ARRÊT No26R.G. : 04/03318 CJ/CMTRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS13 mai 2004DUFAUDC/CAMBUZATLa Caisse DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE L'ARDÈCHECOUR D'APPEL DE NIMESCHAMBRE CIVILE1ère Chambre AARRÊT DU 16 JANVIER 2007APPELANTE :Madame Nathalie X... épouse Y... le 07 Février 1971 à AUBENAS (07200)Les Vernades07260 ROSIÈRESreprésentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Courassistée de la SCP RIBEYRE-D'ABRIGEON VESSON, avocats au barreau de PRIVAS(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/007782 du 10/11/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NIMES)INTIMES :Monsieur Benoit Z... le 18 Juin 1960 à SAIGONBALBIAC07260 ROSIÈRESreprésenté par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Courassisté de la SCP BAVEREZ RUBELLIN BERTIN PETITJEAN-DOMEC, avocats au barreau de LYONLa Caisse DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE L'ARDÈCHE Assigné en intervention forcée et en déclaration d'arrêt commun.5 Avenue du VanelBP 61407006 PRIVAS CEDEXn'ayant pas constitué avoué,assignée à personne habilitée ORDONNANCE DE CLÈTURE rendue le 20 Octobre 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :M. Pierre BOUYSSIC, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller GREFFIER :Mme Véronique A..., Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.MINISTÈRE PUBLIC :Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.DÉBATS :à l'audience publique du 14 Novembre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2007.Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 16 Janvier 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
****A la suite du décès de son père, Monsieur Henri X..., survenu le 16 avril 1999 dans le service des urgences de l'hôpital d'AUBENAS (07), Madame X... épouse B... déposait plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction de PRIVAS du chef d'homicide involontaire contre le Docteur C... et les membres du personnel soignant de l'hôpital.Reprenant les griefs exposés dans une plainte déposée par sa mère et classée sans suite au mois de février 2000, Madame B... reprochait au Docteur C... une fausse manoeuvre lors du repositionnement d'une sonde naso-gastrique introduite par erreur dans le poumon gauche de Monsieur X... qui, bien qu'atteint d'une affection cancéreuse, était selon elle décédé des suites des lésions causées par cet acte.Le 26 septembre 2002, le magistrat instructeur rendait une ordonnance de non lieu estimant que les manques de précaution relevés par l'expert ne caractérisaient pas la faute constitutive du délit d'homicide involontaire contre le médecin généraliste qui s'était tenu à la disposition constante du patient et confronté à des circonstances exceptionnelles.Par exploit du 18 novembre 2002, Madame X... a fait assigner le Docteur C... devant le Tribunal de Grande Instance de PRIVAS sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil, pour non respect des règles de sécurité afin d'obtenir paiement des sommes suivantes :- au profit de la succession :* la somme de 3.000 euros au titre de l'I.T.T., * la somme de 10.000 euros au titre du pretium doloris,* la somme de 20.000 euros au titre de la perte de l'espérance de vie,- au titre de son préjudice personnel : * la somme de 18.000 euros en réparation du préjudice moral,* la somme de 2.000 euros en réparation de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Par jugement du 13 mai 2004, le Tribunal de Grande Instance de PRIVAS a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation, dit Madame X... recevable à agir mais l'a déboutée de ses prétentions formées sur le fondement
des articles 1382 et 1383 du Code Civil comme de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame X... épouse B... a été condamnée aux dépens.Elle a relevé appel de cette décision.Aux termes d'écritures signifiées le 5 octobre 2006 après mise en cause de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE de l'ARDÈCHE, elle demande la condamnation du Docteur C... au visa des articles 753, 1220 et 1147 du Code Civil, à lui payer les sommes sollicitées en première instance au profit de la succession et au titre de son préjudice personnel outre intérêts de droit.Elle soutient en substance que :- le visa des articles 1382 et 1383 dans l'assignation n'était pas repris dans les conclusions récapitulatives signifiées le 31 juillet 2003 rappelant l'existence du lien de causalité entre le respect des règles de sécurité et l'I.T.T. puis le décès de Monsieur X...,- elle est bien fondée en cause d'appel à modifier et adjoindre au moyen de droit invoqué en première instance,- l'ordonnance de non lieu et le rapport d'expertise du Professeur MALICIER caractérisent la responsabilité civile du Docteur C... dont le geste médical et l'absence de précaution sont à l'origine directe des complications pulmonaires qui ont entraîné le décès de Monsieur X...,- l'I.T.T. a été subie depuis l'admission au CHU de PRIVAS jusqu'au décès,- les souffrances physiques ont été extrêmement importantes,- l'espérance de vie de Monsieur X... était de l'ordre de deux ans à la date des faits,- elle a été en permanence au chevet de son père depuis l'intervention fautive du docteur C...,- elle s'est heurtée à de nombreuses difficultés malgré le caractère d'évidence des erreurs commises par le praticien.Par écritures signifiées le 20 octobre 2006, dont la régularisation n'est pas contestée, Monsieur C... conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté des demandes de Madame B.... A titre subsidiaire, il entend voir dire satisfactoires les offres présentées
avant recours des tiers payeurs. Il sollicite l'allocation d'une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Il expose pour l'essentiel que :- le juge n'a pas l'obligation de changer le fondement juridique de la demande,- les conclusions d'appel sont irrecevables car ne contenant pas l'exposé des moyens de droit et de fait,- il n'existe en la matière aucune règle de sécurité,- les éléments recueillis dans le cadre de l'information judiciaire ne caractérisent pas une faute causale qui lui serait imputable,- il incombe au patient de rapporter la preuve d'un manquement du médecin à son obligation de moyens,- au pénal la personne mise en examen n'a pas la faculté de discuter les termes de la mission confiée à l'expert,- le juge d'instruction a précisément écarté la faute retenue par l'expert en rappelant que selon les termes mêmes de son premier rapport celui-ci avait soulevé la difficulté particulière et le grand aléa présenté par cet acte médical sur un patient présentant un terrain néoplasique en phase très évoluée et en relevant que le médecin avait donné des soins consciencieux et attentifs mais qu'il s'était trouvé confronté à des circonstances exceptionnelles,- l'avis du Professeur MALICIER est directement contredit par l'avis du Professeur RODAT désigné dans une affaire similaire selon lequel le test à l'air comporte beaucoup de faux positifs,- il n'a jamais été établi qu'il ait mal positionné la sonde alors que Monsieur X... a pu ensuite ingérer sans difficulté une poche de nutriments d'un volume de 300 à 500 cm3 et ne s'est senti mal que le lendemain matin,- à l'hôpital Monsieur X... a encore absorbé une poche de nutriments avant que ne soit diagnostiquée la fausse route alimentaire, ce qui a provoqué la détresse respiratoire aiguù puis le coma de Monsieur X...,- la preuve d'un manquement à ses obligations en rapport de causalité avec le dommage n'est pas rappelée,
- à titre très subsidiaire les indemnités suivantes sont proposées :* 1.000 euros en réparation de l'I.T.T.,* 5.000 euros au titre du pretium doloris,* 5.000 euros pour le préjudice moral de Madame B... à l'exclusion de celui consécutif au décès, Monsieur Henri X... étant atteint d'une pathologie au dessus de toute ressource thérapeutique.La MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE de l'ARDÈCHE assignée à personne habilitée n'a pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du Nouveau Code de Procédure Civile.La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 octobre 2006.MOTIFSSur la recevabilité de la demande fondée sur la responsabilité contractuelleATTENDU que l'assignation délivrée à la requête de Madame X... épouse B... était expressément et exclusivement fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil ; qu'il n'est ni établi ni même soutenu que les conclusions récapitulatives du 31 juillet 2003 aient fait référence au fondement de la responsabilité contractuelle ou à l'article 1147 du Code Civil ; que le Tribunal a visé ces écritures en précisant que Madame B... concluait "au maintien de ses prétentions sur le fondement de l'article 1220 du Code Civil" ;ATTENDU que si l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile permet au juge de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande, il ne lui en fait pas obligation ;ATTENDU qu'il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien
l'engagement de donner des soins attentifs, consciencieux et sous réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; qu'il en résulte une responsabilité contractuelle à l'exclusion d'une responsabilité délictuelle, pourtant seule invoquée par Madame B... en première instance ; que le tribunal a donc à juste titre débouté Madame B... de ses demandes fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil ;ATTENDU qu'en application des articles 563 et 565 du Nouveau Code de Procédure Civile, les moyens nouveaux sont recevables en appel pour justifier les prétentions soumises au premier juge et les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles présentées au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce la demande formée par Madame B... tend comme en première instance à la réparation du préjudice subi par Monsieur X... et à l'indemnisation de son préjudice personnel ; que les sommes demandées sont les mêmes ; que seul le fondement juridique diffère, la responsabilité contractuelle étant invoquée devant la Cour alors qu'en première instance, Madame B... fondait ses prétentions sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil ce qui a conduit le Tribunal à les rejeter ; que la demande en réparation soumise à la Cour au visa de l'article 1147 du Code Civil est recevable ; que les moyens de droit et de fait présentés à son appui sont exposés dans les conclusions d'appel ;Au fondATTENDU que la responsabilité du médecin est subordonnée à la reconnaissance d'une faute commise par lui qu'il appartient au patient ou à ses ayants-droit de prouver ;ATTENDU que Madame B... se prévaut de l'ordonnance de non lieu et du rapport d'expertise du Professeur MALICIER commis par le magistrat instructeur, pour affirmer qu'il existe un lien de causalité entre le mauvais positionnement de la sonde naso-gastrique par le Docteur C... qui n'a pas respecté les
règles de sécurité et l'I.T.T. puis le décès de Monsieur X... ;ATTENDU que les rapports et pièces figurant au dossier soumis à la discussion contradictoire des parties établissent la chronologie suivante :- Monsieur X... né le 24 novembre 1934, atteint d'un cancer du larynx très avancé, avait été renvoyé à son domicile en raison de l'absence de toute solution thérapeutique après le traitement par radiothérapie et chimiothérapie, le pronostic vital étant des plus réservés à brève échéance un à deux ans ; il était alimenté par une sonde naso-gastrique qu'il a accidentellement arraché dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 janvier 1999 ; le Docteur C..., médecin généraliste consulté le 25 janvier à cette fin, plaçait en cabinet une autre sonde naso-gastrique d'alimentation et, effectuait un contrôle en injectant une seringue d'eau sans réaction de toux du patient qui regagnait son domicile,- Monsieur X... absorbait une poche de nutriments à midi puis une nouvelle le lendemain et présentait alors des difficultés respiratoires importantes,- il était hospitalisé au service des urgences du CHU de PRIVAS puis au service d'ORL, - en fin de journée, à la suite d'une aggravation de la détresse respiratoire de Monsieur X..., le médecin ORL était appelé et procédait à un examen puis à un contrôle radiographique qui confirmaient un mauvais positionnement de la sonde au niveau bronchique gauche et une inondation du poumon gauche,- Monsieur X... était transféré en réanimation où son état s'aggravait jusqu'au coma ensuite de complications infectieuses,- Monsieur X... décédait le 16 avril 1999 ;ATTENDU que le Docteur C... n'était pas le médecin traitant de Monsieur X... et ignorait que celui-ci avait subi des traitements chimio-thérapiques et radio-thérapiques ayant aboli le réflexe de toux révélateur au test à l'eau du mauvais positionnement de la sonde ; qu'il ignorait également la localisation exacte de la tumeur cancéreuse et ne
disposait pas comme les médecins l'ORL d'un naso-fibroscope, ni d'un équipement de radiographie permettant de situer précisément la tumeur ; qu'il n'a pas été rappelé dans les heures consécutives à son acte médical par la famille de Monsieur X... pour signaler un problème ; que l'examen de contrôle par ORL et la radiographie ont été effectués au CHU, d'ailleurs avec retard, le médecin ORL n'étant pas de garde à l'admission de Monsieur X... ;ATTENDU que la légitimité du geste médical tendant à la remise en place de la sonde naso-gastrique alors indispensable à l'alimentation de Monsieur X... ne peut être remise en cause ;ATTENDU que le non respect de règles de sécurité reproché au Docteur C... consiste d'une part dans la non utilisation d'une sonde radio-opaque, dans l'absence de contrôle radiographique et d'autre part dans le recours du test à l'eau et non au test à l'air ; que toutefois il n'est pas établi que le recours au test à l'eau soit contraire aux données acquises de la science ; que le Professeur RODAT, expert près la Cour de Cassation désigné dans une autre affaire a précisé à cette occasion dans son rapport que :- la sonde naso-gastrique peut être parfaitement mise en place par un infirmier,- le contrôle le plus efficace de la bonne position de la sonde est le contrôle radiographique qui n'est accessible que dans les établissements disposant d'un appareil de radio,- à défaut le contrôle par injection d'air est utilisé mais comporte beaucoup de faux positifs, environ 34 %,- les deux autres techniques sont subordonnées à l'existence de liquide gastrique ;ATTENDU que le test à l'eau est décrit par le Professeur MALICIER comme risqué, si le réflexe de toux est aboli ou si le sujet est comateux ; qu'en l'espèce Monsieur X... n'était pas dans le coma et le Docteur C... n'était pas informé des traitements précédemment subis susceptibles d'abolir le réflexe de toux ; qu'il n'était pas équipé d'un matériel de radio ; qu'il faut en effet relever que ce médecin
généraliste est intervenu à la demande de Monsieur X... qu'il ne traitait pas habituellement pour replacer en urgence une sonde en cabinet et non en service hospitalier, sans possibilité immédiate de pratiquer une radiographie de contrôle, le service le plus proche étant à 25 kms ; qu'il s'est tenu à la disposition du patient en cas de survenance de problème et a rendu compte de son intervention dans un courrier destiné au médecin traitant ; que le renvoi du malade demeurant dans le village de ROSIÈRES (07) sur le centre hospitalier impliquait un transport de celui-ci sur AUBENAS ;ATTENDU qu'aucun manquement aux règles de sécurité n'est caractérisé à l'encontre du Docteur C... tenant les circonstances exceptionnelles de son intervention et les moyens dont il disposait ; que le matériel et l'examen radiographique auxquels le Professeur MALICIER fait référence dans son rapport sont disponibles en service hospitalier mais non en cabinet ; ATTENDU que si la maladresse dans le geste médical engage la responsabilité du praticien, celle-ci est écartée dans le cas où le dommage était inévitable en raison d'une anomalie physique du patient ;ATTENDU qu'en l'espèce Monsieur X... n'a pas eu de réaction de toux ni de nausée après l'introduction de la sonde ; que comme précédemment exposé, le Docteur C... ignorait les traitements précédemment subis par son patient ; que le test à l'eau n'a pas révélé la mauvaise position de la sonde ;ATTENDU que les rapports d'expertise établissent que Monsieur X... était atteint d'un cancer du sinus-périforme en phase très évoluée et une sténose oesophagienne à 23 cm relevée par l'endoscopie réalisée au cours de l'hospitalisation ; que la gastroscopie et l'oesophagoscopie au tube enfant s'était avérées irréalisables alors que Monsieur X... était en service hospitalier ; que le réflexe de toux avait été aboli en raison de la modification du carrefour laryngo-laryngé par la radiothérapie ; que le Docteur D..., chirurgien ORL, entendu par le
Docteur E... requis par Monsieur le Pro