deux pratiques. Elle peut donc valablement s'en prévaloir pour contester le redressement intervenu plusieurs années après. Il y aura lieu d'annuler le redressement opéré au titre du chef n°4 pour un montant de 11.495 euros ainsi que la somme de 1.087 euros au titre des pénalités et majorations, ainsi que la confirmation d'observations sur le chef n°5.
L'URSSAF fait valoir que la charge de la preuve incombe à la société et que cette dernière n'apporte aucun élément pour appuyer ses propres.
*-*-*
En l'espèce, il convient de relever que s'il est certain que la société a fait l'objet de précédents contrôles dans le cadre desquels il a été procédé à l'examen de divers documents de même nature que ceux examinés par l'agent de contrôle au cours du contrôle en cause , il reste que cette seule circonstance ne saurait être de nature à établir que l'URSSAF a pris une décision en connaissance de cause de validation de la pratique de la société alors même que les documents en cause ne permettent pas de l'établir et que l'attestation produite qui se borne à faire état d'une absence de modification des pratiques au sein de l'entreprise est impropre à établir une décision de non assujettissement prise en connaissance de cause
Il convient dans ces conditions de rejeter les contestations à ce titre étant fait observé que si la société conteste la confirmation d'observations sur le chef n°5 dans la mesure où aucune modalité de calcul n'est indiquée, cette circonstance est indifférente dès lors qu'il n'a pas été procédé à un redressement en l'état de la reconnaissance d'une décision implicite antérieure sur ce point par l' URSSAF mais à la formulation d'observations pour l'avenir, dont la société ne précise pas en quoi celles-ci seraient infondées.
c/ Sur le chef de redressement n° 6
Selon l'article L. 241-13, III, du code de sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations, le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié et pour chaque contrat de travail, selon des modalités fixées par décret. Il est égal au produit de la rémunération annuelle définie à l'article L. 242-1 et d'un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d'une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération annuelle du salarié définie au même article L. 242-1 et le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu.
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La société expose que l'agent chargé du contrôle a refusé de prendre en compte les primes de casse-croûte dans le calcul de la réduction générale, au motif qu'elles ne constitueraient pas du temps de travail effectif. L'argumentaire retenu ne repose sur aucun fondement juridique. L'agent chargé du contrôle a fixé lui-même les règles applicables en énonçant que « Les éléments étudiés permettent de constater que Les primes de casse-croute ne correspondent pas à du temps de travail effectif puisque leur montant ne dépend ni du taux horaire, ni d'un nombre d'heures et que les primes de douche correspondant à du temps de travail effectif puisque leur montant correspond à un temps de douche de 15 minutes valorisé au taux horaire. Ce postulat n'est pas celui ni de l'article L.3121-1 du Code du travail, ni de la jurisprudence. Le juge a dégagé deux critères pour caractériser le temps de travail effectif: la disposition du salarié à l'égard de l'employeur et le critère de travail commandé. La prime de casse-croûte est versée aux salariés qui restent à la disposition de la société durant le temps de leur repas. Elle a produit en première instance le bulletin de paie d'un salarié. Le Pôle Social du Tribunal Judiciaire a estimé à tort que ces bulletins de paie ne permettaient pas de caractériser le temps de travail effectif. Ce n'est pas au bulletin de paie de caractériser le temps de travail effectif. Ce dernier doit s'apprécier in concreto. A hauteur d'appel et pour compléter son argumentaire, la société [4] produit l'attestation de deux témoins
L'URSSAF après rappel de la législation et des principes qu'elle estime applicable expose qu'il a été constaté que certains salariés percevaient une prime de casse-croute ainsi qu'une prime de douche. Il a relevé que les primes de casse-croute ne correspondent pas à du temps de travail effectif puisque leur montant ne dépend ni du taux horaire, ni d'un nombre d'heures. Il a estimé en revanche que les primes de douche correspondent à du temps de travail effectif puisque leur montant correspond à un temps de douche de 15 minutes valorisé au taux horaire. Le montant total de ces primes doit être intégré dans la rémunération à prendre en compte pour le calcul du coefficient au dénominateur de la formule de calcul. Les attestations produites ne peuvent être probantes.
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Au cas présent, il convient de constater que les parties s'opposent quant à la qualification des temps correspondant au paiement de la prime de casse-croute, la société soutenant qu'il correspond à un temps de travail effectif en ce que les salariés restent à la disposition de l'employeur durant le temps de leur repas.
Cependant s'il est certain que les temps de pause qui ne correspondent pas en principe à un temps de travail effectif, peuvent par exception être qualifiés comme tel lorsque les salariés se trouvent à disposition de l'employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Voir par exemple Soc. 20 février 2013, n° 11-26.404, 11-26.406, 11-26.407, 11-26.401, Bull V n° 53), il reste que la société n'en justifie nullement, les deux attestations produites à hauteur d'appel procédant par affirmation générale sans aucun élément circonstancié.
Il convient dans ces conditions et en l'absence d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge de confirmer le jugement entrepris.
4/ Sur les mesures accessoires
La société qui succombe sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Charleville Mézières du 21 juin 2023 ;
Condamne la société [4] à payer à l'URSSAF CHAMPAGNE-ARDENNE la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [4] aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Céline PAPEGAY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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