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02/09/2024 | FRANCE | N°23/01787

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 septembre 2024, 23/01787


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2024 DU 02 SEPTEMBRE 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01787 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHFA

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VERDUN,

R.G.n° 21/00753, en date du 07 juillet 2023,



APPELANT :

Monsieur [G] [Y]

né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 19] (57)

domic

ilié [Adresse 8] - [Localité 7]

Représenté par Me Anne-Laure TAESCH de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY



INTIMÉS :

Monsieur [O] [L] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 02 SEPTEMBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01787 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHFA

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VERDUN,

R.G.n° 21/00753, en date du 07 juillet 2023,

APPELANT :

Monsieur [G] [Y]

né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 19] (57)

domicilié [Adresse 8] - [Localité 7]

Représenté par Me Anne-Laure TAESCH de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Monsieur [O] [L] [F]

né le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 6] (55)

domicilié [Adresse 5] - [Localité 6]

Représenté par Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de la MEUSE

Madame [I] [J], épouse [F]

née le [Date naissance 14] 1955 à [Localité 20] (55)

domiciliée [Adresse 5] - [Localité 6]

Représentée par Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de la MEUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience, et Madame Mélina BUQUANT, Conseillère, chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Corinne BOUC, Présidente de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseillère,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 6 Juin 2024.

A l'issue des débats, le Président d'audience a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 02 Septembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BOUC, Présidente, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [F] et son épouse Madame [I] [J] (Monsieur et Madame [F]), d'une part, et Monsieur [G] [Y], d'autre part, sont propriétaires, sur la commune de [Localité 6], de bâtiments et de terres, issus de la division d'un ancien corps de ferme. La parcelle cadastrée [Cadastre 16] constitue la cour intérieure de cet ensemble et permet à chacun des propriétaires l'accès à sa maison et à son garage depuis la voie publique.

Monsieur et Madame [F] ont exercé sur les lieux une activité agricole. Ils ont installé dans la cour, en 1983, un tank à lait et un appentis, servant notamment au stockage de bois, adossés à leur partie privative.

Par courrier du 7 août 2019, Monsieur [Y] a mis en demeure Monsieur et Madame [F] de détruire cet appentis, au motif qu'il a été édifié sans l'accord unanime des indivisaires.

Par acte du 22 juin 2020, Monsieur [Y] a fait assigner Monsieur et Madame [F] devant le tribunal judiciaire de Verdun, compétent en matière de procédure orale, afin de destruction de la construction et de déplacement du fumier et du fourrage à une distance supérieure à 100 mètres de son habitation, le tout sous astreinte.

Monsieur et Madame [F] ont formé une demande reconventionnelle en liquidation de l'indivision postant sur la parcelle [Cadastre 16].

Au regard de la nature indéterminée des demandes principales et reconventionnelles, le tribunal, dans sa section compétente en procédure orale, s'est dessaisi au profit de la première chambre civile statuant dans le cadre de la procédure écrite avec représentation obligatoire, par jugement du 6 avril 2022.

Par acte du 21 octobre 2021, Monsieur et Madame [F] ont fait assigner Monsieur [Y] devant le tribunal judiciaire afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre eux sur la parcelle [Cadastre 16].

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Verdun a :

- déclaré recevable la demande en partage,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision composée de la parcelle suivante : commune de [Localité 6], [Localité 18], section B n° [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca,

- commis Maître [N] [E], notaire à [Localité 21], pour procéder aux opérations de liquidation-partage avec pour mission, conformément aux dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile, d'établir l'état liquidatif, les comptes entre les copartageants et la composition des lots, en tenant compte des besoins des fonds respectifs des parties et le cas échéant des propositions du géomètre expert,

- rappelé que les désaccords entre les parties ou leurs carences ne peuvent dispenser le notaire du dépôt de son rapport incluant un état liquidatif,

- désigné en qualité de juge commis Madame [V] [R], juge du tribunal judiciaire de Verdun, pour surveiller le déroulement des opérations, avec lequel les échanges se feront par lettre simple, adressée en copie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux avocats des parties,

- rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis,

- dit qu'il appartiendra aux parties et/ou au notaire commis de déterminer la date de jouissance divise conformément aux dispositions de l'article 829 du code civil,

- rappelé que le notaire désigné dispose d'un délai d'un an à compter de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir,

- rappelé que ce délai sera suspendu en cas de désignation d'un expert et jusqu'à la remise du rapport,

- rappelé que le notaire commis devra convoquer d'office les parties et leurs avocats et pourra solliciter de celles-ci, dans le délai qu'il leur impartit, tout document utile à l'accomplissement de sa mission,

- dit que le notaire commis rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de celui-ci toute mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission (injonctions, astreintes, désignation d'un expert en cas de désaccord, désignation d'un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge, vente forcée d'un bien...),

- rappelé que les parties pourront à tout moment abandonner la voie du partage judiciaire et réaliser entre elles un partage amiable, le juge commis étant alors informé sans délai par le notaire commis afin de constater la clôture de la procédure judiciaire,

- rappelé qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra sans délai au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties, un exposé précis et exhaustif des points d'accord et de désaccord des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile, toutes les prétentions soulevées en application de l'article 1373 dudit code ne constituent qu'une seule instance, et que toute demande distincte sera déclarée irrecevable a moins que son fondement ne soit né ou révélé postérieurement à l'établissement du rapport du juge commis ; qu'en conséquence aucune nouvelle contestation ne pourra plus être soulevée contre l'état liquidatif,

- rappelé que le notaire percevra directement ses émoluments auprès des parties,

- rappelé qu'en cas d'inertie d'un indivisaire, il appartient au notaire commis de solliciter la désignation d'un représentant à celui-ci conformément aux dispositions de l'article 841-1 du code civil,

- sursis à statuer sur la demande de démolition de la construction édifiée par Monsieur et Madame [F], dans l'attente du dépôt du projet d'acte liquidatif par le notaire ou, à défaut, de la transmission de l'acte de partage régularisé par les parties,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé le caractère exécutoire de plein droit de la présente décision,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le transfert de propriété des droits immobiliers de Monsieur et Madame [F] est devenu opposable aux tiers, et donc à Monsieur [Y], lors de la publication à la conservation des hypothèques de Verdun le 3 février 1978 de l'acte de vente produit comprenant au titre des biens vendus 'les 2/3 indivis dans le n° [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca', commune de [Localité 6], le Village, section B. Monsieur et Madame [F], propriétaires indivis, sont donc recevables à agir en partage de la parcelle [Cadastre 16].

Le tribunal a ensuite ordonné l'ouverture des opérations de partage de l'indivision de cette parcelle dès lors qu'il n'a constaté l'existence d'aucune convention exprimant la volonté des parties de laisser commune la parcelle en litige. De plus, au regard du projet établi par le géomètre expert, il a considéré que la constitution de quatre parcelles issues de la parcelle indivise, avec constitution de servitudes de passage réciproques, à laquelle Monsieur [Y] n'apportait pas de critique, ne l'empêcherait pas d'user et d'exploiter son fonds.

Constatant la complexité des opérations et l'obligation de partager la parcelle en nature, il a commis un notaire aux fins d'établir notamment la consistance des lots, en tenant compte des besoins des fonds respectifs.

Concernant la construction sur le bien indivis, le tribunal a relevé que Monsieur et Madame [F] ne démontraient, ni même ne soutenaient, s'être comportés comme un propriétaire exclusif, qu'ils exposaient au contraire que l'usage qu'ils avaient de la cour en édifiant un appentis servant d'abri à bois, et une petite construction destinée à recevoir le tank à lait, est parfaitement conforme aux dispositions de l'article 815-9 du code civil réglementant le droit de chaque indivisaire d'user et jouir des biens indivis dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. En outre, rappelant que la construction avait été édifiée en 1983, au vu et au su du coindivisaire de l'époque qui n'avait émis aucune protestation jusqu'en 2019, soit 36 ans plus tard, le tribunal a estimé qu'il ne pouvait exclure que Monsieur et Madame [F] avaient pu bénéficier de l'autorisation tacite des précédents indivisaires. Cette construction étant compatible avec le statut de l'indivision, il a rejeté la demande fondée sur l'usucapion. Il a retenu que la propriété définitive de la construction faisant office d'abri à bois serait subordonnée au résultat du partage à intervenir de la parcelle indivise. Il a donc précisé que si la propriété du sol supportant la construction était attribuée aux époux [F], ils en deviendraient propriétaires et aucune destruction ne pourrait alors être ordonnée.

Ensuite, au regard des attestations et du constat d'huissier produits, le tribunal a constaté que les stocks de fourrage et de fumier étaient entreposés à une distance réglementaire des habitations de telle sorte que la demande de Monsieur [Y] à ce titre était devenue sans objet. Il a aussi déclaré sans objet la demande de Monsieur et Madame [F] concernant l'élagage des végétaux débordant sur leur propriété après avoir observé que Monsieur [Y] s'était acquitté des travaux réclamés.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 11 août 2023, Monsieur [Y] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 10 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Y] demande à la cour, sur le fondement des articles 815 et suivants ainsi que des articles 545 et 815-9 du code civil, de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation-partage de l'indivision composée de la parcelle suivante : commune de [Localité 6], [Localité 18], section B n° [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca,

Statuant à nouveau,

- juger son appel recevable et fondé,

- débouter Monsieur et Madame [F] de leur demande d'ouverture des opérations de liquidation-partage de l'indivision composée de la parcelle suivante : Commune de [Localité 6], [Localité 18], section B n° [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca et de toutes leurs demandes plus amples,

- débouter Monsieur et Madame [F] de leur demande d'élagage sous astreinte à titre incident compte tenu de l'ancienneté du constat d'huissier produit aux débats,

- ordonner à Monsieur et Madame [F] de détruire la construction édifiée dans la cour indivise sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir,

- confirmer le surplus du jugement,

- condamner in solidum Monsieur et Madame [F] à payer Monsieur [G] [Y] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 10 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur et Madame [F] demandent à la cour, sur le fondement de l'article 545, des articles 2258 et suivants ainsi que de l'article 815-9 du code civil et des articles 761, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- dire et juger l'appel de Monsieur [G] [Y] infondé,

Le rejetant,

Sur les demandes au titre du partage,

À titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé leur demande, sur le fondement de l'article 815 du code civil, recevable et bien fondée, ouvert les opérations de liquidation-partage de l'indivision, commis Maître [E] Notaire à [Localité 21] pour y procéder, désigné Madame [R] afin de surveiller les opérations et donné mission générale au notaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de ses autres prétentions,

À titre subsidiaire, en cas d'infirmation,

- dire et juger qu'ils ne peuvent être contraints à rester dans l'indivision en application de l'article 815 alinéa 3 du code civil,

- ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision contractuelle existant entre eux d'une part, à concurrence de 2/3 et Monsieur [Y] d'autre part, à concurrence de 1/3 sur les propriétés immobilières suivantes : parcelle cadastrée section [Cadastre 16],

- désigner Maître [E] afin d'y procéder avec mission spéciale ci-dessous reprise,

- dire et juger que le partage interviendra en nature et par division puis attribution de lots selon le rapport déposé par Monsieur [D] et selon les modalités suivantes :

* la parcelle « a », d'environ cinquante centiares, pourrait leur être attribuée,

* la parcelle « b », d'environ cinquante centiares, pourrait être attribuée à Monsieur [Y],

* la parcelle « c », d'environ deux ares quarante centiares leur serait attribuée,

* la parcelle « d », d'environ un are vingt centiares serait attribuée à Monsieur [Y],

- dire et juger que le notaire aura pour mission spéciale de mandater un expert géomètre afin de procéder au découpage de la parcelle,

- dire et juger que les frais de géomètre seront inclus dans les frais de partage,

À titre infiniment subsidiaire, en cas d'infirmation,

- dire et juger que l'assise du tank à lait a fait l'objet d'une prescription acquisitive et ne peut plus être remise en cause,

- dire et juger que l'abri à bois en litige par son caractère démontable, constitue un usage proportionné et légitime de leur droit de propriété indivis,

- dire et juger que Monsieur [Y] ne peut démontrer le caractère anormal du trouble de voisinage,

- débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes,

À titre d'incident,

- dire et juger leur appel incident recevable et bien fondé,

Y accédant,

- condamner Monsieur [Y] à élaguer les végétaux plantés sur son fonds et débordant sur leur fonds dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir.

- assortir cette obligation d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [Y] à leur payer la somme de 4500 euros sur le fondement de l'article 700,

- condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 21 mai 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 10 juin 2024 et le délibéré au 2 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [Y] le 10 avril 2024 et par Monsieur et Madame [F] le 12 février 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 21 mai 2024 ;

* Sur la demande de Monsieur et Madame [F] aux fins de partage de l'indivision de la parcelle [Cadastre 16] (ci-après parcelle [Cadastre 16])

Monsieur [Y] allègue dans ses conclusions (pages 5 et 6) que Monsieur et Madame [F] n'auraient pas la qualité de propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 11]. Pour autant, il ne conclut pas à l'irrecevabilité de leur demande. En outre, il reconnaît dans d'autres passages de ses écritures (pages 2, 10) et dans certaines de ses pièces que la parcelle est bien indivise entre lui-même et Monsieur et Madame [F], ce que ces derniers établissent en outre par leur acte d'acquisition de leur ensemble immobilier.

Il ressort de la procédure et des pièces versées aux débats par les parties qu'un ancien corps de ferme, se situant à l'extrémité de la [Adresse 5], a fait l'objet d'une division en plusieurs parcelles, aujourd'hui propriétés de Monsieur [Y] d'une part et de Monsieur et Madame [F] d'autre part.

Monsieur [Y] est propriétaire des parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12]. Monsieur et Madame [F] sont propriétaires des parcelles [Cadastre 9], [Cadastre 15] et [Cadastre 13]. La parcelle [Cadastre 16] constitue la cour intérieure du corps de ferme et donne accès à la [Adresse 5]. Le plan des lieux issu du cadastre est le suivant :

Légende :

-bleu : parcelles appartenant à Monsieur [Y]

- violet : parcelles appartenant à Monsieur et Madame [F]

- vert : cour indivise (parcelle n°[Cadastre 11])

- jaune : voie publique ([Adresse 5])

Il résulte de l'acte d'acquisition de Monsieur et Madame [F], en date du 29 décembre 1977 et publié au bureau des hypothèques de [Localité 21] le 3 février 1978, qu'ils sont propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 16] à hauteur des deux tiers. Il est reconnu par l'ensemble des parties que Monsieur [Y] possède le surplus des droits relatifs à cette parcelle, dont l'acte de mise en indivision n'est pas versé aux débats.

Monsieur et Madame [F] sollicitent la liquidation et le partage de l'indivision, sur le fondement de l'article 815 du code civil. Ils ont fait dresser un plan de partage par un géomètre expert qui, selon eux, permet à chacun des propriétaires indivis d'obtenir une surface équivalente à sa portion dans l'indivision, tout en préservant les droits de chacun.

Monsieur [Y] fait valoir qu'il existe une exception au principe du partage pour les 'indivisions perpétuelles' qui concernent des biens accessoires aux autres biens de chacun des indivisaires, lorsque le partage en nature du bien indivis rendrait impossible l'usage et l'exploitation des fonds des indivisaires, ce qui est le cas selon lui, notamment puisqu'il ne pourra plus accéder avec sa camionnette à son garage.

Le projet de partage de Monsieur et Madame [F] est le suivant :

La parcelle serait donc découpée en quatre parcelles, les parcelles c et b leur revenant et les parcelles a et d à Monsieur [Y], avec des servitudes de passages réciproques sur les parcelles a et b.

Selon l'article 815 du code civil, 'nul ne peut être contraint de rester dans l'indivision'. Il est néanmoins porté exception à ce principe, dans le cas d'une dépendance commune à plusieurs propriétés, nécessaire à leur exploitation. Dans cette hypothèse, le partage ne peut résulter que du consentement unanime de tous les indivisaires (Civ. 3ème, 12 mars 1969 ; Civ. 1ère, 1er décembre 2010, n°09-70.695).

Le débat sur l'adhésion ou non du conseil municipal au projet des époux [F] est indifférent à l'appréciation de l'existence ou non d'une indivision perpétuelle.

Il n'est pas soutenu devant la cour que Monsieur [Y] pourrait accéder à son immeuble par le chemin rural dit [Adresse 17] qui longe une partie de sa maison, sachant qu'il n'est pas contesté que ce chemin fait partie du domaine privé de la commune, qu'il n'est pas carrossé et qu'il n'est destiné ni à être utilisé habituellement par des véhicules automobiles, ni par des véhicules de secours.

L'accès à sa propriété ne peut se faire qu'en traversant la parcelle [Cadastre 16], à savoir la cour intérieure du corps de ferme dont sont issues les propriétés des époux [F] et de Monsieur [Y]. Le projet de découpage proposé par les intimés démontre que cette parcelle est indispensable aux deux immeubles, puisque la partie de la parcelle dans le prolongement de la voie publique, qui coupe ensuite la cour en diagonale, fait l'objet d'un partage en deux bandes a et b, l'une d'elles étant attribuée à l'un des indivisaires avec servitude de passage pour l'autre et inversement pour la seconde bande. En outre, il n'est possible pour un véhicule d'un gabarit de type camionnette de manoeuvrer sur les seules parcelles a et b et Monsieur [Y] ne pourra plus rentrer dans son garage avec son véhicule utilitaire sans empiéter sur la parcelle de son voisin non concernée par la servitude de passage (parcelles c et d).

Il résulte ainsi des éléments au dossier que la parcelle indivise [Cadastre 16] est indispensable à la desserte des deux propriétés, des époux [F] d'une part et de Monsieur [Y] d'autre part, constituant le seul accès à la voie publique des deux biens. La parcelle indivise est ainsi affectée au service commun de plusieurs immeubles, dont elle permet l'exploitation et en constitue l'accessoire indispensable, son partage, même dans les conditions proposées, détériorerait notablement l'usage des deux propriétés.

Il s'ensuit que, par exception au principe posé à l'article 815 du code civil, il ne peut être mis fin à l'indivision que du consentement unanime des propriétaires des fonds desservis.

En l'espèce, Monsieur [Y] est opposé au partage de l'indivision.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le partage de la parcelle [Cadastre 16] et de débouter Monsieur et Madame [F] de leur demande en ce sens.

** Sur les demandes de destruction des constructions édifiées sur la parcelle indivise par les époux [F]

Il résulte du constat d'huissier que Monsieur [Y] a fait dresser le 7 novembre 2019 que les époux [F] ont adossé à la façade de leur bien, dans l'emprise de la cour, une construction composée de tôle métallique et surmontée d'une toiture dans le même matériel, disposant d'une porte d'entrée de 10,70 mètres de large, sur trois mètres de long au niveau du mur pignon gauche et d'une hauteur variant entre 2,40 et 2,80 mètres.

Il indique que cet appenti sert de cuisine à ses voisins.

Ceux-ci indiquent qu'il s'y trouve un tank à lait qu'ils ont fait installer en 1986, lors du démarrage de l'activité de leur ferme et qu'ils y stockent du bois.

Le constat dressé le 18 février 2021 à la requête de Monsieur et Madame [F], précise qu'elle recouvre une dalle de béton de 2,50 mètres 'de profondeur' (manifestement, de longueur) sur 3 mètres de large, afin de procéder aux livraisons et retraits de lait. Le tank à lait qui y avait été installé a été enlevé, comme les photographies annexées le démontrent, les époux y stockent du matériel hétéroclite, notamment des seaux, une table, un réfrigérateur, un congélateur, une cave à vin, un four à micro-ondes... L'huissier a constaté que Monsieur et Madame [F] stockaient dans cette 'remise', au niveau du sol en terre battue, du bois et du fourrage.

Monsieur [Y] demande la démolition de cette construction, érigée par Monsieur et Madame [F] sans autorisation de l'indivisaire et conteste toute prescription, au regard de l'ambiguïté de la possession.

Monsieur et Madame [F] précisent qu'il s'agit d'une construction légère qui peut être aisément démontée, que sa présence est compatible avec les droits du co-indivisaire, que la proportion de sa surface ramenée à la superficie de la cour est inférieure à leurs droits dans l'indivision. Ils ajoutent qu'ils ont prescrit par usucapion trentenaire la surface concernée par le tank à lait.

Il résulte des articles 815-3 et 815-9 du code civil que les indivisaires peuvent jouir et user des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. L'acte qui ne ressortit pas de l'exploitation normale des biens et l'acte de disposition nécessitent le consentement de tous les indivisaires.

Les actes de possession accomplis par un indivisaire sont en principe équivoques à l'égard des autres indivisaires.

Toutefois, un indivisaire peut acquérir par usucapion un bien indivis s'il justifie d'actes matériels de possession démontrant son intention à l'égard des autres indivisiaires de se comporter en seul et unique propriétaire, par des actes incompatibles avec sa seule qualité d'indivisaire (3ème Civ.,7 décembre 2022, n°21-15.323). Ainsi la Cour de cassation (3ème Civ., 12 janvier 1994, n°91-21.260) a admis que l'occupation à titre privatif et exclusif d'une partie d'une cour indivise, démontrée par des actes de possession paisible établis par la réalisation de construction et le stockage de matériaux peut permettre à l'indivisaire d'en acquérir la propriété par prescription, comme prévu à l'actuel article 2272, recodifiant les dispositions figurant avant 2008 aux articles 2262 et 2265, lesquels prévoyaient comme le nouveau texte une durée de prescription de 30 ans à défaut de juste titre, dès lors que la possession remplit les conditions posées à l'actuel article 2261 du code civil (anciennement 2279).

En revanche, si la prescription n'est pas acquise, tout indivisaire est en droit de faire cesser les actes accomplis par un autre indivisaire, qui ne respectent pas la destination de l'immeuble ou qui portent atteinte à leurs droits égaux et concurrents sur la chose indivise, en particulier la construction édifiée sur une parcelle indivise sans l'accord de tous les indivisaires (3ème Civ., 24 octobre 1990, n° 88-18.233 ; Civ. 1ère, 12 mai 2010, n°09-65.362).

Monsieur et Madame [F] n'ont obtenu aucune autorisation pour l'installation qu'ils ont édifiée dans la cour indivise.

Le tank à lait installé initialement en 1986 par Monsieur et Madame [F] est un réservoir, permettant le stockage du lait. Son installation, même sur un sol bétonné, dans la cour d'un corps de ferme n'est pas contraire à la destination des lieux et, dès lors qu'il est démontable comme dans l'espèce, il ne porte pas atteinte au droit des autres indivisaires qui peuvent utiliser la cour : cette installation est conforme à la destination du bien indivis et n'était pas incompatible avec les droits des autres indivisaires sur le bien. En conséquence, Monsieur et Madame [F] n'ont pas en conséquence pu acquérir par usucapion la propriété du sol sur lequel était posé le réservoir - lequel n'est d'ailleurs plus présent.

S'agissant de l'appentis construit au moyen de tôles d'acier, Monsieur et Madame [F] font valoir qu'il s'agit d'une construction légère et démontable, constituant un juste usage de leurs droits d'indivisaires et ne revendiquent aucune prescription par usucapion.

Cependant, il résultait du procès-verbal dressé à l'initiative de Monsieur [Y] que l'installation de cette palissade a pour effet de clôturer la partie de la cour adossée à la maison de Monsieur et Madame [F] et de leur en réserver l'usage exclusif, le privant ainsi de son usage. En conséquence, Monsieur [Y] est fondé à obtenir la destruction de l'installation, qui n'est pas conforme à la destination de l'immeuble et qui porte atteinte à ses droits concurrents sur cette partie de la parcelle indivise.

En conséquence, le jugement sera infirmé et il sera fait droit à la demande de Monsieur [Y], assortie d'une astreinte.

*** Sur la demande d'élagage des plantations de Monsieur [Y]

Les époux [F] forment appel incident pour obtenir l'élagage des végétaux plantés sur les parcelles de l'appelant, dont les branchages surplombent leurs parcelles et la cour indivise, en versant à l'appui de leur affirmation un constat d'huissier dressé le 18 février 2021.

Monsieur [Y] demande la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande, au motif que celui-ci indiquait avoir procédé à l'élagage sollicité et que les pièces versées ne démontraient pas la persistance du trouble évoqué.

L'article 552 du code civil précise que la propriété du sol emporte celle du dessus ; il s'ensuit que le propriétaire est en droit de réclamer l'élagage des végétaux de son voisin dont les branchages débordent sur sa parcelle.

Bien que le jugement ait stigmatisé la carence probatoire des intimés à établir la persistance de l'empiétement alors que l'appelant avait versé des photographies établissant qu'il avait procédé à la taille des végétaux, ceux-ci ne versent aucune pièce à l'appui de leur appel incident.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes

**** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que les dépens seraient employés en frais de partage.

Il sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa propre demande.

Monsieur [Y] étant accueilli en ses demandes et Monsieur et Madame [F] déboutés des leurs, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Ils seront pour ces mêmes motifs condamnés in solidum à payer à Monsieur [Y] la somme de 2500 euros pour les frais de procédure exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Verdun en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [F] de leurs demandes d'élagage et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme en ce qu'il a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision composée de la parcelle suivante : commune de [Localité 6], [Localité 18], section B n° [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca,

- commis Maître [N] [E], notaire à [Localité 21], pour procéder aux opérations de liquidation-partage, défini sa mission et désigné un juge commis,

- sursis à statuer sur la demande de démolition de la construction édifiée par Monsieur et Madame [F], dans l'attente du dépôt du projet d'acte liquidatif par le notaire ou, à défaut, de la transmission de l'acte de partage régularisé par les parties,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- débouté Monsieur [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Monsieur et Madame [F] de leur demande de compte, liquidation et partage de l'indivision composée de la parcelle suivante : commune de [Localité 6], [Localité 18], section [Cadastre 16] pour 4 a 52 ca ;

Condamne Monsieur et Madame [F] à détruire la construction en tôle d'acier édifiée dans la cour indivise le long de leur immeuble, sous astreinte de 150 euros par mois de retard passé un délai de trois mois courant à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne Monsieur et Madame [F] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne Monsieur et Madame [F] à payer à Monsieur [Y] la somme de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame BOUC, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : C. BOUC.-

Minute en treize pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01787
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;23.01787 ?
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